06/12/2008
Au panier ! | album d'Henri MEUNIER (texte) & Nathalie CHOUX (ill.)
Éd. du Rouergue | octobre 2004 | 10,50€
Dans un parc, une femme noire, un chat vert et un drôle d'oiseau sans papiers d'identité se font arrêter par la police… Un jeune garçon semblant être «bien de chez nous» avoue, sans qu'on le lui ait demandé, ne pas avoir de papiers non plus, et monte dans le fourgon. Malin, il dénonce le soleil qui vient de l'est; ni une ni deux, le policier l'enferme avec les autres… Tous ensemble, ils retrouvent le sourire, tandis que le policier se retrouve dans le noir… Tel est pris qui croyait prendre!
Une manière simple de dénoncer les abus d'un État obscurantiste et policier. Un livre sur la différence, les conséquences d'un État policier, sur le droit de libre circulation et de résidence.
Marie Buraud
(première publication de l'article : 2 juin 2005)
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L'Île | album d'Armin GREDER
Traduit de l'allemand par Gaëlle Toquin et Claude Dagail
Éd. La Compagnie créative | octobre 2005 | 15€
Un jour, un homme venu sur un radeau de fortune débarque sur l'île. Les habitants l'observent et s'interrogent sur le sort à lui réserver. Certains, les plus nombreux, veulent le renvoyer par où il est venu et le jeter à la mer. Le pêcheur s'interpose en leur expliquant que cela reviendrait à le condamner à une mort certaine. Les habitants de l'île décident finalement de le recueillir et le conduisent dans une étable dont ils ferment la porte à clef. Satisfaits, ils retournent à leurs occupations. Jusqu'au jour où l'étranger s'étant échappé arrive dans les rues du village et déclenche, par sa seule présence, une émeute. L'homme parvient pourtant à leur faire comprendre qu'il a faim et le pêcheur à convaincre les îliens qu'il faut le nourrir, faute de quoi il mourra tout aussi sûrement qu'abandonné à l'océan. Mais les habitants de l'île résistent et expliquent «nous ne pouvons tout de même pas nourrir toutes les bouches qui nous arrivent». Le pêcheur a alors une idée: il faut employer l'étranger pour qu'il gagne sa pitance, tout en le payant bien moins qu'un autochtone. Mais là encore la méfiance l'emporte et, doutant des capacités de l'inconnu, les habitants décident finalement de lui donner les restes destinés aux cochons et de l'enfermer de nouveau dans l'étable. Seulement maintenant ils savent que l'homme est dans leur village, ils pensent à lui sans cesse, sa présence invisible sert à effrayer les enfants pas sages, et c'est comme s'il était partout. La peur grandit peu à peu et les habitants de l'île décident que l'homme doit partir. Ils le jettent à la mer sur son embarcation de fortune. Ils brûlent le bateau du pêcheur qui les avait convaincus d'accueillir l'étranger et ils tuent tous les oiseaux témoins de leur méprisable forfait.
La parabole est un peu appuyée mais très efficace. On pense bien sûr à ces africains rejetés sur les plages des côtes européennes. On pense aussi à tous les discours haineux qui entretiennent la peur de l'autre et justifient le pire. Des discours qui portent haut ses derniers temps, comme dans les années les plus obscures de l'histoire récente.
Les dessins sont très beaux, très sombres. La manière qu'ils ont parfois de contredire le texte est saisissante, comme lorsque les habitants de l'île «recueillent» l'inconnu alors qu'on les voit le pousser de leurs fourches vers l'étable où ils l'enfermeront. Le contraste aussi entre l'homme maigre et nu et les îliens gros et ventripotents, engoncés dans leurs habits gris, est très parlant. À signaler également la mise en page: fonds blancs sur lesquels se découpent les dessins au crayon, ou plusieurs vignettes sur fonds de couleur qui occupent le centre de la page et racontent un moment de l'histoire. Par son contenu comme par sa forme, L'île est un album difficile et rare qui tranche dans la production de la fin de l'année 2005.
Ariane Tapinos
(première publication de l'article: 11 février 2006)
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05/12/2008
Un homme | album de Gilles RAPAPORT
Éd. Circonflexe | avril 2007 | 13 €
Un esclave s'adresse à son maître. Une victime interpelle son bourreau. Un homme s'adresse à l'humanité toute entière.
Puissance des mots. Dureté du regard. Des yeux blancs nichés au cœur d'un visage noir ébène. Et Gilles Rapaport de raconter ce que des hommes ont fait subir à leurs semblables. Ce que les Blancs - et leurs complices - ont fait subir aux Noirs réduits en esclavage. Et la stupeur vient du contraste entre la barbarie à l'œuvre et l'esclave qui s'adresse à son tortionnaire et, au-delà de lui, nous regarde. Et de bout en bout, de la cale du bateau à la liberté proclamée le 4 mars 1848, il se dresse et dit: Je suis un être humain, je partage avec toi cette tragique qualité. Tu me ressembles.
Est-il besoin de dire encore à quel point Gilles Rapaport est un très grand artiste? Texte et image se complètent, mais chacun pourrait presque exister sans l'autre, tant l'un et l'autre sont aboutis. Comme on peut couper le son ou fermer les yeux devant certains grands films. Gilles Rapaport prend à bras le corps les blessures de l'Histoire. Il poursuit, au fil de ses albums, tels Grand-Père et Champion, son questionnement sur la nature de l'homme. Au cœur des débats sur les responsabilités dans la traite nègrière et les mémoires de l'esclavage, ce très bel album interroge notre mauvaise conscience. Il s'adresse aux adultes autant qu'aux enfants; il est passeur des uns aux autres.
par Ariane Tapinos (16 juillet 2007)
PS : À lire, aux éditions Circonflexe : Grand-père et Champion
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Strongboy, le tee-shirt de pouvoir | album d'Ilya GREEN
Éd. Didier jeunesse | mars 2007 | 10,90 €
«Aujourd'hui, Olga a mis son tee-shirt STRONGBOY» et comme le tee-shirt Strongboy est unique, il confère à Olga une autorité quasi divine sur ses petits camarades. Elle est la chef, c'est elle qui donne les ordres et y'a pas à discuter. Hélas, les tyrans c'est bien connu sont souvent à l'origine de leur propre perte: Olga a envoyé le chat chercher une glace à la fraise, il revient donc avec une glace à la fraise et… un tee-shirt Strongboy, parce que le marchand de glace, il en donne à tous ses clients, des tee-shirts Strongboy (le fourbe). Le Chat, Sophie, Gabriel, Olga… tout le monde est le chef maintenant et il n'y a plus personne à commander, à part un petit oiseau qui passe par là…
On retrouve avec joie la Olga de L'Histoire de l'œuf, toujours aussi dynamique et irascible, accompagnée cette fois de toute une tripotée de camarades tous plus craquants les uns que les autres, le tout plein de couleurs, de mouvement et de fourmis.
par Nathalie Ventax (5 avril 2007)
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Raymond rêve | album d'Anne CRAUSAZ
Éd. MeMo | septembre 2007 | 14 €
Raymond est le frère aîné d'une grande famille: né des amours de Germain et Lucette, il a des dizaines de frères qui bientôt envahissent la page. Raymond est un escargot. Et sous nos yeux ses rêves prennent forme: il se transforme bientôt en limace, en serpent sonné, en dragon, en pieuvre, en pomme chatouilleuse ou amoureuse, en extraterrestre, en fraise ou même en éléphant.
Les jolies courbes si simples de l'escargot se prêtent avec humour à toutes ces transformations. Car il suffit d'un changement de couleur, d'un déplacement léger du trait ou d'un vide opportun pour accomplir le jeu de travestissement. Raymond est toujours là, ni tout à fait le même, jamais vraiment un autre. L'idée de l'album est simplissime, sa mise en application parfaite.
Réalisé avec finesse, précision, tendresse - jusqu'au papier qui appelle la caresse - ce petit livre des métamorphoses est un vrai régal pour l'imagination, à partager sans réserve avec les tout-petits.
par Corinne Chiaradia (11 octobre 2007)
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La Porte album | album de Michel VAN ZEVEREN
Éd. Pastel | janvier 2008 | 9,50 €
Une petite fille, ou plutôt une petite cochonne, se prépare à prendre un bain. Elle sort une serviette de toilette propre, se déshabille et, avant de plonger dans l'eau, s'admire dans un miroir. Mais la porte s'ouvre: c'est maman qui vient changer bébé et… prendre un bain avec lui. Puis les deux frères vont aux toilettes (situées dans la salle de bain) à tour de rôle. Le père vient ensuite se laver les dents, maman sort du bain. Le chat entre… et enfin seule, la petite cochonne peut se plonger dans un bain bien mérité!
Dans ce va-et-vient en salle de bain, un seul mot est prononcé: LA PORTE! Et c'est la petite cochonne excédée qui l'envoie en capitales à son encombrante famille. Pas un mot, pas de texte donc, mais les regards éloquents d'une petite fille qui aspire à un peu d'intimité. C'est plein d'humour et en même temps très juste. Cette pudeur des enfants, dont les adultes font parfois si peu de cas, est croquée avec un amusement communicatif. Et quand enfin elle peut se glisser dans la baignoire, après avoir fermé la porte, la petite cochonne s'entortille dans une serviette et tire le rideau, histoire de se prémunir contre toute intrusion familiale.
par Ariane Tapinos (20 mars 2008)
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Orphée Dilo et autres contes des Balkans | Livre-CD contes en musique
Racontés par Muriel BLOCH | Illustrés par Gérard DUBOIS
Musique d’Eric SLABIAK
Éd. naïve | second semestre 2006 | 22 €
Sur les traces d’Orphée Dilo, le musicien fou des Carpates, ce très beau livre-disque nous entraîne sur les routes sinueuses des Balkans, cette «Macédoine» composée d’«un peu d’Orient, Juifs, orthodoxes,musulmans»… Terre de musique, de mélancolie et de joie, cette région du monde qui n’est ni tout à fait Europe, ni tout à fait Orient, fascine par son aptitude au bonheur mêlée à son sens du tragique. Les récits de fêtes alternent avec les histoires douloureuses. Comme dans les banquets tsiganes, la musique accompagne rires et larmes, dans ce voyage au cœur des légendes des «pays enveloppés de brouillard».
Les contes, racontés avec passion par Muriel Bloch, alternent avec les magnifiques musiques composées par Eric Slabiak, du groupe Les Yeux Noirs, et au milieu desquelles vient se nicher une chanson de Mélina Mercouri, sur une musique de Joe Dassin.
Les illustrations de Gérard Dubois sont autant de peintures dont la patine fait penser à des fresques un peu usées par le temps et les sentiments. Comble du raffinement, la maquette fait la part belle aux motifs inspirés des carreaux de ciment ou des étoffes d’Orient et concourt à faire de cet album un objet magnifique.
par Ariane Tapinos (jeudi 14 décembre 2006)
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04/12/2008
Les bibliographies de Comptines
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Compte les étoiles | roman de Loïs LOWRY
Traduit de l’américain par Agnès Desarthe.
Éd. L'École des loisirs, coll. Neuf, 1990, 228 pages – 6 €
Annemarie Johansen, dix ans, rentre de l’école en courant avec sa petite sœur Kirsti et sa meilleure amie Ellen Rosen. Elle se heurte à un soldat allemand. Nous sommes à Copenhague en 1943, et l’Occupation se fait sentir partout, dans les restrictions alimentaires et l’omniprésence des soldats. Annemarie s’inquiète, s’interroge : elle voudrait comprendre ce que lui cachent ses parents et, par-dessus tout, elle aimerait être courageuse. Mais qu’est-ce que le courage et que peut-elle faire quand même les adultes semblent avoir peur ? Une nuit, les Allemands perquisitionnent et les Johansen doivent cacher Ellen. Annemarie et sa famille vont dès lors, comme beaucoup d’autres Danois, participer au sauvetage de milliers de juifs en organisant leur fuite, par bateau, vers la Suède.
Loïs Lowry – à qui l’on doit entre autres, la série des Anastasia – raconte cet épisode édifiant de la Seconde Guerre mondiale sans grandiloquence. Elle nous fait partager le courage simple et l’humanité de tout un pays pour lequel résister aux lois anti-juives édictées par l’occupant, c’est d’abord agir en bons voisins.
Nathalie Ventax (février 2005)
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03/12/2008
Le Petit Garçon étoile | album de Rachel HAUSFATER-DOUÏEB et Olivier LATYK (ill.)
Éd. Casterman, coll. Récits d'aujourd'hui, [2001] mai 2003 - 13,95 €
(À partir de 6 ans)
Un petit garçon apprend un jour qu’il est une étoile. Au début il est plutôt fier. Puis la honte vient avec le sentiment de n’être plus qu’une étoile. La peur vient aussi et le fait se cacher. Longtemps. Enfin un matin il peut sortir au grand jour. Il fait beau, mais les autres étoiles ne reviennent pas. Des mots très simples. Des images très sobres, presque naïves, jusqu’à cette double page où l’on voit un train se diriger vers l’entrée d’Auschwitz, dont la cheminée recrache des étoiles. La grande histoire vue par les yeux d’un enfant, pour mieux se mettre à la portée des jeunes lecteurs. Un livre où la poésie se mêle à l’horreur pour délivrer un message d’espérance.
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