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06/12/2008

Même les mangues ont des papiers | album d'Yves PINGUILLY (texte) & Aurélia FRONTY (ill.)

meme les mangues.gifÉd. Rue du Monde | octobre 2006 | 14 €

Momo et Khady imaginent le monde depuis leur village d'Afrique. En regardant le soleil revenir chaque matin de son voyage de l'autre côté du monde, Momo rêve de découvrir à son tour cette mystérieuse partie du monde. Il imagine que là-bas, il pourra travailler pour «soigner et nourrir» sa mère et ses sœurs. Khady essaie de l'en dissuader avec humour: «Là-bas, de l'autre côté de la terre ronde, le monde est l'envers. Il marche sur la tête!» Plus sérieusement, Momo est prêt à attendre d'avoir grandi pour faire le voyage. Il attendra que sa vie, comme les mangues, soit mûre pour partir. «Plusieurs saisons des pluies… et plusieurs saisons sèches» passent et, comme les mangues, Momo et Kadhy, sont prêts. Ils se cachent dans un grand camion, au milieu des fruits mûrs et se glissent à bord d'un grand navire. Au matin, le bateau a quitté le quai mais l'autre côté du monde est encore très loin quand Momo et Kadhy, à peine sortis de leur cachette, sont repérés par des marins qui leur réclament leurs papiers… Leurs papiers? En fouillant leurs poches, ils trouvent un vieux journal et un poème appris à l'école. Le capitaine leur explique que les mangues, elles, ont des papiers. Elles sont «enregistrées, numérotées… tamponnées». Elles, elles ont le droit de voyager. Rien de tel pour Momo et Kadhy qui doivent débarquer. Momo pleure l'aide qu'il ne pourra apporter à sa famille, mais Kadhy sait trouver les mots qui consolent. Elle lui dit : «Momo, toi et moi ensemble, nous sommes le monde entier. Chacun une moitié; À égalité.»

Un album lumineux qui raconte tout en douceur l'histoire tragique de ces hommes et ces femmes qui quittent leurs pays, attirés par les mirages de l'Occident. Ici, l'histoire se termine au mieux pour Momo et Kadhy, pas de papiers, pas de voyage. Dans la réalité parfois la mort, souvent la misère, sont au bout du voyage. Momo et Kadhy apprennent avec désarroi que de l'autre côté du monde, les humains sont moins bienvenus que des fruits mûrs et que chacun, homme, femme, fruit, marchandise, doit avoir «ses papiers». Une belle manière d'expliquer aux petits une réalité à la fois abstraite et absurde. Une manière presque trop belle… Rien dans la clarté des splendides illustrations d'Aurélia Fronty ne nous fait percevoir la misère qui pousse tant d'hommes et de femmes à quitter leurs rivages ensoleillés.

Ariane Tapinos
(première publication de l'article: 9 février 2007)