28/11/2017
LA CITÉ DE L'OUBLI
roman
de Sharon CAMERON
Traduit de l’américain par Alexandra Maillard
Éd. Nathan, octobre 2017, 460 pages - 17,95€
« Je suis fait de mes souvenirs »
Que se passerait-il si, à intervalles réguliers, nous oublions tout, sur nous mêmes, nos proches, le monde qui nous entoure… ?
C’est ainsi que vivent les habitants de la petite citée de Canaan. Tous les douze ans, ils subissent l’Oubli. A l’issue d’un déferlement sauvage de tous les instincts les plus bas, ils oublient tout ce qui a précédé ce moment. Leur seul lien avec leur passé, leur identité, est maintenu grâce au livre que chacun écrit depuis son plus jeune âge et conserve toujours sur lui. Ceux qui ont le malheur de l’avoir égaré au moment de l’Oubli perdent tous leurs repères et sont condamnés à être des Perdus, des êtres sans passé, sans famille, qui vivent dans un enclos de la cité et lui fournisse une main d’oeuvre gratuite.
Pourtant, Nadia Fille de la Teinturière, elle, se souvient. Elle sait que son père n’est pas mort. Pire, elle a encore en mémoire ce moment atroce où son père lui arrache son livre des mains et lui en impose un autre, différent, qui raconte une autre histoire que la sienne. Depuis, elle le croise souvent, avec sa nouvelle femme et leurs deux enfants. Depuis, la raison de sa mère est toujours vacillante. Bientôt douze ans se seront écoulés depuis le dernier Oubli. Nadia sait qu’il lui reste peu de temps si elle veut à la fois protéger sa famille d’une nouvelle implosion et découvrir ce qui se cache au-delà des murs de Canaan. Aidée de Gray Fils du Souffleur de verre, elle va percer les secrets de Canaan.
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30/11/2015
UN NOËL D'ENFANT AU PAYS DE GALLES
roman poétique
de Dylan THOMAS, illustré par Peter BAILEY
Traduit de l'anglais par Lili Sztajn
Éd. Gallimard Jeunesse, (première édition française du texte : Denoël 2005) octobre 2015, 74 pages - 13,90€
« Il y a de cela des années et des années, quand j’étais un petit garçon, quand il y avait des loups au pays de Galles, quand les oiseaux de la couleur des jupons de flanelle rouge frôlaient d’une aile vive les collines aux courbes de harpe, quand nous chantions et nous prélassions toute la nuit et le jour dans des grottes qui sentaient le dimanche après-midi dans les salons humides des fermes, et que nous chassions, avec des mâchoires de diacres, les Anglais et les ours, avant l’automobile, avant la roue, avant le cheval à tête de duchesse, quand nous montions à cru les collines heureuses, il a neigé, neigé. »
Le poète Dylan Thomas égrène des souvenirs des Noël de son enfance au pays de Galles. Du temps où la neige recouvrait les collines, du temps ou les oncles « à forte carrures » et les « tantes menues » venaient partager le repas familial. Le lecteur comme l’enfant qui l’interroge sur ces Noëls d’antan, s’émerveillera de ce qui existait alors, magnifié et transformé par le souvenir du poète et sa langue musicale. Car même si la neige tombe encore en décembre au pays de Galles, elle ne monte plus « du sol en écharpes », elle ne pousse plus « en une nuit sur les toits des maisons comme une mousse pure et bisaïeule ».
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16/10/2013
L'ANNIVERSAIRE
Album
de Pierre MORNET
Éd. Autrement, octobre 2013 – 16,50€
« Je tombe de sommeil. Tombe et retombe en enfance. Je me souviens. »
Une femme ferme les yeux, s’endort et se réveille en enfance. Elle est une petite fille en robe bleue pastel. C’est le jour de son anniversaire. Au cours d’une partie de cache-cache, elle pénètre dans la forêt et, surprise par l’orage, traverse les ténèbres avant de rejoindre la lumière éclatante d’une amitié naissante. Comment retrouver cette petite fille aussi blonde qu’elle est brune et dont elle doit se séparer au sortir de son rêve ? La Reine de la nuit lui accordera-t-elle de la revoir ?
« Je me souviens. C’est à nouveau le printemps. Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. »
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07/10/2013
UN VERRE
Album
d’Étienne DELESSERT
Éd. MeMo, septembre 2013
14 €
Ce verre, lancé à travers la cuisine par la mère adoptive d’Étienne Delessert, à l’occasion d’une dispute aujourd’hui oubliée, est toujours sur la table à dessin de l’artiste. Quand la lumière le traverse, c’est comme si sa (belle) mère était encore présente. Cet objet du quotidien, devenu objet du travail (il sert à ranger pinceaux et ustensiles) sert de fil conducteur à ce court récit autobiographique. C’est un exercice surprenant, rare et touchant auquel se livre cet immense artiste, que de nous confier une partie de son intimité, de partager avec nous ses souvenirs d’enfance et ses regrets aussi. Avec pudeur mais avec une étonnante et bouleversante franchise, il évoque les difficultés d’une vie entre deux pays, entre deux langues, deux cultures. Symbole du lien qui l’unit à celle qui aura été sa « vraie mère » , ce verre contient toute une vie et l’amour d’un fils pour celle qui l’a élevé.
Peut-être les enfants liront-ils dans cet album le surgissement du talent, de l’imaginaire dans la vie quotidienne et l’importance des liens qui unissent l’enfant à ses parents bien au-delà de l’enfance. Les adultes, ne pourront que se sentir flattés de ce partage.
Ariane Tapinos (octobre 2013)
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17/06/2012
LA MÉMOIRE DE L'ÉLÉPHANT. Une encyclopédie bric-a-brac
Album inventaire de Sophie STRADY (texte) & Jean-François MARTIN (illustrations)
Éd. Hélium, avril 2012
16,90 €
Marcel est un vieil éléphant qui a roulé sa bosse. Il a été musicien, matelot, chargé de l’entretien des arbres au jardin du Luxembourg… Aujourd’hui c’est son anniversaire et ses amis lui ont préparé une petite fête surprise.
De ce bref scénario, Sophie Strady et Jean-François Martin, font un album splendide et rempli de mille merveilles.
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05/05/2012
LA MAISON EN PETITS CUBES
Album de Kunio KATÔ & Keya HIRATA (illustrations)
Adaptation française de Pierre-Alain Dufour et Olivier Pacciani
Éd. nobi nobi!, mars 2012 – 14,95€
Un vieil homme habite une ville envahie par les eaux. Comme tous dans cette ville, il construit une nouvelle maison, un petit cube, sur la précédente au fur et à mesure que l’eau monte. Un jour, alors qu’il a entrepris une énième construction, il fait tomber l’un de ses outils dans les profondeurs de ses maisons empilées. Muni d’une combinaison de plongée, il part à sa recherche. Ce court voyage l’entraine dans les différentes strates de son passé. Chacune des maisons englouties réveille les souvenirs qui s’y attachent. Ici, sa femme est décédée, entourée de sa famille et de ses amis, plus loin, sa fille quitte la maison familiale, plus loin encore, ses enfants jouent sur une terrasse… Alors qu’il s’enfonce dans les eaux profondes, ses souvenirs eux, refont surface. Il finit par atteindre cette toute première maison, dans un village pas encore inondé. Cette maison c’est celle qui a abrité son amour naissant…
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29/01/2012
LA PRISONNIÈRE DU DJEBEL
Roman de Didier DAENINCKX
Éd. Oskar, coll. Histoire et Société
Janvier 2012, 72 pp. – 9,95 €
Suivi d’un entretien avec l’auteur
Alors qu’il fait des travaux dans l’appartement de son grand-père à Montreuil, Éric fait une étonnante et mystérieuse découverte. Bien cachés sous la baignoire, il trouve un pistolet, de vieilles cartes postales d’Algérie et une étrange photo sur laquelle il reconnaît Gilbert, son grand-père, aux côtés d’une jeune femme – européenne – attachée à un arbre. Peu de temps après, Éric retrouve Gilbert, en Charente Maritime où il a désormais élu domicile. Là, entre promenades et repas de famille, il tente de le faire parler du passé. Avec difficulté, Gilbert finira par lui livrer les secrets de cette photo : son enrôlement dans la Guerre d’Algérie, ses doutes et finalement sa désobéissance éclairée… Surtout, il dira enfin cette douleur sourde, ces «deux longues années d’aveuglement et de souffrances» sources d’une «blessure invisible» qui lui fait écrire qu’il s’est «amputé d’une partie de (sa) mémoire pour survivre».
Avec ce court roman, accessible aux jeunes lecteurs, Didier Daeninckx revient une fois de plus sur l’histoire trouble de la Guerre d’Algérie. Au-delà de cette histoire, inspirée pour partie de faits réels, il s’intéresse à la mémoire de cette guerre. Mémoire individuelle blessée, mémoire collective sélective… L’entretien avec l'auteur, proposé en fin de volume, est à ce titre très intéressant.
Ariane Tapinos (janvier 2012)
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27/01/2012
MIDI PILE, L'ALGÉRIE
Album documentaire de Jean-Pierre VITTORI & Jacques FERRANDEZ (ill.)
Éd. Rue du monde, coll. Histoire d’Histoire
Novembre 2001 – 12,20 €
Un vieil homme se remémore ses vingt ans en Algérie, sous l’uniforme d'appelé du contingent français. Pendant qu’il attend celui avec qui il a rendez-vous, sous le regard intrigué d’enfants du quartier, les évènements défilent dans sa tête et sur les pages. Jusqu’à ce jour où il laissé s’enfuir un rebelle qui lui-même venait de baisser son arme plutôt que de s’en servir. Cet homme a rendez-vous avec lui, aujourd’hui, quarante ans plus tard, à midi pile. C’est homme, c’est le grand-père de Saïd, l’un des gamins du quartier.
À chaque page, une photo d’archive, accompagnée d’une longue légende permet de suivre et comprendre le déroulement de la guerre qui n’a pas dit son nom, commencée en 1830 et achevée en 1962.
Cet album est intéressant par sa forme même qui mêle passé et présent, images illustrées et photos d’époques, fiction et documentaire. Une manière intelligente de s’adresser aux jeunes parce qu’elle rend actuelle une histoire ancienne et par-là lui donne un sens qui la rend accessible.
Ariane Tapinos (février 2012)
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20/03/2011
Hiroshima, deux cerisiers et un poisson-lune | album documentaire d'Alain Serres (textes) & Zaü (ill.)
Le principe de la collection est simple: un enfant (petit-enfant, neveu…) demande à un parent de lui raconter sa vie et ce récit, personnel, intime, fournit un éclairage sensible sur un événement de la «grande» histoire (qui est résumé en quelques vignettes documentaires, réparties au cours de l’album). Sur ce principe, Alain Serres a imaginé l’histoire de Yoko et de sa tante, Tsukiyo, toutes deux habitantes d’Hiroshima.
Yoko est une jeune fille d’aujourd’hui, curieuse, éprise de vérité, tandis que la vieille Tsukiyo, rescapée du bombardement atomique, semble vivre dans un univers parallèle, dont cerisiers, grues et poissons-lunes gardent l’entrée. Le texte d’Alain Serres peut paraître déroutant, parce qu’il se construit autour du silence et des fables inventées par la vieille femme pour échapper à la laideur du monde. Détournant, inversant presque, le principe de la collection: ici ce n’est pas le témoin qui livre «sa» version de l’histoire, mais l’enfant, très bien informée par l’école, les commémorations… qui assène les «vérités» historiques, cherchant à réveiller la parole de l’aïeule. Mais Tsukiyo se referme comme une huître («nos belles huîtres d’Hiroshima») et refuse obstinément de raconter les morts, le sang, les larmes et l’origine de la «prune sèche» qui ronge sa main, soixante ans après…
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Après moi, Hiroshima | roman de Franck Pavloff
[Zulma 2002] éd. Gallimard, coll. La Bibliothèque Textes & documents
2003, 222 pp. - 5,80 €
«Derrière lui, le monde s’enfuit, Allemagne, Québec, Mozambique. Le métro s’arrête-t-il toujours à Belleville? Son dos plie sous le poids de ceux qui ont tissé son histoire avant de disparaître, sa mère, Pazardjik, Maria, Eva. Un legs de mille ans d’âge. Comment s’affranchir de cette mémoire gigogne? Tamiki a fait le choix contraire. Il prend la mémoire à bras le corps pour lui faire rendre gorge. Qui a raison?» (p. 121). Après un premier chapitre décrivant de manière saisissante l’explosion de la bombe vécue par un adolescent japonais, ce roman touffu et labyrinthique est à la fois un polar nerveux, une quête du père et de la vérité, et une réflexion sans concession sur l’instrumentalisation de la mémoire et la ligne de démarcation entre la justice et la vengeance.
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