20/03/2014
CE QUE J'AI OUBLIÉ DE TE DIRE
Roman
de Joyce Carol OATES
Traduit de l’américain par Cécile Dutheil de la la Rochère
Éd. Albin Michel jeunesse, Coll. Wiz, janvier 2014
342 pages – 15 €
C’est la dernière année de lycée pour Merissa, Nadia et les autres filles de terminale de Quaker Heights. Une année qu’elles doivent affronter sans le soutien – sarcastique – de Tink. Parce que six mois plus tôt, Tink s’est suicidée et que son absence est dans tous les esprits. Katrina Traumer était arrivée deux ans auparavant, d’une école chic de New York, précédée d’une réputation sulfureuse d’enfant star et affublée d’une mère actrice sur le retour. Avec ses tenues excentriques, pour un lycée privé BCBG comme Quaker Heights, et son ironie mordante – dont élèves et professeurs allaient faire les frais – elle s’était fait une place à part dans ce petit monde en ébullition adolescente. Depuis sa mort, son absence est partout. Merissa, lycéenne parfaite en apparence, s’automutile pour se sentir exister encore. Nadia s’éprend de son professeur et vole un tableau de maître pour rappeler à son père – occupé avec sa dernière et (très) jeune épouse – qu’elle existe.
Dans ce monde où les adultes confondent leurs ambitions avec les désirs de leurs enfants, dans cet âge auquel les adultes ne comprennent (plus) rien, la lucidité rageuse de Tink, elle qui disait : « Je veux bien être ton amie - mais seulement si tu me promets de ne jamais, jamais compter sur moi », manque cruellement à chacune de ses amies.
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01/02/2009
Julie Capable | album de Thierry LENAIN & Anne BROUILLARD (ill.)
Éd. Grasset Jeunesse | octobre 2005 - 11,90 €
Julie n'est capable de rien. Elle est maladroite, elle dépasse quand elle colorie, elle perd à la marelle… Les autres enfants, qui l'ont affublée de ce surnom cruel de «Julie capable de rien», la harcèlent constamment de leurs moqueries. Julie appelle alors sa maman, mais sa maman ne répond jamais. Un soir que les enfants, plus méchants encore qu'à leur habitude, l'ont bombardée de boules de neige, Julie s'enfuit mais ne rentre pas chez elle. Elle marche jusqu'au cimetière, jusqu'à cette Tombe Muette, anonyme, surmontée d'aucune croix. Elle s'étend sur la pierre tombale, son cœur ralentit jusqu'à s'arrêter. C'est alors que les chats du cimetière viennent se coucher sur elle, la réchauffer, la nourrir et lui parler. Les sept Chats du Cimetière connaissent Julie parce que sa maman, depuis sa Tombe Muette, leur a souvent parlé d'elle. De son amour pour elle. Julie peut enfin leur poser la question qui la hante: «Pourquoi elle a appelé la mort... Pourquoi elle n'a pas attendu d'être vieille?». Elle peut enfin commencer de comprendre que sa mère n'est pas morte par sa faute. Qu'elle n'est pas morte parce qu'elle n'aimait pas sa fille ou parce que sa fille ne l'aimait pas. Julie, qui peut alors s'aimer, ne sera plus jamais «Julie Capable de rien». Elle sera «capable de ce qu'une enfant peut faire dans sa vie d'enfant». Une enfant dont la mère repose dans une tombe sur laquelle est désormais gravé «MAMAN».
Aujourd'hui, la littérature jeunesse fourmille d'albums qui parlent, avec plus ou moins de justesse, de la mort. Pourtant, la question reste ouverte: comment parler de l'absence aux enfants? Comment leur dire que la mort fait partie de la vie quand on a nous mêmes, adultes, tant de mal à admettre cette évidence? Souvent, ces livres abordent la mort à travers la disparition des grands-parents, la maladie et la vieillesse, et c'est bien normal. Mais comment dire aux enfants que certains «appellent» la mort, comme la mère de Julie? À toutes ces questions pas de solutions magiques. Mais parfois le talent opère, comme dans cet album où texte et images se mêlent pour dire l'importance de mettre des mots là où le silence nourrit l'angoisse et l'angoisse la maladresse. Le texte de Thierry Lenain est tout en retenue et en mélancolie. Les illustrations d'Anne Brouillard sont comme des fenêtres ouvertes sur la vie, la tristesse et le sourire retrouvé de Julie. Jusqu'à la mise en page très soignée, tout est très réussi dans ce bel album sensible.
Ariane Tapinos
(première publication de l'article : mars 2006)
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