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06/12/2008

L'Île | album d'Armin GREDER

île-greder.gifTraduit de l'allemand par Gaëlle Toquin et Claude Dagail
Éd. La Compagnie créative | octobre 2005 | 15€

Un jour, un homme venu sur un radeau de fortune débarque sur l'île. Les habitants l'observent et s'interrogent sur le sort à lui réserver. Certains, les plus nombreux, veulent le renvoyer par où il est venu et le jeter à la mer. Le pêcheur s'interpose en leur expliquant que cela reviendrait à le condamner à une mort certaine. Les habitants de l'île décident finalement de le recueillir et le conduisent dans une étable dont ils ferment la porte à clef. Satisfaits, ils retournent à leurs occupations. Jusqu'au jour où l'étranger s'étant échappé arrive dans les rues du village et déclenche, par sa seule présence, une émeute. L'homme parvient pourtant à leur faire comprendre qu'il a faim et le pêcheur à convaincre les îliens qu'il faut le nourrir, faute de quoi il mourra tout aussi sûrement qu'abandonné à l'océan. Mais les habitants de l'île résistent et expliquent «nous ne pouvons tout de même pas nourrir toutes les bouches qui nous arrivent». Le pêcheur a alors une idée: il faut employer l'étranger pour qu'il gagne sa pitance, tout en le payant bien moins qu'un autochtone. Mais là encore la méfiance l'emporte et, doutant des capacités de l'inconnu, les habitants décident finalement de lui donner les restes destinés aux cochons et de l'enfermer de nouveau dans l'étable. Seulement maintenant ils savent que l'homme est dans leur village, ils pensent à lui sans cesse, sa présence invisible sert à effrayer les enfants pas sages, et c'est comme s'il était partout. La peur grandit peu à peu et les habitants de l'île décident que l'homme doit partir. Ils le jettent à la mer sur son embarcation de fortune. Ils brûlent le bateau du pêcheur qui les avait convaincus d'accueillir l'étranger et ils tuent tous les oiseaux témoins de leur méprisable forfait.

La parabole est un peu appuyée mais très efficace. On pense bien sûr à ces africains rejetés sur les plages des côtes européennes. On pense aussi à tous les discours haineux qui entretiennent la peur de l'autre et justifient le pire. Des discours qui portent haut ses derniers temps, comme dans les années les plus obscures de l'histoire récente.

Les dessins sont très beaux, très sombres. La manière qu'ils ont parfois de contredire le texte est saisissante, comme lorsque les habitants de l'île «recueillent» l'inconnu alors qu'on les voit le pousser de leurs fourches vers l'étable où ils l'enfermeront. Le contraste aussi entre l'homme maigre et nu et les îliens gros et ventripotents, engoncés dans leurs habits gris, est très parlant. À signaler également la mise en page: fonds blancs sur lesquels se découpent les dessins au crayon, ou plusieurs vignettes sur fonds de couleur qui occupent le centre de la page et racontent un moment de l'histoire. Par son contenu comme par sa forme, L'île est un album difficile et rare qui tranche dans la production de la fin de l'année 2005.

Ariane Tapinos
(première publication de l'article: 11 février 2006)

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