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20/12/2008

LE CANARD FERMIER

agriculture, animaux,luttes sociales,révolte,travail
Le Canard fermier
Album de Martin WADDELL (texe)
& Helen OXENBURY (ill.)

Adaptation française de Claude Lauriot Prévost
Éd. Kaléïdoscope, 1999 - 13,70 €
Édition poche : L'École des loisirs, coll. Lutin, 2000 - 5,50 €

« Il était une fois un canard qui avait la malchance de vivre avec un fermier terriblement paresseux… » Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, le pauvre animal bêche, s’occupe des bêtes, lave, repasse, bref, se traîne de tâche en tâche, supervisé par un fermier ventripotent dont le seul effort est de crier de temps à autre « Ca va, le travail ? ».

Harassé, déprimé, les yeux cernés, notre malheureux palmipède présente tous les symptômes d’un dangereux stress professionnel. Heureusement pour lui, les autres animaux de la ferme ont décidé de s’en mêler et c’est un petit commando composé de poules, de moutons et d’une vache qui parviendra à expulser le fermier fainéant de son lit et… de sa ferme. Ils finiront par reprendre en pattes leurs outils de production et se mettre tous ensemble au travail.

Véritable petite Ferme des Animaux, cette fable malicieuse permettra d’évoquer avec les plus petits les injustices liées au monde du travail.

Nathalie Ventax

(Première publication de l'article : 14 février 2007)

17/12/2008

Monsieur | Marie-Ange GUILLAUME (texte) & Henri GALERON (ill.) | Éd. Panama, oct. 2008 – 15 €

chat.jpgMonsieur est un chat. Un banal chat de gouttière noir et blanc. Mais Monsieur est aussi un maître en son domaine, enfin, dans celui de son maître, modeste humain dont nous n’apercevrons que les pieds. Et c’est son « maître » justement qui nous parle de Monsieur et, avec honnêteté, nous dit d’emblée : « J’habite chez mon chat. Monsieur me sous-loue un oreiller mais tout le reste lui appartient : les plantes vertes, la poubelle, les piles de pulls dans l’armoire, les radiateurs, le canapé, les parties dodues des copains assis sur le canapé, le frigo, la gamelle du chien, l’ordinateur - et la souris, bien sûr. »

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06/12/2008

Portée par le vent... | album de Soyung PAK (texte) & Marcelino TRUONG (ill.)

portée par vent.gifÉd. Gautier-Languereau | octobre 2003 | 12€

Voici une très jolie parabole racontée par son papa (vietnamien?), à sa petite fille: quand une graine naît sur une terre trop froide, si elle manque de soleil ou de pluie, elle s'envole, poussée par le vent; elle franchit les océans et vole, vole jusqu'à ce qu'elle trouve une bonne terre où se poser, germer, s'enraciner. Les images lumineuses du pays où la petite fille s'est enracinée contrastent avec les images sombres des pays en guerre ou opprimés que son père a traversés. Soyung Pak, l'auteure, est d'origine coréenne, Marcelino Truong, l'illustrateur, est d'origine vietnamienne. Ils rendent ensemble un bel et émouvant hommage à leurs parents respectifs.

Mireille Penaud
(première publication de l'article: novembre 2003)

Même les mangues ont des papiers | album d'Yves PINGUILLY (texte) & Aurélia FRONTY (ill.)

meme les mangues.gifÉd. Rue du Monde | octobre 2006 | 14 €

Momo et Khady imaginent le monde depuis leur village d'Afrique. En regardant le soleil revenir chaque matin de son voyage de l'autre côté du monde, Momo rêve de découvrir à son tour cette mystérieuse partie du monde. Il imagine que là-bas, il pourra travailler pour «soigner et nourrir» sa mère et ses sœurs. Khady essaie de l'en dissuader avec humour: «Là-bas, de l'autre côté de la terre ronde, le monde est l'envers. Il marche sur la tête!» Plus sérieusement, Momo est prêt à attendre d'avoir grandi pour faire le voyage. Il attendra que sa vie, comme les mangues, soit mûre pour partir. «Plusieurs saisons des pluies… et plusieurs saisons sèches» passent et, comme les mangues, Momo et Kadhy, sont prêts. Ils se cachent dans un grand camion, au milieu des fruits mûrs et se glissent à bord d'un grand navire. Au matin, le bateau a quitté le quai mais l'autre côté du monde est encore très loin quand Momo et Kadhy, à peine sortis de leur cachette, sont repérés par des marins qui leur réclament leurs papiers… Leurs papiers? En fouillant leurs poches, ils trouvent un vieux journal et un poème appris à l'école. Le capitaine leur explique que les mangues, elles, ont des papiers. Elles sont «enregistrées, numérotées… tamponnées». Elles, elles ont le droit de voyager. Rien de tel pour Momo et Kadhy qui doivent débarquer. Momo pleure l'aide qu'il ne pourra apporter à sa famille, mais Kadhy sait trouver les mots qui consolent. Elle lui dit : «Momo, toi et moi ensemble, nous sommes le monde entier. Chacun une moitié; À égalité.»

Un album lumineux qui raconte tout en douceur l'histoire tragique de ces hommes et ces femmes qui quittent leurs pays, attirés par les mirages de l'Occident. Ici, l'histoire se termine au mieux pour Momo et Kadhy, pas de papiers, pas de voyage. Dans la réalité parfois la mort, souvent la misère, sont au bout du voyage. Momo et Kadhy apprennent avec désarroi que de l'autre côté du monde, les humains sont moins bienvenus que des fruits mûrs et que chacun, homme, femme, fruit, marchandise, doit avoir «ses papiers». Une belle manière d'expliquer aux petits une réalité à la fois abstraite et absurde. Une manière presque trop belle… Rien dans la clarté des splendides illustrations d'Aurélia Fronty ne nous fait percevoir la misère qui pousse tant d'hommes et de femmes à quitter leurs rivages ensoleillés.

Ariane Tapinos
(première publication de l'article: 9 février 2007)

Au panier ! | album d'Henri MEUNIER (texte) & Nathalie CHOUX (ill.)

au panier.gifÉd. du Rouergue | octobre 2004 | 10,50€

Dans un parc, une femme noire, un chat vert et un drôle d'oiseau sans papiers d'identité se font arrêter par la police… Un jeune garçon semblant être «bien de chez nous» avoue, sans qu'on le lui ait demandé, ne pas avoir de papiers non plus, et monte dans le fourgon. Malin, il dénonce le soleil qui vient de l'est; ni une ni deux, le policier l'enferme avec les autres… Tous ensemble, ils retrouvent le sourire, tandis que le policier se retrouve dans le noir… Tel est pris qui croyait prendre!
Une manière simple de dénoncer les abus d'un État obscurantiste et policier. Un livre sur la différence, les conséquences d'un État policier, sur le droit de libre circulation et de résidence.

Marie Buraud
(première publication de l'article : 2 juin 2005)

L'Île | album d'Armin GREDER

île-greder.gifTraduit de l'allemand par Gaëlle Toquin et Claude Dagail
Éd. La Compagnie créative | octobre 2005 | 15€

Un jour, un homme venu sur un radeau de fortune débarque sur l'île. Les habitants l'observent et s'interrogent sur le sort à lui réserver. Certains, les plus nombreux, veulent le renvoyer par où il est venu et le jeter à la mer. Le pêcheur s'interpose en leur expliquant que cela reviendrait à le condamner à une mort certaine. Les habitants de l'île décident finalement de le recueillir et le conduisent dans une étable dont ils ferment la porte à clef. Satisfaits, ils retournent à leurs occupations. Jusqu'au jour où l'étranger s'étant échappé arrive dans les rues du village et déclenche, par sa seule présence, une émeute. L'homme parvient pourtant à leur faire comprendre qu'il a faim et le pêcheur à convaincre les îliens qu'il faut le nourrir, faute de quoi il mourra tout aussi sûrement qu'abandonné à l'océan. Mais les habitants de l'île résistent et expliquent «nous ne pouvons tout de même pas nourrir toutes les bouches qui nous arrivent». Le pêcheur a alors une idée: il faut employer l'étranger pour qu'il gagne sa pitance, tout en le payant bien moins qu'un autochtone. Mais là encore la méfiance l'emporte et, doutant des capacités de l'inconnu, les habitants décident finalement de lui donner les restes destinés aux cochons et de l'enfermer de nouveau dans l'étable. Seulement maintenant ils savent que l'homme est dans leur village, ils pensent à lui sans cesse, sa présence invisible sert à effrayer les enfants pas sages, et c'est comme s'il était partout. La peur grandit peu à peu et les habitants de l'île décident que l'homme doit partir. Ils le jettent à la mer sur son embarcation de fortune. Ils brûlent le bateau du pêcheur qui les avait convaincus d'accueillir l'étranger et ils tuent tous les oiseaux témoins de leur méprisable forfait.

La parabole est un peu appuyée mais très efficace. On pense bien sûr à ces africains rejetés sur les plages des côtes européennes. On pense aussi à tous les discours haineux qui entretiennent la peur de l'autre et justifient le pire. Des discours qui portent haut ses derniers temps, comme dans les années les plus obscures de l'histoire récente.

Les dessins sont très beaux, très sombres. La manière qu'ils ont parfois de contredire le texte est saisissante, comme lorsque les habitants de l'île «recueillent» l'inconnu alors qu'on les voit le pousser de leurs fourches vers l'étable où ils l'enfermeront. Le contraste aussi entre l'homme maigre et nu et les îliens gros et ventripotents, engoncés dans leurs habits gris, est très parlant. À signaler également la mise en page: fonds blancs sur lesquels se découpent les dessins au crayon, ou plusieurs vignettes sur fonds de couleur qui occupent le centre de la page et racontent un moment de l'histoire. Par son contenu comme par sa forme, L'île est un album difficile et rare qui tranche dans la production de la fin de l'année 2005.

Ariane Tapinos
(première publication de l'article: 11 février 2006)

05/12/2008

Un homme | album de Gilles RAPAPORT

un homme.gifÉd. Circonflexe | avril 2007 | 13 €

Un esclave s'adresse à son maître. Une victime interpelle son bourreau. Un homme s'adresse à l'humanité toute entière.
Puissance des mots. Dureté du regard. Des yeux blancs nichés au cœur d'un visage noir ébène. Et Gilles Rapaport de raconter ce que des hommes ont fait subir à leurs semblables. Ce que les Blancs - et leurs complices - ont fait subir aux Noirs réduits en esclavage. Et la stupeur vient du contraste entre la barbarie à l'œuvre et l'esclave qui s'adresse à son tortionnaire et, au-delà de lui, nous regarde. Et de bout en bout, de la cale du bateau à la liberté proclamée le 4 mars 1848, il se dresse et dit: Je suis un être humain, je partage avec toi cette tragique qualité. Tu me ressembles.

Est-il besoin de dire encore à quel point Gilles Rapaport est un très grand artiste? Texte et image se complètent, mais chacun pourrait presque exister sans l'autre, tant l'un et l'autre sont aboutis. Comme on peut couper le son ou fermer les yeux devant certains grands films. Gilles Rapaport prend à bras le corps les blessures de l'Histoire. Il poursuit, au fil de ses albums, tels Grand-Père et Champion, son questionnement sur la nature de l'homme. Au cœur des débats sur les responsabilités dans la traite nègrière et les mémoires de l'esclavage, ce très bel album interroge notre mauvaise conscience. Il s'adresse aux adultes autant qu'aux enfants; il est passeur des uns aux autres.

par Ariane Tapinos (16 juillet 2007)

PS : À lire, aux éditions Circonflexe : Grand-père et Champion

Strongboy, le tee-shirt de pouvoir | album d'Ilya GREEN

strongboy.jpgÉd. Didier jeunesse | mars 2007 | 10,90 €

«Aujourd'hui, Olga a mis son tee-shirt STRONGBOY» et comme le tee-shirt Strongboy est unique, il confère à Olga une autorité quasi divine sur ses petits camarades. Elle est la chef, c'est elle qui donne les ordres et y'a pas à discuter. Hélas, les tyrans c'est bien connu sont souvent à l'origine de leur propre perte: Olga a envoyé le chat chercher une glace à la fraise, il revient donc avec une glace à la fraise et… un tee-shirt Strongboy, parce que le marchand de glace, il en donne à tous ses clients, des tee-shirts Strongboy (le fourbe). Le Chat, Sophie, Gabriel, Olga… tout le monde est le chef maintenant et il n'y a plus personne à commander, à part un petit oiseau qui passe par là…
On retrouve avec joie la Olga de L'Histoire de l'œuf, toujours aussi dynamique et irascible, accompagnée cette fois de toute une tripotée de camarades tous plus craquants les uns que les autres, le tout plein de couleurs, de mouvement et de fourmis.

par Nathalie Ventax (5 avril 2007)

03/12/2008

Le Petit Garçon étoile | album de Rachel HAUSFATER-DOUÏEB et Olivier LATYK (ill.)

petitgarçon étoile.jpgÉd. Casterman, coll. Récits d'aujourd'hui, [2001] mai 2003 - 13,95 €
(À partir de 6 ans)

Un petit garçon apprend un jour qu’il est une étoile. Au début il est plutôt fier. Puis la honte vient avec le sentiment de n’être plus qu’une étoile. La peur vient aussi et le fait se cacher. Longtemps. Enfin un matin il peut sortir au grand jour. Il fait beau, mais les autres étoiles ne reviennent pas. Des mots très simples. Des images très sobres, presque naïves, jusqu’à cette double page où l’on voit un train se diriger vers l’entrée d’Auschwitz, dont la cheminée recrache des étoiles. La grande histoire vue par les yeux d’un enfant, pour mieux se mettre à la portée des jeunes lecteurs. Un livre où la poésie se mêle à l’horreur pour délivrer un message d’espérance.

Ariane Tapinos (février 2005)

02/12/2008

Les Loups noirs | album de Béa DERU-RENARD et Neil DESMET (ill.)

loups noirs.jpegÉd. Pastel, mars 2005 - 13 €
(À partir de 5 ans)

C’est une vallée où tous vivent en paix et en harmonie. Lions, cochons, renards, girafes ou poules s’entraident et s’apprécient. Hélas, deux affreux loups, Benito et Augusto espionnent les paisibles animaux et vont rapporter à leur chef, l’abominable Adolphe, que dans la vallée «toutes les couleurs sont mélangées» et «chacun fait ce qu’il veut, où il veut, quand il veut». Les loups décident donc de mettre de l’ordre dans ce mélange et déboulent dans la vallée pour «trier et ranger» : «les emplumés avec les emplumés, les tachetés avec les tachetés… Malheur à ceux qui ne sont pas d’accord». Les uns sont parqués derrière des barbelés ou envoyés dans des laboratoires, les autres expulsés. Pour les volailles, les loups construisent de grands fours dans lesquels elles sont jetées «sans espoir de retour».

Les habitants de la vallée décident de faire appel au «petit peuple de l’ombre» (tous les insectes) pour lutter contre les loups noirs. Les puces s’attaquent à leur pelage, les vers à leurs repas. Les araignées les emprisonnent de leurs toiles. «C’est la libération». Les loups sont jugés et condamnés à des travaux d’intérêt général, en accord avec leur sens de l’ordre et de la propreté : ramasser les vieux papiers, réparer les objets…

A la différence des autres albums sur le sujet (à l’exception notable de Que la bête meure de Calvo et Maus de Spiegelman), Les Loups noirs choisit la fable animalière pour nous raconter des horreurs bien humaines. Surtout, à travers cet artifice, il s’adresse à des enfants petits (à partir de cinq ans) et peut permettre d’aborder avec eux les questions de la tolérance et du métissage, mais aussi d’évoquer cette période si sombre de notre histoire. La fable pourrait être générale (comme dans L’agneau qui ne voulait pas être un mouton, de Didier Jean et Zad, chez Syros, sur la résistance), mais s’y trouvent quelques éléments assurément identifiables par des adultes et qui peuvent permettre de passer du général, du moral, à l’événement historique. On objectera que l’histoire n’a pas retenu les mêmes responsabilités pour l’un (Benito) que pour l’autre (Adolphe) et qu’Augusto (Pinochet ?) n’a pas participé aux mêmes horreurs. Mais en faisant du loup Adolphe le chef de la meute, les auteurs signifient bien que tous ne sont pas à mettre au même plan. De toutes les façons, les enfants auxquels cet ouvrage s’adresse ne seront pas en mesure d’en saisir la portée historique sans l’aide d’un adulte. À lui d’en faire une lecture juste ! Seul bémol, une image pose sans doute un problème de représentation historique : celle où l’on voit les poules qui sortent (mortes) du four, avec une auréole au-desssus de la tête… Une représentation très chrétienne de la mort pour signifier celle de millions de juifs…

Ariane Tapinos (février 2005)