16/06/2009
La Petite Casserole d'Anatole | album d'Isabelle CARRIER
Éd. Bilboquet | mars 2009 | 13€
Anatole traîne derrière lui une petite casserole rouge dont il ne peut pas se défaire. Elle lui complique bien la vie et les gens ne voient qu'elle; alors Anatole décide de se cacher derrière sa petite casserole et de se faire oublier… Heureusement arrive quelqu'un qui va lui montrer comment se débrouiller avec sa petite casserole, comment vivre avec elle sans renoncer pour autant à vivre avec les autres. À travers plusieurs scénettes esquissées aux crayons de couleurs, l'auteure file sa métaphore et représente le combat quotidien d'Anatole pour s'adapter: on voit Anatole trébucher sur ce poids qui ne le quitte pas et l'empêche de faire les choses les plus évidentes. Après sa rencontre avec cette «personne extraordinaire» (qui trimballe, elle, une petite casserole bleue) la casserole va se faire plus discrète pour finalement se dissimuler dans une sacoche qu'Anatole porte en bandoulière. Si elle ne disparaît pas, elle devient un objet (et parfois un atout) qui ne handicape plus son petit propriétaire.
En partant d'une idée toute simple, Isabelle Carrier signe ici un album aux illustrations tendres, qui aborde avec pertinence et optimisme le thème du handicap et de la différence en général.
Nathalie Ventax (juin 2009)
Retour page précédente | Page d'accueil |
Publié dans critiques Albums | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : difference, handicap | |
13/06/2009
Cache-cache coquin | album de Satoru ONISHI
Traduit du japonais par Jun Vercoutter
Éd. P’tit Glénat, coll. Suki-Suki | avril 2009 | 10€
Sur chaque double page, dix-huit animaux font face au lecteur (ou lui tournent le dos!). Dans un style graphique proche de celui de Taro Gomi, ces bestioles sont soit en forme de poire, soit rectangles, soit rondes. Il y a un chien, un tigre, un hippopotame, un ours, un renne, un kangourou, un lapin, un chat… Ils sont marron, orange, vert, jaune, rouge ou bleu. Page après page, les dix-huit animaux sont là, identiques ou presque. Et c’est dans ce presque que se situe l’intérêt de l’album qui s’apparente au livre-jeu plus qu’au livre d’histoire. Parce qu’à chaque page, une question est posée au lecteur: qui est caché, qui pleure, qui dort, qui montre son derrière? Les réponses sont cachées dans l’image, dans le petit détail qui distingue un animal des autres et de sa copie des pages suivantes et précédentes. C’est drôle et requiert des petits une bonne dose d’observation et de patience. Qualités dont le lecteur dépourvu (sans doute plus âgé) pourra se passer en allant consulter, à la fin du livre, les réponses aux devinettes.
Ariane Tapinos (juin 2009)
Retour page précédente | Page d'accueil |
Publié dans critiques Albums | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre-jeu | |
31/05/2009
Mon papa roulait les R | album de Françoise LEGENDRE (texte) & Judith GUEYFIER (ill.)
Éd. Sarbacane - Amnesty international | 2° semestre 2008 | 14,90€
Un très bel album. Que l'on aurait tort de classer vite - beaucoup trop vite! - dans la case «album à thème» - ici: l'expatriation ou «ça fait quoi d'être un enfant d'immigré?» Or, aucune charge démonstrative dans ce petit bijou. Un album tout en retenue et en pudeurs et une vraie déclaration d'amour au père. Sans nier les difficultés liées à l'émigration, les auteures maintiennent la douleur à distance, comme circonscrite dans le non-dit ou dans le rythme même de la lecture, à l'image de la phrase magnifique qui ouvre (et clôt) l'album:
«Mon papa roulait les R… mais je ne m'en rendais pas compte.»
Le livre égrène des souvenirs, couleurs, odeurs, jeux, un peu de ce qui fait la saveur de l'enfance et se rattache ici à un père différent («Mon papa m'appelait de drôles de noms qui voulaient dire Petite ourse ou Cornichon… mais je ne le savais pas») Que l'on me comprenne: il ne s'agit pas de naïveté (comme c'est génial d'avoir un père étranger) mais de cette qualité particulière faite à la fois d'innocence («je ne m'en rendais pas compte») et de curiosité, d'attrait du secret (les enveloppes avec un avion bleu et les «j'étais fière qu'il ait traversé toute l'Europe»). Même sans les comprendre, l'enfant devine toujours les difficultés des adultes, les déchirures et les rejets (les larmes du père existent dans le livre aussi), mais le récit est au passé et nous parle d'une femme qui s'est construite sur ce terrain-là, doux-amer, que l'album transcrit de si belle manière. À l'image de la dernière double-page montrant une belle jeune femme, allongée sur un lit multicolore, entourée de petits objets (une peluche, une matriochka) et dont la jupe dessine un horizon où deux petites silhouettes - une enfant guidant un homme - se tiennent par la main.
La nationalité d'origine du père n'est pas précisée, on prononce le mot «apatride» et l'on imagine les confins de l'Europe (la jeune femme a des traits asiatiques - tsiganes? Mongols? - des yeux en amande et une somptueuse chevelure brune)… et ce n'est pas grave. La puissance d'évocation n'en est que plus soutenue: en dehors des livres de géographie, ce pays du père est un mythe pour l'enfant, tout entier contenu dans son accent… Les auteures nous disent en quelque sorte: on peut grandir avec ça, ces mystères-là, ces étrangetés, et les aimer encore.
Corinne Chiaradia
(première publication de l'article: 28 novembre 2008)
Retour page précédente | Page d'accueil |
Publié dans bibliographie EXILS, critiques Albums | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : immigration, mémoire, relation père-fille | |
Le Voyage de grand-père | album d'Allen SAY
Éd. L'École des loisirs | septembre 1995 | 11,90 €
Dans ce très bel album, Allen Say nous conte l'histoire de sa famille entre Japon et États-Unis. Son grand-père parti du Japon pour découvrir le monde, installé en Californie, marié au Japon. Sa mère partie, à l'âge adulte, vivre avec ses parents au pays natal. La guerre qui empêcha son grand-père de retourner aux États-Unis. Lui, enfin, qui s'en alla voir la Californie de ses propres yeux. Ce Voyage de grand-père est celui de l'amour pour deux pays différents et parfois même ennemis. C'est un voyage fait d'allers et retours et d'hésitations, d'émerveillements et de regrets. Illustré par de pleines pages qui sont, chacune, comme un tableau - portrait ou paysage - cet album est un peu comme un album photo qu'Allen Say nous invite à feuilleter avec lui. C'est l'album de sa famille, de son histoire tissée entre deux pays, deux univers, deux cultures. Hommage à ce grand-père mort sans avoir pu retrouver sa Californie, Le Voyage de grand-père est aussi une déclaration d'amour à deux pays si chers au cœur de l'auteur qui avoue: «le plus drôle c'est que dès que je suis dans un pays, je m'ennuie de l'autre».
Ariane Tapinos
(première publication de l'article : 5 juillet 2005)
PS : Ce livre a reçu la Caldecott Medal aux États-Unis en 1994, et le Prix Chronos décerné par la Fondation Nationale de Gérontologie en 1996. Mais ce magnifique album est aujourd'hui (mai 2009) épuisé en France. On peut toujours espérer une réédition…
Retour page précédente | Page d'accueil |
Publié dans bibliographie EXILS, critiques Albums | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : japon, etats-unis, grands-parents, mémoire, exil | |
Soudain dans la forêt profonde | album d’Amos OZ (texte) & Georg HALLENSLEBEN (ill.)
Traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen
Éd. Gallimard jeunesse | mars 2008 | 94 pp. - 14,50 €
Il était un village où les animaux n’existaient plus. Il était un village où les souvenirs des parents étaient remplis d’animaux. Il était un village où les parent voulaient oublier ce temps révolu. Certains pourtant parlent – l’institutrice Emanuela affiche des dessins d’animaux dans la classe ou imite leurs cris – mais il sont considérés comme fous. Nimi, un petit garçon rejeté par ses camarades à cause de son physique, ose raconter ses rêves remplis d’animaux. Un jour il quitte l’école et part dans la forêt, tout le village se lance à sa recherche en vain. Ce n’est qu’au bout de trois semaines qu’il réapparaîtra, mais à la place de mots ce sont des hennissements qui sortent de sa bouche. Davantage rejeté il va devenir, au yeux des villageois et de sa propre famille, un pauvre petit garçon errant et fou.
Tous ces mystères environnant le village ont attisé la curiosité de deux autres enfants, Matti et Maya, qui veulent comprendre et connaître la vérité. Ils ont en plus un secret qui n’appartient qu’à eux et qui les conforte dans leur idée: aller explorer la forêt. Sachant leurs parents effrayés par cette dernière et par leurs propres souvenirs, ils décident de partir sans en parler à personne…
Retour page précédente | Page d'accueil |
Publié dans critiques Adultes, critiques Albums | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fable, animaux, exclusion, exil | |
29/05/2009
Aagun | album de DEDIEU
Éd. Seuil Jeunesse | mars 2009 - 15€
Quel bel album de sagesse et d'apprentissage à recommander à tous!
Les Hounks surgissant comme des barbares dévastent et pillent régulièrement le campement de leurs voisins. Le seigneur envoie son fidèle lieutenant, Aagun, pour leur venir en aide. Mais cette aide ne sera pas celle qui est attendue...
Ouvrage très original tant dans le fond que dans la forme. On est plongé d'emblée dans ce récit initiatique qui prend toute sa valeur universelle car il n'est pas situé dans le temps et se déroule dans de grands espaces peu définis. Le procédé d'écriture final crée une véritable rupture dans le récit avec un immense effet de surprise qui délivre le message fondateur de cet ouvrage. Les images, faites de grands coups de pinceau noirs, sur fond blanc et de silhouettes de personnages miniatures, accompagnent avec dynamisme et énergie l'épopée de la tribu. Chaque double page est ponctuée d'un sceau rouge, qui évoque les cachets asiatiques à la cire, et d'une lettrine du même rouge portant un étendard. Nous avons beaucoup aimé le jeu entre le blanc, le noir, le vide, le plein, l'utilisation magistrale de l'espace qui donne plus de force au récit.
La dédicace à Fabienne Verdier permet aussi de situer cet album dans une perspective artistique, philosophique et humaine engagée qui nous a profondément touchées.
Josuan (mai 2009)
Retour page précédente | Page d'accueil |
Publié dans critiques Albums | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : asie, sagesse, épopée | |
26/05/2009
Comme mon père me l’a appris | album de RASCAL
Éd. L’École des loisirs, coll. Pastel | mars 2009 | 11,50€
Un enfant inuit suit en tous points les enseignements de son père. Il raconte sa journée de chasse au phoque, depuis un rêve annonciateur jusqu’à sa conclusion sur la glace. À chaque étape, l’enfant s’applique à tout faire «comme son père lui a appris»: se lever tôt, partager son déjeuner, choisir ses armes avec soin, atteler les chiens, hâter la course de la meute, trouver le trou de respiration, préparer ligne et harpon, enfin patienter… Mais à l’instant fatal, quand le phoque pointe son museau, le jeune inuit ne peut pas le tuer. Un échec, une trahison du père? Non, car cet homme très sage a aussi appris à son fils que «nous sommes tantôt faibles, tantôt forts».
Il se dégage de l’album, de ses phrases simples, courtes, répétitives et de ses illustrations au style primitif (peinture sur bois où dominent des nuances de blancs venteux traversés de quelques couleurs) un sentiment de sérénité qui le rend vraiment précieux. La confiance mutuelle père/fils dont il témoigne, jusque dans l’acceptation de l’échec et des faiblesses, est magnifique. Du grand Rascal.
Corinne Chiaradia (avril 2009)
Retour page précédente | Page d'accueil |
Publié dans critiques Albums | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : relation père-fils, confiance, fort-faible, inuit | |
25/05/2009
Le Tour du monde en pédaroulette | album de Léna ELLKA, illustré par Peggy NILLE
Éd. Talents Hauts, coll. Des livres pour les filles ET pour les garçons | avril 2009 | 11,50 €
Alphonse part faire le tour du monde sur son vélo à petites roues. Il a installé des bouées sur les grandes roues du vélo et, sur une rivière, rencontre Éliette et son pédalo. Elle lui propose de se joindre à lui. Alphonse hésite : après tout, c’est une fille, alors «…attention : tu ne peux pas être aventurière si tu te coiffes tes cheveux toutes les cinq minutes ou si tu pleures tout le temps. Si un seul petit pois sous ton matelas t’empêche de dormir, ce n’est pas non plus la peine de venir». Eliette a bon caractère et sait bien que les princesses aux petits pois, c’est comme les princes charmants, ça n’existe que dans les contes de fées, alors elle se décide à accompagner Alphonse, malgré les préventions de ce dernier.
Les voilà donc tous deux partis pour un tour du monde en pédalo et vélo. Mais un pédalo ça ne fonctionne pas sur les routes, il faut le tirer et ça, Alphonse en a assez. La solution la plus simple serait d’installer les petites roues du vélo d’Alphonse sur le pédalo d’Eliette… Mais Alphonse ne sait pas faire de vélo sans les petites roues et c’est la gamelle assurée ! Alphonse va devoir réviser avec un peu d’humilité ses certitudes sur les filles.
Un album malicieux aux couleurs vives, qui parle des garçons et des filles mais sans en faire des tartines. Un album qui se moque, avec finesse et gentillesse, des petits garçons à qui l’on a un peu trop rabaché qu’il ne fallait pas pleurer, ni se faire commander par une fille.
Ariane Tapinos (avril 2009)
Retour page précédente | Page d'accueil |
Publié dans critiques Albums | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : genre, sexisme | |
23/05/2009
Kimiko et le botaniste | album de HIDEKO ISE
Adaptation française par Georges Métailié
Éd. du Seuil | avril 2009 |15 €
Kimiko, jeune Japonaise, adore traîner dans le Jardin des plantes à Paris, elle se faufile, scrute et dessine les plantes qu’elle voit. Cette enfant curieuse ne fait pourtant pas toujours le bonheur du jardinier, jusqu’au jour où le botaniste vient à sa rencontre. Leur premier contact se fera adossés à un platane vieux de plus de deux cent cinquante ans, l’image est belle et reposante, on s’y croirait presque. La suite de l’histoire nous fera découvrir la multitude d’espèces d’arbres, de plantes et de fleurs qui composent cet endroit. Le vieil homme et la petite fille se promènent et partagent leurs connaissances au fil des saisons, en nous transportant dans un monde proche de nous qu’on ne regarde jamais. Je m’en voudrais de ne pas aussi parler de la volonté du botaniste à transmettre son savoir et à sensibiliser les promeneurs sur la beauté naturelle des arbres et fleurs.
L’auteur de Sophie et le relieur (2007) prouve à nouveau son talent avec des images à l’aquarelle qui donnent envie d’aller au parc le plus proche apprécier la flore et des textes simples, sans fioriture. Certaines phrases ont même des allures d’haïkus, les mots sont justes et suffisent à porter l’illustration. Autant pour les parents que pour les enfants, ce livre s’adresse à toutes les personnes qui ont oublié de prendre le temps d’observer la nature ou qui veulent apprendre à la connaître.
Claire Dagan (mai 2009)
Retour page précédente | Page d'accueil |
Publié dans critiques Albums | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nature, arbre, métier, paris, échange | |
22/05/2009
Atzim Zim Zim ! | album de Marie MAHLER
Éd. L'Atelier du poisson soluble | avril 2009 | 13,50€
L'album s'ouvre sur un personnage translucide qui sort de son bain et traverse la page en laissant derrière lui de grandes flaques d'eau. Dans sa marche, il va entraîner plusieurs choses (arbre, voiture et même ses voisins!) s'attirant les foudres des animaux qu'il croise et qui vont le pourchasser de page en page, s'ajoutant les uns aux autres. On peut voir tout ce qu'a embarqué le transparent marcheur dans son périple insouciant, jusqu'à ce qu'il s'arrête et que… Aaaaaaatzim zim zim! Dans un éternuement il disparaisse et libère les prisonniers pour devenir nuage. Sous l'arc-en ciel ainsi créé les animaux spoliés retrouvent leurs affaires… mais tout est mélangé! Le chat et le cochon découvrent les carottes du lapin, tandis que celui-ci profite de la maison de l'ours transformée en mongolfière… Au lecteur de retrouver qui a perdu quoi dans cette course poursuite.
Un petit album très amusant qui évoque le cycle de l'eau presque sans texte (si ce n'est les réactions des victimes de ce sympathique raz-de-marée), et qui peut se lire comme une toute première bande dessinée.
Nathalie Ventax (mai 2009)
Retour page précédente | Page d'accueil |
Publié dans critiques Albums | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eau | |