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31/05/2009

Mon papa roulait les R | album de Françoise LEGENDRE (texte) & Judith GUEYFIER (ill.)

mon papa roulait.gifÉd. Sarbacane - Amnesty international | 2° semestre 2008 | 14,90€

Un très bel album. Que l'on aurait tort de classer vite - beaucoup trop vite! - dans la case «album à thème» - ici: l'expatriation ou «ça fait quoi d'être un enfant d'immigré?» Or, aucune charge démonstrative dans ce petit bijou. Un album tout en retenue et en pudeurs et une vraie déclaration d'amour au père. Sans nier les difficultés liées à l'émigration, les auteures maintiennent la douleur à distance, comme circonscrite dans le non-dit ou dans le rythme même de la lecture, à l'image de la phrase magnifique qui ouvre (et clôt) l'album:
«Mon papa roulait les R… mais je ne m'en rendais pas compte.»

Le livre égrène des souvenirs, couleurs, odeurs, jeux, un peu de ce qui fait la saveur de l'enfance et se rattache ici à un père différent («Mon papa m'appelait de drôles de noms qui voulaient dire Petite ourse ou Cornichon… mais je ne le savais pas») Que l'on me comprenne: il ne s'agit pas de naïveté (comme c'est génial d'avoir un père étranger) mais de cette qualité particulière faite à la fois d'innocence («je ne m'en rendais pas compte») et de curiosité, d'attrait du secret (les enveloppes avec un avion bleu et les «j'étais fière qu'il ait traversé toute l'Europe»). Même sans les comprendre, l'enfant devine toujours les difficultés des adultes, les déchirures et les rejets (les larmes du père existent dans le livre aussi), mais le récit est au passé et nous parle d'une femme qui s'est construite sur ce terrain-là, doux-amer, que l'album transcrit de si belle manière. À l'image de la dernière double-page montrant une belle jeune femme, allongée sur un lit multicolore, entourée de petits objets (une peluche, une matriochka) et dont la jupe dessine un horizon où deux petites silhouettes - une enfant guidant un homme - se tiennent par la main.

La nationalité d'origine du père n'est pas précisée, on prononce le mot «apatride» et l'on imagine les confins de l'Europe (la jeune femme a des traits asiatiques - tsiganes? Mongols? - des yeux en amande et une somptueuse chevelure brune)… et ce n'est pas grave. La puissance d'évocation n'en est que plus soutenue: en dehors des livres de géographie, ce pays du père est un mythe pour l'enfant, tout entier contenu dans son accent… Les auteures nous disent en quelque sorte: on peut grandir avec ça, ces mystères-là, ces étrangetés, et les aimer encore.

Corinne Chiaradia
(première publication de l'article: 28 novembre 2008)

Le Voyage de grand-père | album d'Allen SAY

voyage grand-pere.jpgÉd. L'École des loisirs | septembre 1995 | 11,90 €

Dans ce très bel album, Allen Say nous conte l'histoire de sa famille entre Japon et États-Unis. Son grand-père parti du Japon pour découvrir le monde, installé en Californie, marié au Japon. Sa mère partie, à l'âge adulte, vivre avec ses parents au pays natal. La guerre qui empêcha son grand-père de retourner aux États-Unis. Lui, enfin, qui s'en alla voir la Californie de ses propres yeux. Ce Voyage de grand-père est celui de l'amour pour deux pays différents et parfois même ennemis. C'est un voyage fait d'allers et retours et d'hésitations, d'émerveillements et de regrets. Illustré par de pleines pages qui sont, chacune, comme un tableau - portrait ou paysage - cet album est un peu comme un album photo qu'Allen Say nous invite à feuilleter avec lui. C'est l'album de sa famille, de son histoire tissée entre deux pays, deux univers, deux cultures. Hommage à ce grand-père mort sans avoir pu retrouver sa Californie, Le Voyage de grand-père est aussi une déclaration d'amour à deux pays si chers au cœur de l'auteur qui avoue: «le plus drôle c'est que dès que je suis dans un pays, je m'ennuie de l'autre».

Ariane Tapinos
(première publication de l'article : 5 juillet 2005)

PS : Ce livre a reçu la Caldecott Medal aux États-Unis en 1994, et le Prix Chronos décerné par la Fondation Nationale de Gérontologie en 1996. Mais ce magnifique album est aujourd'hui (mai 2009) épuisé en France. On peut toujours espérer une réédition…

27/03/2009

Grand-père menteur | roman jeune lecteur d'Alki ZÈI

9782748507850.jpg Traduit du grec par Anne-Fleur Clément | Éd. Syros | janvier 2009 | 150 pp. - 11 €

Marios est le grand-père adoré d’Antonis, un petit Athénien. Du haut de ses dix ans, Antonis est sous le charme du vieil homme et de ses mille histoires, puisées dans une longue vie d’aventures, d’engagements et de luttes, en un mot une vie incroyable, émaillée d’événements parfois si bizarres, rocambolesques ou romanesques qu’Antonis a pris l’habitude d’appeler son théâtral aïeul «grand-père menteur». Il faut dire que Marios fut et reste un comédien, un amoureux du théâtre et de la poésie, lesquels donnent de la profondeur à ses récits et imprègnent chacun de ses gestes (son goût pour les foulards à pois, pour le café filtre ou les citations de Shakespeare). Alors, Antonis n’a qu’un tout petit pas à franchir pour voir en son grand-père un affabulateur hors pair. Et il en veut pour preuve que sa grand-mère, morte depuis longtemps, n’est jamais présente dans ses récits. Pourtant, s’il y a bien là quelque mystère (qui sera éclairci avant la fin du roman) la vie de Marios est vraiment telle qu’il la raconte. Elle est aussi très proche de celle d’Alki Zèi.

 

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10/02/2009

C'est quoi la mémoire ? | documentaire d'Héliane BERNARD et Alexandre FAURE

9782745934109.jpgÉd. Milan jeunesse, coll. Phil’Art | sept. 2008 | 14,50 €

Pour répondre à cette passionnante question, Héliane Bernard et Alexandre Faure font un va et vient entre l’histoire, le religieux, le politique et l’art. Leur propos est étonnamment clair pour un sujet si compliqué. Chaque chapitre (Qu’est-ce que la mémoire ?, Mémoire et religions, Mémoire civile et politique, Commémorer aujourd’hui) est développé en quelques doubles pages thématiques qui s’appuient sur une ou deux œuvres d’art. D’une grande variété culturelle et historique (de l’Antiquité à nos jours, de l’Océanie à l’Europe), ces œuvres éclairent le propos autant qu’elles le construisent. Rien que de logique, puisque c’est de la déesse de la mémoire, Mnémosyne, que sont nées les neuf Muses de l’art…

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