Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Page d'accueil

20/03/2011

Après moi, Hiroshima | roman de Franck Pavloff

Après moi Hiroshima.gifLecture accompagnée par Marianne Jaeglé
[Zulma 2002] éd. Gallimard, coll. La Bibliothèque Textes & documents
2003, 222 pp. - 5,80 €

«Derrière lui, le monde s’enfuit, Allemagne, Québec, Mozambique. Le métro s’arrête-t-il toujours à Belleville? Son dos plie sous le poids de ceux qui ont tissé son histoire avant de disparaître, sa mère, Pazardjik, Maria, Eva. Un legs de mille ans d’âge. Comment s’affranchir de cette mémoire gigogne? Tamiki a fait le choix contraire. Il prend la mémoire à bras le corps pour lui faire rendre gorge. Qui a raison?» (p. 121). Après un premier chapitre décrivant de manière saisissante l’explosion de la bombe vécue par un adolescent japonais, ce roman touffu et labyrinthique est à la fois un polar nerveux, une quête du père et de la vérité, et une réflexion sans concession sur l’instrumentalisation de la mémoire et la ligne de démarcation entre la justice et la vengeance.


Publié intitialement chez Zulma, il a été réédité par Gallimard, enrichi d’un accompagnement pédagogique. Balayant plus de quarante ans d’histoire, plusieurs continents et de nombreux personnages, sa complexité de construction le destine à des lecteurs aguerris.

Le personnage central (Rudie Pazardjik, héro malgré lui d’une bataille qui le dépasse) découvre peu à peu la véritable personnalité de son père décédé en Allemagne de l’Est, quelques années avant la chute du mur de Berlin. Il se trouve embarqué à son corps défendant dans les activités de ce mystérieux père (Peter Pazardjik, physicien de renom) et ses relations avec Tadashi Tamiki, survivant d’Hiroshima et fondateur d’un réseau «d’Hibakusha» (mot qui désigne au Japon les rescapés des explosions atomiques). Ce réseau, initié sur des principes humanistes, a peu à peu dévié, développant un «bras armé» qui a tout de l’organisation terroriste. Ainsi Tamiki édicte des maximes, d’abord: «Retrouver les disparus, faire vivre leur mémoire, c’est notre devoir», puis il complète par «La survie des générations à venir dépend de notre volonté à honorer les victimes» et finalement cet «honneur» à rendre aux victimes (d’Hiroshima et de toutes les violences étatiques…) se traduit par un arrêt de mort sans procès pour leurs bourreaux, réels ou supposés…

Bien qu’il traite peu du Japon ou des conséquences directes de la bombe, ce roman a sa place dans cette bibliographie car il ouvre la réflexion vers des perspectives à la fois contemporaines et universelles: le droit, la justice, la mémoire. Un regret toutefois: bien que j’en comprenne la nécessité littéraire, je ne peux m’empêcher d’être dérangée par l’emploi du terme hibakusha pour désigner des terroristes...

Corinne Chiaradia

(première publication: juillet 2005)

Les commentaires sont fermés.