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Les Enfant sauvages | pièce de Timothée de FOMBELLE
«La rencontre avec Timothée de Fombelle est apparue comme une évidence puisqu’il s’agissait d’écrire une histoire sur le thème des enfants sauvages, mettant en confrontation le mythe et la réalité. Ce point de vue dramaturgique n’avait pas trouvé d’existence dans la littérature jeunesse contemporaine. La commande d’écriture devenait essentielle.
Mais plutôt qu’une simple commande d’un texte, l’idée même de compagnonnage annonçait une étroite complicité tout le long de la création suscitant des allers-retours entre l’auteur, la metteur en scène et l’équipe artistique. Cette dimension nouvelle a permis d’engager l’écriture dans un processus de travail partagé laissant du temps et de l’espace. Elle facilite la réalisation d’un projet singulier en parfaite adéquation avec les univers de chacun. La création Les Enfants sauvages s’invente entre mythe et réalité.»
Betty Heurtebise, metteur en scène, compagnie La petite fabrique.
Les enfants sauvages
A voir Aux Colonnes les 17 et 18 février à 19h à Blanquefort.
et au TnBA du 4 au 7 mai à Bordeaux
En savoir plus [ici]
Et aussi : lecture par Timothée de Fombelle, de son texte, Le phare, à la médiathèque Assia Djebar, mardi 16 février à 20h30, Blanquefort.
… et enfin à Comptines, mercredi 17 février, rencontre avec Timothée de Fombelle et la compagnie La petite fabrique.
Entretien
avec Timothée de Fombelle
Quel a été ton rapport à la commande dans ce travail d'écriture?
Timothée de Fombelle: Le plaisir de la commande, c'est d'entrer dans le désir des autres. Un thème, des talents différents, des envies différentes… On se retrouve à jeter des ponts, à rendre les contraintes les plus fécondes possible. Ici, la commande était dans un titre qui m'était donné. Le collectif avait finalement de l'avance sur moi, puisqu'ils y pensaient depuis un certain temps, mais j'arrivais avec peut-être une fraîcheur nécessaire. Mon but était surtout de laisser beaucoup d'espace autour de mes mots pour que chacun (mise en scène, image, son, scénographie, musique, jeu des acteurs) puisse y glisser une liberté au moins égale à la mienne. Le deuxième temps est celui de la discussion, du débat, de l'expérimentation autour de mon texte. On le met à l'épreuve, on le met en pièces. C'est passionnant. On réoriente mes mots comme on le ferait d'un comédien ou d'un projecteur. «Plus à gauche! Moins fort!» Il faut alors trouver l'équilibre entre l'écoute et une vigilance sur la fidélité à ce qui fait mon écriture. Mais le plus important repose sur la confiance.
– Quelle a été ton entrée concernant cet «acte civilisateur», incarné notamment par Cazard?
Bien sûr, il y a une grande richesse des écrits, des films ou des pièces sur le sujet. Ce sont autant d'entrées que j'aurais pu emprunter. Notre pièce Les Enfants sauvages est comme une «variation sur un thème». Elle ne se veut ni la synthèse, ni même notre réponse à cette question d'une «rééducation» des enfants qui ont grandi à l'état sauvage. Comme d'habitude quand je travaille sur un sujet qui a une réalité historique ou clinique, ma démarche a donc été de me documenter, puis de tout oublier. Très vite, je dois mettre en premier l'imaginaire. En fait, il suffit de mettre en présence l'enfant sauvage et l'homme civilisé, puis de regarder ce qu'il se passe.
– Comment as tu abordé la question du langage dans le dessin de ces deux enfants sauvages?
L'idée était que le langage des enfants sauvages serait forcément une création. Je voulais franchir le mur de leur silence. Il fallait se mettre dans la peau d'une sorte de traducteur. Traduire en mots ce que les personnages ne devraient pas pouvoir formuler. On en arrive à une espèce de sous-titrage poétique de leurs envies, de leurs peurs. Leur langage se distingue forcément des codes de la civilisation dans laquelle ils sont plongés. Ce que je remarque, c'est que ce travail du langage est finalement toujours présent dans l'écriture d'une pièce. La parole théâtrale est toujours une succession de traductions.
Propos recueillis par Ingrid Bertol.
L’écriture collective - Le travail à la table
Dans la construction d'une création théâtrale, il y a une étape et que l'on nomme «le travail à la table» et qui correspond à un travail de réflexion dramaturgique, dans lequel en général est envisagé le rapport du texte au jeu d'acteur.
Pour Les Enfants sauvages, les lectures «à la table» ont permis de réaliser une écriture collective autour du texte.
Il s'agit d'adapter, en lien avec l'auteur, l'écriture au fur et à mesure des rencontres avec l'ensemble de l'équipe, pour aboutir à une histoire qui s'appuie sur tous les éléments de la mise en scène (projection vidéo, scénographie, jeu des acteurs…).
Dans cette écriture progressive les mots sont repris, malaxés; le texte devient une matière qui se déploie au fil des discussions, des lectures et des mises en espace.
Les personnages ont ainsi suivi une évolution certaine qui leur permet, par leur complexité et ambivalences, de ne pas être réduits à leur archétype.
Entre réaliste et onirisme, cette histoire est celle d'un mystère, qui se dévoile ici par le lien entre un frère et une sœur; ce lien est brisé par un personnage, celui de l'instituteur Cazard qui incarne la figure « civilisatrice ».
Les Enfants sauvages, extraits.
Deux enfants vivaient dans la forêt blanche. Ils avaient grandi là, frère et sœur. Ils ne connaissaient pas le reste du monde et le monde ne les connaissait pas. Deux enfants sauvages vivaient seuls dans la forêt blanche. Ils parlaient un langage que seuls ils comprenaient…
La sœur
Chant incantatoire après la capture de son frère
ELLE: […] Attends-moi. Ils auront peur. Ils verront les arbres plier sur eux. Ils seront enfermés dans dix saisons de neige. Le vent, les ouragans d’insectes. Ils verront ce monde se jeter sur eux. Ils se cacheront. Je suis là. Ils seront dans la boue de leurs larmes. Ici leur cri de peur fera bouger les arbres. Il n’y aura plus de carrés de lumières. Ils se seront couverts de nuit, de feuilles mortes, de branches. Je veux être leur piège. Je viendrai avec la pluie. Je viendrai avec les bêtes, les oiseaux, la neige. Je me jetterai sur eux avec les tempêtes. Attends-moi. Enlève tes larmes pour que je te reconnaisse quand je viendrai.
Solitude
ELLE: Tu m'oublies. Je t'ai vu debout, à côté de lui faire des traces blanches sur le mur noir avec tes doigts. Moi aussi je veux être là, faire des traces blanches avec mes doigts. Ici rien ne change. Je reste la même. Mais toi… Toi, tu as changé. Je ne te reconnais pas toujours. Tu tiens les choses de leur monde dans tes mains. Tu fais bouger les lumières. J'ai envie de de cela. Faire comme toi…
CAZARD: […] La chasse! Je propose la chasse. Pour que cette errance s’arrête, pour que cesse la violence de la clandestinité, pour que cette enfant puisse rejoindre les vôtres sur les bancs de l’école, il faut la trouver et la capturer. Il faut repêcher cette petite créature pour la rendre à l’enfance et à la civilisation. Demain, avant le coucher du soleil, nous serons quarante à l’attendre dans les bouleaux de la lisière. Je compte sur vous.
Plus tard…
CAZARD: L’hiver est venu. Il fait un froid de loup. J'en avais oublié le petit sauvage dans son coin. Les gens s’enferment pour boire du thé et raconter des histoires entre eux. On ne me parle plus. On parle de moi. Je perds tout espoir. L’enfant demeure plus sauvage et plus menaçant qu’un sanglier blessé. J'ai commis des erreurs.
Le frère
LUI: Je veux partir de là. Viens me chercher. Ils m’ont attrapé. Où es-tu? Viens. Viens. Je t'avais prévenue. je veux tenir tes mains. Je veux tenir tes mains. Quand je me cache les yeux, je suis un peu tranquille, j’ai moins peur. Celui-là, je ne sais pas ce qu’il veut de moi. Je voudrais que tu sois avec moi. Quelque chose me fait mal dans moi. Quelque chose me fait si mal. Tu ne viendras plus?
19/01/2010 | Lien permanent
Biblio chute du Mur de Berlin
1989 / 2009… Que tombent les murs
13 août 1961 – 9 novembre 1989: en vingt-huit ans et quelques mois, des kilomètres de béton ont symbolisé – symbole ô combien tangible – la partition du monde occidental en deux blocs antagonistes. À l’automne 1989 les fondations de l’ouvrage étaient déjà sérieusement sapées, et les signes du renoncement à la bataille de l’un des deux protagoniste – l’URSS agonisante – se multipliaient déjà depuis plusieurs mois… Il fallait pourtant que ce symbole s’effondre physiquement, qu’il soit attaqué, percé, enjambé, ravagé, traversé par des hommes et des femmes libres de le mettre à bas en toute impunité pour ébranler notre incrédulité de westis confortablement installés devant leur poste de télévision. La transmission de ce passé – la Guerre froide, l’utopie et la dictature communistes, la déchirure entre Est et Ouest, les individus ballottés ou luttant pour se faire une place et une dignité – est un enjeu de mémoire collective et individuelle dans lequel la littérature jeunesse a un rôle à jouer. Non qu’il faille assigner des «missions» didactiques aux romans ou aux albums, mais parce que l’imaginaire romanesque est un moyen, dérisoire mais puissant, de lutter contre la violence de l’oubli. Ou comme le dit beaucoup mieux que moi Édouard Glissant, «La mémoire est innombrable mais partagée, l’oubli est une arme sans grâce»(1).
Les enfants nés depuis la chute du Mur de Berlin ont aujourd’hui vingt ans. Ils seront bientôt parents à leur tour. Ils n’ont pas connu ce mur-là mais la société dans laquelle ils vivent s’est construite sur ses gravats et ils assistent parfois – trop souvent – à l’érection de nouveaux murs, à la perpétuation et au renouvellement des ségrégations pour lesquelles l’imagination humaine semble illimitée. C’est dans cet esprit que nous livrons ici quelques suggestions bibliographiques pour les guider dans une mémoire vivante. Une manière de rejoindre les préoccupations d’Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau quand ils concluent: «Les murs menacent tout le monde, de l’un et l’autre côté de leur obscurité. Ils achèvent de tarir ce qui s’est desséché sur ce versant du dénuement, ils achèvent d’aigrir ce qui s’est angoissé sur l’autre versant, de l’abondance. La relation à l’autre (à tout l’autre, dans ses présences animales, végétales, et culturelles, et par conséquent humaines) nous indique la part la plus haute, la plus honorable, la plus enrichissante de nous-mêmes. Que tombent les murs.» (2)
(1) in. Une nouvelle région du monde, éd. Gallimard, 2006.
(2) in Quand les murs tombent, éd. Galaade, 2007.
ALBUMS
De l’autre côté
Peter JOHANSSON, éd. Grandir, 1995, 15€
Dans une ville coupée en deux par un mur, les membres d'une même famille vivent séparés et privés de la liberté de se retrouver. La technique de l'auteur – photomontages et collages en gris et brun – et ses personnages à tête de rat, rendent très puissante cette évocation de Berlin et de la noirceur du régime est-allemand.
Un album aussi rare qu'original.
Le Mur
Mon enfance derrière le rideau de fer
Peter SIS, éd. Grasset, oct. 2007, 16,90€
Avec Le Mur, Peter Sís conclut une trilogie du souvenir, entamée avec Les Trois Clés d'or de Prague en 1994 et poursuivie avec Tibet. Les Secrets d'une boîte rouge en 1998. Trois livres qui cernent le rapport de l'auteur à son pays natal, la Tchécoslovaquie, et à la ville où il a grandi, Prague. Trois livres qui s'inscrivent, en même temps qu'ils lui échappent, dans l'histoire récente du pays - le communisme, la Guerre froide, le Bloc de l'Est... Trois livres qui explorent les espaces de liberté que l'auteur a su se ménager avant son exil américain dans les années 80. [LIRE ICI]
ROMANS
1989
Dix nouvelles pour traverser les murs
Sous la direction de Michael REYNOLDS, illustré par Henning WAGENBRETH, éd. Sorbier, octobre 2009, 96 pp. - 18€
Coup de chapeau aux éditions du Sorbier qui publient ce magnifique ouvrage. Y sont rassemblées dix textes d’auteurs européens (français, allemand, tchèque, ruse, polonais, italien, espagnol, hongrois) – des grands classiques (Max Frisch, Henrich Böll, Andrea Camilleri) ou d’autres moins connus en France (la russe Ljudmila Petrusevskaja, la polonaise Olga Tokarczuk) – qui, s’ils ne nous parlent pas tous explicitement du Mur de Berlin, traduisent intimement les fêlures, les douleurs, l’absurdité, le grotesque, le comique involontaire ou la haine tangible dont il fut porteur. L’ambition de l’ouvrage (et sa très belle postface de Michael Reynolds) le destine tout aussi bien aux adultes qu’aux adolescents.
Berlin 73
Marie-Florence EHRET, éd. Gulf Stream, coll. L’Histoire comme un roman, oct. 2009, 144 pp. - 8€
«Au début des années 70, Sylvie, une jeune lycéenne, traverse une crise morale aigüe. Toute communication semble coupée avec son père et sa mère. Après s’être attachée à un garçon de sa classe qui disparaît en cours d’année, Sylvie sombre dans la solitude et le désarroi jusqu’à ce que son père propose de l’envoyer passer l’été à Berlin chez son ami Rainer dont le fils Thomas, qui a l’âge de Sylvie, est devenu son correspondant depuis peu.(...) Berlin est depuis 1961 coupé en deux par le Mur, et les questions idéologiques recoupent des réalités très concrètes. La grand-mère de Thomas vit à Berlin-Est, et c’est à l’occasion d’une visite chez elle que Sylvie découvre cet autre monde. Quant à Berlin-Ouest, la ville est agitée par les remous des crises politiques générées par les actions des groupuscules d’extrême-gauche.»
Breaking the Wall
Claire GRATIAS, éd. Syros, coll. Rat noir, sept. 2009, 242 pp. - 13€
Berlin 1989. À l’Est, Markus Schloss, un agent de la Stasi, est muré dans le silence depuis qu’il a eu un accident cardiaque. À demi reclus chez lui, il a tout le loisir de se remémorer sa vie, ses échecs, ses compromissions. Il relit le journal d’Anna, une jeune fille qu’il a connue, et aimée de loin, il y a des années. À l’Ouest, Klaus Weber témoigne devant la caméra d’une documentariste française. Il raconte sa jeunesse à l’Est, son frère Eric et son amie Anna. Il raconte comment il a tenté de franchir le Mur. Comment, après des années de prison, il est finalement passé à l’Ouest. Les récits de Markus et Klaus sont liés par celui d’Anna et tous les trois ont rendez-vous avec l’Histoire, le 9 novembre 1989. [LIRE ICI]
Ici ou ailleurs
Janine BRUNEAU, éd. La Joie de lire, sept. 2004, 167 pp. - 8,50€
«Léna, enfant protégée et insouciante, vit avec sa mère Nina, artiste peintre dans un village. Alors qu'elle a 12 ans, elle découvre peu à peu l'histoire de son pays et celle de sa famille. Avec détermination, elle s'emploie à reconstituer l'histoire familiale que sa mère, traumatisée, n'a pas pu lui transmettre. Lorsqu'en novembre, le Mur de Berlin tombe, toutes deux espèrent concrétiser leur rêve: immigrer en France. Après d'infructueuses démarches, elles profitent d'une opportunité. Trompées, elles échappent à un réseau de prostitution et rentrent au village.»
Frank tête en l’air
Klaus KORDON, traduit de l’allemand par Martin Ziegler
éd. L’école des loisirs, coll. Médium, 1993, 270 pp. - 16,80€
«Dans le Berlin de l'après-guerre, des liens qui unissent deux frères, orphelins de père, à travers leur passion du football et l'aversion qu'ils éprouvent pour leur beau-père.»
Je t’écris de Berlin
Klaus KORDON
traduit de l’allemand par Marc Lacaze
éd. Gallimard Jeunesse, coll. Folio Junior
mai 1999, 208 pp. - 6,50€
Journées de Frank n’en finissent pas (Les)
Klaus KORDON, traduit de l’allemand par Martin Ziegler, éd. L’école des loisirs, coll. Médium, 1994, 238 pp. - 10€
«Frank habite Berlin Est. Pour beaucoup de choses, il a maintenant appris à se défendre seul. C'est lui qui a eu l'idée du siècle pour venger toute la classe de Monsieur Karusseit et de son sadisme. Quand Frank rentre de l'école, il s'occupe de son zoo: des souris, des grenouilles, un crapaud, des poissons et une magnifique couleuvre. Ensuite, il va parfois dans le quartier Ouest. Il s'entraîne à ne plus avoir peur de se faire arrêter par les policiers lorsqu'il passe la frontière. Depuis quelques jours, l'agitation règne. Il y a des grèves, on murmure qu'elles seront suivies par des arrestations, et par une intervention des soldats soviétiques. La mère de Frank lui a interdit de sortir. Mais la curiosité sera la plus forte. Les journées de Frank n'en finissent pas est le deuxième volet de l'histoire de Frank.»
King c’est moi ! (Le)
Günther SAALMANN, traduit de l’allemand par Marie Lauxerois, éd. L’école des loisirs, coll. Médium, 1999 - 10,70€
«...la vie ordinaire dans une ville moyenne d'Allemagne de l'Est, après la chute du Mur de Berlin. La vie banale d'un très bon élève, Rex Kamentz, dont le père se retrouve soudain sans emploi, à cause des restructurations dans son ancienne usine d'armement. La vie courante d'une famille qui dégringole doucement, de petits mensonges en magouilles minables, vers le désespoir. Un déménagement forcé dans la cité pourrie. Le mépris d'une fille aimée. Un père humilié. Un jeune homme révolté. L'ordre qui règne en surface pour mieux entretenir les trafics des adultes. La routine, en somme. Une routine qui mène à l'horreur, quand on essaie d'en sortir.»
Mes deux Allemagne
Anne-Charlotte VOORHOEVE, éd. Bayard Jeunesse, coll. Millézime, oct. 2009, 348 pp. - 11,90€
«À l’âge de treize ans, Lilly se retrouve orpheline. Son père est mort quand elle était toute petite et sa mère vient de succomber à un cancer. À l’occasion de ses funérailles, elle rencontre pour la première fois Lena, sa tante qui vit en RDA. Lilly se prend d’affection pour cette femme douce, et reste inconsolable après son départ. Elle est sa seule famille, mais elle vit de l’autre côté du mur…
Lilly échafaude alors un plan pour s’enfuir de RFA et effectuer une "évasion à contre sens" afin de la retrouver.»
DOCUMENTAIRES
Le Mur de Berlin
et la chute du communisme expliqués à ma petite-fille
Marc FERRO, éd. seuil, août 2009, 121 pp. - 8€
«Pourquoi le Mur de Berlin est-il tombé en 1989? Quelles en furent les conséquences en Europe de l’Est? Et en URSS? La chute du Mur de Berlin a-t-elle entraîné la fin du communisme? A-t-elle bouleversé la situation internationale?»
J’ai vécu le mur de Berlin
Philippe DEMENET, photographies Yan MICHALKO, éd. Bayard, coll. Les dossiers Okapi / J’ai vécu, 1993, 96 pp. - 9,90€
«L'histoire du Mur de Berlin et de la partition de l'Allemagne (1945-1989), racontée par trois personnes dont la vie a été bouleversée par ce mur et la profonde division du monde qu'il représentait.»
BD
Marzi : 1989
MARZI – L'INTÉGRALE, n° 2
Marzena SOWA (texte), Sylvain SAVOIA (dessins), éd. Dupuis, oct. 2009 - 25€
Le 2e volume de l'édition intégrale des souvenirs de Marzi la petite Polonaise – qui avait sept ans lors de l'instauration de l'état de siège de la Pologne par le général Jaruszelski – comporte la réédition des tomes 4 et 5 (remontés, nouvelles couleurs). Cet album-ci comporte un grand nombre d'inédits (BD, dessins, textes, photos, hommages d'autres auteurs…) et toute une partie documentaire suivant le retour de Marzena Sowa avec sa famille et ses amis en Pologne, 20 ans après son enfance, 20 ans après la chute du Mur… En 1989, le monde a changé. En 1989, Marzi a grandi. En 2009, elle a rendez-vous avec l'Histoire.
07/11/2009 | Lien permanent
Un sari couleur de boue | roman de Kashmira SHETH
Traduit de l’américain par Marion Daton
Éd. L’École des loisirs | coll. Médium | mai 2010 | 262 pp. – 11€
Leela est une petite fille joyeuse qui vit entourée de l’affection des siens. Sa famille qui habite le Gujarat, l’État le plus à l’ouest de l’Inde, appartient à la caste des brahmanes, la plus haute des castes hindoues et ne manque de rien. Elle vit avec ses parents, son oncle et sa tante et a un frère plus âgé, Kanubhai, qui poursuit ses études à Ahmadabad. Promise à un jeune homme de sa caste, Ramanlal, à l’âge de deux ans et demi et mariée à neuf ans, Leela approche de ses treize ans en cette année 1918, et devra bientôt, à l’issue de la cérémonie de l’anu, rejoindre la famille de son mari. Elle est encore une petite fille joyeuse et choyée par ses parents mais se prépare avec bonheur à aller vivre chez sa belle famille qui l’accueille toujours avec gentillesse et la gâte presque autant que ses propres parents.
La mort de Ramanlal, mordu par un serpent, bouleverse son enfance heureuse et insouciante.
D’enfant mariée elle devient enfant veuve. On lui rase la tête, elle doit quitter ses habits colorés et ses bijoux étincelants pour revêtir le chidri, un sari couleur de boue, et vivre recluse une année entière. Surtout, son avenir plein de promesses se fige dans cet état de malheur: elle ne sera plus jamais qu’une veuve, une enfant puis une femme qui ne pourra se marier et devra s’effacer pour ne pas subir les moqueries des uns et les violences des autres. Sa famille est au désespoir mais ne songe pas un instant à remettre en question les traditions ancestrales même si tous, et surtout sa mère et sa tante, perçoivent l’immense cruauté de ce qu’ils font subir à Leela. Seul son frère se révolte contre cette injustice et s’appuyant sur les discours de Gandhi, sur l’égalité entre les hommes et les femmes, tente de faire entendre raison à ses parents. C’est peine perdue mais ils acceptent que l’institutrice du village vienne, chez eux, faire l’école à la recluse.
Autour d’eux, le monde change. Gandhi lutte contre l’iniquité de l’occupation anglaise et l’injustice de certaines traditions hindoues. Au sein de leur maison, Leela elle aussi se transforme et, aidée de son frère, décide de ne pas se résoudre à l’avenir qu’on lui destine.
Un sari couleur de boue est un roman poignant parce qu’il décrit les ravages d’une pratique cruelle et injuste sur ceux-là mêmes qui l’appliquent. La famille de Leela est aimante et le châtiment auquel elle la contraint est d’autant plus terrible qu’il survient au cœur d’une vie heureuse et pleine d’espoirs. Kashmira Sheth, qui dit s’être inspirée de la vie de sa grand-mère née au Gujarat en 1888, joue avec talent des contrastes entre l’insouciance heureuse de Leela, petite fille gâtée et joyeuse et la morosité désenchantée et désespérée de l’enfant veuve. Aux premiers chapitres qui plongent le lecteur dans une Inde saturée de couleurs, d’odeurs, de saveurs (mille recettes délicieuses parsèment le récit), succèdent l’interminable attente, l’atonie des couleurs et des goûts. Le lecteur, comme Leela, est alors contraint dans un espace clos, où lui parviennent l’écho lointain de l’histoire en marche et des premiers succès de Gandhi.
Un roman qui permet, à travers un destin individuel, de découvrir une petite partie de l’histoire de l’Inde.
Ariane Tapinos (mai 2010)
31/05/2010 | Lien permanent
J'veux pas y aller! | album d'Yvan POMMAUX
Illustrations d'Yvan et Nicole POMMAUX
éd. Bayard jeunesse | sept. 2009 | 10,90€
C’est la veille de la rentrée et Pablo a décidé qu’il n’irait pas à l’école. Il a croisé les bras sur son torse, comme font les petits pour dire «non» et c’est en fronçant les yeux qu’il va se coucher. Sa mère essaie bien de l’amadouer avec une histoire, celle d’Atalante qui courrait plus vite que les garçons et avait promis d’épouser celui la battrait à la course, mais Pablo reste sur son refus. Et «les garçons courent plus vite que les filles, et puis c’est tout». Et c’est ainsi qu’il s’endort. Mais cette nuit-là… Cette nuit-là, la chambre de Pablo – comme celle d’un autre petit garçon très en colère dans un album paru il y a plus de quarante ans – se transforme en jungle. Les feuillages du papier peint se meuvent, les peluches s’animent, une rivière traverse la pièce. Le lit de Pablo devient un radeau, entouré d’animaux qui l’enjoignent d’aller à l’école. Le radeau s’échoue sur une plage où l’attend une «très jolie princesse de la jungle». Pablo lui propose une course et, comme dans l’histoire de sa mère, il sème sur leur chemin trois pommes d’or qui, distrayant Atalante (c’est le nom de cette petite princesse à la peau d’ébène), permettent à Pablo d’emporter la course d’un cheveu. Pablo s’endort sur sa victoire. À son réveil il est conduit en ronchonnant à l’école. Là, devant l’école Maurice Sendak, il aperçoit la petite fille de son rêve. Elle s’appelle Atalante et Pablo lui offre une belle pomme en signe d’amitié.
Avant même l’irruption de la nature sauvage dans la chambre de Pablo, l’expression furieuse de son visage rappelle celle de Max obligé d’aller dans sa chambre sans avoir mangé. Et alors que les références à Max et les Maximonstres courent tout au long de l’album d’Yvan Pommaux (parsemé également d’allusions à ses propres ouvrages), le nom de l’école de Pablo confirme, s’il en était besoin, l’hommage d’un grand artiste à un autre. Pablo et Max ont en commun de s’opposer aux adultes qui les élèvent et, comme tous les enfants du monde et aussi ceux des livres, ils doivent renoncer à la toute-puissance du petit enfant pour grandir et s’ouvrir aux autres. Max renonce à être le terrible roi des Maximonstres, Pablo se décide à aimer l’école où il y a des filles comme dans les livres. Et pour l’un comme pour l’autre, grandir passe par l’imaginaire et le rêve.
Le trait d’Yvan Pommaux est très différent de celui de Maurice Sendak et ses couleurs – celles que depuis des années son épouse Nicole offre à ses livres – sont plus soutenues, plus présentes dans l’image, mais dans les deux albums les auteurs ont choisi de disposer le texte à l’écart des images comme pour en permettre une lecture plus complète, plus détaillée. Et si les différences entre les deux livres sont aussi nombreuses que leurs ressemblances (les animaux de la chambre de Pablo existent dans la nature contrairement aux monstres de Max, il y a un être humain – et féminin – dans le rêve de Pablo et ce dernier est sans doute plus «raisonnable» que Max…), ils rendent tous deux hommage à l’immense richesse de l’imagination enfantine, un bien précieux dont les artistes, plus que les autres, ont su garder le souvenir.
Avec ce très bel album, Yvan Pommaux nous rappelle qu’il existe une histoire de la littérature jeunesse dans laquelle s’inscrivent les livres d’aujourd’hui, comme l’histoire individuelle s’inscrit dans l’histoire familiale et collective. Ces livres, qui sont passés entre les mains de plusieurs générations sans prendre une ride, sont ceux qui donnent du sens à notre travail de libraire, ceux que nous débusquons aujourd’hui, en faisant le pari qu’ils résisteront au temps.
Ariane Tapinos (octobre 2009)
07/12/2009 | Lien permanent
LE GARDIEN
Roman ado
de Malcolm PEET
Traduit de l’anglais par Olivier Malthet
Éd. Gallimard jeunesse
Avril 2004, nouvelle édition mai 2014.
232 pp. - 12,90 €
« On le surnomme El Gato, c’est-à-dire "le chat". Il vient de remporter la Coupe du Monde de football au terme de la plus spectaculaire finale de l’histoire. Il est célébré sur la planète entière comme le meilleur des gardiens de but. Mais nul ne connaît son secret. En exclusivité pour un ami journaliste, il dévoile ici l’incroyable histoire de sa vie. Au fin fond de la forêt amazonienne, une mystérieuse rencontre lui a donné le goût du football, la force de gagner, et beaucoup plus encore... Aux rythmes du football et de la forêt équatoriale, le récit envoûtant d’un héros magnifique. » (4° de couv.)
Sans conteste l’un des meilleurs romans de notre biblio foot. Par sa qualité d’écriture, sa puissance évocatrice et son étrangeté qui emportent l’adhésion au-delà de l’intérêt pour le sport. On croit avoir affaire à un récit du type « naissance et ascension d’un champion » et l’on se retrouve confronté aux souvenirs d’un homme complexe, pétri de doutes et moins attaché à sa réussite qu’à ses origines, aussi troubles soient-elles.
La même attention est portée à la description de la forêt, de la faune et de la flore amazoniennes, à la relation ambiguë du héros à son mentor ou aux techniques de domination psychologique de l’adversaire. Seules deux figures féminines interviennent dans le récit, mais non des moindres. En effet, le rôle joué par le mystérieux gardien, qui initie littéralement le narrateur, s’apparente à celui d’un passeur entre deux personnages féminins très forts : d’une part la mère – aimée et crainte – , qui rêve pour son fils d’une réussite passant par les études (un rêve d’ascension sociale autant sinon plus inaccessible que celui de champion du monde...) et à l’opposé cette autre femme, richissime, qui propose au jeune El Gato son premier contrat dans un club digne de ce nom, c’est à dire loin de la boue des chantiers de déforestation, mais aussi loin de celui qui lui a tout appris… et loin des rêves d’instruction maternels.
18/06/2014 | Lien permanent
JACK VANDAL
Roman Jeunes lecteurs
de Lee BACON
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Amélie Sarn
Éd. Milan, mai 2013
206 pages – 10,50 €
« Pour la plupart des gens, la fin du monde est une catastrophe ; pour d'autres, c'est un but à atteindre ». Et c'est justement ce but que cherchent à atteindre le Docteur Vandal et la Botaniste, les deux super-vilains qui forment le duo Vandal et dont Jack se trouve être le fils pour son plus grand malheur. « C'est toujours gênant de croiser ses parents quand on est avec des camarades du collège. Ça l'est encore plus quand vos parents sont sur le point d'anéantir la planète ».
Difficile de vivre avec des super méchants : les inventions maléfiques (ou pas) de son père fonctionnent rarement comme prévu, les expériences horticoles de sa mère tentent souvent de l'étrangler, les zombies ont quelques soucis de self-control et entretenir une identité secrète demande de déménager beaucoup trop souvent à l'avis de Jack, avis qu'on ne lui demande pas la plupart du temps. Tout cela complique déjà énormément la vie d'un garçon de douze ans, mais voilà qu'en plus, il se découvre un don (dysfonctionnement ontogénétique nouveau !) celui de faire exploser les choses…
Il semble donc que mener une vie normale relève de la mission impossible pour Jack et c'est sans doute tant mieux car quelqu'un semble bien décidé à en finir avec les super-méchants du monde entier, et le duo Vandal est sur la sellette. Jack va devoir voler (au sens propre) au secours de ses incorrigibles parents et il recevra pour cela une aide inattendue : celle de la fille du pire ennemi des Vandal, le super-héros Capitaine Justice en personne !
On l'aura compris, rien de profondément existentiel dans ce roman qui parodie avec beaucoup de très bonnes trouvailles l'univers des super-héros. Beaucoup d'action, des chapitres courts, des dialogues pleins d'humour et une intrigue bien menée, le premier tome des aventures de Jack Vandal, dont on ne doute pas qu'il fera bientôt l'objet d'une suite, est une réussite et on s'attache facilement à cet univers complètement farfelu dans lequel il n'est pas rare que la fin du monde interrompe les cours… ce qui devrait plaire à beaucoup de collégiens !
Nathalie Ventax (été 2013)
06/08/2013 | Lien permanent
LUNERR
Roman fantastique et poétique
de Frédéric FARAGORN
Éd. L’école des loisirs, septembre 2012
191 pages – 14,20 €
Un jour, alors qu’il est perdu dans ses pensées, le regard tourné vers l’extérieur par la fenêtre toute proche, Lunerr est interrogé par le maître. Surpris, à la question « Si tu ne peux trouver ton bonheur dans l’île, où peux-tu bien le trouver ? », il répond « Ailleurs ». Mais dans la cité de Keraël, véritable île cernée par des étendues désertiques et pierreuses, le mot « ailleurs » est banni. Pour avoir enfreint la règle, Lunerr doit quitter l’école sur le champ et sa mère, sur qui la faute et la honte retombent, est chassée par ses employeurs. Pour subsister, elle accepte un emploi de domestique auprès de l’homme le plus puissant mais aussi le plus mystérieux de Keraël, Ken Werzh. Ce dernier prend bientôt à son service le jeune Lunerr comme secrétaire particulier et lui révèle d’inestimables et effrayants secrets…
Frédéric Faragorn nous plonge dans une ambiance qui rappelle celle du très beau roman de Lois Lowry, L’Élue. Le monde de Keraël est un monde archaïque (même si on découvre à la fin que…) aux rites sévères et aux règles strictes. Lunerr, comme Kira l’héroïne de Lois Lowry, est habité par un destin qui le dépasse et qui se cache derrière une vie de privations et de malheurs. D’autres éléments, comme les Pitwaks, sorte d’animal domestique attaché à une personne (et celui de Lunerr n’a pas sa langue dans sa poche) font penser à l’univers de Philipp Pulman. Comme chez l’une et l’autre de ces grands auteurs, on retrouve dans ce roman une poésie, un ton, qui emportent le lecteur bien au-delà de la fantasy jusqu’aux frontières d’un certain mysticisme incarné ici par Lunerr quittant Keraël détruite à la tête d’une petite troupe, tel Moïse chassé d’Egypte.
Ariane Tapinos (novembre 2012)
24/11/2012 | Lien permanent
VITRINE DE NOËL 2012
En avant-goût des fêtes, un choix de lectures de Noël, pour les petits, les tout-petits et les pas grands…
Quelques nouveautés de l'année et des pépites à relire avec plaisir.
NOUVEAUTÉS 2012
La Bande à Grimme
Roman jeunes lecteurs
d'Aurélien LONCKE
Éd. L’École des loisirs, coll. Neuf
Septembre 2012, 139 pages – 9,20 €
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Bulle et Bob préparent Noël
Album-CD
de Nathalie TUAL (textes et musiques) & Ilya GREEN (illustrations)
Éd. Didier Jeunesse, coll. Mes histoires à raconter
Octobre 2012 – 12,90 €
[Lire ici]
Joyeux Noël, Rita et Machin
Album
de Jean-Philippe ARROU-VIGNOD & Olivier TALLEC (illsutrations)
Éd. Gallimard Jeunesse
Octobre 2012 – 13,50 €
[Lire ici]
La Lettre à la Mère Noël
Album
de Léna ELLKA & Laetitia LESAFFRE
Éd. Talents hauts, coll. Des livres pour les filles ET les garçons
Octobre 2012 – 12,50 €
[Lire ici]
Le Sac à disparaître
Album
de Rosemary WELLS
Traduit par Marie Saint-Dizier et Raymond Farré
Nouvelle édition : Gallimard jeunesse, coll. L’heure des histoires
Octobre 2012 – 5,50 €
[Lire ici]
Sacré Père Noël
Album
de Raymond BRIGGS
Traduit de l’anglais
Nouvelle édition : éd. Grasset jeunesse, nov. 2012 – 11,90 €
[Lire ici]
Un Noël aux Antilles et en Guyane
Album-CD
Illustrations : Laurent CORVAISIER
Chant : Dédé Saint-Prix, Sylviane Cedia, Marie-Joëlle Hippomene
Éd. Didier jeunesse, coll. Comptines du Monde
Octobre 2012 – 23,80 €
[Lire ici]
Les Verriers de Noël
Documentaire
de Fabian GRÉGOIRE
Éd. L’École des loisirs, coll. Archimède
Octobre 2012 – 12,70 €
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CLASSIQUES & VITRINES DE NOËL 2003 > 2011
02/12/2012 | Lien permanent
SOUS LE CALME DU DJEBEL
Roman ado de Robert BIGOT
Éd. Actes Sud Junior, coll. Les couleurs de l’Histoire
EO 2003, nouvelle édition août 2004, 249 pages – 10€
Paris, quartier de Belleville, 1954. Robert Bigot plante un décor, recrée une atmosphère, toute une époque. La France se relève péniblement des épreuves de la guerre et l’hiver est rude pour les sans-logis: en leur nom l’Abbé Pierre rameute la solidarité de jeunes bénévoles; parmi eux Héléna, étudiante en ethnologie, rescapée de la Shoah avec son père, tandis que sa mère a disparu dans les camps de la mort. La paix en Indochine est signée: on le dit haut et fort; cependant, la Guerre d’Algérie a déjà commencé: qui le sait ? Pas Héléna, ni même Germaine Tillion, la célèbre ethnologue qui confie à la jeune fille une mission d’études dans le cadre de sa thèse auprès des Chaouïas, dans l’Aurès le plus démuni et le plus reculé.
De septembre 54 à août 55 nous suivons mois par mois l’expérience douloureuse d’Héléna chez ses amis berbères, en plein cœur de la tourmente. À travers son regard naïf et fraternel, son jugement sans concessions, nous voyons se développer le processus complexe de la guerre, attisé par le racisme, la haine, les rivalités pour le pouvoir… Le livre est un bel hommage à Germaine Tillion dont on sait le long et courageux combat qu’elle mena à l’époque pour la paix, contre presque tous et au péril de sa vie souvent. Dans sa préface, Raoul Dubois remercie l’auteur «de ne pas avoir sombré dans la caricature, d’avoir bien montré à quel point la guerre n’a jamais un visage acceptable et entraîne le désespoir chez tous». En exergue, cette phrase de Robert Bigot: «Chaque fois que quelqu’un dit "J’ai la haine", il recommence la guerre d’Algérie». Pour les plus grands qui souhaiteraient mieux connaître le parcours de Germaine Tillion, il faut recommander une lecture passionnante: Germaine Tillion, une femme-mémoire. D’une Algérie à l’autre. Écrit et très documenté, par Nancy Wood, éditions Autrement, collection Mémoires, février 2003, 19€.
Mireille Penaud
(première publication de l'article: 1er mai 2003)
26/01/2012 | Lien permanent
MON FRÈRE, MA PRINCESSE
Pièce de théâtre de Catherine ZAMBON
Éd. L’école des loisirs, coll. Théâtre
Mai 2012, 61 pp. – 6,60 €
Alyan est un petit garçon de cinq ans qui clame haut et fort qu’il refuse d’être… un garçon. Il veut être une fille parce que « la nature elle s’est trompée ». De lubie amusante, l’entêtement d’Alyan devient agaçant et… menaçant pour son entourage. Alyan est comme il est, pas moyen que ce soit autrement. Mais pour Nina sa grande sœur, c’est un calvaire que de défendre son petit frère en butte aux railleries des autres enfants. Violentée par eux, elle décide de disparaître et force alors ses parents, son père surtout, aveugle à la détresse de son fils, à prendre la mesure de la souffrance dans laquelle, elle et son frère sont plongés.
Dans ce texte court et d’une incroyable audace, Catherine Zambon convoque toutes les questions qui naissent entre le sexe et le genre. Elle donne des mots à cet enfant si touchant dans sa détermination à être ce que son corps n’est pas, elle raconte la violence sexiste qui peut s’exprimer même parmi des enfants, elle n’omet pas la violence des rôles que les adultes assignent aux enfants selon leur sexe.
Sa pièce sonne comme un cri de révolte contre les normes qui enferment et elle nous donne à lire et à entendre une évidence : pour Alyan, être une fille n’est pas un choix, c’est une nécessité. Parce que oui, parfois, la nature se trompe et seule la liberté des hommes et des femmes peut remettre de l’équilibre à cet endroit-là.
C’est un très beau texte incroyablement émouvant qu’on lit le cœur serré et auquel son auteure offre des respirations quand la fantaisie vient au secours de la réalité, chaque fois qu’Alyan décide de transformer les gens en choses et que, miracle du théâtre et de la littérature, sa grand-mère devient fraise tagada… Pas sûr que dans « la vraie vie » comme disent les enfants, l’histoire se termine aussi bien, mais le final n’est ici qu’une étape et il est magnifique.
Ariane Tapinos (juin 2012)
23/06/2012 | Lien permanent