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31/05/2010

Un sari couleur de boue | roman de Kashmira SHETH

un sari couleur boue.gifTraduit de l’américain par Marion Daton
Éd. L’Écol
e des loisirs | coll. Médium | mai 2010 | 262 pp. – 11€

Leela est une petite fille joyeuse qui vit entourée de l’affection des siens. Sa famille qui habite le Gujarat, l’État le plus à l’ouest de l’Inde, appartient à la caste des brahmanes, la plus haute des castes hindoues et ne manque de rien. Elle vit avec ses parents, son oncle et sa tante et a un frère plus âgé, Kanubhai, qui poursuit ses études à Ahmadabad.  Promise à un jeune homme de sa caste, Ramanlal, à l’âge de deux ans et demi et mariée à neuf ans, Leela approche de ses treize ans en cette année 1918, et devra bientôt, à l’issue de la cérémonie de l’anu, rejoindre la famille de son mari. Elle est encore une petite fille joyeuse et choyée par ses parents mais se prépare avec bonheur à aller vivre chez sa belle famille qui l’accueille toujours avec gentillesse et la gâte presque autant que ses propres parents.
La mort de Ramanlal, mordu par un serpent, bouleverse son enfance heureuse et insouciante.


D’enfant mariée elle devient enfant veuve. On lui rase la tête, elle doit quitter ses habits colorés et ses bijoux étincelants pour revêtir le chidri, un sari couleur de boue, et vivre recluse une année entière. Surtout, son avenir plein de promesses se fige dans cet état de malheur: elle ne sera plus jamais qu’une veuve, une enfant puis une femme qui ne pourra se marier et devra s’effacer pour ne pas subir les moqueries des uns et les violences des autres. Sa famille est au désespoir mais ne songe pas un instant à remettre en question les traditions ancestrales même si tous, et surtout sa mère et sa tante, perçoivent l’immense cruauté de ce qu’ils font subir à Leela. Seul son frère se révolte contre cette injustice et s’appuyant sur les discours de Gandhi, sur l’égalité entre les hommes et les femmes, tente de faire entendre raison à ses parents. C’est peine perdue mais ils acceptent que l’institutrice du village vienne, chez eux, faire l’école à la recluse.
Autour d’eux, le monde change. Gandhi lutte contre l’iniquité de l’occupation anglaise et l’injustice de certaines traditions hindoues. Au sein de leur maison, Leela elle aussi se transforme et, aidée de son frère, décide de ne pas se résoudre à l’avenir qu’on lui destine.

Un sari couleur de boue est un roman poignant parce qu’il décrit les ravages d’une pratique cruelle et injuste sur ceux-là mêmes qui l’appliquent. La famille de Leela est aimante et le châtiment auquel elle la contraint est d’autant plus terrible qu’il survient au cœur d’une vie heureuse et pleine d’espoirs. Kashmira Sheth, qui dit s’être inspirée de la vie de sa grand-mère née au Gujarat en 1888, joue avec talent des contrastes entre l’insouciance heureuse de Leela, petite fille gâtée et joyeuse et la morosité désenchantée et désespérée de l’enfant veuve. Aux premiers chapitres qui plongent le lecteur dans une Inde saturée de couleurs, d’odeurs, de saveurs (mille recettes délicieuses parsèment le récit), succèdent l’interminable attente, l’atonie des couleurs et des goûts. Le lecteur, comme Leela, est alors contraint dans un espace clos, où lui parviennent l’écho lointain de l’histoire en marche et des premiers succès de Gandhi.
Un roman qui permet, à travers un destin individuel, de découvrir une petite partie de l’histoire de l’Inde.

Ariane Tapinos (mai 2010)

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