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07/12/2009

J'veux pas y aller! | album d'Yvan POMMAUX

J'veux pas y aller.jpgIllustrations d'Yvan et Nicole POMMAUX
éd. Bayard jeunesse | sept. 2009 | 10,90€

C’est la veille de la rentrée et Pablo a décidé qu’il n’irait pas à l’école. Il a croisé les bras sur son torse, comme font les petits pour dire «non» et c’est en fronçant les yeux qu’il va se coucher. Sa mère essaie bien de l’amadouer avec une histoire, celle d’Atalante qui courrait plus vite que les garçons et avait promis d’épouser celui la battrait à la course, mais Pablo reste sur son refus. Et «les garçons courent plus vite que les filles, et puis c’est tout». Et c’est ainsi qu’il s’endort. Mais cette nuit-là… Cette nuit-là, la chambre de Pablo – comme celle d’un autre petit garçon très en colère dans un album paru il y a plus de quarante ans – se transforme en jungle. Les feuillages du papier peint se meuvent, les peluches s’animent, une rivière traverse la pièce. Le lit de Pablo devient un radeau, entouré d’animaux qui l’enjoignent d’aller à l’école. Le radeau s’échoue sur une plage où l’attend une «très jolie princesse de la jungle». Pablo lui propose une course et, comme dans l’histoire de sa mère, il sème sur leur chemin trois pommes d’or qui, distrayant Atalante (c’est le nom de cette petite princesse à la peau d’ébène), permettent à Pablo d’emporter la course d’un cheveu. Pablo s’endort sur sa victoire. À son réveil il est conduit en ronchonnant à l’école. Là, devant l’école Maurice Sendak, il aperçoit la petite fille de son rêve. Elle s’appelle Atalante et Pablo lui offre une belle pomme en signe d’amitié.


Avant même l’irruption de la nature sauvage dans la chambre de Pablo, l’expression furieuse de son visage rappelle celle de Max obligé d’aller dans sa chambre sans avoir mangé. Et alors que les références à Max et les Maximonstres courent tout au long de l’album d’Yvan Pommaux (parsemé également d’allusions à ses propres ouvrages), le nom de l’école de Pablo confirme, s’il en était besoin, l’hommage d’un grand artiste à un autre. Pablo et Max ont en commun de s’opposer aux adultes qui les élèvent et, comme tous les enfants du monde et aussi ceux des livres, ils doivent renoncer à la toute-puissance du petit enfant pour grandir et s’ouvrir aux autres. Max renonce à être le terrible roi des Maximonstres, Pablo se décide à aimer l’école où il y a des filles comme dans les livres. Et pour l’un comme pour l’autre, grandir passe par l’imaginaire et le rêve.

Le trait d’Yvan Pommaux est très différent de celui de Maurice Sendak et ses couleurs – celles que depuis des années son épouse Nicole offre à ses livres – sont plus soutenues, plus présentes dans l’image, mais dans les deux albums les auteurs ont choisi de disposer le texte à l’écart des images comme pour en permettre une lecture plus complète, plus détaillée. Et si les différences entre les deux livres sont aussi nombreuses que leurs ressemblances (les animaux de la chambre de Pablo existent dans la nature contrairement aux monstres de Max, il y a un être humain – et féminin – dans le rêve de Pablo et ce dernier est sans doute plus «raisonnable» que Max…), ils rendent tous deux hommage à l’immense richesse de l’imagination enfantine, un bien précieux dont les artistes, plus que les autres, ont su garder le souvenir.

Avec ce très bel album, Yvan Pommaux nous rappelle qu’il existe une histoire de la littérature jeunesse dans laquelle s’inscrivent les livres d’aujourd’hui, comme l’histoire individuelle s’inscrit dans l’histoire familiale et collective. Ces livres, qui sont passés entre les mains de plusieurs générations sans prendre une ride, sont ceux qui donnent du sens à notre travail de libraire, ceux que nous débusquons aujourd’hui, en faisant le pari qu’ils résisteront au temps.

Ariane Tapinos (octobre 2009)

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