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27/03/2009

Grand-père menteur | roman jeune lecteur d'Alki ZÈI

9782748507850.jpg Traduit du grec par Anne-Fleur Clément | Éd. Syros | janvier 2009 | 150 pp. - 11 €

Marios est le grand-père adoré d’Antonis, un petit Athénien. Du haut de ses dix ans, Antonis est sous le charme du vieil homme et de ses mille histoires, puisées dans une longue vie d’aventures, d’engagements et de luttes, en un mot une vie incroyable, émaillée d’événements parfois si bizarres, rocambolesques ou romanesques qu’Antonis a pris l’habitude d’appeler son théâtral aïeul «grand-père menteur». Il faut dire que Marios fut et reste un comédien, un amoureux du théâtre et de la poésie, lesquels donnent de la profondeur à ses récits et imprègnent chacun de ses gestes (son goût pour les foulards à pois, pour le café filtre ou les citations de Shakespeare). Alors, Antonis n’a qu’un tout petit pas à franchir pour voir en son grand-père un affabulateur hors pair. Et il en veut pour preuve que sa grand-mère, morte depuis longtemps, n’est jamais présente dans ses récits. Pourtant, s’il y a bien là quelque mystère (qui sera éclairci avant la fin du roman) la vie de Marios est vraiment telle qu’il la raconte. Elle est aussi très proche de celle d’Alki Zèi.

 


Homme de théâtre, comme le mari de l’auteure, Marios a, comme elle, lutté contre les occupants durant la Seconde Guerre mondiale. Comme elle, il a fui la Grèce lorsque les colonels ont pris le pouvoir en 1967 et il est resté en exil à Paris durant ces années de dictature dans son pays. Comme elle surtout, il défend ses idées dans sa vie et dans ses mots. Il porte sur ses compatriotes un regard à la fois admiratif, quand ils résistent à l’oppresseur et luttent pour leur liberté, et critique, quand ils expriment racisme et xénophobie.

Mais ce Grand-père menteur, dernier livre d'Alki Zèi (avant le prochain, parce que c’est pas à 80 ans passés qu’elle va s’arrêter d’écrire !), n’est pas un écrit autobiographique. C’est un roman qui, comme ses autres livres, puise dans la vie mouvementée et engagée de son auteure, mais la dépasse. Alki Zèi n’écrit pas pour raconter sa vie, qui pourtant est un vrai roman, elle écrit pour ses lecteurs, ses jeunes lecteurs, tout comme Marios raconte pour Antonis. Elle écrit avec malice et tendresse ; avec affection pour ses personnages auxquels elle donne une vie presque palpable, et un immense respect pour ses lecteurs. Elle écrit pour transmettre. Et qu’est-ce d’autre qu’écrire pour la jeunesse ? Dans une langue simple et raffinée à la fois, qui laisse entendre la voix de ses personnages, leur âge et leur histoire hors champs, sans lyrisme ni fioritures stylistiques, elle insuffle de l’émotion et fait de cette relation entre un grand-père et son petit-fils, un idéal universel. Ce qu’elle transmet ne descend pas d’en haut, d’une prétendue sagesse acquise avec l’âge mais, comme dans les confidences de Marios à Antonis, se mêle à ce que vit son lecteur d’aujourd’hui, avec le respect dû à sa jeune, mais réelle expérience du monde.

La devise de la Grèce moderne, héritée d’années de lutte contre l’occupant Turc, est «La liberté ou la mort» (Elefthería í thánatos / Ελευθερία ή θάνατος). Marios ne cédera sa liberté de penser et d’agir, que devant la mort. Et toutes les histoires qu’il aura racontées à Antonis n'auront servi qu'à lui apprendre la valeur d'une vie de liberté… et d'amour des mots.

Ariane Tapinos & Corinne Chiaradia (mars 2009)

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