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Le Monstre qui mangeait le noir | album Joyce DUNBAR, illustré par Jimmy LIAO
Traduit de l’anglais par Alice Boucher | Éd. Bayard jeunesse | février 2009 - 12,50 €
Jojo a du mal à s’endormir le soir. Il a peur des ombres sous son lit et se dit qu’un monstre pourrait bien s’y cacher. Et justement… Ce soir il y a un monstre. Un tout petit monstre mais qui a une très grande faim. Le petit monstre se fait donc les dents sur les jouets qui traînent dans la chambre, mais le plastique ou la peluche ne sont pas à son goût. Il avise une boîte percée d’un petit trou par lequel il aperçoit le noir qui emplit la boîte, et il découvre que le noir c’est bon. Très bon même.
Et le voilà parti à la recherche de toujours plus de noir pour assouvir son immense faim. Noir des cavernes, noir des terriers, noir en salade ou en sandwich… Il avale goulûment tous les noirs de la terre et du ciel. Et bientôt l’univers est éclairé d’une inépuisable lumière. Les chats, les chauves-souris, les chouettes, les ours, et les humains aussi, n’en peuvent plus de ce jour infini. Et même le petit monstre, devenu énorme, est triste, seul dans la lumière. Il retourne chez Jojo qui ne peut plus dormir dans la lumière et le place entre ses bras sombres où il s’endort enfin. Bientôt, le monstre rend le noir et redevient tout petit, entre les bras de l’enfant qui dort.
Après Les Ailes, La Lune perdue et La Forêt des songes, trois livres sans texte, ou presque, Jimmy Liao se fait, un peu, plus bavard et grâce au texte de Joyce Dunbar, nous raconte, avec ses dessins toujours très reconnaissables, cette fausse histoire pour s’endormir le soir. Une vraie histoire pour réfléchir, intelligemment et sans la lourdeur de certains albums «à thème», sur les dangers qui guettent la terre si les hommes n’y prennent pas garde. Ce petit monstre amateur du noir, c’est aussi l’humanité boulimique d’énergie et de consommations. Qui, à trop produire, pourrait bien assécher la terre et la plonger dans le noir. C’est aussi l’ignorance qui se répand sur le monde. À nous d’être moins gourmands, plus vigilants et plus responsables, et le monstre restera petit, maîtrisé entre nos bras.
Ariane Tapinos (mars 2009)
24/03/2009 | Lien permanent
LA DRÔLE DE PETITE BONNE FEMME
album
de Arlene MOSEL & Blair LENT (illustrations)
Traduit de l’américain par Catherine Bohnomme
Éd. Le Genévrier, coll. Caldecott, octobre 2015 - 17€
Caldecott Medal 1973
Une « drôle de petite bonne femme » vivait au Japon, il y a très longtemps. Elle aimait beaucoup rire et faire des boulettes de riz. Un jour, une de ses boulettes lui échappe et roule dans une brèche dans le sol. En tentant de la rattraper, la petite femme, toujours rigolarde, se retrouve sur un étrange chemin bordé de statues de Jizo, divinités bienveillantes. Ces dieux de pierre lui enjoignent de se méfier des Onis, créatures démoniaques qui peuplent les sous sols. Attrapée par l’un d’entre eux, elle est conduite dans leur repère où elle est forcée de cuisiner des quantités de boulettes de riz, à la mode Oni, c’est à dire avec un peu de magie. Mais sa malice et son comique naturel vont la tirer de ce mauvais pas. Rentrée chez elle, avec la spatule magique volée aux Onis, elle devient la reine de la boulette de riz !
Savoureuse adaptation d’un conte populaire japonais recueilli par Lafcadio Hearn, cet album est aussi amusant que son héroïne, une petite femme toute ronde sanglée dans un kimono rouge. Entrainé à sa suite à la poursuite d’une boulette de riz, le lecteur découvre un monde souterrain peuplé de créatures étranges et inquiétantes. Alors que le voyage de la « drôle de petite bonne femme » se poursuit dans les profondeurs de la terre, l’image livre à celui qui la regarde une double lecture de ce qui se déroule sous terre et de ce qui continue de se passer à la surface. Sous terre, l’image est en couleur (vert, orange, brun), à la surface, la maison abandonnée par son habitante est au trait noir, on y aperçoit un homme, sans doute à la recherche de la petite bonne femme disparue, on y voit le temps qui passe, alors que sous terre, les péripéties se succèdent.
Un bel album - qui mérite bien sa Médaille Caldecott - qui nous plonge dans le folklore japonais avec ce conte qui fait peur tout en faisant rire.
Ariane Tapinos (avril 2016)
05/05/2016 | Lien permanent
LA NUIT DE BERK
album
de Julien BEZIAT
Éd. Pastel, août 2018 – 13,50€
L'autre jour, un truc terrible est arrivé à l'école : Berk, le doudou-canard un rien facétieux rencontré dans les précédents albums de Julien Béziat, a été oublié, on ne sait trop comment, dans la caisse à doudous de l'école.
« Tu le retrouveras demain. Il ne peut rien lui arriver » … paroles qui se veulent rassurantes des parents au jeune propriétaire de Berk. Rien lui arriver ? Hum, hum, pas si sûr ! Parce que la nuit est tombée sur l'école et Berk et Croc, un croco-sac-à-dos oublié lui-aussi, décident de partir se balader mais avancer à tâtons dans l'obscurité de la salle de classe n'est pas chose aisée, surtout quand on est juste éclairé par le halo de la lampe de la maîtresse.
SPROUITCH SPROUITCH SPROUITCH !
Qu'est-ce que c'est que ce bruit qui fiche drôlement la trouille et qui semble poursuivre nos deux courageux et téméraires héros ?
On dirait un bruit de grosses pattes qui écrabouillent, ou plutôt des ogres qui mâchouillent, ou encore des sorcières qui bidouillent. CLAC ! Argh ! La lumière s'est éteinte d'un coup. Et ce bruit qui se rapproche :
SPROUITCH SPROUITCH SPROUITCH !
« Sors-nous de là, Berk ! On va être écrabouillés, mâchouillés et bidouillés ! »
SPROUITCH SPROUITCH SPROUITCH SPROUITCH SPROUITCH SPROUITCH !
Comment Berk et Croc vont-ils se sortir de cette histoire ? Vont-ils être écrabouillés, mâchouillés ou bidouillés ? Et par quel curieux hasard vont-il se retrouver nez à nez avec une sorcière Cornebidouille, un des Trois brigands, un Monstre Vert et un Maximonstre ?
A vous de le découvrir dans cet album totalement sprouitchant... (un synonyme pour dire qu'on y trouve en même temps une pincée de frousse et un brin de farce). Julien Béziat s'amuse tour à tour à nous faire peur avant de nous faire éclater de rire dans cette exploration nocturne à hauteur de doudou et de lampe de poche. Après Le Mange-Doudous et Le Bain de Berk, une nouvelle aventure très réussie de notre doudou-canard préféré, aussi tendre et hilarante que les précédentes.
Claire Lebreuvaud (septembre 2018).
16/09/2018 | Lien permanent
MAX
Roman ado de Sarah COHEN-SCALI
Éd. Gallimard Jeunesse, coll. Scripto
Mai 2012, 473 pages - 15,90 €
Max est le premier né du Lebensborn de Steinhöring, en Bavière. Fruit de l’union – forcée – entre une jeune femme choisie pour son « aryenité » et un SS. Max est né sous une bonne étoile nazie, le 20 avril, jour de l’anniversaire du Führer et il est baptisé par Hitler en personne. Max – renommé Konrad – représente la future élite aryenne du programme des Lebensborn initié par Himmler et dont le but est de créer une nouvelle race conforme aux exigences nazies. Ausculté, mesuré, examiné sous toutes les coutures, Max passe avec succès toutes les sélections du docteur Ebner. Il est conforme et ne sera pas « réinstallé » (tué). Bien au contraire, il deviendra la mascotte du Lebensborn et suivra un parcours de parfait petit nazi de la fabrique des bébés aryens à la Napola, l’école – paramilitaire - de l’élite du Troisième Reich. Pire encore, Max est, dès son plus jeune âge, un auxiliaire des crimes nazis, utilisé pour faciliter les enlèvements d’enfants polonais, considérés comme aryen-compatibles, et leur intégration dans l’école où sont regroupés les enfants volés à leur parents, en vue de leur germanisation et de leure future adoption par des familles allemandes.
Pour nous raconter cette histoire ignoble – et pourtant inspirée de faits bien réels – Sarah Cohen-Scali choisit de placer son lecteur dans la tête de Max. Dès avant sa naissance, c’est lui qui nous dit qui il est et à quelle abomination il participe. Tout puissant, il observe, il sait. Le viol de sa mère, les enfants arrachés à leurs mères, ceux « réinstallés » (comprendre : déportés et tués), les tueries, les viols répétés des femmes polonaises, la réduction des femmes à un sexe et un ventre obligés de produire de bons petits aryens.
Et c’est peu dire que ce choix est dérangeant… Certes, Max est un bébé puis un enfant impossible à considérer comme responsable des crimes des adultes, ni même de ceux auxquels on le fait participer. Certes, Max est « fabriqué », programmé pour un être un nazi zélé et il est incapable de distance par rapport à ce à quoi il assiste et participe.
Certes, enfin, ce poste d’observation met le lecteur au cœur de la machine nazie, techniquement et intellectuellement et lui donne à voir l’abomination en marche.
Pourtant… Un peu comme le compagnonnage avec Maximilien Aue, le personnage des Bienveillantes, le roman de Jonathan Litell, la fréquentation de Max nous met à rude épreuve, au bord du malaise, au point d’interroger la pertinence du choix de l’auteure.
D’autant qu’ici le personnage est un enfant et qu’on a l’impression – douloureuse – d’assister à la naissance d’un monstre, né d’un grand dessein monstrueux. Et ce n’est pas le personnage de Lukas, le jeune garçon juif devenu assassin, à treize ans, pour venger ses parents tués par les nazis, qui dissipera notre malaise.
La violence de l’un comme celle de l’autre est le produit du monde obscène dans lequel les adultes les plongent, mais on s’interroge surle sens à donner au choix de Sarah Cohen-Scali qui force le lecteur à adopter le point de vue (dans le sens littéral : c’est depuis cet endroit que l’on lit le roman) d’un nazi en cours de fabrication. Les qualités d’écriture et de raconteuse d’histoire de l’auteure ne sont pas en cause. Bien au contraire : elle sait tenir son lecteur en haleine et le conduit au bout de ces presque 500 pages avec un grand talent.Elle sauve également son « héros » rattrapé par l’enfance mais est-il possible d’avoir été un monstre en devenir et de n’être plus qu’un enfant maltraité par l’Histoire…
Ariane Tapinos (juin 2012)
22/07/2012 | Lien permanent
LE GRAND LIVRE DE L’HORREUR
DANS LE CHATEAU DE DRACULA
DANS LES LABORATOIRE DE FRANKENSTEIN
romans
de N.M. ZIMMERMANN
Illustrations de Caroline HÜE
Éd. Albin Michel Jeunesse, mai 2017, 135 et 122 pages - 6,90€
Virgile est un adolescent somme toute assez banal mais qui est plus à l’aise dans la fréquentation des histoires effrayantes (et de tous les monstres qui les peuplent) que de ses congénères. Alors qu’il s’est discrètement éclipsé d’un cours de natation calamiteux (après avoir bu une bonne rasade d’eau chlorée et s’être cogné la tête à l’échelle), Virgile fait une rencontre qui va bouleverser sa vie banale. Sur une brocante, une vielle femme un peu étrange (elle porte une robe fleurs jaunes et un grand chapeau de paille sur une tignasse rouge vif) l’interpelle et en échange d’une gousse d’ail, d’un trombone et de deux euros, lui confie un livre ancien et précieux : Le Grand livre de l’horreur…
Peu après, Virgile va découvrir qu’en tant que gardien du livre il est désormais chargé d’une mission de la plus haute importance : empêcher le Maliseur de défigurer les grandes œuvres de la littérature horrifique ! Pour cela il ne dispose que de très peu de temps et doit bien connaître ses classiques.
Sa première aventure le projette dans le château de Dracula tel que décrit dans le roman éponyme de Bram Stoker, la seconde le met en contact avec le Docteur Frankenstein et sa terrible créature, tous deux inventés par Mary Shelley dans son roman Frankenstein.
Ces deux romans sont formidables ! D’abord, ils racontent des aventures trépidantes et effrayantes qui mettent en scène un (puis deux) adolescents qui ressemblent à s’y méprendre à ceux qui liront ces aventures. Ensuite, et c’est toute l’originalité de cette série, ils plongent le jeune lecteur dans l’univers des grands écrivains et remettent à l’endroit des histoires bien souvent maltraitées par leurs différents avatars. C’est avec l’idée de faire découvrir aux plus jeunes ces grands textes et les « vraies histoires » qu’ils recèlent que Naïma M. Zimmermann a créé sa série qui, pour notre plus grand bonheur, va se poursuivre… Prochain volume annoncé pour octobre : Sur l’ile de Jurassic Park, d’après le roman de Michael Crichton. Tremblez jeunes lecteurs !
Ariane Tapinos (juillet 2017)
Et… pour rencontrer Naïma Zimmermann, réservez votre journée du samedi 28 octobre, pour une effrayante après-midi d’Halloween à la librairie !
A lire, sur notre blog, de la même auteure :
pour se faire peur (pour les plus grands) Dreambox, pour être Lost in translation : L'amour, le Japon, les sushis et moi.
11/07/2017 | Lien permanent
YOKAI ! LE MONDE ÉTRANGE DES MONSTRES JAPONAIS
album
de Fleur DAUGEY & Sandrine THOMMEN (illustrations)
Éd. Actes Sud Junior, septembre 2017 - 16,50€
Qui n’a pas entendu parler des Yokai, ces créatures qui hantent la culture et la vie quotidienne des Japonais. Des jeux vidéo aux mangas, livres et anime, ces esprits malicieux et bien souvent malveillants ont déferlé dans les cours de récréation, à commencer par les célèbres Pokémons ou Yokai de poche.
Tout l’intérêt de ce splendide album est, plus encore dans ce contexte, de faire découvrir aux enfants français (et sans doute à de nombreux adultes piqués de culture nippone) les « vrais » yokai, ceux qui infusent la culture japonaise depuis des temps très anciens et jusqu’à aujourd’hui. Ceux qui inspirent les créatures amusantes qui s’animent sur nos écrans et ceux qui peuplent encore les campagnes et les villes de l’archipel nippon.
A travers des portraits de ces esprits farceurs et fréquemment méchants, souvent issus des transformations d’humains malheureux ou maltraités, les autrices nous plongent dans un monde où les légendes se mêlent à la réalité la plus quotidienne. C’est d’ailleurs ce qui fait la particularité des Yokai : leur présence autour de nous. Là où les contes et légendes européennes décrivent des royaumes lointains et inaccessibles, peuplés de créatures imaginaires, le folklore japonais nous enseigne que les esprits sont parmi nous, en lien avec nous et s’adaptent au monde contemporain. Après cette lecture, vous ne regarderez plus votre chat ou votre vieux parapluie du même œil !
Ariane Tapinos (novembre 2017)
NB : pour découvrir la diversité des Yokai, rien de mieux que de se plonger dans l’œuvre de l’immense mangaka Shigeru Mizuki, auquel Fleur Daugey et Sandrine Thommen rendent hommage.
Plusieurs de ses œuvres sont citées dans notre bibliographie japonaise et un ouvrage plus récent, Yokai, paru en février 2017 aux éditions Cornélius, dans la collection Blaise, rassemble de très beaux dessins de Mizuki consacrés à ces créatures légendaires.
06/11/2017 | Lien permanent
L' ŒIL DE BERK
Album
de Julien Béziat
Éd. Pastel, octobre 2020 - 13,50 €
"L'autre jour un truc terrible est arrivé dans ma cuisine. C'est Berk mon canard qui me l'a raconté."
Berk et ses amis les doudous sont en train de faire les andouilles quand un terrible accident se produit : Berk a perdu son œil ! Voilà donc toute la petite bande partie à la recherche de l’œil de Berk... Mais la cuisine fait décidément un bon terrain de jeu et les doudous ne sont pas au bout de leur surprise !
Une nouvelle aventure de Berk le doudou et ses amis qui démarre (c'est le cas de le dire ) sur les chapeaux de roues ! Dérapages, déguisements, grosse frayeur et yeux à la pelle sont au programme de cette visite de la cuisine. Impossible de s'ennuyer avec Berk !
Un album très attendu qui tient toutes ses promesses : c'est un vrai plaisir que d'explorer une nouvelle pièce de la maison de Berk que l'on découvre sous presque toutes ses perspectives, et de retrouver les facéties du bien nommé Berk ! Et pour un petit coup d'oeil (!) de plus, c'est par ICI.
10/12/2020 | Lien permanent
L'Océan noir | album de William WILSON
Éd. Gallimard jeunesse, coll. Giboulées | avril 2009 | 15,90 €
Ni fiction, ni documentaire, ni album, ni roman, L’Océan noir est un livre hybride, métis comme son auteur franco-togolais, l’artiste William Wilson.
Autour de 18 «tentures appliquées»*, réalisées dans un atelier d’Abomey au Bénin, William Wilson mêle son histoire personnelle à celle qui lie depuis des siècles les Noirs aux Blancs. De l’arrivée des Blancs sur le continent africain aux guerres d’indépendances, des esclaves aux immigrés d’aujourd’hui, des anonymes aux personnages célèbres, L’Océan noir retrace l’histoire d’un métissage souvent violent mais porteur d’espoir, d’un «faisceau entrecroisé de relations (qui) a donné naissance à des merveilles et à des catastrophes» et qui «décrit ce que nous sommes et deviendra ce que nous en ferons».
Chacune des tentures est le point de départ d’un récit où se croisent l’intime, l’historique, le documentaire érudit et le témoignage. Chaque texte déploie, dans une langue parfaite, un moment de cette double rencontre entre l’auteur et sa propre histoire, entre les Noirs et les Blancs. L’ensemble forme un ouvrage passionnant et unique qui puise sa cohérence, au-delà de sa forme multiple (et même en miroir de cette forme) et de son sujet immense, dans la démarche quasi analytique de son auteur. «L’Océan noir est ma contribution aux mémoire éclatées du monde noir» écrit William Wilson. C’est aussi un livre qui rend compte du caractère fractionné (comme les tentures faites de plusieurs morceaux de tissus d’origines différentes) de l’histoire individuelle : «une étoffe mal taillée, malmenée et rapiécée de partout (…) à l’image du destin de chacun d’entre nous dans sa tentative de devenir un être humain, digne de ce nom».
C’est peu dire que L’Océan noir est un livre qui, bien qu’édité par Gallimard Jeunesse, s’adresse aux adultes comme aux adolescents. Il éblouira les uns comme les autres et tous y trouveront matière à réflexion, loin des clichés et des simplifications, dans une approche profonde et généreuse de cette histoire séculaire des Africains.
Ariane Tapinos (avril 2009)
* Ces tentures, ou toiles, sont fabriquées à partir de tissus appliqués (cousus) sur un autre.
01/05/2009 | Lien permanent
Amos et le pays noir | album d'Anne CORTEY, illustré par Janik COAT
Éd. Autrement jeunesse | février 2009 - 16,50 €
Amos est un koala bleu, rouge et jaune. Il a de grands yeux ronds un peu hallucinés et de longues oreilles ovales. Il vit perché sur son arbre dans un univers entièrement noir où même «les habitants semblent couverts de suie». «Un jour Amos découvre une boîte. Il l’ouvre. Un arc-en-ciel en sort». Et les couleurs, peu à peu vont envahir son monde. C’est d’abord «l’arc-en-ciel qui s’étire» et se répand sur les arbres ronds et noirs. Ce sont ensuite des étoiles multicolores semées par Amos au fil de ses pas. C’est enfin le noir qui s’efface devant les couleurs qui se mélangent. Alors le pays d’Amos n’est plus le pays noir, c’est celui des couleurs denses, éclatantes, souriantes.
Ce voyage au pays d’Amos est surtout un voyage dans l’univers graphiques de Janik Coat. Les formes y sont rondes, sans aucune mièvrerie, les traits larges, les couleurs franches. L’irruption des couleurs permet, a contrario, de mettre en valeur les quelques pages entièrement noires du début de l’album. Le noir se fait gris, plus ou moins dense, plus ou moins sombre. Les contrastes entre la page blanche, le monde noir d’Amos, et le petit koala multicolore, sont splendides. S’en suivent quelques pages où la couleur s’immisce dans cet univers de gris. Plutôt que de repousser le noir, elle l’effrite et, s’installant peu à peu en son sein, en repousse les limites. Quand enfin les couleurs sont là, c’est une toute autre lumière qui éclaire le monde d’Amos. L’herbe est verte et grasse comme, sans doute, la craie de l’artiste. Le ciel est d’un bleu lumineux et épais comme un océan perché dans le haut de la page. Amos n’est plus seul et nous on s’extasie devant tant de beauté.
Et si ce livre est réussi, c’est aussi parce que son grand format carré et son papier épais mettent magnifiquement en valeur le style si personnel de Janik Coat, servi ici par un texte d’Anne Cortey, fait de phrases courtes qui flirtent avec la poésie. Un texte qui, présenté en grandes lettres d’imprimerie gris clair, s’installe avec bonheur aux côtés de l’image.
Ariane Tapinos (avril 2009)
04/04/2009 | Lien permanent
DIX MINUTES A PREDRE
roman
de Jean-Christophe TIXIER
Éd. Syros, coll. Souris noire, mars 2015, 152 pp. – 6,30€
Tim vient d’emménager avec ses parents dans une vielle maison, après que son père ait du changer de travail. Ses parents partent pour deux jours : ils vont soutenir les anciens collègues de son père lors du procès de leur employeur pour licenciement abusif. Tim devrait se réjouir de ces deux jours de liberté mais isolé comme il l’est dans ce nouvel environnement, il se trouve surtout face à 48 heures de solitude et de nostalgie de son ancienne vie urbaine et centrée autour de sa passion pour le skate.
En partant, son père, infatigable bricoleur lui a recommandé, s’il avait dix minutes à perdre, de retirer la tapisserie de sa chambre pour qu’il puisse à son retour y poursuivre des travaux.
Ces dix minutes vont se transformer en longues heures de labeur et d’aventure quand Tim va découvrir derrière la tapisserie, un intrigant message laissé par le fils de l’ancienne propriétaire.
Ce message le conduit sur la trace du butin d’un braquage au risque de réveiller l’appétit d’un dangereux complice… Heureusement, sa jolie et intrépide voisine Léa se joint à l’aventure.
Vrai roman policier qui flirt avec le noir, Dix minutes à perdre, se lit d’une traite et la peur au ventre. Entre vrai méchants et fausses pistes, Jean-Christophe Tixier, construit, sur une trame classique, une intrigue bien ficelée qui laisse une large place au contexte social. Comme le veulent les règles du genre, l’histoire se termine quand les méchants sont mis en déroute après avoir terrifiés nos jeunes héros et alors que le méchant patron est lui aussi condamné.
Ariane Tapinos (mai 2015)
23/05/2015 | Lien permanent