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22/07/2012

MAX

shoah,pologne,seconde guerre mondiale,eugenisme,monstreRoman ado de Sarah COHEN-SCALI
Éd. Gallimard Jeunesse, coll. Scripto
Mai 2012, 473 pages - 15,90 €

Max est le premier né du Lebensborn de Steinhöring, en Bavière. Fruit de l’union – forcée – entre une jeune femme choisie pour son « aryenité » et un SS. Max est né sous une bonne étoile nazie, le 20 avril, jour de l’anniversaire du Führer et il est baptisé par Hitler en personne. Max – renommé Konrad – représente la future élite aryenne du programme des Lebensborn initié par Himmler et dont le but est de créer une nouvelle race conforme aux exigences nazies. Ausculté, mesuré, examiné sous toutes les coutures, Max passe avec succès toutes les sélections du docteur Ebner. Il est conforme et ne sera pas « réinstallé » (tué). Bien au contraire, il deviendra la mascotte du Lebensborn et suivra un parcours de parfait petit nazi de la fabrique des bébés aryens à la Napola, l’école – paramilitaire - de l’élite du Troisième Reich. Pire encore, Max est, dès son plus jeune âge, un auxiliaire des crimes nazis, utilisé pour faciliter les enlèvements d’enfants polonais, considérés comme aryen-compatibles, et leur intégration dans l’école où sont regroupés les enfants volés à leur parents, en vue de leur germanisation et de leure future adoption par des familles allemandes.

Pour nous raconter cette histoire ignoble – et pourtant inspirée de faits bien réels – Sarah Cohen-Scali choisit de placer son lecteur dans la tête de Max. Dès avant sa naissance, c’est lui qui nous dit qui il est et à quelle abomination il participe. Tout puissant, il observe, il sait. Le viol de sa mère, les enfants arrachés à leurs mères, ceux « réinstallés » (comprendre : déportés et tués), les tueries, les viols répétés des femmes polonaises, la réduction des femmes à un sexe et un ventre obligés de produire de bons petits aryens. 


Et c’est peu dire que ce choix est dérangeant… Certes, Max est un bébé puis un enfant impossible à considérer comme responsable des crimes des adultes, ni même de ceux auxquels on le fait participer. Certes, Max est « fabriqué », programmé pour un être un nazi zélé et il est incapable de distance par rapport à ce à quoi il assiste et participe.

Certes, enfin, ce poste d’observation met le lecteur au cœur de la machine nazie, techniquement et intellectuellement et lui donne à voir l’abomination en marche.

Pourtant… Un peu comme le compagnonnage avec Maximilien Aue, le personnage des Bienveillantes, le roman de Jonathan Litell, la fréquentation de Max nous met à rude épreuve, au bord du malaise, au point d’interroger la pertinence du choix de l’auteure.

D’autant qu’ici le personnage est un enfant et qu’on a l’impression – douloureuse – d’assister à la naissance d’un monstre, né d’un grand dessein monstrueux. Et ce n’est pas le personnage de Lukas, le jeune garçon juif devenu assassin, à treize ans, pour venger ses parents tués par les nazis, qui dissipera notre malaise.

La violence de l’un comme celle de l’autre est le produit du monde obscène dans lequel les adultes les plongent, mais on s’interroge surle sens à donner au choix de Sarah Cohen-Scali qui force le lecteur à adopter le point de vue (dans le sens littéral : c’est depuis cet endroit que l’on lit le roman) d’un nazi en cours de fabrication. Les qualités d’écriture et de raconteuse d’histoire de l’auteure ne sont pas en cause. Bien au contraire : elle sait tenir son lecteur en haleine et le conduit au bout de ces presque 500 pages avec un grand talent.Elle sauve également son « héros » rattrapé par l’enfance mais est-il possible d’avoir été un monstre en devenir et de n’être plus qu’un enfant maltraité par l’Histoire…

Ariane Tapinos (juin 2012)

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