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Sens interdit | roman de Danielle MARTINIGOL & Alain GROUSSET

Sens interdit.jpgÉd. Flammarion, coll. Ukronie | août 2010
325 pages – 15€

En 1918, la grippe espagnole a fait des millions de victimes et tous ceux qui ont survécu ont perdu tout ou partie de leurs capacités olfactives. Des religieux extrémistes, réunis dans l’Ordre des Flagellants, ont profité du désarroi de la population de la Confédération française, qui regroupe la métropole et ses colonies, pour asseoir leur pouvoir tyrannique et faire régner l’obscurantisme social.
Des années plus tard, un orphelin, garçon blanc de dix-sept ans, est recueilli dans un monastère de Tanzanie, Tarakea. Le jeune Mathis cache qu’il est un «odorant absolu». La société est divisée en castes, selon les différentes capacités olfactives, décelées dès l’âge de deux ans, chez tous les enfants: certains sont Animal, Végétal ou Minéral, avec différents degrés et sous-ensembles: Odorant Animal Humanique ou Animal Fauve, Végétal Boisé ou Végétal Fruité… Ou, situation la pire, Odorant Rebut: capable seulement de sentir les odeurs de déjections animales et humaines et par là condamné à exercer des métiers dégradants.
Mathis se sait en danger si son secret venait à s’ébruiter.

Si le monde avait connaissance de la possibilité d’échapper à la maladie, les fondations du dogme des Flagellants s’effondreraient et avec elles toute l’organisation sociale qu’ils ont promue et dont ils assurent le contrôle.
En Suisse, la jeune Anne-Marianne démarre son stage chez GenPharma, l’entreprise pharmaceutique de son oncle et unique parent, Jean de Monestan. Malgré ses diplômes, elle débute aux archives, avec la mission d’y faire de l’ordre et de trier de vieux dossiers. Incidemment, elle découvre des documents qui prouvent l’existence d’un remède au Myxovirus Odorenzae… Très vite, il devient clair que la preuve vivante de l’existence du traitement et de son efficacité est Mathis lui-même. Le jeune garçon suscite alors attentions et convoitises. Pour la bonne cause de la part de Anne-Marianne et de son oncle qui veulent trouver le remède à la maladie. Pour de moins nobles raisons de la part des Flagellants…

Avec beaucoup d’humour et autour d’une intrigue trépidante, Danielle Martignolle et Alain Grousset nous convient à une réflexion sur l’intolérance, la tyrannie et l’archaïsme religieux. 
La critique est d’autant plus efficace que, sous couvert d’uchronie, elle fait maintes fois référence aux dérives actuelles de certains tenants de la foi. La lecture est alerte mais le propos sérieux: quand on confie les destinées humaines et matérielles aux religieux, à l’Eglise, quelle qu’elle soit, on ouvre la porte aux dérives totalitaristes. À méditer en savourant un très bon roman… 

Ariane Tapinos (octobre 2010)

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23/10/2010 | Lien permanent

La Dernière Année | roman de Thierry LENAIN, illustré par Benoît MOREL

derniere annee.gifOu pourquoi et comment le Père Noël décida d’arrêter - Et pourquoi il ne recommença jamais.
Éd. Oskar jeunesse | coll. Trimestre, oct. 2010
47 pp. - 14,95€

Il y a longtemps qu’albums et romans nous racontent les dessous de Noël – la chaîne de fabrication des cadeaux où triment lutins et lutines – et la vraie vie du Père Noël: la couleur de son pyjama, les prénoms de ses rennes, son plat préféré, l’organisation de sa tournée… En revanche, on sait peu de choses sur ce que pense, ce que ressent l’homme en rouge qui doit, chaque année et en une seule nuit, exaucer les souhaits de millions d’enfants. Que pense le Père Noël, le vrai, pas ces marionnettes en tissus et plastique qui s’accrochent aux balcons et semblent près de tomber, pas ces pauvres hommes contraints de s’attifer et de se grimer pour un salaire de misère au supermarché du coin, non, le vrai, l’homme sous le manteau rouge. Imaginez un peu: depuis des lustres vous gâtez des enfants, chaque année plus exigeants, tout en sachant que certains, beaucoup, n’auront rien sous le sapin. Pas de voiture supersonique ou de jeux video ultra nouveau moderne, ni même de poupée qui parle, chante, fait des claquettes et fait pipi debout. Rien. Pas même une orange. C’est pas que vous êtes méchant, mal organisé ou à cours d’idée. C’est que les cadeaux que vous apportez, il faut bien que quelqu’un les paie. Et il serait temps d’arrêter de prendre les enfants pour des imbéciles: le Père Noël d’accord, mais ce n’est pas de sa faute si certains ont beaucoup et d’autres presque rien.

Et voilà qu’un jour, le Père Noël est fatigué, un peu las peut-être, vieillissant aussi – ça use comme métier, Père Noël – quelque chose se casse. Une hésitation, un doute… et il sait que cette année sera sa dernière année. Pour ne pas léser les enfants qui lui ont écrit, il informe leurs parents de sa décision et, le cœur léger, s’en va vivre une autre vie. Une vie au service des enfants, encore, mais de ceux pour qui Noël est un jour maigre comme les autres.

Voilà un bien beau livre et une vraie histoire de Noël, qui remet l’humain au cœur de la «magie de Noël» comme dans un film de Frank Capra. Et si on y lit un peu de lassitude c’est sans aucune ironie. C’est un bel hommage aux enfants que de leur confier les doutes et les aspirations de ce vieux monsieur qui leur est si familier et pourtant si inconnu. C’est aussi un bel objet – illustré par des gravures en bichromie à la fois tendres et drôles – qui s’inscrit dans une toute nouvelle collection, Trimestre, qui fait le lien entre album et premiers romans. Une collection «Pour réfléchir et pour s’émouvoir»: on attend les autres avec impatience…

Ariane Tapinos
(décembre 2010)


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05/12/2010 | Lien permanent

Yancuic le valeureux | album de Fabrice NICOLINO (texte) & Florent SILLORAY (ill.)

yancuic.gifÉd. Sarbacane, 2e trimestre 2007
66 pages - 15,90 €

Fabrice Nicolino, dont on connaît les ouvrages les plus récents sur les pesticides ou les agro-carburants (1), investit le domaine de la fiction pour faire passer ses préoccupations écologistes. Son héros, Yancuic, est un jeune garçon qui vit dans la forêt amazonienne au moment où les premiers hommes blancs pénètrent le continent sud-américain. L’histoire ne se joue pas autour de cette rencontre, mais autour d’un défi, dont l’enjeu est Sarilou, un petit singe dont Yancuic a su gagner l’amitié. Le défi perdu, Sarilou devient la propriété d’un autre enfant, cruel et violent, qui le laisse mourir, jusqu’à ce que…

Le récit des malheurs du petit singe est touchant, et peut nous engager à nous demander si nous éprouvons de l’empathie pour l’animal, ou pour l’enfant qui l’aime; quels devoirs nous avons envers les animaux. L’interrogation de notre rapport à la nature est subtile, étroitement mêlée à la fiction et jamais prise en charge explicitement par l’auteur. Plutôt qu’à un formatage des futurs éco-citoyens, ce genre d’ouvrage participe à la formation culturelle et sensible d’une génération ouverte sur les questions d’écologie.

Aude Vidal
(première
publication de l'article: 20 octobre 2008)

(1) Pesticides: Révélations sur un scandale français, avec François Veillerette, éd. Fayard, 2007; La Faim, la bagnole, le blé et nous: une dénonciation des biocarburants, éd. Fayard, 2007.


PS À consulter également: le point de vue de Mireille Penaud sur Yancuic le valeureux, publié dans la Vitrine de l’été 2007 de Comptines & compagnie et reproduit ici.

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30/08/2009 | Lien permanent

Un automne à Kyoto | roman de Karine REYSSET

Automne Kyoto.jpgÉd. L’École des loisirs | coll. Médium | avril 2010 | 176 pp. – 10€

Cet automne à Kyoto c’est celui que Margaux, seize ans et sa sœur Apolline, quatre ans, passent avec leur père, dramaturge passionné de théâtre japonais et qui a obtenu une bourse du ministère des Affaires étrangères, dans l’ancienne capitale impériale du Japon. Seize ans c’est un âge difficile pour partir loin de ses amis et de ses amours. Et même si Margaux s’est plongée dans les romans de Mishima et d’Haruki Murakami et les films d’Ozu, de Takeshi Kitano ou Hayao Miyazaki, le départ est rendu plus difficile encore par son amour naissant pour Mathias et par le brusque changement de programme de sa mère. Celle-ci, appelée comme costumière sur un tournage, décide de ne pas suivre sa famille pour raccrocher les wagons d’une vie professionnelle en sommeil depuis la naissance d’Apolline.

Voilà donc Margaux partie pour trois mois d’immersion culturelle au Japon et de baby-sitting. Trois mois à se serrer à trois dans un studio avec mezzanine à la Villa Kujoyama qui accueille chaque année des artistes français en résidence. Trois mois qui vont changer sa vie et son rapport au monde.
Margaux découvre l’amour, tiraillée entre Mathias resté en France et Éric, un jeune photographe logé lui aussi à la Villa Kujoyama, mais aussi le désamour de ses parents ou plutôt la difficile réalité de la vie avec son père toujours au seuil de la dépression.

Et bien sûr, Margaux découvre aussi le Japon et les merveilles de Kyoto. Les splendeurs de la nature qui change au fil des semaines, les cloches qu’on fait sonner à l’entrée des temples, les statuettes des Tanuki sur les chemins, les torii cachés sous la frondaison des arbres, le goût surprenant des pâtisseries japonaises, l’amertume du thé vert…
Si le récit de cette saison si particulière qui fait passer de l’enfance à l’âge adulte avec ses abandons et ses espoirs, est assez classique, Karine Reysset transporte avec succès son héroïne et son lecteur dans un Kyoto intemporel. Elle fait passer dans son récit – sous la forme, notamment, de listes que tient Margaux des choses qui lui plaisent, l’émeuvent, la font rire… et de dessins tout en finesse, de Pauline Reysset – son propre émerveillement devant les beautés de la ville aux 2000 temples et palais et aux innombrables jardins.

Il y a dans la retenue de son écriture quelque chose qui entretien une tension et donne vie à ce basculement qui guette Margaux mais aussi à ce voyage au pays du soleil levant.

Ariane Tapinos

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25/08/2010 | Lien permanent

LES INCORRIGIBLES ENFANTS DE LA FAMILLE ASHTON T.1 UNE ETRANGE RENCONTRE

orphelin,loup,angleterre,aventureRoman
de Maryrose WOOD
Illustré par John KLASSEN, traduit de l'anglais par Noémie GRENIER
Éd. Flammarion, avril 2015, 308 pages -14€

Mademoiselle Penelope Lumley - quinze ans et fraîchement diplômée de l'Académie Swanburne pour jeunes filles pauvres mais intelligentes - est en route vers le domaine de la famille Ashton pour y passer son premier entretien d'embauche. Lord et Lady Ashton sont en effet à la recherche d'une gouvernante pour les enfants de la maison. L'annonce est alléchante : « Recherchons dès maintenant : Gouvernante énergique pour trois enfants pleins d'entrain. Connaissances en français, latin, histoire, savoir-vivre, dessin et musique requises. Expérience avec les animaux préférée » ; et la jeune Pénélope - qui a le physique de l'emploi - voue une passion au le monde animal depuis sa lecture des (très nombreuses) aventures d'Arc-en ciel le poney. C'est donc avec beaucoup d'inquiétudes mais une certaine confiance en elle (bâtie sur les solides préceptes et les innombrables maximes de la très honorable Agatha Swanburne) que Miss Penelope Lumley fait la connaissance de Lady Constance Ashton qui s'avère inexplicablement bien plus nerveuse qu'elle. 

Il semble vite en effet que la très jeune lady Constance soit plus soucieuse que la nouvelle gouvernante de ce que le poste soit rapidement pourvu et la prise de contact avec sa potentielle employeuse est perturbée par de mystérieux hurlements qui convainquent vite miss Lumley que son entretien d'embauche n'a rien de traditionnel ; impression d'ailleurs vite confirmée par la rapidité avec laquelle on lui confie le poste et fait signer un contrat.

 

Une fois installée (...et quelque peu désarçonnée par le fait qu'elle n'ait toujours pas rencontré les enfants dont elle aura la charge ), Penelope décide de visiter les écuries d'où s'échappent les cris désespérés entendus pendant sa conversation avec Lady Constance. C'est là qu'elle découvre les trois enfants de la famille Ashton.
Âgés d'environ dix à quatre ans, les trois futurs élèves de Miss Lumley glapissent, aboient, se roulent par terre et ont indubitablement été élevés par des loups. Consternée par leur état de crasse et d'abandon, la jeune gouvernante décide donc de prendre les choses en main et de s'occuper du bien être d'Alexandre, Beowulf et Cassiopée, comme les a étrangement prénommés Lord Ashton, qui les a « attrapés » lors d'une partie de chasse.

Roman inaugural d'une série de six (dont cinq sont déjà parus outre atlantique) ce premier volume des aventures des incorrigibles enfants de la famille Ashton est une roman plein de malice, une caricature bienveillante des Mary Poppins de la littérature enfantine anglaise qui laisse une large part au mystère et à l'aventure. La mystérieuse origine des « incorrigibles » n'est en effet pas révélée à la fin de ce premier tome, et les quelques pistes qui se dessinent ne manqueront pas d'allécher le lecteur … Courage la suite est prévue pour l'automne !  

Nathalie Ventax (juin 2015)

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25/06/2015 | Lien permanent

Manolis de Vourla | roman d'Allain GLYKOS

manolis vourla.gifÉd. Quiquandquoi | sept. 2005 | 144 pages - 19,50€
Livre accompagné d'un DVD documentaire

Vourla, bourgade grecque d'Asie Mineure, septembre 1922. Manolis a sept ans. En quelques jours sa paisible vie de petit paysan va être emportée dans la tourmente de l'Histoire. La France et l'Angleterre viennent d'abandonner leur ancienne alliée, la Grèce, et renoncent à la soutenir dans son incroyable tentative de reconquête d'une partie de la Turquie. La défaite grecque provoque la «Grande catastrophe d'Asie Mineure»: les Grecs sont chassés de ce territoire turc dans lequel ils vivent depuis toujours (les Turcs qui habitent le nord de la Grèce depuis presque aussi longtemps, sont eux aussi renvoyés dans leur «patrie»).
Manolis est depuis quelques jours chez sa grand-mère, Sophia, lorsque la guerre frappe à sa porte. Sophia et lui doivent partir. Marcher des heures de long de routes jonchées de cadavres. Embarquer sur un navire militaire anglais, puis sur un vieux cargo grec. Ils arrivent enfin à Nauplie, la première capitale de la Grèce libre, où ils sont conduits avec tous les réfugiés dans une école de la ville.

D'abord adopté par une riche famille de Nafpliotes en manque de descendance masculine, Manolis apprend que sa mère, dont il est sans nouvelle depuis son départ forcé de Turquie, a trouvé refuge en Crète. Il a huit ans lorsqu'il entreprend seul ce long voyage jusqu'à Vori, en Crète, où il apprend la mort de son père mais retrouve sa mère, ses frères et ses sœurs. Il n'a que quinze ans lorsqu'il entame un plus long voyage encore jusqu'en France, à Bordeaux où il sait que vit l'un de ses oncles. Manolis veut étudier et vivre une autre vie que celle que lui promet cette terre aride de Crète. Coupé de la terre qui l'a vu naître, il cherche, toujours plus loin, un autre ailleurs qui soit enfin un nouveau chez lui. L'arrivée à Bordeaux est rude: il y fait froid, il y pleut souvent, les murs sont gris et les gens moins expansifs qu'autour de la Méditerranée, mais la France est encore une terre d'accueil et c'est ici, dans la région bordelaise que Manolis fera sa vie d'adulte.

Après le très beau Parle-moi de Manolis, paru en 1997 aux éditions de L'Escampette, Allain Glykos a une nouvelle fois trempé sa plume dans l'encre de son histoire familiale, pour revenir sur le voyage qui a conduit son père d'Asie Mineure jusqu'à Bordeaux. Alors que son premier récit de cet exil, d'une construction littéraire très différente, était destiné aux adultes, Manolis de Vourla, plus narratif, s'adresse aux adolescents. Peut-être à ceux à qui il a souvent raconté l'histoire de son père et avec qui il a débattu des réalités de l'immigration, du déracinement et de la double culture (comme le montre le film de Yolande Detez et Jean-Marie Bertineau, qui accompagne l'ouvrage sous la forme d'un DVD).

Allain Glykos trouve les mots justes pour raconter cette terrible histoire, dont on ne sait si l'issue est vraiment heureuse, comme si l'immigré devait toujours faire un compromis entre là d'où il vient, là où il vit et les rêves qu'il a abandonnés en chemin. On lit le roman de Manolis le cœur serré à la pensée de ce petit garçon bringuebalé par les événements, de cet adolescent courageux et volontaire et de cet homme tenu si longtemps éloigné de la terre de son enfance. Au-delà du récit, si mal connu en France, de ce déplacement tragique de populations entre la Grèce et la Turquie (mais à vrai dire, pour les Français, la Grèce se résume bien souvent à ses plages, ses ruines, ses maisons blanches et son histoire s'arrête à Périclès), le texte d'Allain Glykos nous parle de tous ces exils forcés, de toutes ces guerres et de leurs cortèges de réfugiés hagards et dépenaillés, qui trouvent tant d'échos dans l'histoire récente. En cela son récit est universel, comme est universel l'amour de ce fils pour son père.

Ariane Tapinos
(première publication de l'article: 14 novembre 2005)


À lire pour les plus grands : Parle-moi de Manolis, éd. L'Escampette, 4e trim. 1997, 150 pages, 15€

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31/05/2009 | Lien permanent

Les machos expliqués à mon frère - Interview de Clémentine Autain

Autain.C©Ph. Matsas-Opale3_1.jpgOn n'a pas tous les jours l'occasion de se féliciter de la parution d'un livre féministe, et encore moins d'un livre qui explique le féminisme aux plus jeunes. Alors quand le livre de Clémentine Autain est arrivé à la librairie, en ce début d'année scolaire, il a trouvé une place de choix à Comptines et il a été évident, tout de suite, qu'il serait l'objet de cette chronique.  Personnalité atypique du monde politique français (femme, féministe, jeune... Enfin, je ne sais pas jusqu'à quand on est "jeune", mais en France et en politique, c'est sans doute au moins jusqu'à la cinquantaine), Clémentine Autain a toujours déployé son engagement féministe entre l'action politique et le travail de réflexion. Son livre, Les machos expliqués à mon frère est au cœur de ces deux méthodes : une réflexion sur le féminisme, son histoire et son actualité, et une action en direction des plus jeunes, parce qu'il n'y a pas de pente naturelle vers l'égalité, mais un combat quotidien qui passe aussi par l'éducation.

Ariane Tapinos : - Pourquoi ce titre ? Est-ce que le livre ne devrait pas plutôt s'appeler "le sexisme expliqué à ...", voire "le féminisme" ... ? J'imagine que c'est un choix de l'éditeur ? Est-ce que c'est parce que "sexisme" et "féminisme" sont un peu des gros mots dans le langage courant médiatique ? Je me rappelle d'interminables réunions au MFPF pour savoir ce qu'il fallait faire de l'emploi du mot "féminisme"... Et il y a toutes ces femmes qui disent "je ne suis pas féministe, mais...". Je sais par ailleurs que Geneviève Fraisse a eu le plus grand mal à garder son titre Le mélange des sexes, pour son ouvrage chez Gallimard Jeunesse, parce que "sexe"...

Clémentine Autain : - En effet, j'avais proposé "le féminisme expliqué à..." Le titre final fut induit par l'éditrice. Pas parce que "féminisme" ou "sexisme" sont des gros mots mais parce qu'ils ne sont pas très populaires - et donc peu vendeurs. Les livres sur les femmes ne font généralement pas recettes, les éditeurs le savent... "Les machos" présentait l'avantage de s'adresser à tout le monde, plus largement. C'était aussi sans doute plus drôle et peut-être moins moralisateur. Mais les questions d'Alban, mon frère, ont globalement trait aux sexisme et à l'histoire de l'émancipation des femmes. Et tout au long du livre, je revendique haut et fort le terme de féminisme.

couv machos_1.jpg- Dans l'échange avec Alban, vous vous étonnez (faussement, j'imagine !?), de sa méconnaissance de l'Histoire des femmes (ou plutôt de la part des femmes dans l'Histoire). Est-ce que cette transmission-là n'est pas l'un des enjeux les plus importants, et les plus malmenés, du féminisme contemporain ? Je dis "malmené" , parce qu'il me semble que les femmes (et les féministes) participent souvent de cette réécriture de l'Histoire qui les nie et les ridiculise. Au lieu de faire l'éloge de l'humour qui a caractérisé les actions du féminisme dans les années 70, on ne retient que les sous-tifs brûlés... Comment faire cet effort de transmission auprès des jeunes générations ? 

- L'enjeu de la transmission est fondamental. C'est compliqué parce que ça touche à l'intime, à l'identité, à la sexualité, au quotidien. Mais c'est l'une des raisons de ce livre. L'Histoire des femmes est récente en France. Elle manque de reconnaissance et de moyens. Les manuels scolaires racontent l'histoire des grands Hommes. Quant au féminisme, il est plus qu'absent : invisible. J'étais très étonnée  qu'Alban n'ait jamais entendu parler d'Olympe de Gouges. Il ne connaissait comme féministe que Simone de Beauvoir. C'est inquiétant...

- Parfois, et parce qu'on a notre réputation à Comptines (!), un client entre (enfin, plus souvent une cliente) et nous dit "je cherche des livres non sexistes"... Comme s'ils l'étaient tous (sexistes) et qu'il fallait donc débusquer les quelques-uns acceptables ! Faut-il en retour traquer les clichés sexistes ?
- La chasse aux jouets et livres les plus sexistes est une bonne méthode si elle ne confine pas à des règles trop strictes potentiellement contre-productives. L'explication dès le plus jeune âge des enjeux liés à l'identité sexuée et sexuelle et le décryptage des objets et histoires sexistes valent sans doute mieux que l'interdiction et la moralisation à tout bout de champ. Mais si nous ne prenons pas garde à construire des univers de jeux et de livres mixtes, les catégories imposées vont vite s'inviter partout. Et je ne dis pas que c'est simple !

- Pour en venir au cœur de votre livre :  Vous y dressez une sorte d'état de la condition des femmes dans le monde et en France.  Pouvez-vous revenir un peu sur cet aspect des choses... Et sur "l'ethnicisation" rampante d'un certain féminisme français, qui tend à populariser l'idée que la discrimination ne concerne plus que les banlieues et les populations d'origine maghrébines. 

- Je tiens énormément à l'idée que le sexisme se développe dans tous les milieux sociaux. Et ce, pour deux raisons.  D'abord, dans mon propre espace politique, certains continuent de penser que tous les combats sont solubles dans l'anticapitalisme. Autrement dit, quand la lutte des classes aura porté ses fruits, tout le reste viendra. L'intellectuel slovène Salvoj Zizek, très en vogue chez les jeunes intellos de la gauche radicale, estime que le féminisme détourne des combats importants et qu'il est même dangereux car l'égalité hommes/femmes peut être récupérée par le capitalisme. Dire que le féminisme transcende les problématiques de classes est dès lors assez fondamental ! Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas d'articulation à rechercher entre les combats émancipateurs (féminisme et marxisme) mais que le féminisme n'est pas soluble dans la lutte des classes. Dit autrement, si les inégalités sociales disparaissaient, le patriarcat pourrait continuer à vivre.  Ensuite, la dernière période a vu l'émergence d'un nouvel ennemi principal : le garçon arabo-musulman, devenu responsable du sexisme en France. Comme s'il n'y en avait plus ailleurs qu'en banlieue. Comme si les cadres blancs bien de chez nous ne comptaient plus de machistes. Des mouvements, comme Ni Putes Ni Soumises, ont contribué à ériger cette figure, avec le soutien et la bienveillance de nombreux médias, intellectuels ou politiques, qui ont trouvé là une manière de dédouanner d'autres espaces de discriminations sexistes. Il y a évidemment un complexe de supériorité culturel qui se cache dans le stéréotype du jeune garçon arabo-musulman des quartiers. Ceci dit, de nombreux sociologues ont montré combien le sentiment d'humiliation et de relégation de ces jeunes garçons pouvaient conduire à des comportements virils, qui permettent une réassurance narcissique.

- Vous abordez la question des violences faites aux femmes. Cette question, outre qu'elle fonde, en partie, votre engagement féministe, est sans doute l'une des plus importante qui soit, et ce dès l'adolescence (pour ne pas parler d'avant...). Comment percevez-vous les violences sexistes à cet âge et aujourd'hui ? Augmentation ? Banalisation ?

- Je ne crois pas à la banalisation des violences sexistes. Y a-t-il chez les adolescents une recrudescence ? Je préfère laisser le diagnostic aux spécialistes. Mais, depuis les années 1970, la prise en compte du viol, de la prostitution, des violences conjugales, du harcèlement, etc. est de plus en forte, on ne saurait le nier. Cela doit porter ses fruits. La hausse des plaintes est sans doute un indicateur que les langues peuvent se délier. Mais nous sommes très très loin du compte. Le tabou reste extrêmement fort, la honte continue de peser sur les femmes. Par ailleurs, les moyens et la volonté politique manquent cruellement pour informer, sensibiliser, prévenir ces violences. Au fond, ces violences commencent à peine à sortir de la sphère privée...


Pour poursuivre la discussion, il faut vous précipiter sur Les machos expliqués à mon frère, une lecture pleine d'humour et d'intelligence, qui s'adresse autant aux adolescents qu'à leurs parents. Et, un bonheur n'arrivant pas toujours seul, on ne peut manquer de signaler, ici, la parution, aux éditions Actes Sud Junior, dans l'excellente collection Ceux qui ont dit non, d'un livre sur le combat de Simone Veil contre les avortements clandestins (Simone Veil,  "Non aux avortements clandestins", de Maria Poblete, à paraître en mars 2009). Une manière à peine détournée de parler de son combat POUR le droit à l'interruption volontaire de grossesse. Finalement, outre Il n'y a pas si longtemps, publié aux éditions Sarbacane, et Le droit de choisir : l'IVG en France et dans le monde, aux éditions Syros Jeunesse, on n'a pas vu ce sujet souvent abordé en littérature jeunesse sous l'angle de la conquête d'une liberté.


Propos recueillis par Ariane Tapinos


Les machos expliqués à mon frère aux éditions du Seuil, dans la collection Explique-moi, octobre 2008, 112 pages, 7€
Photo : Clémentine Autain ©Ph. Matsas



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08/03/2009 | Lien permanent

VIOLENCES FAITES AUX FEMMES | Bibliographie

8 mars : Journée internationale des droits des femmes…

Cette célébration annuelle, bien qu’indispensable parce qu’elle met en lumière des situations scandaleuses à travers le monde, a un arrière-goût amer.

Chaque année, tout au long de cette journée, les médias nous abreuvent de chiffres et d’informations sur la place des femmes dans le monde et en France, les – maigres – progrès de l’égalité et les écarts toujours scandaleux. Les droits des femmes en mars, c’est un peu comme les revenus des fonctionnaires à la rentrée et les régimes amaigrissant en été. Ou comme l’automne et la galette des rois dans les écoles: un sujet qui marque le temps qui passe. Et qui, en l’occurrence, nous indique qu’il ne se passe pas grand-chose…

À Comptines, le temps est rythmé par les livres qui paraissent, par nos lectures, par les enfants de nos clients qui grandissent… Le 8 mars, c’est une date comme les autres pour redire notre engagement en faveur d’une société mixte et égalitaire. La parution simultanée de trois livres (deux romans et un album) qui traitent des violences faites aux femmes, c’est l’occasion de publier ici une courte bibliographie sur ce sujet qui intéresse les enfants: ce qui se passe dans les familles, leurs familles, celles de leurs camardes, les concerne. Les livres nous apprennent et parfois nous sauvent la vie.

Et parce que le chemin à parcourir reste si long, nous complétons cette bibliographie par quelques chiffres (eh oui, nous aussi!) glanés dans la brochure 2009 Chiffres-clés L’égalité entre les femmes et les hommes, publiée par le Service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, du Ministère des solidarités et de la cohésion sociale (on remarquera au passage que l’époque du Ministère des droits des femmes est révolue).

Quelques chiffres pour aller plus loin… jusqu'au 8 mars prochain !

VIE POLITIQUE

Femmes députées en 2007: 18%
Femmes maires en 2008: 13,9%

La France occupe 18e rang européen pour la place des femmes dans les parlements des États membres de l'Union européenne.

VIE PROFESSIONNELLE

Taux de réussite au bac des femmes, en 2008: 85,3% (hommes: 81,5%)

Les femmes occupent 82% des emplois à temps partiels en 2008 = 29,4% des femmes travaillent à temps partiel

Niveau de salaires des femmes cadres dans les secteurs privé et semi-public, en 2007: -21,7% de celui des hommes
Le salaire des femmes, tous temps de travail confondus, est de 27% inférieur à celui des hommes (2006)

Âge moyen de liquidation de la retraite: 61,4 ans pour les femmes contre 59,5 ans pour les hommes

Taux de chômage des femmes, en 2008: 7,9% (hommes 6,9%). Dans le groupe d'âge 25-49 ans, les femmes représentent 54% des chômeurs

VIE PRIVÉE

Violence
Les femmes sont près de cinq fois plus victimes de violences sexuelles que les hommes (étude portant sur les années 2007- 2008)
«Au cours de l'année 2008, une femme est décédée tous les deux jours et demi, victime de son partenaire ou ex-partenaire de vie»

Pauvreté
Les femmes représentent, en 2007, 54% des 8 millions de personnes vivant, en France, sous le seuil de pauvreté. Et elles sont plus des deux tiers des plus de 65 ans.
Près de 70% des «travailleurs économiquement pauvres» sont des femmes! (revenu d'activité inférieur au seuil de pauvreté)

Travail domestique
Entre 1986 et 1999: le temps consacré par les hommes au travail domestique a augmenté de… 8 minutes!
Les femmes consacrent, en moyenne, 3h48 par jour au travail domestique, les hommes : 1h59 (on attend en 2011 les résultats d'une nouvelle enquête effectuée en 2009-2010)

Pratiques culturelles
En 2008, 75% des femmes ont lu un livre au cours des 12 derniers mois, contre 64% des hommes.
Elles ne sont que 64% à sortir le soir au moins une fois par mois, contre 74% des hommes…

ALBUMS

violence conjugaleLes Artichauts
Momo GÉRAUD, Didier JEAN & ZAD
Éd. 2 Vive Voix, septembre 2012 - 15,50€
Chaque soir, Jeanne appréhende le temps du repas. Elle sait que la violence peut surgir à tout moment. Et quand les cris résonnent, elle s'évade et se rêve une vie meilleure.


violence conjugaleLes Souliers écarlates
Gaël AYMON, Nancy RIBARD
Éd. Talents Hauts, octobre 2012 - 13,80€
« Un seigneur avait épousé une jeune fille telle qu'il l'avait souhaitée : aussi belle qu'il était grand, aussi fragile qu'il était fort. Plus elle était fragile, plus il se sentait fort. Il se mit donc à la malmener »…


Six heures du soir.gifLe Terrible six heures du soir
Christophe HONORÉ, Gwen LE GAC
Éd. Actes Sud Junior, mars 2008 - 16€

Un père de famille, le « terrible six heures du soir » se comporte en tyran jusqu’au jour où on lui tient tête.
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Un air de famille.gifUn air de famille
Moni PORT, ill. Philip WAECHTER
Adapté par Bernard Friot
Éd. Milan jeunesse, coll. Mes premiers albums, janvier 2011 - 10,90€
Un père hurle sur sa femme et ses enfants au moindre prétexte. Un jour, sa fille quitte la maison pour trouver refuge dans une autre famille.

ROMANS

Confidentiel.gifConfidentiel
Nicole CAGE-FLORENTINY, ill. Jacques FERRANDEZ
Éd. Dapper, coll. Au bout du monde, fév. 2010, 139 pp. - 5€
Roman ado
Dans son journal intime Samuel, quinze ans, aborde des sujets difficiles, comme celui de la violence conjugale.

Coups pour coups.gifCoups pour coups

Cécile DEMEYÈRE-FOGELGESANG
Éd. Pocket jeunesse, coll. Romans, juin 2008, 114 pp. - 5,5€
Roman jeune lecteur
Quentin a onze ans, des mauvaises notes et un comportement déplorable mais la violence qu’il trimballe s’ancre dans sa vie de famille.

Joue bleue.jpgLa Joue bleue

Hélène LEROY, illustré par Sylvie SERPRIX
Éd. Talents Hauts, coll. Livres et égaux, mars 2009, 34 p. - 6,90€
Première lecture / Roman jeune lecteur
Parabole préhistorique sur la violence conjugale sous la forme d’un court roman pour jeunes lecteurs.
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Livre qui dit tout.gifLe Livre qui dit tout

Guus KUIJER
Traduit de néerlandais par Maurice Lomré
Éd. L’école des loisirs, coll. Neuf, mars 2007, 150 pp. - 9,50€
Roman jeune lecteur
Dans les années 50, aux Pays-Bas, l’histoire de Thomas qui aspire à une vie meilleure, loin de son père tyrannique.
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Lola Rose.gifLola Rose

Jacqueline WILSON, ill. Nick SHARRATT
Traduit de l’anglais par Vanessa Rubio
Éd. Gallimard Jeunesse, coll. Folio Junior, oct. 2009, 320 pp. - 7,70€
Roman jeune lecteur
Comment une mère décide de s’opposer à la violence de son mari lorsque ce dernier s’en prend à sa fille.

Mercedes.gifMercedes cabossée

Hubert BEN KEMOUN
Éd. Thierry Magnier, coll. Petite poche, janvier 2011, 48 pp. - 5€
Roman jeune lecteur
Comment une enfant de six ans quasiment mutique décide de briser le silence et de dénoncer son père violent.
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La première fois.gifLa Première fois on pardonne

Ahmed KALOUAZ
Éd. du Rouergue, coll. doAdo, oct. 2010, 92 pp. - 9€
Roman ado
Élodie essaie de comprendre quand la violence a commencé et traque les traces d’un bonheur perdu qui n’a peut-être jamais existé… Un livre magnifique.
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Site des soucis.gifLe Site des soucis

Jacqueline WILSON, ill. Nick SHARRAT
Traduit de l’anglais par Olivier de Broca
Éd. Gallimard Jeunesse, coll. Folio Cadet, oct. 2003, 188 pp. - 7,70€
Roman jeune lecteur
Sur le site des soucis, les élèves du professeur Bolide vont pouvoir faire part de leurs difficultés et dire ce qui reste caché.

violence conjugaleTouche pas à ma mère
Hervé MESTRON
Éd. Talents Hauts, coll. Ego, sept. 2012, 63 pp. - 7€
Roman ado
Cécile découvre les mauvais traitements que sa mère subit de la part de son nouveau compagnon. Aidée des parents d'une amie, elle y met fin. 
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Zarbie.gifZarbi les yeux verts

Joyce Carol OATES
Traduit de l’américain par Diane Ménard
Éd. Gallimard, coll. Scripto, oct. 2005, 316 pages – 11,50€
Roman ado
Le plus réussi des quatre romans pour adolescents publiés (en français) par la très grande écrivaine, Joyce Carol Oates. Une adolescente se débat avec les sentiments contradictoires que lui inspirent la violence de son père. Un roman oppressant et implacable.
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BANDE DESSINÉE

violence conjugaleEn chemin elle rencontre…
Vol1 - Les artistes se mobilisent contre la violence faite aux femmes

Editions Des ronds dans l’O– Amnesty International, septembre 2009, 95 pages – 18,80€

 

Vol2 - Les artistes se mobilisent pour le violence conjugalerespect des droits des femmes
Editions Des ronds dans l’O – Amnesty International, février 2011, 95 pages – 18,80€

Vol3 - Les artistes se mobilisent pour l’égalité femme -homme
Editions Des ronds dans l’O – Amnesty International, février 2013, 84 pages – 18,80€

 

violence conjugaleAu fil de ces trois volumes, ce sont 70 auteur-e-s : scénaristes, illustrateurs – trices, coloristes…  qui se mobilisent pour les droits des femmes, au travers d’une trentaine d’histoires contenues dans une seule image ou plusieurs pages. Ils - elles mettent leur talent au service d’une cause juste et urgente et quel talent : Charles Masson, Jacques Ferrandez, Florence Cestac, Daphné Colligon… Un travail collectif et militant proposé et coordonné par Marie Moinard, auteure et éditrice. 



Inès.gifInès
Scénario Loïc DAUVILLIER, illustrations Jérôme D’AVIAU
Éd. Drugstore, mars 2009 - 15€
Une petite fille assiste, impuissante, aux colères de son père qui maltraite sa mère.




DOCUMENTAIRE

Pas de l'amour.gifJ’appelle pas ça de l’amour:
la violence dans les relations amoureuses

Agnès BOUSSUGE & Elise THIÉBAUT
Éd. Syros jeunesse, coll. Femmes !, sept. 2009, 126 pp. - 7,70€
En partenariat avec le Mouvement français pour le planning familial et Amnesty international - épuisé
Des témoignages, des entretiens et un cahier documentaire pour comprendre et appréhender les situations de violences tout en dénonçant les stéréotypes sexistes.

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04/03/2011 | Lien permanent

Les Loups noirs | album de Béa DERU-RENARD et Neil DESMET (ill.)

loups noirs.jpegÉd. Pastel, mars 2005 - 13 €
(À partir de 5 ans)

C’est une vallée où tous vivent en paix et en harmonie. Lions, cochons, renards, girafes ou poules s’entraident et s’apprécient. Hélas, deux affreux loups, Benito et Augusto espionnent les paisibles animaux et vont rapporter à leur chef, l’abominable Adolphe, que dans la vallée «toutes les couleurs sont mélangées» et «chacun fait ce qu’il veut, où il veut, quand il veut». Les loups décident donc de mettre de l’ordre dans ce mélange et déboulent dans la vallée pour «trier et ranger» : «les emplumés avec les emplumés, les tachetés avec les tachetés… Malheur à ceux qui ne sont pas d’accord». Les uns sont parqués derrière des barbelés ou envoyés dans des laboratoires, les autres expulsés. Pour les volailles, les loups construisent de grands fours dans lesquels elles sont jetées «sans espoir de retour».

Les habitants de la vallée décident de faire appel au «petit peuple de l’ombre» (tous les insectes) pour lutter contre les loups noirs. Les puces s’attaquent à leur pelage, les vers à leurs repas. Les araignées les emprisonnent de leurs toiles. «C’est la libération». Les loups sont jugés et condamnés à des travaux d’intérêt général, en accord avec leur sens de l’ordre et de la propreté : ramasser les vieux papiers, réparer les objets…

A la différence des autres albums sur le sujet (à l’exception notable de Que la bête meure de Calvo et Maus de Spiegelman), Les Loups noirs choisit la fable animalière pour nous raconter des horreurs bien humaines. Surtout, à travers cet artifice, il s’adresse à des enfants petits (à partir de cinq ans) et peut permettre d’aborder avec eux les questions de la tolérance et du métissage, mais aussi d’évoquer cette période si sombre de notre histoire. La fable pourrait être générale (comme dans L’agneau qui ne voulait pas être un mouton, de Didier Jean et Zad, chez Syros, sur la résistance), mais s’y trouvent quelques éléments assurément identifiables par des adultes et qui peuvent permettre de passer du général, du moral, à l’événement historique. On objectera que l’histoire n’a pas retenu les mêmes responsabilités pour l’un (Benito) que pour l’autre (Adolphe) et qu’Augusto (Pinochet ?) n’a pas participé aux mêmes horreurs. Mais en faisant du loup Adolphe le chef de la meute, les auteurs signifient bien que tous ne sont pas à mettre au même plan. De toutes les façons, les enfants auxquels cet ouvrage s’adresse ne seront pas en mesure d’en saisir la portée historique sans l’aide d’un adulte. À lui d’en faire une lecture juste ! Seul bémol, une image pose sans doute un problème de représentation historique : celle où l’on voit les poules qui sortent (mortes) du four, avec une auréole au-desssus de la tête… Une représentation très chrétienne de la mort pour signifier celle de millions de juifs…

Ariane Tapinos (février 2005)

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02/12/2008 | Lien permanent

Naufrage à Vanikoro | roman jeune lecteur de Pascale PERRIER et Jeanne ZAKA

9782350003948.jpgÉd. Oskar jeunesse, coll. Histoire et Société | février 2009 | 98 pp. dont un dossier documentaire sur l’expédition de Lapérouse - 8,95 €

1787 sur Vanikoro, une île perdue du Pacifique Sud, un jeune garçon nommé Livomo voit s’échouer un navire étrange d’où sortent des hommes blancs. Ce bateau c’est l’Astrolabe, l’une des deux frégates de Lapérouse, parti de Brest en 1785 pour découvrir des terres inconnues et donner aux expéditions françaises une renommée comparable à celle de James Cook, le navigateur anglais. Des quelques rescapés du naufrage, un seul va se mêler aux Mélanésiens qui peuplent l’île et se lier d’amitié avec Livomo.

Par delà les différences de culture et de langue, Étienne, unique marin naufragé à ne pas tenter de regagner sa terre natale, ou plus probablement une colonie occidentale, sur un radeau de fortune, va apprendre de Livomo, l’adolescent de Vanikoro, comment survivre sur cette île à la moiteur étouffante, et lui transmettre des bribes de ses propres savoirs. Attaché à Livomo, et sans doute conscient qu’il ne reverra jamais les siens, Étienne mourra en libérant la jeune fille que Livomo aime et qui a été capturée par les Polynésiens voisins lors d’un rapt de femmes. Il laissera au peuple de Vanikoro, en plus de son souvenir, une poignée de mots français et quelques ustensiles récupérés sur l’Astrolabe.

Raconté du point de vue d’un enfant mélanésien, ce court roman comble un vide entre l’histoire connue de l’expédition perdue de Lapérouse et les traces qui en ont été découvertes des années plus tard, en 1827, puis confirmées au début du XXIe siècle. En 2005, en effet, une expédition de la marine française, à laquelle participait une trentaine de scientifiques, a entrepris de résoudre l’énigme de la disparition de l’expédition Lapérouse. Elle a apporté la preuve que c’est bien sur les rivages de Vanikoro que les deux vaisseaux français se sont échoués en 1787, mais on ignore encore, et sans doute pour toujours, ce qu’il est advenu des membres de l’équipage et des quelques rescapés du naufrage.

Bien documenté, le roman de Pascale Perrier et Jeanne Zaka propose une histoire là où il y a toujours un mystère. Il donne à lire la rencontre de ces deux cultures mais aussi la touffeur, la rudesse et la grisaille permanente de ces îles qu’on imagine paradisiaques… Il est complété par un dossier documentaire très clair et complet.
Et si l'on veut aller plus loin, on peut lire ou parcourir pour les plus jeunes, le double récit de l’expédition de Lapérouse et de celle de «Vanikoro 2005», raconté par l’un des participants à cette dernière, François Bellec, dans un bel ouvrage paru chez Gallimard : Les Esprits de Vanikoro, le mystère Lapérouse.

Ariane Tapinos (mars 2009)

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27/03/2009 | Lien permanent

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