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31/05/2009

Manolis de Vourla | roman d'Allain GLYKOS

manolis vourla.gifÉd. Quiquandquoi | sept. 2005 | 144 pages - 19,50€
Livre accompagné d'un DVD documentaire

Vourla, bourgade grecque d'Asie Mineure, septembre 1922. Manolis a sept ans. En quelques jours sa paisible vie de petit paysan va être emportée dans la tourmente de l'Histoire. La France et l'Angleterre viennent d'abandonner leur ancienne alliée, la Grèce, et renoncent à la soutenir dans son incroyable tentative de reconquête d'une partie de la Turquie. La défaite grecque provoque la «Grande catastrophe d'Asie Mineure»: les Grecs sont chassés de ce territoire turc dans lequel ils vivent depuis toujours (les Turcs qui habitent le nord de la Grèce depuis presque aussi longtemps, sont eux aussi renvoyés dans leur «patrie»).
Manolis est depuis quelques jours chez sa grand-mère, Sophia, lorsque la guerre frappe à sa porte. Sophia et lui doivent partir. Marcher des heures de long de routes jonchées de cadavres. Embarquer sur un navire militaire anglais, puis sur un vieux cargo grec. Ils arrivent enfin à Nauplie, la première capitale de la Grèce libre, où ils sont conduits avec tous les réfugiés dans une école de la ville.


D'abord adopté par une riche famille de Nafpliotes en manque de descendance masculine, Manolis apprend que sa mère, dont il est sans nouvelle depuis son départ forcé de Turquie, a trouvé refuge en Crète. Il a huit ans lorsqu'il entreprend seul ce long voyage jusqu'à Vori, en Crète, où il apprend la mort de son père mais retrouve sa mère, ses frères et ses sœurs. Il n'a que quinze ans lorsqu'il entame un plus long voyage encore jusqu'en France, à Bordeaux où il sait que vit l'un de ses oncles. Manolis veut étudier et vivre une autre vie que celle que lui promet cette terre aride de Crète. Coupé de la terre qui l'a vu naître, il cherche, toujours plus loin, un autre ailleurs qui soit enfin un nouveau chez lui. L'arrivée à Bordeaux est rude: il y fait froid, il y pleut souvent, les murs sont gris et les gens moins expansifs qu'autour de la Méditerranée, mais la France est encore une terre d'accueil et c'est ici, dans la région bordelaise que Manolis fera sa vie d'adulte.

Après le très beau Parle-moi de Manolis, paru en 1997 aux éditions de L'Escampette, Allain Glykos a une nouvelle fois trempé sa plume dans l'encre de son histoire familiale, pour revenir sur le voyage qui a conduit son père d'Asie Mineure jusqu'à Bordeaux. Alors que son premier récit de cet exil, d'une construction littéraire très différente, était destiné aux adultes, Manolis de Vourla, plus narratif, s'adresse aux adolescents. Peut-être à ceux à qui il a souvent raconté l'histoire de son père et avec qui il a débattu des réalités de l'immigration, du déracinement et de la double culture (comme le montre le film de Yolande Detez et Jean-Marie Bertineau, qui accompagne l'ouvrage sous la forme d'un DVD).

Allain Glykos trouve les mots justes pour raconter cette terrible histoire, dont on ne sait si l'issue est vraiment heureuse, comme si l'immigré devait toujours faire un compromis entre là d'où il vient, là où il vit et les rêves qu'il a abandonnés en chemin. On lit le roman de Manolis le cœur serré à la pensée de ce petit garçon bringuebalé par les événements, de cet adolescent courageux et volontaire et de cet homme tenu si longtemps éloigné de la terre de son enfance. Au-delà du récit, si mal connu en France, de ce déplacement tragique de populations entre la Grèce et la Turquie (mais à vrai dire, pour les Français, la Grèce se résume bien souvent à ses plages, ses ruines, ses maisons blanches et son histoire s'arrête à Périclès), le texte d'Allain Glykos nous parle de tous ces exils forcés, de toutes ces guerres et de leurs cortèges de réfugiés hagards et dépenaillés, qui trouvent tant d'échos dans l'histoire récente. En cela son récit est universel, comme est universel l'amour de ce fils pour son père.

Ariane Tapinos
(première publication de l'article: 14 novembre 2005)


À lire pour les plus grands : Parle-moi de Manolis, éd. L'Escampette, 4e trim. 1997, 150 pages, 15€

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