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LES SAISONS
documentaire
de Stéphane DURAND
D'après le film de Jacques PERIN & Jacques CLUZAUD
Éd. Actes Sud Junior, octobre 2015, 85 pages - 14€
A l’heure où le réchauffement de la planète et ses effets sur notre environnement est au cœur de tous les débats et source de tant d’inquiétude, ce très beau documentaire – inspiré du film du même nom – donne une perspective inattendue à ces questions. Stéphane Durand, mettant ses mots dans les pas de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud, revient sur les bouleversements climatiques qui ont ponctués l’histoire de la terre depuis 20 000 ans. En six chapitres qui sont autant de saisons – l’âge de glace, le grand bouleversement provoqué par un premier réchauffement climatique, l’âge d’or de la forêt, la montagne comme dernier refuge et la fin de la campagne – il revient sur les grandes évolutions climatiques qui ont modifiées durablement l’équilibre écologique de la planète.
Se faisant, il nous apprend deux choses essentielles : la part de l’homme dans ces changements – depuis la naissance de l’agriculture au néolithique jusqu’à l’extension des villes au XXIe siècle – mais également, les incroyables ressources de la nature pour s’adapter à ces évolutions. Les Saisons est donc un livre plein d’espoir qui nous rappelle, en creux, nos responsabilités mais surtout nous entraine dans un voyage à travers le temps et l’espace qui donne à voir l’immense valeur de notre patrimoine naturel.
C’est un documentaire étonnant, poétique et instructif à la fois et dont les images, tirées du film, sont splendides.
Ariane Tapinos (novembre 2015)
Un recueil de contes, sous la forme d'un livre cd, inspirés du film, est paru en même temps que ce documentaire : Les contes des saisons, de Stéphane Durand, illustré par Claide de Gastold, et racontés par Jacques Perrin (Actes Sud Junior octobre 2015).
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09/11/2015 | Lien permanent
LE RENARD ET LE LUTIN
album
de Astrid LINDGREN & Eva ERIKSSON (Illustrations)
Traduit du suédois par Alain GNAEDIG
Éd. L’École des Loisirs, Pastel, novembre 2018 – 13 €
Un renard affamé sort de la forêt enneigée. Où va-t-il trouver à manger ? Il se faufile dans la ferme,
croise les vaches, les rats de l’étable. Mais là n’est pas ce qui l’intéresse : c’est vers le poulailler que notre Goupil se dirige... Heureusement, en cette nuit de noël, le vieux lutin de la ferme veille et saura proposer au renard de quoi se remplir la panse... tout en protégeant les poules.
Après Lutin veille publié en 2012 et illustré par Kitty Crowther, les éditions Pastel nous offrent un deuxième conte de noël d’Astrid Lindgren. S’inspirant d’un poème de Karl-Erik Forssliund, elle nous emmène - sur la pointe des pieds- visiter la ferme endormie et faire connaissance de ce vieux lutin plein de sagesse et d’un renard espiègle.
C’est cette fois Eva Eriksson - illustratrice entre autres de la série des aventures de Dunne *- qui prête ses pinceaux à ce charmant conte de noël et balade le lecteur de la cour de la ferme où brillent doucement sous la neige les décorations de noël, à l’étable où les vaches dorment blotties les une contres les autres en passant par un salon plein d’enfants au plus haut point excités par les festivités.
Un album tendre et espiègle sur le partage pour découvrir ou redécouvrir la plume malicieuse de la créatrice de Fifi Brindacier.
Nathalie Ventax (novembre 2018)
* Ma vie heureuse, Mon coeur ravi… et bien d’autres petits romans de Rose Lagercrantz à découvrir ! mouche École des loisirs
27/11/2018 | Lien permanent
DERNIER MÉTRO
Roman de Christophe LÉON
Éd. La joie de lire, coll. Encrage
Janvier 2012, 130 pages – 13,50 €
13 février 1962, Daniel suit le cortège funèbre des victimes de la répression policière qui s’est abattue sur les manifestants réunis, cinq jours plus tôt aux alentours du métro Charonne, pour dénoncer les exactions de l’OAS. Il a seize ans et vit seul avec Maurice, son père, depuis le décès de sa mère et le départ de sa sœur aînée, lassée d’être traitée comme la domestique du foyer. Maurice, ouvrier dans l’atelier de peinture des usines Renault à Billancourt, syndicaliste et adhérent au Parti communiste français, comme son propre père avant lui, est de tous les combats contre les injustices. Ce jour-là, pourtant, au cimetière du Père-Lachaise, devant le Murs des Fédérés, Daniel est seul…
Le récit reprend alors, une quinzaine de jours plus tôt, pour revenir à ce soir du 13 février 1962 où la vie de Daniel bascule pour toujours.
Le roman de Christophe Léon raconte avec précision les événements qui ont mené, le 8 février 1962, à la morts de neuf personnes en plein cœur de Paris, un peu plus d’un mois avant la signature des Accords d’Evian qui mettront fin à ce qu’on appelle pas encore une guerre mais «les événements d’Algérie». Plus encore qu’un livre sur la Guerre d’Algérie, c’est un formidable portrait d’un père et de son fils dans le milieu ouvrier de la France des Trente Glorieuse. À quelques années seulement des bouleversements sociaux et économiques qui modifieront le visage de la France, Christophe Léon brosse le portrait d’un monde en train de disparaître. Dans son récit, des familles d’ouvriers peuvent encore vivre dans la capitale, les dimanches (après la distribution de l’Huma sur le marché) sont consacrés à de longues promenades à vélo avec pause casse-croûte au bord du canal de l’Ourcq, les femmes sont assignées aux tâches domestiques et le père est le chef de famille tout puissant. Déjà, dans le regard de Daniel – où se mêlent admiration pour la ténacité et les engagements de son père et honte devant sa gouaille et sa rusticité moulée dans une tenue de cycliste amateur vieillissant – ce monde, celui de l’après Seconde Guerre mondiale, est en train de vaciller.
La fin du roman donne de multiple sens à son titre Dernier métro : il entre en résonance avec la Résistance à l'occupant allemand du film de François Truffaut, évoque les grilles baissées de la station Charonne contre lesquelles sont venus s’écraser les manifestants du 8 février mais aussi la fin, brutale, de l’adolescence de Daniel, qui se heurte à la violence de l’Histoire et annonce des lendemains qui, s’ils verront la fin des «événements d’Algérie», ne seront pas que chansons.
Ariane Tapinos (février 2012)
28/01/2012 | Lien permanent
LA VILLE MODE D'EMPLOI
De mon quartier à la mégapole
documentaire
de Carole SATURNO & Perrine BELIN
Illustrations Séverine ASSOUS, Olivier BALEZ, Antoine ROZON & Matthieu ROUSSEL
Éd. Gallimard Jeunesse, coll. Terres urbaines, sept. 2007 - 28,90 €
Pour la première fois dans l’histoire, et depuis cette année, plus de la moitié de la population de la terre vit dans des villes. Mégapoles,villes moyennes et petites villes modernes ou bidonvilles,récentes ou anciennes, de plus en plus de gens, de par lemonde, s’installent et naissent en ville. Si les villes sontanciennes, qu’on pense à Babylone, la ruée massive despopulations vers les villes est assez récente àl’échelle de l’histoire humaine. Ce mouvement ades conséquences importantes sur la structure des villeselles-mêmes et de l’habitat qui les compose. Il induit deschangements,des besoins en matière de circulation des biens et despersonnes. Son impact sur l’environnement est important et parfoisnéfaste. Mais les villes sont aussi des lieux de culture et derencontres, des lieux souvent au cœur des utopies, des plusraisonnables aux plus folles. Des lieux où se lit le passé et dans lesquels s’ancre l’avenir.
Ce remarquable documentaire – tout comme le premier de cette collection : Enfants d’ici, parents d’ailleurs. Histoire et mémoire de l’exode rural et de l’immigration,qui a obtenu le prix Sorcière 2006, catégorie documentaire – retrace avec clarté l’histoire des villes et se penche avec pertinence sur leur devenir et les enjeux environnementaux de l’urbanisation massive et mondiale.
Ordonné autour de quatre chapitres – Histoire, Vivre en ville (de la maison à l’agglomération), La « ville fourmilière » (mixité, transports,tourisme...) et La ville de demain – dont chacun s’ouvre sur une courte fiction, il apporte d’incomparables informations sur nos modes de vies.Jamais abstrait, le propos s’appuie sur sept brefs portraits de villes (Paris, New-York, Shangai, Le Caire, Lagos, Rio de Janeiro et Tokyo) auxquels s’ajoutent des notices sur d’autres villes au détour d’un sujet (la reconversion de Bilbao, les communautés ethniques de Londres et Los Angeles, les touristes de Marrakech...). Tout ce qui fait partie de la vie en ville est passé au crible des auteures de cet excellent documentaire. L’une d’elle, Perrine Belin, est architecte et propose, pour chaque sous-chapitre, une page qui rassemble sous l’intitulé « Et toi, dans ta ville ? » des questions posées au lecteur sur sa ville, et de passionnants dessins traduisant sous forme graphique les explications apportées en amont par Carole Saturno.
Pour finir, et comme le précédent ouvrage de la collection, ce documentaire est beau en plus d’être intelligent ! Superbement illustré par un quartet d’artistes (Séverine Assous, Olivier Balez, Antoine Ronzon et Mathieu Roussel), il propose également de très beaux et très pertinents documents photographiques. Le tout servi par une splendide maquette qui allège le texte et met en valeur les informations importantes, mais aussi les anecdotes qui donnent du sens au propos théorique.
On a déjà hâte de lire le prochain...
Ariane Tapinos
(Première publication octobre 2007)
A lire, dans la même collection, Enfants d’ici, parents d’ailleurs. Histoire et mémoire de l’exode rural et de l’immigration (Gallimard Jeunesse, 2005)
14/10/2015 | Lien permanent
CE QUE NOUS CONSTRUIRONS ENSEMBLE
Album
d'Oliver JEFFERS, traduit de l'anglais (Royaume-uni) par Rosalind ELLAND-GOLDSMITH
Éd. Kaléïdoscope, novembre 2020-15,00 €
Après Le destin de Fausto (Kaleidoscope, 2020), Oliver Jeffers revient en cette fin d'année, pour notre plus grand plaisir, avec un album qui s'inscrit dans la lignée de Nous sommes là (Kaleidoscope, 2018). On y retrouve tout ce qui y a fait le charme de l'auteur : son graphisme très doux et ses tons pastels, un message universel d'amour et de partage, une invitation à prendre le temps de faire un pas de côté pour observer le monde et l'aimer. A découvrir dès 3 ans, Toi et moi – Ce que nous construirons ensemble est une parenthèse idéale à partager ensemble avant de se dire bonne nuit.
10/11/2020 | Lien permanent
LE NUCLÉAIRE, ON EN PARLE ?
Il y a tout juste 30 ans, le 26 avril 1986, le réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl explosait au cours d'un test de sécurité, provocant l'immense catastrophe que l'on sait : une zone de plusieurs dizaines de kilomètres rendues inhabitable pour l’homme, un écosystème durablement bouleversé, quelques dizaines de morts dans les jours qui ont suivi, probablement des milliers depuis.
Plus grave accident nucléaire jamais répertorié, Tchernobyl est dans nos mémoires lié à l’incurie du système soviétique : une centrale mal conçue, mal gérée, un accident mal maitrisé et caché pendant plusieurs jours aux populations locales et au reste de l’Europe.
Pourtant, il y a 5 ans, le tsunami qui dévastait la région du Tōhoku au nord du Japon, provoquait un accident de même niveau à la centrale de Fukushima (7, le plus élevé de l’échelle internationale des événements nucléaires), dans un pays ultra moderne et démocratique.
Avec ses 19 centrales nucléaires (soit 58 réacteurs), réparties sur tout le territoire, la France est la deuxième puissance nucléaire au monde (75% de notre production d’électricité provient du nucléaire). Voilà qui donne matière à quelques inquiétudes et justifie notre intérêt pour le sujet, à fortiori pour nous qui, à Bordeaux, vivons dans l’ombre de la centrale de Blaye (et de ses 4 réacteurs). Et rien de tel pour alimenter le débat que quelques lectures à partager avec les enfants, sur ce sujet plus encore que sur d’autres puisque ce sont eux qui devront assumer les choix que nous faisons (ou ne faisons pas) aujourd’hui.
C’est une fois de plus l’objet de ce travail bibliographique qui assume d’être partiel et subjectif.
« j'ai bonne mine à vous les dérouler, mes idées paniques.
Je n'aime pas beaucoup le froid,
je ne me chauffe pas au bois,
et je ne boude pas l'essence,
mais j'ai au ventre une grand' peur
qu'on se retrouve un jour sans fleurs,
sans enfants et sans espérance »
Anne Sylvestre,
extrait de la chanson Coïncidence
Pour retrouver nos sélections, suivez les liens ci-dessous :
- de livres sur Tchernobyl
- de livres sur Fukushima
- de documentaires sur le nucléaire
- de livres sur toutes sortes de catastrophes ou polémiques nucléaires
Et aussi :
Notre bibliographie Japon & notre bibliographie fin du monde
26/04/2016 | Lien permanent
LE JOUR OÙ PAPA S’EST REMARIÉ
Première lecture
de Thierry LENAIN & Thanh PORTAL (illustrations)
Éd. Nathan, coll. premiers romans, série Le jour où, août 2017, 29 pages - 5,90€
- Voilà quelques mois déjà que nous avons fait la connaissance de la classe de Madame Okili, avec la sortie, en mars dernier, des deux premiers volumes de la nouvelle série de premières lectures de Thierry Lenain, Le jour où la France est devenue la France et Le jour où on a mangé tous ensemble. C’est une classe d’école primaire comme il en existe des milliers en France, composée d’enfants de toutes origines, curieux et espiègles et qui apportent dans leurs cartables leurs soucis et leurs rêves aussi. Dans chaque volume, la discussion fuse et la maitresse, la formidable maitresse, trouve les mots pour donner sens aux questions des enfants.
Dans ce 4e épisode, Guillaume rêvasse en classe. C’est qu’il a l’esprit occupé par le prochain remariage de son père. Surtout que, comme l’explique Marilou : « ce n’est pas avec une femme que le papa de Guillaume va se remarier (…) c’est avec un mari (…) parce que maintenant, le papa de Guillaume, il est homo ».
S’ensuit une discussion pleine de candeur et de bon sens à la fois, sur le couple, l’amour et la parentalité. Ces enfants, comme tous les enfants, sont, comme le fait remarquer la maitresse, plein de ressources et d’idées pour les adultes qu’ils deviendront plus tard. Des futurs citoyens qui se posent des questions et cherchent des solutions dans un esprit de tolérance et d’acceptation des différences et des choix de vie de tous.
Thierry Lenain retrouve ici le ton qui a fait le succès des aventures de Zazie et de son copain Max. Celui qui lui permet, sans aucune mièvrerie, de mêler grandes questions (de celles qui agitent beaucoup l’esprit vif des enfants) et tracas du quotidien. C’est intelligent et plein d’humour. Bien écrit aussi, avec tout le respect du aux lecteurs débutants. Enfin les images de Thanh Portal donnent à voir cette France métissée et ouverte, bref, celle qu’on aime !
Ariane Tapinos (octobre 2017)
Retrouvez ICI nos critiques des livres de Thierry Lenain.
01/10/2017 | Lien permanent
KURT A LA TÊTE EN COCOTTE-MINUTE
roman
de Erlend LOE
illustré par Kim HIORTHØY
Traduit du norvégien par Jean-Baptiste COURSAUD
Éd. La joie de Lire, janvier 2009, 162 pages - 8,50 €
Rien ne va plus chez Kurt ! Après des années de bons et loyaux services à piloter son Fenwick, voilà que la chômage menace… Un nouveau quai a ouvert ses portes à côté de celui de Gunnar qui emploie Kurt depuis des lustres : plus moderne, plus beau (et surtout plus propre!) il attire les bateaux comme des mouches laissant Kurt et ses collègues désœuvrés avec pour seule perspective le visionnage de sport automobile et de machins sur les animaux à la télé. Et voilà que Bud doit laisser sa place au jardin d’enfants à un petit garçon originaire d’Afrique qui en a beaucoup plus besoin que lui. Non décidément, rien ne va plus !
Et pour couronner le tout, voilà que Kurt découvre dans un container tout un tas de gens vraiment étrangers qui viennent compliquer la situation sous prétexte qu’ils ne pouvaient plus rester dans leur pays… Kurt, qui est pourtant un grand voyageur va avoir beaucoup de mal à accepter ces nouveaux venus qui ont le culot d’envahir son quai au pire moment et qui en plus, mangent du pâté de foie même pas norvégien.
Dans ce quatrième opus, Kurt et sa famille découvrent les joies de la mondialisation et les affres de l’immigration clandestine. Ce récit à l’humour grinçant épingle joyeusement le racisme et le cortège d’âneries qu’il peut provoquer chez des gens plutôt sympatoches de prime abord. De la xénophobie crasse d’un Kåre en passant par l’enthousiasme niais d’une Anne-Lise victime de sa gentillesse, à la terreur de Kurt de se voir remplacé, ou à l’indifférence des autorités en charge du problème, Erlend Loe dresse un portrait au vitriol des réactions parfois proches de l’absurde qu’engendrent l’arrivée de migrants dans une communauté. Un roman (d’abord pensé comme une pièce de théâtre) à mettre d’urgence entre les mains des grandes personnes qui se mettent la tête en cocotte-minute !
Nathalie Ventax (février 2018)
A lire sur notre blog, la critique d'un autre titre de la série : Méchant Kurt !, de Erlend Loe, La joie de Lire, 2007.
26/02/2018 | Lien permanent
PETITE FRIDA
album
de Anthony BROWNE
Traduit de l’anglais par Camille Guénot
Éd. Kaléidoscope, avril 2019 – 15€
Avant même le terrible accident qui, à l’adolescence, meurtrira son corps pour toujours, Frida Kahlo a eu la polio. Elle en a gardé une boiterie impossible à cacher, une différence qui déjà fait d’elle un être à part. Un être qui ira trouver dans son imaginaire l’amie et l’inspiration de toute une vie d’artiste.
Ici point de déclinaisons marketing du personnage de Frida Kahlo comme on en a tant vu ses dernières années : vaisselle, linge de maison, sacs et babioles à l’effigie de la peintre mexicaine devenue l’icône des bobos et autres hipsters.
Anthony Browne, avec le talent qu’on lui connaît, rend lui hommage à la puissance de l’imagination créatrice d’une grande artiste. Il interprète sa vocation et son inspiration à la manière du « jeu des formes » qu’il a si souvent décrit dans ses albums, comme dans son autobiographie* où il dit de ce jeu qu’il est «fil conducteur », « au centre de (son) oeuvre et de (sa) vie.». Comme son personnage de Petit Ours qui dessine le monde qui lui convient, la petite Frida, dessine un monde plus grand, où elle est libérée de son corps meurtri, un monde où existe son double, son âme sœur, capable de se mouvoir comme elle-même ne le peut pas.
A y regarder de plus près, l’anecdote, tirée du journal de Frida, rapportée dans la postface de l’album et qui en forme la trame, sied parfaitement à Anthony Browne qui n’a de cesse de s’affranchir des contours de la réalité par la force de son imaginaire. Pour autant, et comme dans la peinture de Frida Kahlo, le monde d’Anthony Browne n’est pas celui des Bisounours mais un univers, unique dans l’album jeunesse, qui donne à voir le travail, les rapports de classes et de genre, la violence et la peine.
Cet album biographique et par là, de prime abord, un peu différent de ceux auxquels Anthony Browne nous a habitué, est peut-être l’un de ses plus personnel. On y retrouve plusieurs de ses thèmes de prédilection : la force consolatrice de l’imagination, l’art, la figure du père, la marginalité, le poids du corps, la fraternité (sororité imaginaire ici) … mais aussi ses propres œuvres : Le Jeu des formes et la série des Petit Ours, bien sûr, mais également Alice au Pays des Merveilles, Les Tableaux de Marcel, Marcel le rêveur… Et bien sûr, Frida et Petit Ours** !
Ariane Tapinos (juin 2019)
* Anthony Browne – Déclinaison du jeu des formes. Mon métier, mon œuvre. Avec Joe Browne, Kaléidoscope, 2011
** Texte de Hanne Bartholin, Kaléidoscope, 2015.
27/06/2019 | Lien permanent
LA PLANÈTE DES 7 DORMANTS
roman de science-fiction
de Gaël AYMON
Éd. Nathan, juin 2018, 272 pages - 16,95 €
Un vaisseau spatial se pose en catastrophe sur une planète inconnue. Au sein de son équipe, réduite à 11 personnes, les tensions sont à leur comble. Au fil des mois de navigations, les difficultés se sont accumulées, des mutineries ont éclaté et l’autorité de la capitaine Melae est battue en brèche. La découverte sur cette planète non répertoriée, de sept dalles identiques sur lesquelles sont gravées les silhouettes, mâle et femelle de bipèdes, traces manifestes d’une civilisation humanoïde ancienne, redonne un peu de lustre à l’expédition et à sa capitaine. Mais l’apparition d’un peuple primitif qui les prend pour des divinités les met devant un dilemme insondable : user de cette méprise ou les renseigner sur leur nature réelle ? Quelle option mettra l’équipage hors de danger ?
D’autant qu’après la découverte du corps sans vie de la seconde lieutenante, Nansen, l’une des plus farouches adversaires de la capitaine, la tension au sein de l’équipe a redoublée. Et la place que Melae accorde alors à Danco, l’empathe linguiste et anthropologue, issu de la planète Amadahyee, n’est pas du goût de tous. Elle lui demande d’utiliser ses capacités à sonder les émotions et ses connaissances en linguistique pour à la fois découvrir qui est responsable de la mort de Nansen et communiquer avec les habitants de cette planète.
Dans la pure tradition de Star Trek, Gaël Aymon provoque une détonante rencontre entre peuples de l’espace et invente, avec beaucoup de talent, un vaisseau organique dont les rouages sont comme les parties d’un corps vivant au service de son équipage.
Mais c’est à Pierre Boule, l’auteur du célébrissime roman La Planète des singes, qu’il emprunte l’un des éléments clefs de son récit que l’on ne révèlera pas ici. Impossible, en effet, d’en dire plus sans déflorer l’intrigue ; ce qui compte c’est que ça marche ! Le lecteur se ronge les sangs aux côtés de ces aventuriers d’un nouveau genre (dans tous les sens du terme) et s’interroge sur la nature de ce peuple qu’il découvre et apprend à connaître en même temps qu’eux. Et il a tout loisir de s’interroger sur ce qui fonde une civilisation et sur son rapport à l’étranger…
Deux choses restent à signaler : Gaël Aymon se joue des stéréotypes de genre et distribue les fonctions et les qualités de manière totalement non conventionnelle et ce n’est pas la dernière des qualités de ce beau roman d’aventure spatiales (mais qui aurait pu se passer au fond d’une région encore inexplorée de la terre). Enfin, la couverture de La planète des 7 dormants est magnifique et évoque à merveille ce voyage intersidéral.
Ariane Tapinos (juillet 2018)
A Lire sur notre blog, la critique des Contes d’un autre genre, de Gaël Aymon, éditions Talents Hauts, 2011.
15/07/2018 | Lien permanent