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28/01/2012

DERNIER MÉTRO

dernier métro.gifRoman de Christophe LÉON
Éd. La joie de lire, coll. Encrage
Janvier 2012, 130 pages – 13,50 €

13 février 1962, Daniel suit le cortège funèbre des victimes de la répression policière qui s’est abattue sur les manifestants réunis, cinq jours plus tôt aux alentours du métro Charonne, pour dénoncer les exactions de l’OAS. Il a seize ans et vit seul avec Maurice, son père, depuis le décès de sa mère et le départ de sa sœur aînée, lassée d’être traitée comme la domestique du foyer. Maurice, ouvrier dans l’atelier de peinture des usines Renault à Billancourt, syndicaliste et adhérent au Parti communiste français, comme son propre père avant lui, est de tous les combats contre les injustices. Ce jour-là, pourtant, au cimetière du Père-Lachaise, devant le Murs des Fédérés, Daniel est seul…

Le récit reprend alors, une quinzaine de jours plus tôt, pour revenir à ce soir du 13 février 1962 où la vie de Daniel bascule pour toujours. 


Le roman de Christophe Léon raconte avec précision les événements qui ont mené, le 8 février 1962, à la morts de neuf personnes en plein cœur de Paris, un peu plus d’un mois avant la signature des Accords d’Evian qui mettront fin à ce qu’on appelle pas encore une guerre mais «les événements d’Algérie». Plus encore qu’un livre sur la Guerre d’Algérie, c’est un formidable portrait d’un père et de son fils dans le milieu ouvrier de la France des Trente Glorieuse. À quelques années seulement des bouleversements sociaux et économiques qui modifieront le visage de la France, Christophe Léon brosse le portrait d’un monde en train de disparaître. Dans son récit, des familles d’ouvriers peuvent encore vivre dans la capitale, les dimanches (après la distribution de l’Huma sur le marché) sont consacrés à de longues promenades à vélo avec pause casse-croûte au bord du canal de l’Ourcq, les femmes sont assignées aux tâches domestiques et le père est le chef de famille tout puissant. Déjà, dans le regard de Daniel – où se mêlent admiration pour la ténacité et les engagements de son père et honte devant sa gouaille et sa rusticité moulée dans une tenue de cycliste amateur vieillissant – ce monde, celui de l’après Seconde Guerre mondiale, est en train de vaciller.

La fin du roman donne de multiple sens à son titre Dernier métro : il entre en résonance avec la Résistance à l'occupant allemand du film de François Truffaut, évoque les grilles baissées de la station Charonne contre lesquelles sont venus s’écraser les manifestants du 8 février mais aussi la fin, brutale, de l’adolescence de Daniel, qui se heurte à la violence de l’Histoire et annonce des lendemains qui, s’ils verront la fin des «événements d’Algérie», ne seront pas que chansons.

Ariane Tapinos (février 2012)

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