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La Première Fois on pardonne | roman d'Ahmed KALOUAZ
Éd. du Rouergue | coll. doAdo | oct. 2010
92 pp. - 9€
Voilà trois semaines qu’Élodie séjourne, à la campagne, chez sa grand-mère. Trois semaines qu’elle se plonge dans les albums photos familiaux à la recherche d’une famille heureuse que ses parents, elle et sa sœur, ne forment plus depuis longtemps. Au fil des heures passées à scruter les photos, elle débusque les traces de la violence: mots et coups qui peu à peu ont envahi leur quotidien.
Le lecteur suit Élodie dans les méandres de sa mémoire familiale mais aussi sur les chemins de campagne, ceux de l’enfance de sa mère et de sa grand-mère, sur les traces de sa famille et d’elle-même. Peu à peu, on comprend que sa mère, après des années d’humiliations et de coups, a réussi à se mettre à l’abri de son mari violent. Elle a confié sa fille cadette Élodie à l’amour de sa propre mère et a trouvé refuge dans un centre d’accueil pour femmes battues. Mères et filles, Élodie et sa grande sœur Marie, leur grand-mère et leur mère, ont retrouvé le chemin du dialogue et du bonheur partagé.
Ce texte d'Ahmed Kalouaz est magnifique. On retient son souffle de bout en bout durant ces quelques quatre-vingt dix pages. À la fois parce que la construction du récit fait qu’on ignore longtemps si la mère d’Élodie est toujours en vie et parce qu’on a peur de troubler le frêle équilibre que la jeune fille a trouvé dans ce coin de campagne habité par l’histoire maternelle.
Autour d’Élodie, personnage central du roman, se dessinent en creux les portraits trois autres femmes: la mère, la grand-mère et Marie. Et bien sûr, celui du père d’Élodie, un homme éduqué, accordeur de piano, qui est devenu un tyran jaloux cherchant à contrôler chaque faits et gestes de son épouse. De ces trois générations de femmes blessées par la violence d’un homme, Ahmed Kalouaz fait un roman incroyablement subtil tissé de mots aériens qui, comme un nuage s’effilochant dans un ciel d’orage, laissent entrevoir la brutalité et la douleur.
À lire absolument.
Ariane Tapinos
(février 2011)
04/03/2011 | Lien permanent
VIVANTS
album
de Thierry LENAIN & Betty BONE (illustrations)
Éd. Sarbacane - Amnesty International, août 2016 - 14,90€
« Je suis moi. Tu es toi… Si on était pareils, on ne serait pas vraiment deux » et ce serait bien moins amusant ! Voilà, en quelques mots, résumé le propos de Thierry Lenain et Betty Bone dans ce bel album, véritable ode à la diversité. Dans ce dialogue enlevé entre deux personnages (un frère et sa sœur nous dit la 4e de couverture mais ce pourrait être une mère et son fils…) il est question de ce qui fonde la pluralité humaine : la différence. Bien sûr, c’est tentant de se voir identiques, tellement proches qu’on se comprend sans avoir besoin de se parler, qu’on aime et déteste les mêmes choses, et ainsi de ne jamais avoir peur l’un de l’autre. Mais à être pareils on deviendrait interchangeables et « quand on mourrait, personne ne s’en apercevrait vraiment. Si on était pareils, on serait personne. » CQFD !
Avec cet album, Thierry Lenain et Betty Bone prennent part aux débats qui nous agitent depuis des mois et répondent à leur manière, légère mais profonde, aux extrémistes de tous poils qui voudraient nous faire tous entrer dans un moule identique (comme par exemple celui ce qui impose aux femmes de recouvrir leur corps ou celui qui leur enjoint de le découvrir).
Le texte est - comme toujours sous la plume de Thierry Lenain - intelligent et engagé mais aussi enlevé et amusant. Les images de Betty Bone sont un peu déroutantes avec ces personnages au long cou mais à y regarder de plus près, elles sont - par leur gamme de couleurs acidulées, leur mouvement et leur fraicheur - incroyablement adaptées à la vivacité du texte. Et le travail graphique autour du texte - typographie cursive et mots ou expressions soulignés, surlignés, entourés… à la manière d’une leçon de grammaire - est tout à fait remarquable.
Thierry Lenain accueille les lecteurs avec ces mots : « Pour les enfants. Je vous dis là ce que la vie m’a appris, et ce que je suis en mesure de vous dire à l’âge qui est le mien. » Une dédicace qui est un peu comme ce que la littérature jeunesse, écrite par des adultes pour des enfants, se doit d’être…
Ariane Tapinos (septembre 2016)
Retrouvez nos critiques des livres de Thierry Lenain en suivant ces liens : La dernière année du Père Noël, H.B., Julie capable, Mademoiselle Zazie a trop d'amoureux, Moi Dieu Merci qui vis ici, Mademoiselle Zazie a t-elle un zizi ?, Quand l'amour court, Mademoiselle Zazie a de gros nénés.
25/09/2016 | Lien permanent
L'ENFANT DERRIÈRE LA FENÊTRE
Un album qui nous a échappé lors de sa parution, il y a un an, mais qui mérite toute notre attention.
album
de Anne-Gaëlle FÉJOZ & Dani TORRENT (illustrations)
Éd. Alice Jeunesse, mars 2015 - 12,90€
Tom nous parle depuis la cabane qu’il s’est construit pour se protéger des bruits et des mouvements du monde. Dans cet abris, il a laissé une fenêtre afin de voir la vie autour de lui mais parfois même cette ouverture lui paraît trop grande et le monde trop violent. Surtout quand il se glisse à travers la fenêtre et fait irruption dans son espace protégé. Un jour un enfant le regarde et lui parle derrière la vitre. Peu à peu cet enfant s’approche et pénètre l’univers de Tom sans jamais le bousculer. Aux côtés de cet enfant qui l’apprivoise, « un homme et une femme sourient et pleurent en même temps. » et Tom a envie de « laisser la fenêtre ouverte, encore un peu… ».
Belle métaphore de l’autisme, l’histoire de Tom dit avec délicatesse la difficulté d’être aux autres de ces enfants particuliers. Tom n’est pas hors du monde, il ne vient pas d’une autre planète, pour reprendre le titre du livre d’Howard Butten, mais le monde est pour lui une jungle saturée de couleurs et de bruits. Il vit au milieu des autres mais séparé d’eux par l’abri qu’il s’est construit. Pourtant il ne souhaite pas être complètement isolé et se réserve une ouverture sur ce qui l’entoure. Avec beaucoup de patience et de douceur, sa famille saura entrouvrir la fenêtre qui le relie au monde.
C’est avec délicatesse qu’Anne-Gaëlle Féjoz et Dani Torrent, prêtent leurs mots et leurs couleurs à Tom et nous font ressentir à la fois son effroi et son désir des autres. Tout comme l’émotion mêlée de tristesse de sa famille.
Une émotion qui reste vive quand l’album se referme alors que la fenêtre de la cabane de Tom s’entrouvre.
Ariane Tapinos (mars 2016)
21/03/2016 | Lien permanent
LA BATAILLE DU TRIPLE-BUSE
roman jeunes lecteurs
de Gilles ABIER
Illustré par Mini LUDVIN
Éd. Poulpe fictions, mai 2019, 204 pages – 9,95€
On avait laissé les Coquins – les enfants pirates, Morbleue, Flibuste, Gargousse, Babord, Tribord, Cayenne et Fantine - dans l’île sans nom, alors qu’ils avaient déjoué, en simulant l’irruption d’un faux volcan, une attaque menée par l’infâme Gonzalo de la Rabida.
Les enfants, étaient certes venus à bout du capitaine-corsaire de l’Invincible et de son équipage mais avaient été obligés de dévoiler leur cachette sur cette île jusque-là gardée secrète où leurs parents les avaient installés pour les protéger de la dureté et des aléas d’une vie de piraterie.
Les voilà donc contraints de quitter leur île, et emportant leur trésor avec eux, de rejoindre le Comptoir de la Fesse Plate, où ils seront à l’abris d’un fort armé.
Embarqués à bord de trois navires : La Tornade « goélette légère et fragile, dirigée par Furoncle », Le Régal « la frégate de La Viscère, la mère de Cayenne et Philibert » et le Triple-Buse « un brick acquis pour l’occasion qui a été confié aux mains de Vieux-Boucan », adultes et enfants (et le pénible et bavard perroquet Cacatois) prennent la mer.
Le voyage sera, on s’en doute, plein des surprises qui font toute la saveur du roman d’aventures et de pirates.
Comme pour le premier volume, Le Trésor de l’île sans nom, paru en mai 2018, Gilles Abier s’en donne à cœur joie avec sa bande de pirates en culottes courtes. Et comme la première fois, son plaisir des mots (vocabulaire marin, noms truculents…) est communicatif. Il se passe mille choses dans ce roman alerte et drôle, joliment illustré dans un style très manga. Un roman qui déjoue avec malice tous les stéréotypes de genre.
Ce texte s’adresse à de jeunes lecteurs et lectrices sans céder à la facilité langagière. Ici l’écriture est exigeante et ce sont les aventures trépidantes des Coquins qui portent la lecture.
Ariane Tapinos (juillet 2019)
03/07/2019 | Lien permanent
FOOTBALLEUR
Album
de Thierry DEDIEU (texte & ill.)
Éd. Seuil jeunesse, coll. Les métiers de quand tu seras grand
Septembre 2006 [ÉPUISÉ]
Une bonne dose d’humour dans un monde de poncifs... on aime ! Le lapin bleu de Dedieu arbore un seyant maillot jaune orné d’un énorme 10 rouge, il sait jongler avec le ballon, se blesse, fait des lessives presque tous les jours (enfin... c’est un lapin rose qui étend le linge), fait aussi des publicités pour les shampoings et se dore la pilule dans une piscine. Le plus drôle est l’irruption de la femme, puisque quand on est footballeur « on se marie avec des blondes ». C’est très incorrect du point de vue féministe... mais il faut parfois savoir tordre les clichés avec humour.
27/06/2014 | Lien permanent
TOMMY JOUE AU FOOT
Album
de Rotraut Susanne BERNER
Traduit de l'allemand par Marie-Liesse Zambeaux
Éd. Seuil Jeunesse, mars 2006 [ÉPUISÉ]
Quand il fait beau le dimanche, Tommy se promène avec ses parents. Leur balade les entraîne jusqu’au pré, derrière la maison de grand-mère Mamita et là, papa propose toujours une petite partie de... foot ! C’est maman qui, équipée d’un sifflet, fait l’arbitre. Papa et Tommy ont construit les buts au printemps, avec des branches de bouleau. La partie à deux joueurs peut commencer ! Puis arrivent tante Hélène et oncle Jean, qui se joignent au jeu : ils seront gardiens de but (Tommy veut tante Hélène dans son équipe). Premier but marqué par Tommy : oncle Jean n’a rien vu venir ! Bientôt ce sont les jumeaux François et William, Sophia et grand-mère Mamita qui rejoignent le terrain. Les spectateurs commencent à se rassembler autour du pré. La partie se poursuit : faute de l’un des jumeaux sur Sophia. Carton jaune ! Maman se transforme en soigneur. Finalement la partie se termine sur un match nul 2 à 2 et maman décide que dans ces cas-là les deux équipes ont gagné et qu’il convient de fêter dignement cette double victoire autour d’un bon goûter.
C’est très, très drôle ! Cette famille de lapins anthropomorphes est réjouissante et fait preuve d’un bonheur communicatif. Pour un peu, cette partie de foot mixte où tante Hélène n’hésite pas à remonter sa robe orange à pois rouges pour arrêter les ballons, donnerait envie de se caler devant sa télé pour suivre le mondial ! Il faut dire que le charme de Rotraut Susanne Berner agit toujours : son univers peuplé de petites bestioles rigolotes (poule noire à pois blancs, oie, grenouille, poussin... ) qui se baladent au milieu des pages et du terrain, respire la joie de vivre. En plus, ce Tommy joue au foot se termine sur un vrai glossaire pour que les termes de « dégagement » « centrer » « pénalty » n’aient plus de secret pour personne et assurent la paix des familles !
Ariane Tapinos (première publication : juin 2006)
PS : Quel dommage que l'album soit épuisé, l'éditeur aurait été bien avisé de le ressortir en ce mois de juin… Mais il existe de très bonnes bibliothèques où vous le trouverez sûrement ! Et comme on l'aime vraiment, voici en bonus une seconde critique.
Quel bonheur cet album qui ne nous parle pas d’un « super-héros-footballeur-futur-champion-du monde »mais met en scène une après-midi de jeu familial et débridé ! C’est du foot-plaisir, improvisé, totalement mixte (jeunes, vieux, petits, gros, grands, hommes, femmes, enfants, famille, voisins, passants, taupes et canards). Garçons et filles partagent ici le même plaisir de jouer, la même énergie loufoque et sérieuse à la fois...
Et mine de rien, entre deux coqs à pois blanc et une passe de Mamita, l’album est très bien documenté du point de vue technique, sans en faire des tonnes. Un grand merci à Rotraut Susanne Berner pour ce délicieux exploit !
16/06/2014 | Lien permanent
JE TE RECONNAÎTRAI TOUJOURS, MON AMOUR
Album
de Nancy TILLMAN
Traduit de l’américain par Elisabeth Duval
Éd. Kaléidoscope, mars 2014
12,50 €
Une mère explique à son enfant que quels que soient les choix qu’il fera plus tard, elle le reconnaîtra. Derrière le petit renard elle saura voir l’étincelle de son regard, derrière le museau du cochon son petit menton, sous les pattes du raton laveur ses longs pieds de nageur et même ses baisers sous ceux du girafon. Parce que lui dit-elle « je te connais par cœur et mon cœur est ta maison ».
Une jolie litanie de mots d’amour d’une mère à son enfant portée par des illustrations tantôt belles et empruntes d’une douce magie, parfois un rien kitch mais pleines de charme.
À partager avec ceux qui sont dans nos cœurs.
Ariane Tapinos (mars 2014)
18/03/2014 | Lien permanent
UN ROYAUME SANS OISEAUX
Album
de Gilles BAUM & Thierry DEDIEU
Éd. Seuil jeunesse, sept. 2013
15 €
Un maharadjah ayant perdu son oiseau de compagnie décrète que les oiseaux de son royaume doivent être abattus et menace de mort tout sujet qui ne respecterait pas cet ordre. Mais Râhi, lui, veut garder ses oiseaux…
Les images très typées, aux couleurs vives, se déploient sur chaque double page, donnant vigueur et mouvement aux personnages de l’histoire. Le texte d’une apparente simplicité délivre un message fort et actuel qui témoigne de l’engagement des auteurs. Le récit, où début et fin se répondent, est parfaitement construit.
Ce très bel album séduit tant par ses images que par la richesse de la réflexion qu’il entraîne.
Un grand merci aux auteurs pour ce superbe ouvrage !
Josuan (octobre 2013)
28/10/2013 | Lien permanent
COMME DEUX GOUTTES
Album tout carton
d’Olivier DOUZOU
Éd. Rouergue Jeunesse
Avril 2013 – 12,70 €
Un nuage peut renfermer mille surprises. Celui-ci contient le visage d’un enfant. Deux gouttes pour les yeux, encore un peu pour la bouche et le nez…
Sur les pages blanches et cartonnées aux coins arrondis le nuage se déploie, se défait, goutte à goutte pour composer un visage qui, peu à peu, apparaît sur la page de droite.
« C’est merveilleux, pas de doute » de voir le monde au travers des yeux de l’artiste qui sait, comme souvent les enfants savent mais oublient en grandissant, deviner les formes dans les nuages.
À partager avec de tout-petits qui s’émerveillent encore de découvrir deux yeux, un nez, une bouche…
Ariane Tapinos (mai 2013)
19/09/2013 | Lien permanent
L'ORCHESTRE - CHERCHE ET TROUVE AUTOUR DU MONDE
album
de Chloé PERARNAU
Éd. L'Agrume, mai 2016 – 16€
Quelle catastrophe, le concert est dans une semaine et les musiciens sont tous partis en goguette à travers le monde... Le maestro et son assistant se mettent en route et partent dénicher aux quatre coins de la planète chaque membre de l'orchestre : le joueur de grosse caisse en Islande, les violons à Tokyo, le joueur de cymbales à Venise... Seulement, quel casse-tête ! Les illustrations malicieuses et colorées de Chloé Pérarnau, foisonnent de détails et retrouver les musiciens qui s'y cachent n'est pas facile.
Un cherche et trouve aussi original que beau !
Claire Lebreuvaud (mai 2016)
30/05/2016 | Lien permanent