Rechercher : Mama Miti, la mère des arbres
Les Esclavages, du XVIe siècle à nos jours | documentaire de Christophe WARGNY
Éd. Autrement, coll. Junior Histoire n° 27 | novembre 2008, 64 pp. | 11 €
Ce documentaire retrace quatre siècle d’une histoire criminelle, celle du développement de la traite négrière et de l’esclavage consécutif à la « découverte » du Nouveau Monde par les Occidentaux. Il détaille les fondements économiques de l’asservissement, qui permit à quelques Nations de prospérer en déniant à leur main d’œuvre la qualité d’êtres humains. Il s’attache aussi à l’histoire des abolitions - notamment à travers un portrait de Toussaint Louverture – et se conclut sur les luttes contemporaines contre les servitudes et l’esclavage moderne.
Si un chapitre seulement est centré sur les spécificités nord-américaines (« Le sud des États-Unis, une société esclavagiste »), alors que plusieurs s’attachent – avec beaucoup de pertinence – au cas des Antilles françaises, la lecture de l’ouvrage dans son entier dresse une perspective historique indispensable à la compréhension du phénomène.
Clair et argumenté, ce livre a toutes les qualités de la collection dirigée par Philippe Godard. Un regret toutefois, pourquoi désigner l'Afrique comme la «mère de l'esclavage» (c'est le titre du deuxième chapitre) ? Une dénomination malheureuse que vient pourtant contredire la première phrase de l'ouvrage : «Aussi loin que remonte l’Histoire, il y eut des esclavages»…
Corinne Chiaradia (janv. 2009)
14/01/2009 | Lien permanent
Céleste, ma planète | roman de Thimothée de FOMBELLE
Illustré par Julie RICOSSÉ
Éd. Gallimard jeunesse, coll. Folio junior | février 2009 | 96 pp. - 4 €
A peine arrivée, Céleste a disparu... Le narrateur, un garçon de quatorze ans qui vit seul au cœur du monde déshumanisé de !ndustry, l’entreprise pour laquelle travaille sa mère, se met à sa recherche. Il retrouve Céleste, tout en haut de la tour parking, au milieu des effluves des gaz d’échappement. Cachée par ses parents, elle est malade. Son visage et son corps sont couverts de taches. Et ces taches, il les reconnaît, lui qui passe le plus clair de ses heures de solitude à dessiner des cartes du monde : elles représentent les endroits de la terre qui sont en danger. Amazonie, Antarctique, océans asséchés…
Céleste porte sur elle les stigmates de la terre maltraitée par les hommes qui l’habitent et l’exploitent. Alors Céleste disparaît de nouveau. C’est que les dirigeants d’!ndustry n’ont pas intérêt à ce que soient connus les ravages que leur compagnie fait subir à l’environnement. Mais par amour, et aussi par lucidité, le jeune garçon entreprend de sauver Céleste et dévoiler aux hommes la menace de la fin de leurs univers.
Dans cette courte fable philosophique et écologiste, on retrouve le talent de raconteur d’histoires de Timothée de Fombelle, découvert dans le merveilleux Tobie Lolness et ses préoccupations pour l’environnement. Contée ici à la manière d’un récit d’anticipation, l’histoire de Céleste qui est l’histoire de la terre, laisse, comme dans les aventures de Tobie, une large place à la poésie. Entre rêve et cauchemar, Timotée de Fombelle nous invite à réfléchir au mal que nous faisons à la nature qui nous entoure, aux risques que nous prenons pour l’avenir, mais ce faisant, il nous entraîne dans une lecture délicate et lumineuse. Une lecture respectueuse des enfants auxquels elle se destine, ces «jeunes lecteurs» un peu délaissés par l’édition jeunesse ces derniers temps…
Ariane Tapinos (mars 2009)
12/03/2009 | Lien permanent
Voyage à Birmingham 1963 | roman de Christopher Paul CURTIS
Traduit de l’américain par Frédérique Pressmann | éd. L'École des Loisirs, coll. Médium, 1997 | 224 pp. - 8,80 €
Dans la famille Watson, il y a la mère Wilona, originaire d’Alabama et qui a tout le temps froid (il faut préciser que les Watson vivent à Flint, dans le Michigan, tout au nord des États-Unis), le père Daniel à l’humour bien trempé, le fils aîné, Byron «officiellement (...) jeune délinquant» depuis qu’il a atteint l’âge de treize ans, Kenny, le cadet, dont le cerveau fonctionne à toute vitesse et Joetta, la petite dernière.À eux tous, ils forment «la famille bizarre», drôle et fantasque. Et vu par les yeux (qui louchent) de Kenny, le monde des Watson est plein d’aventures et de fantaisie. La vie est rude (et parfois très, très froide) mais avec un peu d’humour, elle est surtout faite de tendresse partagée. Et puis, au Nord, les Noirs ne subissent ni la ségrégation, ni les violences du Ku Kux Klan. Alors ce voyage vers Birmingham et sa moiteur étouffante des derniers jours d’été, sera aussi celui de la découverte d’une autre réalité. Celle qui explosera dans une église baptise de Birmingham, le 15 septembre 1963, faisant quatre victimes - des adolescents - et de nombreux blessés.
Rien de macabre dans ce merveilleux roman. Au contraire, la vie qui déborde et qui avance dans le chaos du monde. Une famille traversée par l’histoire de la lutte pour les droits civiques, comme elle traverse elle-même les États-Unis du Nord au Sud. Avec une très grande finesse, Christopher Paul Curtis raconte aux plus jeunes la vie d’une famille noire-américaine au cœur des années 60 et, à travers le quotidien, leur parle de l’histoire de son pays.
Ariane Tapinos (janv. 2009)
14/01/2009 | Lien permanent
Chicago, je reviendrai | roman de Gisèle BIENNE
Éd. L'École des Loisirs, coll. Médium, 2008 | 156 pp. - 9,50 €
1964, Sylvie est choisie, dans le cadre d’un programme d’échange, pour passer un an aux États-Unis, à Chicago. Elle débarque dans une riche famille américaine où chacun est à sa place : la mère ultra occupée par son travail de professeure d’histoire de l’art à l’université, le père par son business, la fille aînée Paula (quinze ans) par le dating (les rendez-vous galants) et Charles, six ans, par ses jeux d’enfants. Seule Alberta, la domestique noire, manifeste de l’affection et de l’intérêt pour Sylvie. Les Griffin ne sont pas méchants et vivent dans un des rares quartiers de la ville où la ségrégation n’a pas cours, mais leur vie bien organisée laisse peu de place à l’improvisation. Pour eux, la présence de la lycéenne française est un peu comme une preuve supplémentaire de leur bon goût et de leur ouverture d’esprit. Un trophée social, un signe extérieur de richesse. Sylvie n’est pas dupe et est bien décidée à découvrir une autre Amérique. Celle de la culture noire, du jazz, de la lutte pour les droits civiques...
Premiers amours (celui laissé en France, ceux qui se nouent aux États-Unis), premiers engagements, première séparation d’avec la famille… Le roman de Gisèle Bienne est tout en finesse. Il sent l’histoire vécue et le souvenir présent. Il porte un témoignage sur une époque révolue et une autre manière d’être adolescente.
Ariane Tapinos (déc. 2007)
14/01/2009 | Lien permanent
L’Étoile d’Erika & Rose Blanche | albums de Roberto INNOCENTI
L’Étoile d’Erika
Ruth VANDER ZEE (texte) et Roberto INNOCENTI (ill .)
Traduit de l'anglais par Emmanuelle Pingault | Éd. Milan Jeunesse, 3e Trimestre 2003 | 14 €
(À partir de 8 ans)
L’auteure nous raconte l’histoire d’Erika, rencontrée par hasard sur le bord d’un trottoir de Rothenburg, en Allemagne. Erika ne sait rien de ses origines : ni le nom de ses parents, ni sa date et son lieu de naissance, ni même son propre nom. Elle sait seulement que sa mère l’a lancée tout bébé du train qui les emmenait vers les camps de la mort. Elle sait aussi que sur le bord de la voie, à un passage à niveau, des gens l’ont trouvée et conduite à une femme qui lui a donné le prénom qu’elle porte aujourd’hui. Le reste, elle ne peut que l’imaginer.
Rose Blanche
Christophe GALLAZ (texte) et Roberto INNOCENTI (ill.)
Rééd. Les 400 Coups, coll. Carré Blanc, Québec | [1975] 1999 | 12 €
(EO Gallimard jeunesse, coll. Folio cadet rouge)
(À partir de 8 ans)
Rose Blanche est une petite fille qui vit quelque part en Allemagne pendant la guerre. Un jour, elle assiste à la tentative d’évasion d’un petit garçon, vite rattrapé par le bourgmestre. Intriguée, elle suit le chemin emprunté par les soldats et découvre un camp où sont enfermés des enfants faméliques…
Roberto Innocenti met son très grand talent au service de deux histoires de familles brisées par le nazisme. Celle de la petite Allemande qui meurt, comme les enfants du camp, d’être étrangère à la folie des hommes. Celle d’Erika qui ne saura jamais qui elle était.
Les images, malgré leur dureté et leur réalisme, sont très belles. Le jeu des couleurs (ou de l’absence de couleurs) accompagne la lecture.
Ariane Tapinos (février 2005)
01/12/2008 | Lien permanent
Le Maître du rêve | roman de Barry JOSBERG
Traduit de l’australien par Luc Rigoureau | Éd. Flammarion, coll. Tribal | oct. 2008, 308 pp. | 12 €
Michael est gros. Vraiment trop gros. Pour cette raison, il est le souffre-douleur des élèves de tous les établissements scolaires où il passe. Et des écoles, il en a connu plein, depuis la mort de sa mère. Son père, incapable d’affronter la «différence» de son fils, son mal-être surtout, est toujours enclin à fuir (dans l’alcool aussi), à la recherche d’un improbable monde meilleur.
Mais Michael lui ne veut plus fuir, il veut devenir maître de sa vie et cette détermination s’installe d’abord dans ses rêves où il l’emporte toujours contre ses bourreaux. Peu à peu, il se rend compte que ce qu’il rêve produit des effets dans la réalité et sur ceux qui l’entourent.
Vrai-faux roman fantastique, Le Maître des rêves, parvient habilement à parler de violence et d’intolérance, en se décalant légèrement – mais si peu – de la réalité. Une manière intelligente d’aborder le lecteur adolescent qui, s’il n’a pas toujours envie qu’on lui tende un miroir de ses tourments, trouvera là matière à réflexion sur le monde dans lequel il vit et la difficulté de grandir.
Ariane Tapinos (février 2009)
25/02/2009 | Lien permanent
Une petite sœur pour Tommy | album de Rotraut Susanne BERNER
Adaptation française Seuil jeunesse | éd. Seuil jeunesse | janv. 2009 | 7,50 €
Ce soir, une surprise attend Tommy à son retour de l’école… Ce soir, tout est différent… Mais qu’est-ce donc que cette surprise ? Un skate ? Non, c’est plus petit. Un bateau téléguidé, alors ? Non, «la surprise est plus douce et beaucoup plus mignonne». Ça, ça ressemble à un gâteau aux carottes ! Non et encore non, cette surprise ne se mange pas et elle s’appelle Clara ! Elle vient du ventre de maman, elle est encore toute fripée et toute fatiguée de son long voyage. Et quand Tommy demande «combien de temps elle va rester», il comprend qu’une petite sœur, c’est fait pour durer !
On est un peu surpris par cette petite sœur arrivée comme par magie, mais on retrouve avec un immense plaisir l’univers coloré, acidulé et faussement naïf de Rotraut Susanne Berner et son attachant Tommy. Ce petit lapin dans sa salopette à carreaux, qui joue au foot avec toute sa famille, à cache-cache avec sa grand-mère (dans sa splendide robe à fleurs) et fait les courses avec papa, est adorable et malicieux. Sa famille, comme sa maison ou l’univers dans lequel il évolue, sont pleins d’une douce fantaisie qui, même dans son expression la plus improbable (la poule noire à taches blanches qui se promène dans les pages et se mêle de tout), sont profondément humains et justes.
Et puis, Tommy est, lui aussi, bien moins naïf qu’il ne le laisse croire… Il sait que sa petite sœur vient du ventre de sa maman… Et on sait tous qu’une petite sœur, ou un petit frère, c’est du plaisir et du déplaisir aussi ; alors on comprend que Tommy aime à se faire croire qu’il ne l’attendait pas et exprime à son entourage qu’un bateau téléguidé, ce serait pas mal aussi, comme surprise !
Ariane Tapinos (mars 2009)
10/03/2009 | Lien permanent
Cut ! | roman de Hanna Marjut MARTTILA
Traduit du finnois par Johanna Kuningas
Éd. Actes sud junior, coll. romans ado | septembre 2009 – 13,50€
Ce que voudrait Torstai, dans la vie, c'est devenir un grand réalisateur. Ce dont il a besoin pour parvenir à ses fins, c'est d'un camécoscope DCR-DVD 205, l'outil parfait pour débuter. Mais ce qu'il désire plus que tout, là tout de suite, alors que sa sœur Tarina vient de le réveiller à trois heures du matin pour lui annoncer qu'elle est à nouveau enceinte, c'est comprendre comment l'impossible a pu se produire. Après tout, c'est lui qui se charge d'acheter les préservatifs de Tarina. Et qui se charge de la lessive. Et du ménage, et des courses, et des médicaments de son père…
En bon pragmatique, allergique à l'émotivité, Torstai remplit ses nombreuses tâches domestiques avec sérieux, parce que comme le dit Lisa l'assistante sociale attitrée de cette famille déglinguée d'activistes nocturnes: «Putain, on va pas se laisser faire». Alors Torstai prend les choses en main pour faire mentir les statistiques, échaffaude des plans machiavéliques bien dérisoires avec une lucidité et une ironie presque effrayantes pour sauver sa famille du désastre qui la fera éclater pour de bon. Mais les intéressés sont tenaces: le père dans sa dépression, la mère dans son alcoolisme et la sœur dans son désir d'un enfant que la situation ne permet pas de prendre en charge. Torstai doute, se débat avec sa famille impossible, renonçant sans révolte et sans apitoiement aux activités de son âge, le tout avec beaucoup d'humour.
Hanna Marjut Marttila dresse ce portrait haut en couleurs d'une famille «au bord de la crise de nerfs» en quatorze séquences pas si désespérées: plus qu'un naufrage, c'est ici une véritable odyssée familliale que raconte l'auteure dans un dialogue vivant et chaleureux avec son lecteur.
Nathalie Ventax (déc. 2009)
08/12/2009 | Lien permanent
LA REINE MAIGRE
Pièce de théâtre
de Jean-Claude GRUMBERG
Illustrations de Camille JOURDY
Éd. Actes Sud-Papiers, coll. Heyoka Jeunesse
Novembre 2012 – 13 €
Dans le royaume de Trop, la reine maigre tyrannise son gros (et bête) mari de roi et leurs sujets. D’abord affligé de filles inutiles qui se voient sommées de disparaître pour ne réapparaitre que « lorsqu’elles auront un air plus mâle », le couple de royaux parents donne enfin naissance à de mâles jumeaux « disparates dépareillés ». L’un est long et maigre, comme sa mère, l’autre est gros et court, comme son père. S’en suit une guerre picrocholine, au cours de laquelle chacun des parents tente d’avantager celui de ses fils qui est à son image et qui se termine par la mort de tous les combattants. Le pouvoir échoit alors à la plus jeune des sœurs qui promet de raboter les grands, allonger les courts, dégraisser les gros, engraisser les maigres…
Bref, de faire du « royaume de Trop le pays de tous », avec comme devise « tous égaux, tous semblables, tous moyens, tous heureux ! ». Seule la narratrice s’exprime avec raison et affirme qu’il « faut apprendre à vivre ensemble avec nos différences ».
Dans une langue truculente, pleine de jeux de mots et de digressions et en interpellant le lecteur-spectateur, Jean-Claude Grinberg nous propose un voyage en pays d’intolérance et de bêtise. Un pays dont les travers, ici exacerbés, ne sont pas sans rappeler nos propres excès. Un texte drôle et pourtant plein de sérieuses questions, malicieusement illustré par Camille Jourdy. Quand le théâtre se lit comme un roman !
Ariane Tapinos (février 2013)
14/05/2013 | Lien permanent
DARK EYES
Roman policier
de William RICHTER
Traduit de l’américain par Raphaële Eschenbrenner
Éd. Albin Michel Jeunesse, coll. Wiz
Janvier 2013, 363 pages – 15 €
Fini la mode des clones d’Harry Potter ou des vampires romantiques, l’éditeur de Dark Eyes nous annonce en quatrième de couverture la naissance d’une « nouvelle Lisbeth Salander » (l'héroïne de Millénium, pour qui l'ignore encore…). Bon, c’est vrai, Wally est une adolescente, en rupture avec sa famille, qui zone dans les rues de New York à la tête d’une bande de quatre jeunes paumés, installés dans un squat. Elle arbore des collants déchirés, des shorts effilochés et brandit ses ongles peints comme des griffes. D’origine russe, elle a quitté sa mère adoptive, peu après le départ de son père adoptif, et oui, comme il est précisé en quatrième de couverture, son père est un tueur. Très méchant et affublé d’un adolescent prêt à tout qui n’est autre que… le frère de Wally.
On se doute que toute ressemblance avec les personnages d’une célèbre trilogie est parfaitement assumée ! Cela dit, au-delà du pastiche (jusqu’au titre emprunté à un film de Mikhalkov pour faire russe), ce roman se lit avec plaisir et l’histoire est menée tambour battant. Il y a ce qu’il faut de poursuites, de rebondissements, de sentiments – sans oublier la violence (après tout on est chez les malfrats russes, pas chez les enfants de chœur) – qui font les thrillers réussis : ceux qu’on commence et qu’on ne lâche pas avant la dernière page.
Ariane Tapinos (février 2013)
09/06/2013 | Lien permanent