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LES CONTES DES FRÈRES GRIMM
Contes choisis et introduits par Noel DANIEL
Traduction Natacha Rimasson-Fertin
Éd. Taschen
Nov. 2011 , 320 pages – 29,99€
Une édition exceptionnelle pour célébrer le 200e anniversaire d’un classique de la littérature mondiale: les contes de Grimm.
L’introduction précise d’entrée le propos de cet ouvrage: «Au-delà des mots: l’héritage durable des frères Grimm et l’art qu’il a inspiré». Ce très beau volume à la présentation soignée et luxueuse met à la portée de tous l’histoire des contes de Grimm, dans la littérature et les arts picturaux. Par là-même, il s’adresse tant à des lecteurs avertis qu’à des enfants.
À la suite de l’introduction, on découvre 27 contes plus ou moins connus, assortis d’illustrations très variées, une biographie des illustrateurs, une note sur l’édition de 1857 rédigée par une historienne de l’art de Munich et un index. Dans les premières pages, Noel Daniel contextualise ces contes de 1857, non seulement dans la littérature mais aussi dans la société du XIXe siècle en faisant référence aux parutions successives des frères Grimm et à la petite révolution artistique et éditoriale qu’elles ont engendrées. En effet les travaux des deux frères ont été une véritable source d’inspiration et de création pour les artistes professionnels (peintres, graveurs…) ou populaires (papiers découpés). C’est alors que les livres illustrés en couleur ont connu un véritable essor.
Chaque conte est présenté sur une double page blanc et or, d’un extrême raffinement et d’un grand intérêt culturel. Ce recueil, qui prend le parti de vous plonger dans les contes sources, vous apportera certainement des surprises. Le choix volontaire de traductions qui collent aux textes originaux de Contes pour les enfants et la maison (1857), permet de découvrir ces textes que l’on croyait connaître et toucher «un morceau d’histoire».
Si tous les contes sont issus d’une même parution, les illustrations choisies avec beaucoup de discernement offrent un panorama de tous les courants artistiques qui se sont succédés pendant deux siècles. Le format du livre nous permet de bien apprécier les détails de chaque image.
Vous l’aurez compris: nous sommes enthousiasmées par ce «livre trésor», bijou de bibliothèque.
Josuan (février 2012)
12/02/2012 | Lien permanent
Sam story | roman de Laura JAFFÉ
Éd. du Rouergue, coll. DoAdo | février 2005 | 168 pages - 9€
«Mais non je n'invente pas. Enfin, juste un peu. Essaie d'imaginer» Ainsi s'ouvre le roman de Laura Jaffé, qui va retracer la vie de Sam avec ce qu'il faut de réalisme bien tempéré d'imagination. Sam vient de mourir. À Paris, sa fille et sa petite-fille de quinze ans vident son appartement. La dame de l'agence se fait attendre… Dans le froid (le chauffage est déjà coupé), au milieu de ces quelques mètres carrés qui furent son intimité, les deux femmes tâtonnent pour dénouer les fils d'une filiation hésitante… Le livre est la trace de ce dialogue, mais nous n'entendons que les mots de la mère, les réponses de l'adolescente sont seulement suggérées. On la devine incrédule devant la quête nostalgique de sa mère.
Le roman, d'inspiration autobiographique, est donc le récit mi-réel mi-rêvé de la vie de Sam, fils d'immigrés juifs ashkénazes, depuis son arrivée tout bébé à Ellis Island («l'île des larmes») en 1920, puis sa vie aux États-Unis, à Paris, à Toulouse, un parcours d'éternel voyageur, d'intellectuel anticonformiste, et de «père… inadéquat» (de l'aveu même de la narratrice). Le texte n'est pas dénué d'humour («J'abuse tu trouves? Tu crois que je te fais le coup de Yddish Cosette chez l'Oncle Sam?»), le dialogue est vivant, on se prend au jeu d'imaginer les réponses de la fille. Cette mère qui s'en défend finit par nous toucher dans sa recherche du père. Sa quête est à la fois extraordinaire (par les origines de Sam, son parcours, son refus du trivial) et terriblement commune: quel enfant peut affirmer vraiment connaître ses parents?
Publié précédemment dans la collection «La brune» des éditions du Rouergue, Sam Story est réédité en doAdo et c'est une belle initiative. Doucement, presque paradoxalement, le récit se fait plus universel à mesure que l'histoire est plus précise. «Connaître ses origines, d'où viennent ses grands-parents, ses arrières grands-parents, est-ce vraiment important?»: si l'on doute de la réponse à apporter à cette question inscrite en 4e de couverture, on dispose au moins, en refermant le livre, de quelques pistes sensibles, à suivre pour se construire.
Corinne Chiaradia
(première publication de l'article : 1er mars 2005)
31/05/2009 | Lien permanent
La Fille aux esprits | roman de Laura amy SCHLITZ
Traduit de l'anglais par Antoine Pinchot
Éd. Casterman | mars 2009 | 380 pages – 15€
À onze ans, Maud Flynn a perdu tout espoir d'être adoptée et de quitter le bien nommé orphelinat de Barbary où elle a été reléguée. Il faut dire que Maud n'est pas la gentille petite fille aux boucles blondes qui semble avoir la côte chez de potentiels parents: d'un caractère plutôt bien trempé, elle s'attire fréquemment les foudres de la directrice qui ne supporte pas son esprit rebelle et son manque de manières. Alors qu'elle purge – en chantant à tue-tête! – une énième punition, elle est remarquée par les vieilles sœurs Hawthorne qui, charmées par sa voix, l'arrachent à l'orphelinat.
Nouvelles robes, nouveaux livres, nouvelle maison, Maud est sous le charme des trois vieilles dames qui lui entrouvent les portes d'un monde qu'elle soupçonnait à peine. Elle se prend d'une véritable adoration pour Jacynthe la plus brillante des trois sœurs, la plus imprévisible aussi, car bien sûr le paradis a son prix. Dès son adoption, Maud devient une enfant cachée, un secret jalousement gardé par les trois vieilles femmes qui semblent l'avoir tirée de Barbary pour des motifs bien moins nobles qu'il n'y paraît. Recluse dans sa chambre, Maud ne tarde pas à découvrir que les sœurs ne sont en fait que trois vieilles arnaqueuses qui comptent se servir d'elle pour leur prochaines escroqueries…
Point de sorcières dans ce roman dont le spiritisme est pourtant l'un des ingrédients essentiel et nécessaire: le destin de Maud, s'il est peuplé de fantômes, va surtout se jouer sur sa capacité à faire la part entre la réalité et les apparences. Si l'on est dans la droite lignée des histoires d'orphelins, l'histoire de Maud, malgré des péripéties parfois bien sombres, reste assez empreinte de réalisme, d'humour (voire d'ironie) pour ne pas trop verser dans le pathos. Des personnages attachants et hauts en couleurs, une intrigue plus psychologique que ne l'annonce la quatrième de couverture, une touche d'onirisme font de ce roman une lecture assez inattendue.
Nathalie Ventax (juin 2009)
30/06/2009 | Lien permanent
Très Vieux Monsieur | album d'Adeline YZAC, illustré par Éva OFFREDO
Éd. Rouergue, coll. Varia | mars 2009 | 14 €
Un Très Vieux Monsieur prend sa retraite. Il voyage, s’engage, lit, séduit. Il vit sa vieillesse entouré de Très Vieille Dame et Toute Petite Fille. Mais un matin au réveil, il regarde Très Vieille Dame et lui dit «Bonjour Madame, vous faites quoi dans mon lit ?» Autour de lui, tout le monde s’inquiète. Très Vieux Monsieur a «la tête à l’envers», il ne sait plus lire, ne sait plus compter, ni comment manger. Sa tête, maintenant, il l’a même perdue. Et autour de lui, toujours autant d’inquiétude :
« - nous venons le voir très souvent, disent ses voisins.
- Nous l’entourons, disent ses amis.
- Nous lui consacrons beaucoup de temps, dit sa famille.»
Très Vieux Monsieur semble s’effacer, comme son visage ridé, de plus en plus clair sur l’image, pour ne plus laisser de lui qu’un souvenir. Sa tête ne répond plus, alors c’est «main dans la main» et «cœur contre cœur» que ceux qui l’aiment vivent, «au jour, le jour» et «pas à pas», avec celui qui fut mais n’est plus vraiment là.
La maladie d’Alzheimer est devenue un sujet à la mode dans l’édition jeunesse et on a vu fleurir les albums sur les vieilles personnes un peu loufoques et tristes, mais ce livre-là est différent parce que, loin des démonstrations appuyées, il dit pourtant avec justesse les craintes, les peurs, les difficultés de celui qui est malade et de ceux qui l’entourent. Il dit ce temps de l’âge où le toucher reprend ses droits, où le cœur remplace la tête. Cette terrible maladie oblige à se séparer de ceux qu’on aime alors qu’ils sont encore là, comme des fantômes d’eux-mêmes. Alors si le livre de d’Adeline Yzac et Éva Offredo est un brin nostalgique, il n’est pas vraiment triste, juste fataliste. Texte et image disent le temps qui a passé, l’esprit qui s’est envolé mais le corps et le souvenir qui restent à aimer. Le texte tout en dialogues met ce vieil homme au centre des préoccupations de ceux qui l’aiment. Les images, très, très belles, de ces visages parcheminés, donnent à voir une vieillesse qu’on cache souvent aux enfants.
Un album magnifique, vraiment.
Ariane Tapinos (avril 2009)
18/04/2009 | Lien permanent
Oasis dans le Pacifique | roman de Jaime Alfonso SANDOVAL
Traduit de l’espagnol (Mexique) par Aleksandar Grujicic
[titre original : República mutante]
Éd. Thierry Magnier | mars 2009 | 288 pages – 11 €
Dès les premières lignes le ton est donné: «Ceci est un livre sur des personnes désagréables et en particulier sur une famille assez horripilante: la famille Topete Ruiz, ma famille». C’est Pepe junior qui parle, frère jumeau de Flora – adolescente renfrognée et paranoïaque ayant un goût prononcé pour l’horreur et l’apocalypse – et fils de don Pepe Topete, inventeur contrarié à l’imagination si débordante qu’elle mène souvent à un cheveu de la catastrophe atomique. La mère ? Pepe la qualifie de «mélange d’infirmière et de super-héroïne frustrée». Rien ne prédestinait cette famille mexicaine sans ressources – mais non sans histoires! – à faire partie des quelques milliers d’autres, sélectionnées de par le monde pour former les premiers bataillons de colons d’un nouveau pays, la République de Pangée, une île rêvée, créée et dirigée par l’inestimable don Augusto Barnaby (révérence svp). On s’en doute, le cadeau est un rien empoisonné, l’utopie écologiste fondatrice de ce nouvel état prend en fait racine sur des montagnes de déchets et s’enlise dans la tyrannie et les luttes de pouvoir. La famille Topete Ruiz survivra-t-elle à ce guet-apens? Résumons: la mère se désespère lorsqu’elle découvre que son nouvel intérieur a tout du carton-pâte recyclé, Flora se réjouit d’avance de découvrir les monstres mutants tapis dans les entrailles puantes de l’île, et le jeune Pepe s’interroge: doit-il craindre le pire ou encore admirer son père quand celui-ci accepte de devenir le nouveau grand «ingénieur» de Pangéopolis?
Nombreuses sont les péripéties et déconvenues qui émaillent ce récit et en font une lecture réjouissante. À mi-chemin entre «La Famille Adams» et Le Meilleur des mondes, le roman de Jaime Alfonso Sandoval est un régal pour qui apprécie l’humour noir, la politique-fiction… et le dépaysement. C’est cruel, très politiquement incorrect, écologiquement douteux: bref, revigorant.
Corinne Chiaradia (avril 2009)
04/05/2009 | Lien permanent
H.B. | album de Thierry LENAIN, illustré par Sophie DUTERTRE
Éd. Sarbacane | novembre 2003 - 12 €
Neuilly 1993, un homme s'introduit dans une classe de maternelle, prend en otages les enfants et leur institutrice, et menace de tout faire sauter. De ce fait divers qui a ébranlé la France il y a dix ans, Thierry Lenain tire un récit sobre et plein d'humaines questions. Erick Schmidtt, l'homme qu'on a appelé Human Bomb est mort, abattu par le GIGN, sans avoir expliqué son geste. Dans les jours qui ont suivi, toute question sur les conditions de cette mort paraissait bien peu opportune face à l'angoisse et au soulagement des parents. Avec le temps pourtant les questions demeurent: fallait-il abattre un homme endormi pour que l'apaisement succède à la colère engendrée par cet acte inhumain? Notre colère nous interdit-elle de penser? Chercher à comprendre revient-il à pardonner? Autant de questions qui sont sous-jacentes au récit de Thierry Lenain; autant de questions qui s'étendent à tant d'actions humaines et pourtant incompréhensibles.
Jamais dans son texte, l'auteur ne nous dit quoi penser. Jamais il n'oublie la souffrance et la peur des parents, la peur des enfants: certains eurent peur, d'autres non. C'est comme ça avec les enfants: c'est imprévisible. Il porte un regard sur l'événement, le questionne et interroge notre réaction face à lui. Ce récit, comme l'indique Thierry Lenain dans son avant-propos, s'adresse autant aux adultes qu'aux enfants. Et cette capacité à parler d'une seule et même voix, d'une seule et même écriture, aux uns et aux autres, n'est pas la moindre des qualités de ce petit livre. Aux enfants, il raconte un événement presque ancien, avec les mots qui en disent l'extrême actualité, des mots qui leur parlent d'eux : «H.B. attend qu'un papa vienne le chercher, comme un enfant qui aurait fait une grosse bêtise». Aux adultes, il dit la souffrance de cet homme égaré «venu mourir dans son enfance» peut-être parce que le monde des adultes lui était devenu insupportable. Aux uns et aux autres il dit que H.B. signifie Human Bomb, bombe humaine, mais aussi Human Being: être humain...
Ariane Tapinos
(première publication de l'article : décembre 2003)
01/02/2009 | Lien permanent
Lalita | album de Jocelyne SAUVARD, illustré par Anne-Laure WITSCHGER
Éd. Le Sorbier | février 2009 - 13,50 €
Aujourd’hui est un grand jour : c’est la rentrée des classes, mais pour Lalita c’est surtout le jour où elle va avoir un petit frère ! Enfin un garçon dans cette famille de trois filles… C’est grand-mère qui va être contente, elle qui fait la tête depuis la naissance de Lalita, la cadette de la famille. Et puis papa aussi, qui pourra jouer au foot avec le petit Raja, qui sera un «fameux gardien de but» c’est sûr. Alors cette première journée d’école a le goût de l’attente et du secret, vite éventé. Ce n’est pas rien l’arrivée d’un garçon dans une famille indienne…
Après l’école, Lalita prend le bus et, sous une pluie de mousson qui persiste depuis le début de la journée, elle se rend à l’hôpital, impatiente de rencontrer ce petit frère tant attendu. Dans la chambre ses parents sont là et un bébé aussi, avec ses petites mains «posées sagement des deux côtés de la tête». Grand-mère n’est pas là… Et le bébé s’appelle Asharya… ce qui veut dire «surprise». C’est une jolie petite fille. Une petite princesse qui fait déjà la fierté de ses parents.
Dans ce texte subtil, on comprend que c’est la grand-mère, gardienne des traditions et des conformismes aussi, qui supporte mal cette fratrie de filles, et c’est vis-à-vis d’elle et de ce qu’elle représente que les parents de Lalita sont ennuyés. Mais la pluie s’est arrêtée d’un coup ce qui «est toujours signe de bonheur» et Lalita s’imagine déjà former une équipe avec ses sœurs, une équipe qui, c’est sûr, «marquera des buts».
Une jolie manière d’évoquer le poids des traditions mais aussi l’évolution des mentalités dans une Inde moderne, superbement représentée par les illustrations très colorées d’Anne-Laure Witschger.
Ariane Tapinos (avril 2009)
06/04/2009 | Lien permanent
Une soupe de diamants | roman jeunes lecteurs de Norma HUIDOBRO
Traduit de l’argentin par Sophie Aslanides et Myriam Amfreville | Éd. L'École des loisirs, coll. Neuf | mars 2009, 182 pp. - 9,50 €
Quand sa mère a annoncé à Maléna qu’elle devait s’absenter pour son travail, celle-ci a tout de suite refusé d’aller chez son père. Et même si ce dernier promettait de les emmener, elle et son frère Nacho, au Brésil pour les vacances. Plages de sable fin ou pas, pas question pour Maléna de passer une minute en compagnie de sa belle mère, Valéria. Alors, laissant son frère à son père et à sa jeune épouse, Maléna prend le bus pour Capilla del Monte, un petit village de montagne où vit son grand-père qu’elle adore. Pendant que son frère se dorera sous le soleil de Rio de Janeiro, elle aidera son grand-père. Celui-ci tient, le week-end, un restaurant chez lui, dans son village d’Argentine où il fait froid mais où l’amitié et les bons petits plats tiennent chaud au cœur.
Ce que Maléna n’a pas prévu c’est qu’elle va se retrouver sur la piste d’un meurtrier… comme dans les enquêtes du commissaire Maigret, sa référence en matière policière.
Une infirmière a été assassinée, et un homme un peu simplet, frère d’une amie de son grand-père, est accusé du crime. Incapable de se défendre, il est arrêté et semble devoir être condamné. Ce serait sans compter sur Miléna qui, à la manière de Maigret, arpente les ruelles du village, pose des questions et fait de brillantes déductions. Mais tout ça n’est pas sans danger…
Une histoire policière aussi tarabiscotée qu’improbable, mais pleine du charme de la fougueuse Miléna et des tendres relations qu’elle entretient avec son aïeul. Ce roman, où il est beaucoup question de cuisine, a une saveur un peu désuète mais gorgée de fraîcheur en même temps. Et s’il y a bien un crime de sang au départ de l’intrigue, les aventures de Miléna, de son grand-père et de ses deux inséparables chiennes, Tita et Filomèna, sont à des kilomètres des romans policiers sanglants et oppressants, quelque part dans un rude mais chaleureux village d’Argentine.
Ariane Tapinos (mars 2009)
27/03/2009 | Lien permanent
ANTON ET LES RABAT-JOIE
Anton et les rabat-joie
Album de Ole KÖNNECKE
Traduit de l’allemand par Florence Seyvos
Éd. Kaléidoscope, janvier 2013 – 12,20€
Greta, Nina et Lukas n’ont pas le temps de s’intéresser à Anton, ni même à ses propositions de goûters. Ils sont en plein jardinage et ne lui prêtent aucune attention. Anton, vexé, s’éloigne en criant : « Je m’en vais et je ne reviendrai plus jamais !! Parce que je serai mort !!! » « Anton s’en va. Anton s’allonge par terre. Anton est mort ». Lukas est intrigué, mais prêt à rendre service : le voilà qui s'en va récupérer une pelle et propose de creuser une belle tombe pour Lukas. Les filles ne sont pas du tout d’accord pour lui prêter la pelle. Lukas se vexe et… décide lui aussi d’être mort. Puis Nina se fâche avec Greta et… rejoint les garçons, allongés immobiles par terre, morts. Enfin, Greta ne veut pas être en reste… Seulement… Pas facile d’être morte quand il pleut, qu’un chien vous renifle les pieds ou qu’une armée de fourmis vous prend pour une voie de circulation !
Avec leur tête toute ronde et leur air à la fois amusé et ahuri, Anton et ses amis font furieusement penser aux Peanuts. Comme les personnages de Charlie Schulz, ceux d’Ole Könnecke, nous font partager ces histoires un peu décalées, ces moments où les enfants, tout à leurs jeux, imitent les adultes et leurs passions. Comme Charlie Brown avant lui, Anton se heurte à bien des difficultés (1) mais persévère.
Ici, il aura raison des rabat-joie qui le rejoignent dans son jeu. Un jeu un peu transgressif et d’autant plus savoureux. Un jeu que tous les enfants ont pratiqué !
Ariane Tapinos (février 2013)
(1) On se rappelle de ses tentatives ratées pour se rendre intéressant auprès des filles, dans le délicieux Anton et les filles, ou de ses efforts pour convaincre Lukas de ses talents de prestidigitateur dans Anton est magicien.
22/02/2013 | Lien permanent
LE PIRATE ET LE ROI
album
de Jean LEROY & Matthieu MAUDET (illustrations)
Éd. École des loisirs, avril 2015 - 12€20
Le bateau du roi Jehan 1er naviguait sur l’océan lorsqu’une tempête éclata et le roi, unique survivant, se retrouva seul sur une île déserte. Enfin peut-être pas si déserte…
Il fait la rencontre de Matt, un pirate échoué comme lui sur cette minuscule île. Les mois passent, le roi Jehan 1er apprend à pêcher, à construire un abri, à faire du feu, et peu à peu, Matt et Jehan se rapprochent jusqu’à se ressembler comme deux frères. Deux frères que seule une couronne sépare encore. Cette belle entente prend fin quand, au loin, se dessinent les voiles d’un bateau qui pourrait les sauver.
Au fond un pirate reste toujours un maudit pirate !
Au fil de la lecture, nous assistons à un changement complet tant physique que moral du roi Jehan 1er, qui abandonne son éducation et les conventions pour survivre et s’acclimater à son nouvel environnement. Il devient comme un frère pour Matt mais continue de porter sa couronne qui demeure une source d’espoir, pour lui. Celui de retrouver à la fois sa vie d’autrefois, sa position sociale et les habitudes qui vont avec. Et c’est cet espoir plus que la couronne, qui sépare tout de même les deux héros, car rien n’attend Matt après leur sauvetage.
Le roi Jehan 1er retrouve avec l'espoir d'être secouru son orgueil de roi et c’est ce qui va le perdre. Après tout, seule la couronne indique à ses troupes qui est le roi et qui ne l’est pas.
Cet album nous donne une jolie leçon à retenir : peu importe notre naissance, la probabilité de se retrouver sur une île déserte est aussi importante pour un roi que pour un pirate !
Les personnages sont figurés par des lions, quasiment identiques durant leur vie commune sur cette île, ce qui montre bien que, dès le départ, le roi et le pirate auraient pu être échangés. Seuls les deux personnages sont en couleurs vives, en jaune bien entendu ; le fond et le décor sont représentés par des couleurs assourdies : le ciel et le sable sont blanc, la mer et les buissons d’un bleu marine profond mettant en exergue les deux héros et leur relation compliquée.
Marlène Demen (avril 2015)
01/05/2015 | Lien permanent