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Le Baptême de l’air | documentaire de Didier HAUGLUSTAINE

9782746503786.jpgIllustré par Gwen KERAVAL | Éd. Le Pommier, coll. Les Minipommes | nov. 2008, 64 pp. | 8 €

Pour ses huit ans, Titouan va avoir droit à un baptême de l’air en montgolfière ! Un vrai voyage à 1000 mètres du sol, qui est l’occasion d’apprendre et comprendre plein de choses sur l’air : C’est quoi l’air au juste ? Comment devenir plus léger que l’air ? L’air que nous respirons est-il bon pour la santé ? Les réponses sont données par les deux pilotes du ballon : Etienne et Joseph… de Montgolfier, revenus du XVIIIe siècle pour le plaisir de cette balade instructive.

Comme tous les titres de la collection Minipommes, les informations scientifiques sont réparties dans une mini « fiction » et amenées sous forme de questions/réponses des protagonistes. Comme souvent aussi, il faut bien suivre la progression des démonstrations et raisonnements et assimiler petit à petit les connaissances, car la fin de l’ouvrage nous amène vers un peu plus de complexité – c’est encore plus flagrant sur un autre titre paru récemment : La Radioactivité*. Chaque titre de la collection a un auteur différent (un scientifique référent en sa matière), qui construit son ouvrage à partir de rencontres et d’échanges avec une ou plusieurs classes (ici des enfants de CE2 et CM1). Le résultat est souvent très éclairant… même pour les adultes.

Par exemple, pour ce volume sur l’air et ses propriétés, j’ai enfin pu combler mon ignorance et comprendre la différence entre une montgolfière et un dirigeable : alors que le second est gonflé à l’hydrogène (gaz très inflammable), la première n’a recours à aucun gaz « extérieur », c’est uniquement la chaleur qui lui permet de s’élever, grâce à la différence de pression entre l’air chaud contenu dans le ballon et l’air froid environnant (de plus en plus froid à mesure que l’on s’élève, à raison de moins 6 degrés tous les 1000 mètres). Génial ! (et écologique). En fait, de manière très subjective, j’apprécie beaucoup cette collection pour ses premiers chapitres, qui permettent de bien asseoir certains «fondamentaux», les bases scientifiques, avec lesquelles nous, adultes, ne sommes pas toujours très à l’aise… Le Baptême de l’air s’achève sur un chapitre « À faire soi-même », soit trois expériences simplissimes pour observer de ses propres yeux les manifestions concrètes des connaissances appliquées par les frères Montgolfier.

Corinne Chiaradia (février 2009)


* La Radioactivité, Alain BOUQUET, ill. Sébastien Chebert, éc. Le Pommier, coll. Minipommes, nov. 2008, 8 €

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15/02/2009 | Lien permanent

LA FOLLE JOURNÉE DE COLIBRI

amour,séparation,animaux sauvagesAlbum
de Natali FORTIER
Éd. Albin Michee Jeunesse, mai 2013
16,50 €

Ce matin, un éternuement a poussé Colibri hors de son nid. Tout petit, il ne sait pas encore voler et au cours de cette « folle journée », c’est le souffle des autres qui le porte de rencontre en rencontre. Rosa la jolie oisillone, l’araignée et ses toiles de maîtres, des pingouins et des igloos tortues, une éléphante centenaire, une louve rougissante… Enfin, Colibri retombe « en Amour », aux côtés de la belle Rosa. « Ce fut une folle journée. Et une histoire sans queue ni tête. Une histoire à dormir debout. ».

Cette fantaisie poétique est pleine de charme. Pour accompagner Colibri dans son exploration du monde, Natali Fortier adopte une palette de tons frais et adoucit son trait.

Le petit tombé du nid découvre le monde et son émerveillement nous met le cœur en joie. Dans les dernières pages, Colibri et ses amis (girafe échelle, chien à deux têtes, castor à bonnet de laine, poisson à pattes…) ont l’air sortis de dessins d’enfants, à la fois naïfs et expressifs, comme si pour dessiner cette folle journée, Natali Fortier avait fait appel à une part d’enfance heureuse, insouciante et colorée.

Pas besoin que l’histoire ait une queue ni une tête : les amis de Colibri ont plus de têtes et de queues qu’il n’est d’usage ! Et si cette histoire est à dormir debout, c’est surtout qu’elle est une invitation à la rêverie.

Ariane Tapinos (septembre 2013)

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06/10/2013 | Lien permanent

Le Noël de Rita et Machin

Noël Rita et Machin.gifalbum Noël
Jean-Philippe ARROU-VIGNOD (texte) & Olivier TALLEC (ill.) 
Éd. Gallimard Jeunesse | sept. 2006
5,90 €

Rita et Machin, qui ne sont pourtant jamais en retard d’une bêtise, ne sont pas du tout prêts pour le grand jour: ce soir c’est Noël et ils en sont encore à écrire leur lettre au Père Noël. Et là, ni la petite fille rusée, ni son drôle de compagnon à quatre pattes, ne manquent d’idées: panoplie de chien policier, sac de croquettes aux anchois… Pour la décoration, la restauration et l’animation, ils ne sont pas non plus à court d’idées originales. Guirlande de saucisses, bûche au chocolat en poudre et son coulis de potiron, concert de rock’n roll. Surtout, ne pas oublier le casse croûte du Père Noël. Et de préférence ne pas le manger. Après la fête: tout le monde au lit et il ne reste plus qu’à attendre, mais là, Rita, comme Machin, sont beaucoup moins doués…

Rita est une adorable petite fille espiègle, dans la lignée des Olivia et autres Louise Titi. À la première, Olivier Tallec emprunte les taches de couleur (rouge) dans un univers en noir et blanc. Comme pour la seconde, Jean-Philippe Arrou-Vignod prête à Rita son talent pour les mots qui mêlent humour et tendresse. En lisant son texte, on entend la voix claire, vive et décidée de sa petite héroïne rigolote. Les traits d’Olivier Tallec ont l’air d’avoir été dessinés à main levée, ils ont quelque chose d’aérien et donnent à ses personnages un mouvement permanent qui traduit à merveille la vivacité de Rita et de son ami canin, un peu comme dans les aventures de Calvin et Hobbes.

On a adoré les quatre précédentes aventures de la petite fille brune à la tête toute ronde et de son gros chien pataud, on adore ce dernier opus qui brille des feux de la fête de Noël.

Ariane Tapinos

(première publication de l'article : 14 décembre 2006)

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02/12/2009 | Lien permanent

UN CHANT DE NOËL

Un chant de Noël.jpgalbum conte
de Charles DICKENS & Roberto INNOCENTI (illustrations)
Traduit de l'anglais par Marcelle Sibon
Éd. Gallimard Jeunesse, (première édition 1996 pour le texte, 1990 pour les illustrations) NE :octobre 2015, 152 pages - 25€

Le Chant de Noël de Dickens, - chant en cinq couplets dans lequel le vieux Scrooge, irascible et avare homme d'affaires, obnubilé par l'argent - est visité par les fantômes des Noëls passés, présents et futurs, et apprend à célébrer Noël, est un classique que l'on ne présente plus.
Les éditions Gallimard rééditent enfin ce grand texte dans un très beau format illustré par Roberto Innocenti.

Extrêmement documentées, les illustrations de Roberto Innocenti reconstituent un Londres en pleine industrialisation, où les fêtes de Noël sont célébrées par des enfants en haillons. 

L'éclairage « à la bougie » et la dimension intimiste des scènes et des intérieurs pourtant plus familiers, plus clairs et joyeux, peinent à contrebalancer la présence menaçante de la ville où règne le froid et la misère. La joie qui transparaît sur les visages - même des plus pauvres -,  les guirlandes de houx, les châtaignes grillées et les épluchures d'oranges sont autant de petits indices qui évoquent les fêtes de Noël mais ne font pas oublier l'envers moins reluisant de ce décor de fêtes.

« Faisons leur voir une place hypothétique de Londres, une ruelle habitée par des fantômes, des miséreux, une ville parmi les pires du monde, mauvaise, sale et polluée. Je voulais faire respirer au lecteur l'air chargé de fumées et de poussières de charbon (...) ,bref montrer l'enfer d'une industrialisation insoucieuse des désastres provoqués en échange de gains faciles.»¹ Le but visé par Roberto Innocenti en illustrant ce conte était de lui conférer un cadre, un décor particulier et reconnaissable... Mission accomplie avec son sens du détail, sa minutie et son talent coutumiers. Le contraste entre le texte plein d'espoir, célébrant la compassion, l'humanité, le partage - bref , toutes les valeurs associées traditionnellement à Noël - et les aspects les plus sombres de l'illustration donnent un contexte réaliste au conte de Dickens et en font une édition incontournable pour tous ceux, jeunes ou vieux, qui souhaitent découvrir, ou redécouvrir l'un des textes les plus connus de Charles Dickens.

Nathalie Ventax (décembre 2015)
¹ in Le conte de ma vie. Entretiens avec Roberto Innocenti
, Rossana Dedola et Roberto Innocenti, éditions Gallimard, novembre 2015.

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29/11/2015 | Lien permanent

Tu veux être ma copine ? | roman de Susie MORGENSTERN

9782211201032FS.gifIllustré par Claude K. Dubois
É
d. L'École des Loisirs | coll. Mouche | mars 2010 – 7,50€

Pas facile de se faire des amis quand on vient d’arriver dans une nouvelle école! C’est la douloureuse constatation que fait Hedwige. Sous prétexte que ses parents avaient le bon profil pour un nouvel emploi dans le centre de la France, à la campagne, elle se retrouve seule abandonnée dans la cour d’une école où tout le monde l’ignore et où tout à l’air interdit. C’est insupportable! Heureusement, Hedwige ne manque pas de motivation et elle décide de prendre les choses en main: puisque c’est un entretient d’embauche qui l’a mise dans cette situation, c’est un entretien d’embauche qui va l’en sortir!

Avec l’aide d'Hortense, la vieille voisine qui s’occupe d’elle après l’école, Hedwige installe son bureau (deux gros coussins) au milieu de la cour de récré et c’est parti pour l’examen des candidates au titre de meilleure copine! De «Es-tu plutôt mayonnaise ou Ketchup?» à «Tu veux être ma copine?», Hedwige dresse donc un questionnaire qu’elle va soumettre aux enfants de son école au cours d’entretiens particuliers qui vont s’avérer très décevants… Les ressources humaines sont-elles la réponse à la solitude? Entre Inès qui préfère son chien, Céline qui s’en fiche et Léna qui veut trop en faire, Hedwige commence à douter de l’efficacité de son projet et si les entretiens qu’elle fait passer aux élèves de sa classe sont autant de petits portraits plein de sensibilité qui lui permettent (ainsi qu’au lecteur!) de se familiariser avec son nouvel environnement, les résultats se font attendre …

Avec tendresse et humour Susie Morgenstern signe ici un roman destiné aux plus jeunes lecteurs qui pose des questions essentielles et sur la difficulté de s’intégrer dans une nouvelle ville, une nouvelle école… et bien sûr, sur l’amitié.

Nathalie Ventax, mai 2010.

 

 

 

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05/05/2010 | Lien permanent

À la sieste, tout le monde! | album de Yuichi KASANO

A la sieste tout le monde.jpgTraduit du japonais par Madoka, Jean-Christian Bouvier et Florence Seyvos
É
d. L’école des loisirs | mars 2009 | 11,50€

Aujourd’hui il fait beau. Grand-mère, une petite dame toute ronde vêtue d’une robe violette, d’un tablier mauve, d’un gilet vert et coiffée d’un chignon serré, décide de sortir son futon pour l’aérer sur la véranda. Arrive un chat qui avise le matelas et… s’y allonge sans vergogne. Ma foi, se dit Grand-mère, une petite sieste ne me ferait pas de mal, et ce matelas a l’air si moelleux… La voilà qui s’endort, tête bêche avec le chat. Une poule passe par là et, avec ses trois poussins, s’installe aux côtés des dormeurs. Puis c’est au tour d’un chien, d’un petit garçon, d’une chèvre et d’une famille de cochons. Tous dorment paisiblement, qui sur le dos, qui sur le ventre ou sur le flanc, entrelacés pour une sieste d’été. Soudain, Grand-mère se réveille est s’étire, faisant fuir tous les dormeurs clandestins. Le chat s’éveille à son tour. Quelle bonne sieste!

Tout est adorable dans ce petit album carré qui donne envie de s’étendre au soleil et d’imiter les chats qui savent si bien profiter de la chaleur de l’été. Dès la couverture – qu’il faut absolument déplier pour voir Grand-mère portant son futon dehors, suivie par une ribambelle d’animaux assoiffés de sommeil – le ton est donné et il est à la malice. Les images sont toutes simples et épurées et hormis la première et la dernière page, elles sont centrées sur le matelas beige au milieu de la page blanche. Un matelas qui concentre tant de promesses de repos et de bien-être que chacun succombe à son appel. La manière dont les différents dormeurs occupent cet espace restreint est pleine d’humour et donne une folle envie de se joindre à ce joyeux méli-mélo de poils et de plumes.

Une ode à la sieste à partager avec les petits dormeurs. Et si possible, le chat de la maison!

Ariane Tapinos (juin 2009)

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13/06/2009 | Lien permanent

Ailleurs | trilogie romanesque de MOKA

9782211093392.jpgÉd. L'École des loisirs, coll. Médium  | janvier 2009 | 316 pp. - 11 €
Romans précédemment parus à L'École des loisirs sous les titres : Ailleurs rien n'est tout noir ou tout blanc (1991), Le Puit d'amour (1992), À nous la belle vie (1994).

À quinze ans, Frankie Avalon sait déjà bien ce qu'elle veut dans la vie – devenir pilote – et sa passion pour les avions lui fait accepter d'assez bonne grâce un déménagement à Seattle avec le reste de la famille, à savoir son père et sa sœur aînée, Constance. La découverte du pays ne se fait pas sans aléa : Seattle se révèle une ville grise et triste (malgré la présence d'usines Boeing et d'une école d'aviation !). Frankie, qui n'hésite pas à se lier, va découvrir une ville où racisme et préjugés règnent et où une étincelle suffit pour mettre le feu aux poudres. Cette étincelle, c'est le très populaire Linwood Forrester qui va l'allumer, avec ses discours racistes et sa manière de séduire même la naïve Constance…

 

Mais Frankie refuse qu'on lui embrigade sa sœur et puisqu'elle a muscles et bagoût à revendre, elle n'hésitera pas à dénoncer, à se battre et convaincre tout son petit monde de lutter contre la haine et la violence. Heureusement, elle n'est pas seule ! Et c'est avec l'aide du Major David King, officier dans l'armée de l'air (veuf, la quarantaine), que Frankie va s'engager dans la bataille… et découvrir aussi qu'elle est capable de tomber amoureuse !

La deuxième partie du roman nous entraîne vers le sud de la France où les filles Avalon passent des vacances mouvementées avec leur mère. C'est l'occasion pour Frankie de redécouvrir une femme avec qui elle ne s'est jamais entendue et à qui elle ne peut pardonner. Cette parenthèse tropézienne permettra également à Frankie de tester ses charmes…

Retour aux États-Unis pour le dernier volet : Frankie, furieuse d'être délaissée par le major au prétexte qu'elle est trop jeune, entraîne le fils de ce dernier – Lawrence – dans une virée à Las Vegas, qui tourne à la course poursuite quand elle prend sous son aile Dolorès, une fillette mexicaine sans papiers exploitée par son beau-père. Dans le train qui l'emmène vers Chicago où elle espère pouvoir régler la situation de la fillette, Frankie va découvrir une autre facette du pays: «Ma vision de l'Amérique jusqu'alors n'était guère flatteuse. Je ne la connaissais que sous son aspect violent, raciste et égoïste et voilà que je la découvrais sensible, généreuse et solidaire.»

On ne peut qu'apprécier l'initiative de l'éditeur d'avoir réuni dans cette nouvelle édition les trois volets des aventures de Frankie : on en comprend que mieux ce portrait d'adolescente. Les situations vécues par Frankie et sa famille sont proches dans les trois épisodes : il s'agit toujours pour la jeune fille de lutter contre l'injustice. Le sens de la justice de Frankie s'apparente d'ailleurs à la chevalerie : cette défense effrénée de la veuve et de l'orphelin l'entraîne parfois dans des situations dangereuses. Si Frankie est butée et n'hésite pas à se battre, elle va aussi peu à peu apprendre à écouter, à pardonner et surtout à aimer ; bref, à se construire et à évoluer sans renoncer à ses convictions. En réunissant les trois volets de ses aventures, les motivations, l'évolution du personnage et ses choix sont plus évidents quand on les lit d'une traite.

« J'ai commencé par un mot. Le mot "Ailleurs". Il m'intéressait. Ensuite, j'ai poursuivi : où, ailleurs ? C'est devenu le dialogue entre un père et sa fille. […] Ce qui m'amusait au départ, c'était de parler du racisme et de prendre le problème à l'envers. Plutôt que des personnages immigrés en France, des Français immigrés à l'étranger (en l'occurence aux États-Unis)»* Les difficultés de Frankie et de sa sœur à s'adapter dans une société qu'elles ne comprennent pas toujours, font écho à d'autres situations, d'autres personnages : pour n'en citer qu'un, l'inoubliable vieux «Ten ten spécial» qui a fui Soweto et l'apartheid avec son saxophone, pour finalement passer sa vie dans un train… L'exil est un thème prépondérant du roman. Si celui-ci n'est pas contraint pour la famille Avalon, il n'en reste pas moins que chacun doit se reconstruire après le bouleversement que constitue le déménagement. Il est difficile pour chacun des personnages de trouver (ou de retrouver dans le cas de la mère) leur place. Se faire de nouveaux amis, organiser la vie quotidienne sont autant de défis dans un ailleurs où il n'y a plus de repères. La lutte et les sympathies de Frankie pour ceux qui, comme elle, ont quitté leur environnement familier ne fait que témoigner du (relatif) désarroi qu'elle éprouve à devenir une étrangère.

Loin d'être désespéré, ce roman nous offre un beau portrait de cet exil fait de rencontres et de combats pour s'approprier un monde pas toujours très rose mais dans lequel chacun parvient à s'accepter et à accepter les autres, à se construire une vie «ailleurs»… pour le meilleur et pour le pire!

Nathalie Ventax (février 2009)

 

* Voir, dans la collection Mon écrivain préféré : Moka (École des loisirs, 2004)

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Le Maître des estampes | album de Thierry DEDIEU

maitre estampes.jpgÉd. Seuil jeunesse, octobre 2010 - 16€

Un riche mandarin commande une estampe à un artiste dont il a admiré le travail. L’artiste lui demande un délai de six mois et la moitié de la somme que coûtera l’œuvre. Les mois et les semaines passent et le mandarin s’impatiente d’autant que quand il croise l’artiste celui-ci semble se promener le nez en l’air, dans la nature… Enfin, l’artiste arrive chez son commanditaire, déroule une feuille blanche et d’un trait simple et rapide, produit une œuvre magnifique, qui représente un écureuil descendant d’une branche de bambou. Le mandarin est à la fois ébahi et furieux: si c’était si simple et si rapide, il ne voit vraiment pas pourquoi il lui a fallu attendre si longtemps et payer si cher! L’artiste le conduit dans son atelier et lui montre les nombreuses esquisses qui ornent ses murs et remplissent ses tiroirs: partout ce ne sont que branches de bambous et écureuils…

Il explique alors :  «Ce que vous avez pris pour du dilettantisme, c’était la période pendant laquelle j’observais la vie et les mœurs des écureuils. Ce que vous preniez pour un délai déraisonnable n’était que le temps nécessaire à la maîtrise du geste, au choix du papier, au dosage de l’encre et à la recherche du pinceau le plus apte à reproduire le pelage du rongeur ainsi que la texture de la feuille de bambou. Le salaire que je vous ai demandé paie tout juste ma ration de riz quotidienne.»

Difficile de faire plus explicite et plus joliment dit à la fois, pour parler du travail de l’artiste en général. Ce pourrait être le texte d’un tract pour une manifestation d’intermittents du spectacle ou de représentants des arts et de la culture, en butte à des réductions budgétaires… L’art prend du temps et le monde moderne, comme celui des puissants, est un monde de la vitesse dans lequel la culture et l’artiste qui la produit, sont trop souvent mal considérés.
En plus d’être intelligent, cet album est splendide, finement illustré et accompagné d’un merveilleux «carnet d’études» où se pressent écureuils et feuilles de bambous, au crayon, au feutre ou à l’encre de chine. Espérons qu’un tel ouvrage permettra aux plus jeunes de percevoir que le travail de l’artiste ne se limite pas à son geste définitif. Qu’il se murit, se pense, s’essaie, sur le temps long. Et que oui, être artiste c’est travailler énormément pour parfois produire très peu mais que c’est ce peu qui fait notre vie à tous plus belle et plus intéressante.

Ariane Tapinos (octobre 2010)

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16/11/2010 | Lien permanent

Le Cantique des carabines | roman de Xavier DEUTSCH

cantique carabines.gifÉd. Mijade (Namur) | juin 2009 | 142 pages - 7€

Ponce vient d'avoir quatorze ans. À Moio, son village natal en terre sicilienne, c'est l'âge de la majorité. Ponce «le petit» est grand aujourd'hui et pour cette raison son frère aîné Léonidas, vingt-huit ans, lui offre de l'accompagner à Catane, la grande ville où il compte bien vendre sa récolte annuelle d'oignons. Voilà donc les deux garçons juchés sur une charrette remplie d'oignons et tirée par une jument, partis pour un périple de plusieurs jours sur des routes poussiéreuses et semées d'embûches (des brigands écument les campagnes siciliennes). Léonidas est un jeune homme secret, calme et silencieux - un «taiseux» - il économise ses mots au moins autant que son jeune frère écarquille les yeux dans ce qui ressemble pour lui à un voyage initiatique. Le lecteur ne mesure pas encore à quel point ce voyage va chambouler le jeune Ponce, emporté par la résolution ferme et sans faille de son frère qui, en quelques mots et quelques jours, lui ouvrira des horizons insoupçonnés.

Le premier chamboulement – et non des moindres – intervient autour de la page 40 quand l'étrange attelage atteint… l'aire de repos d'une station-service. On croyait évoluer dans un roman «paysan» plus ou moins historique et nous voilà projetés dans une contemporanéité très déstabilisante!

On pourrait penser que ce basculement relève de la pirouette, du ressort narratif pour épater le lecteur, mais Xavier Deutsch sait donner à ses personnages une vraie épaisseur et quand intervient cette irruption de la modernité le caractère et la personnalité de Léonidas sont là pour nous la faire accepter. J'ignore s'il existe aujourd'hui en Sicile des villages où la charrette est un moyen de locomotion comme un autre, où un jeune agriculteur peut refuser un paiement en euros pour lui préférer les napoléons (ou les souverains d'or si l'acheteur est britannique) et où l'on vend une enfant à un bordel quand on ne peut plus la nourrir… Au bout du compte l'étonnant dans ce Cantique est que la fausse simplicité de l'écriture de l'auteur s'accorde si bien au caractère du héros – il n'économise ses mots que pour mieux les choisir – qu'elle parvient à nous faire admettre les incongruités du récit et accepter l'individualisme forcené du personnage. Léonidas cherche à atteindre un objectif, un seul, et il choisit d'ignorer tous les événements collatéraux; partant il se moque de la marche du monde bien plus que de son premier oignon durement cultivé. Il est comme une illustration de l'expression populaire «c'est pas mes oignons» mais, se débattant lui-même avec une situation et des origines marginales et méprisées, le lecteur aura garde de le juger ni de lui appliquer les grilles habituelles du politiquement correct. Quelles que soient les invraisemblances réelles ou supposées contenues dans l'histoire, elle prend pour héros un personnage atypique et amène son lecteur sur des chemins bien peu explorés par le roman ado. Une belle surprise.

Corinne Chiaradia (janv. 2010)

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11/02/2010 | Lien permanent

Un poisson très doué | album de Chris WORMELL

Poisson.jpgTraduit de l’anglais par Claude Lager
Éd. Pastel | sept. 2010
12,50€

Il y a bien longtemps, l’océan était rempli de poissons de toutes sortes: des gros, des petits, des longs, des ronds, des gentils, des féroces, des à rayures, des tachetés, des multicolores… Parmi tous ces poissons un se distinguait par son intelligence. Il ressemblait au banal poisson gris qu’on trouve aujourd’hui sur l’étal du poissonnier mais il était «très doué». Il savait chanter, danser, jouer la comédie, jouer aux échecs… Son intelligence alimentait sa curiosité, alors il regardait la plage avec envie se demandant comment partir à la découverte du monde terrestre. À force d’y réfléchir, il eut une idée: il lui fallait des pieds! Comme il était surdoué, il n’eut aucun mal à se fabriquer deux paires de pieds qu’il enfila sur ses nageoires. Et un jour, devant ses congénères ahuris, il partit sur la terre ferme et fut ainsi la «toute première créature au monde» à s’y aventurer. Mais très vite, il s’ennuya, seul sur la terre et reparti dans son monde aquatique.

Seulement, voilà: l’idée de marcher avait germé dans les petites et grandes cervelles des créatures de l’océan et des millions d’années plus tard, d’autres poissons tentèrent l’expérienc. Mais «comme ils n’étaient pas suffisamment intelligents pour se fabriquer des pieds, ils rampèrent sur la plage en utilisant leurs nageoires» qui, encore des millions d’années plus tard, se transformèrent en pattes, puis en pieds… Et c’est ainsi que l’homme est apparu sur la terre!

Chris Wormell nous avait déjà régalé l’année dernière du génial Attention, bêtes féroces! * le voici de retour avec cette hilarante histoire de l’É volution pour les petits. Avec un trait très classique (et des couleurs chatoyantes), qui accentue le décalage humoristique, il distille, tel son poisson surdoué, de l’intelligence dans une histoire qu’on aura plaisir à lire et relire. Comme pour son précédent album, il maîtrise parfaitement la durée et la tenue du récit et réussit, avec une certaine économie de moyens, à nous raconter une histoire qui en dit plus qu’elle n’en a l’air. Cette juste proportion entre texte, image, histoire, sens… est ce qui fait de cet album, à peine paru, déjà «un classique», dans le sens le plus noble du terme.

Ariane Tapinos (novembre 2010)

* Attention, bêtes féroces, éd. L'école des loisirs, 2009, 12,50€.
Voir aussi Les Deux Grenouilles : fable drôle et profonde sur la prévention sécuritaire et l'art de se préparer à la guerre (éd. Kaléidoscope, 2003, malheureusement épuisé)


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26/11/2010 | Lien permanent

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