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16/11/2010

Le Maître des estampes | album de Thierry DEDIEU

maitre estampes.jpgÉd. Seuil jeunesse, octobre 2010 - 16€

Un riche mandarin commande une estampe à un artiste dont il a admiré le travail. L’artiste lui demande un délai de six mois et la moitié de la somme que coûtera l’œuvre. Les mois et les semaines passent et le mandarin s’impatiente d’autant que quand il croise l’artiste celui-ci semble se promener le nez en l’air, dans la nature… Enfin, l’artiste arrive chez son commanditaire, déroule une feuille blanche et d’un trait simple et rapide, produit une œuvre magnifique, qui représente un écureuil descendant d’une branche de bambou. Le mandarin est à la fois ébahi et furieux: si c’était si simple et si rapide, il ne voit vraiment pas pourquoi il lui a fallu attendre si longtemps et payer si cher! L’artiste le conduit dans son atelier et lui montre les nombreuses esquisses qui ornent ses murs et remplissent ses tiroirs: partout ce ne sont que branches de bambous et écureuils…


Il explique alors :  «Ce que vous avez pris pour du dilettantisme, c’était la période pendant laquelle j’observais la vie et les mœurs des écureuils. Ce que vous preniez pour un délai déraisonnable n’était que le temps nécessaire à la maîtrise du geste, au choix du papier, au dosage de l’encre et à la recherche du pinceau le plus apte à reproduire le pelage du rongeur ainsi que la texture de la feuille de bambou. Le salaire que je vous ai demandé paie tout juste ma ration de riz quotidienne.»

Difficile de faire plus explicite et plus joliment dit à la fois, pour parler du travail de l’artiste en général. Ce pourrait être le texte d’un tract pour une manifestation d’intermittents du spectacle ou de représentants des arts et de la culture, en butte à des réductions budgétaires… L’art prend du temps et le monde moderne, comme celui des puissants, est un monde de la vitesse dans lequel la culture et l’artiste qui la produit, sont trop souvent mal considérés.
En plus d’être intelligent, cet album est splendide, finement illustré et accompagné d’un merveilleux «carnet d’études» où se pressent écureuils et feuilles de bambous, au crayon, au feutre ou à l’encre de chine. Espérons qu’un tel ouvrage permettra aux plus jeunes de percevoir que le travail de l’artiste ne se limite pas à son geste définitif. Qu’il se murit, se pense, s’essaie, sur le temps long. Et que oui, être artiste c’est travailler énormément pour parfois produire très peu mais que c’est ce peu qui fait notre vie à tous plus belle et plus intéressante.

Ariane Tapinos (octobre 2010)

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