Rechercher : Baptême de l'air
QUE CACHES-TU DANS TON DOS ?
Album
de Lena SJÖBERG
Traduit du suédois par Alain Serres
Éd. Rue du monde, coll. coup de cœur d’ailleurs
Mai 2013 – 15 €
Une foule de personnages amusants et un brin déjantés défilent mains derrière le dos et le lecteur les interpelle : « Que caches-tu dans ton dos ? » On tourne la page et… Madame Larsson cache une banane, la princesse, un pot de chambre, la bestiole, des hot-dogs (un pour chaque pate et elles sont nombreuses), le chevalier, un petit dragon…
Chaque image est à observer attentivement. Même de face, les personnages de ce bel album, tout en hauteur, sont plein de surprises. Le pirate est-il une fille ou un garçon ? Le policier est clairement une policière. Le marin offre au regard les tatouages de son large buste. Le super-héros s’est écorché le genou…
Avec une idée toute simple, cette galerie de portraits est remplie de poésie et de fantaisie. Elle a aussi le goût de la Suède et d’une certaine manière de se jouer des stéréotypes, ce qui n’est pas pour nous déplaire !
Avec cette formidable collection, les éditions Rue du monde ont su enrichir leur (beau) catalogue et donner à voir des albums d’ailleurs qui portent un regard un peu différent sur le monde et ouvrent notre horizon de lecteurs.
Ariane Tapinos (été 2013)
22/07/2013 | Lien permanent
BORÉAL-EXPRESS
Album
de Chris VAN ALLSBURG
Traduit de l'américain par Isabelle Reinharez
Éd. L'école des loisirs
Juillet 2000 - 13,20 €
Un de ses amis le lui a dit : « le Père Noël n’existe pas ! » Pourtant, la vieille de Noël, un jeune garçon attend sagement dans son lit l’arrivée de ce dernier… À sa grande surprise, ce n’est pas un traîneau qui arrive devant chez lui, mais un train en partance vers le Pôle Nord, le Boréal-Express. À bord de ce train, plein d’autres enfants, en pyjama, entonnent des chants de Noël en buvant d’onctueux chocolats chauds accompagnés de délicieuses friandises. À l’arrivée, les enfants rencontreront le Père Noël, qui choisira l’un d’entre eux pour offrir le 1er cadeau avant d’entamer sa grande tournée. C’est notre jeune héros qui est désigné et ce qu’il désire plus que n’importe quel cadeau, c’est une clochette d’argent du traîneau en souvenir de cette fabuleuse rencontre. Une clochette que seuls « tous ceux qui y croient vraiment » entendent tintinnabuler…
Un joli conte de Noël qui remet de la féérie dans ces fêtes de fin d’année. Illustré par les merveilleux dessins de Chris Van Allsburg, la magie est d’autant plus grande…
Chloé Boulanger (décembre 2013)
03/12/2013 | Lien permanent
KORCZAK pour que vivent les enfants
Documentaire
de Philippe MEIRIEU (texte)
& PEF (illustrations)
Éd. Rue du monde, coll. Grands portraits
Septembre 2012 – 17,50 €
« Les enfants ne sont pas des personnes de demain. Ce sont des personnes d’aujourd’hui. »
Voilà un documentaire passionnant comme est passionnante la vie de ce grand pédagogue que fut Janus Korczak. Né à la fin du XIXe siècle dans une Pologne alors sous domination russe, mort en 1942 à Treblinka, camps d’extermination allemand en terre polonaise, il a consacré sa vie aux enfants. Médecin, écrivain, pédagogue, il n’a pas seulement recueilli et aidé des orphelins juifs, il a contribué à faire évoluer la manière de considérer les enfants, à leur reconnaître la qualité de personne à part entière. Pas étonnant qu’un autre pédagogue engagé, Philippe Meirieu, lui rende ici hommage. Avec Pef aux images et Rue du monde comme éditeur, on ne pouvait imaginer meilleur attelage pour dresser le « grand portrait » de ce grand homme et donner à lire aux plus jeunes, à la fois sa vie mais aussi de nombreux extraits de ses textes d’une surprenante modernité.
Après avoir cheminé aux côtés de cet incroyable personnage, la fin – image de Korczak portant un enfant dans ses bras, à l’entrée du wagon entouré d’enfants affublés de l’étoile jaune, image qui répond à celle de la couverture où le même Korczak est souriant, un enfant dans les bras, d’autres autour de lui – la fin, donc est tout simplement bouleversante.
Comme chaque fois dans cette excellente collection, l’album se termine sur un cahier documentaire qui comprend notamment d’extraordinaires photos.
Ariane Tapinos (novembre 2012)
14/01/2013 | Lien permanent
NINA VOLKOVITCH
Tome 1 : La Lignée
Roman fantastique de Carole TRÉBOR
Éd. Gulf Stream, septembre 2012
220 pages – 14,90 €
En 1948, Nina Volkovitch est envoyée à orphelinat de Karakievo qui accueille les enfants des « ennemis du peuple ». Son père a disparu alors qu’elle était enfant. Sa mère vient d’être arrêtée et envoyée en Sibérie pour avoir défendu les œuvres d’artistes jugés réactionnaires. Nina est quelqu’un de spécial. Elle a quinze ans et la taille d’un enfant de neuf ou dix ans. En 1941, en pleine guerre, elle a arrêté de grandir. À l’orphelinat, Nina va découvrir que ce n’est pas sa seule particularité…
Difficile d’en dire plus sur cet envoûtant roman sans dévoiler les ressorts du récit. On y trouve un soupçon de fantastique (peut-être amené à se développer dans les volumes suivants ?) dans le cadre historique de l’URSS aux pires heures du stalinisme.
L’histoire de Nina, saisissante, est racontée à la première personne. Ignorante, comme le lecteur, de son – sans aucun doute – prodigieux destin, Nina découvre avec lui les secrets de sa famille, les puissants Volkovitch. Et nous laisse totalement sur notre faim à l’issue de ce premier volume qui ne dévoile que ce qu’il faut pour nous tenir en haleine jusqu’en janvier 2013.
Il est à signaler que l’édition de ce livre est particulièrement soignée (et le mérite en revient aux éditions Gulf Stream). C’est un bel objet, avec une couverture très épaisse et rigide, des pages à la tranche dorée et une typographie très aérée et agrémentée de petits pictogrammes qui évoquent les coupoles des églises russes.
Ariane Tapinos (septembre 2012)
11/09/2012 | Lien permanent
Carnets d’Orient, vol. 6 : LA GUERRE FANTÔME
BD de Jacques FERRANDEZ
Éd. Casterman, coll. Univers d'auteur
oct. 2002 - 15 €
Ferrandez, peintre romancier
par Patrick Geffard
En 1987, Casterman publiait le premier tome des Carnets d’Orient de Jacques Ferrandez. Personne ne se doutait alors, pas même l’auteur, qu’une aventure littéraire et humaine de plus de quinze ans était sur le point de naître… Sept ans après Le Cimetière des princesses, voici le tome 6.
Cette série en bandes dessinées comporte actuellement six volumes que l’on peut partager en deux parties. La première commence avec l’album Djemilah et se poursuit jusqu’à celui qui a pour titre Le Centenaire. On y lit une histoire de l’Algérie coloniale, depuis les derniers temps de la conquête, en 1836, jusqu’à la célébration du centenaire de l’Algérie française en 1930. La seconde débute en mai 1954 et ne comporte pour l’instant que deux tomes, Le Cimetière des princesses et La Guerre fantôme mais elle devrait se poursuivre jusqu’à la proclamation de l’indépendance en 1962. Si, dès l’ouverture des albums, croquis et aquarelles montrent un artiste au plein sens du terme, à leur lecture Jacques Ferrandez apparaît rapidement aussi comme un conteur exceptionnel. Un conteur au sens étymologique du terme. «Conter», qui a pris le sens de «raconter» à partir de celui «d’énumérer», vient d’un verbe latin signifiant au départ «émonder les arbres» et «apurer un compte» puis «juger» et «penser»… C’est donc bien le vocable qui convient pour évoquer les Carnets d’Orient, en précisant qu’il n’y est surtout pas question de «régler des comptes» et que le travail de pensée l’emporte toujours sur le désir de jugement.
Le talent de J. Ferrandez se révèle dans la peinture d’un tableau complexe, chatoyant, tour à tour généreux et cruel, qui joue constamment sur plusieurs registres. On peut d’abord relever l’œuvre de transmission. Avec ungrand souci de précision et la solidité évidente d’une documentation qui, pourtant, n’apparaît jamais en premier plan, l’Histoire du pays et de ceux à qui il est donné en partage est pas à pas retracée. Dès les premières pages, il est question de conquêtes militaires. Terme utilisé au pluriel parce que tout au long de la série, il n’est jamais oublié que les conflits mentionnés font généralement écho à d’autres antagonismes, historiquement ou géographiquement distants. Ces références éclairent les enchaînements historiques mais aussi la relation que les hommes entretiennent avec leur action au présent. On y voit par exempleles vaincus de certaines guerres, 1870, la Commune, l’Indochine, vivre leurs combats d’Algérie sous l’emprise de ce qu’ils viennent de traverser. Ailleurs, on assiste à l’autojustification coloniale par la référence à l’ancienne conquête par l’Empire romain, comme si la terre algérienne n’avait d’autre destin que de se voir soumise par le glaive. En restant toujours dans le cadrage du plan large, on voit clairement apparaître, à côté des deux groupes principaux, tous ceux qui participent au devenir du pays: populations kabyles et juives, immigrants des autres pays européens, peuples de la Méditerranée.
Mais les Carnets d’Orient ne sont pas de simples croquis de groupe, bien au contraire. Ils sont aussi l’expression d’un romancier. En effet, l’Histoire avec majuscule nous la lisons à travers les itinéraires entrecroisés de plusieurs personnages clés, sur trois à quatre générations. Dans une intéressante mise en abîme, le premier héros de la série, Joseph Constant, est un peintre dont les croquis et les tableaux ne cesseront de hanter le récit. À sa suite, c’est une longue saga familiale qui se déroule au fil des albums, traçant des destins qui se croisent, s’opposent ou se retrouvent. L’enchevêtrement des péripéties individuelles est l’occasion de varier les points de vue et parfois d’approcher en tête-à-tête quelques grandes figures historiques ou culturelles, d’Abd El Kader à Albert Camus, en passant par Isabelle Eberhardt. Certes, on suit avant tout les parcours de personnages européens mais il faut voir là un effet de l’honnêteté de l’œuvre. Certaines sources viennent directement des origines de l’auteur, né en Algérie même s’il a été élevé dans le sud de la France, d’autres des récits qui nous ont été transmis. Certaines voix n’ont pu percer les tumultes de l’Histoire ou se sont heurtées à la surdité des dominants…
C’est dans le second cycle de la série, celui qui va de 1954 à l’indépendance, que la diversité des histoires personnelles est la plus élaborée. Si les faits relatés laissent toute sa place à la très grande dureté de ces temps de guerre, on est sans cesse saisi par l’imbrication complexe entre violence subie et violence assumée. Loin des affirmations péremptoires ou du vernis idéologique, le récit conduit à une lecture forcément réfléchie, à cent lieues de tout manichéisme. Mais, en même temps, deux questions reviennent sans cesse: qui peut se dire «chez lui» sur cette terre et à quel titre? Quels sont les droits des peuples qui l’habitent? La série ne se limite pas à une sortede roman historique en BD. Il est encore un autre registre à l’oeuvre et c’est sûrement celui qui lui donne tout son charme, au sens presque magique du mot. Car l’Algérie de Ferrandez est un pays vivant, sensuel et qui ne laisse pas en paix l’imaginaire du lecteur. «Rencontrer dans la réalité ce qui jusqu’alors n’a été pour moi que costumes d’opéra et dessins d’albums est une des plus vives impressions qu’on puisse éprouver en voyage…» écrit Joseph Constant sitôt débarqué à Alger dans le premier album.
«La brise est fraîche et le ciel est bleu. J’aime cette vie avec abandon et veux en parler avec liberté» déclare Ali, citant Camus sur la plage de Tipasa dans le dernier album. Et il y a là bien sûr tout le talent du peintre qui nous plonge tour à tour dans l’ombre ou la lumière, l’inconfort ou la plénitude. Il y maintenant plus de quarante ans que s’est achevée la guerre d’Algérie. Pourrons-nous bientôt poser un regard apaisé sur cette période essentielle? Nul doute que les Carnets d’Orient viennent prendre leur place dans l’indispensable intelligence de l’Histoire.
par Patrick Geffard
(première publication de l'article : 1er mars 2003)
Depuis la première parution de cet article, Casterman a édité la totalité des Carnets d'Orient rassemblés en 2 volumes sous le titre Carnets d'Orient, l'intégrale :
> 1er cycle (regroupe les cinq premiers volumes de la série, de Djemilah au Cimetière des princesses)
éd. Casterman, octobre 2008, 368 pp. - 45€
> 2nd cycle (regroupe les cinq titres suivants : La Guerre fantôme, Rue de la bombe, La Fille du Djebel Amour, Dernière demeure et La Valise ou le cercueil)
éd. Casterman, octobre 2011, 368 pp. - 45€
25/01/2012 | Lien permanent
LE CONTE DU GENÉVRIER
Album de Gilles RAPAPORT
Sur un conte de Jacob & Wilhelm GRIMM
Éd. Le Genévrier, coll. Ivoire
Mars 2012 – 17 €
Une femme meurt après avoir donné naissance à un fils longuement désiré. Son mari la pleure, puis prend une nouvelle femme avec qui il a une fille. Sa nouvelle épouse rongée par la jalousie finit par assassiner son beau-fils… Du genévrier sous lequel sont enterrés les restes du garçonnet, s’envole un oiseau flamboyant. L’oiseau s’en va chanter sa rengaine :
Ma mère m’a tué ;
Mon père m’a mangé ;
Ma sœurette Marlène
A pris bien de la peine
Pour recueillir mes os jetés
Dessous la table, et les nouer
Dans son foulard de soie
Qu’elle a porté sous le genévrier.
Ce conte des frères Grimm est tout simplement extraordinaire. D’une grande cruauté, il parle pourtant de l’amour d’un père pour son fils, d’une sœur pour son frère. L’éditeur le qualifie de « roman familial » sur la quatrième de couverture et c’est bien de cela qu’il s’agit. Nous sommes chez les Atrides à l’ombre du genévrier.
Les images de Gilles Rapaport sont, comme toujours, magnifiques. D’une beauté sombre et lumineuse à la fois. Un peu comme si avec ce conte, ce grand artiste avait trouvé une histoire – pour une fois pas issue de l’Histoire – à sa mesure.
Le format (26,2 x 32,6) donne toute la place qu’il mérite à son immense talent et inaugure une nouvelle collection (qui tire son nom, Ivoire, de la couleur du papier) de textes issus du patrimoine, chez cet éditeur qui depuis un an nous régale de ses trouvailles.
Ariane Tapinos (juin 2012)
05/08/2012 | Lien permanent
Les poissons savent-ils nager ? | album d'Alex COUSSEAU (texte) & Nathalie CHOUX (ill.)
Éd. Sarbacane | octobre 2009 | 34 pages – 14,90€
«Un jour les poissons auront le mal de mer. Ils se laisseront pousser des bras et des jambes et ils sortiront tous de l’océan, petits et grands.» Et quand cela arrivera, eh bien, la fin du monde ne sera pas très loin! Parce que les poissons voudront les mêmes choses que les êtres humains, et naturellement ils en feront trop et la chaîne alimentaire sera bouleversée, les arbres abattus, hommes et poissons quitteront la Terre à la recherche de nouvelles ressources et les poissons finiront… à l’eau! Alors le poisson vivra-t-il un jour en harmonie avec l’être humain? Possèdera-t-il portefeuille en cuir de vachette et fusil? Pas de panique!
«La baleine, en tant qu’entité individuelle, possède peut-être une capacité de penser à des niveaux de complexité qui dépassent notre compréhension, et il n’est pas impossible que parmi ses inventions mentales se situe la spécification complète d’une bicyclette; mais ne disposant pas des outils de l’art et de la réserve permanente du “savoir-faire”, la baleine ne serait pas libre de transformer de telles pensées en objets concrets.»(1) Si la baleine (qui n’est pas un poisson) est encore loin de sortir des flots, ce n’est pas demain que le poisson envahira nos villes. Quant aux crevettes… là est la question!
Il n’en demeure pas moins que cet album, s’il joue volontiers la carte de l’absurde, reste une petite leçon d’écologie truculente qui enchantera les lecteurs… petits et grands.
Nathalie Ventax (janvier 2010)
(1) James Lovelock, La Terre est un être vivant, l’hypothèse Gaïa, éd. Flammarion, coll. Champs, 1993.
30/01/2010 | Lien permanent
ITAWAPA
Roman
de Xavier-Laurent PETIT
Éd. L’École des loisirs, coll. Médium
Janvier 2013, 197 pages – 14,50 €
Prologue : 1974, de monstrueuses machines, conduites par des hommes, envahissent le territoire des indiens Kalawas. La confrontation brutale se termine en massacre. Hommes et arbres sont décimés.
2010, Talia est sans nouvelle de sa mère, ethnologue, partie en mission au cœur de la forêt amazonienne. Avec son grand-père, caractériel et alcoolique, et un officier de police romantique et doué pour la photographie, elle part à la recherche de sa mère. Destination Itawapa, un lieu tellement isolé dans la forêt amazonienne qu’il n’apparaît sur aucune carte. Là où vit l’Ultimo, le dernier représentant d’une tribu indienne, menacé par des projets de forages pétroliers auxquels la mère de Talia est partie s’opposer.
C’est aux côtés de cet équipage bancal que Xavier-Laurent Petit nous fait pénétrer la forêt primaire. Oppressante, grouillante, constamment arrosée de pluies diluviennes, la forêt ne se laisse pas approcher facilement. Elle recèle des richesses convoitées et des secrets douloureux. Ce voyage sur les traces de l’un des derniers habitants de la forêt amazonienne est un hymne à la nature, à sa puissance envoûtante. C’est un texte superbe qui nous transporte autant qu’il nous sollicite. Car cet hymne est également un appel au respect des cultures indiennes et de l’environnement qui les abrite.Un respect qui passe par la reconnaissance des crimes commis, mais aussi des liens qui relient la forêt aux hommes qui la côtoient, et les hommes du dedans à ceux du dehors.
Ariane Tapinos (février 2013)
10/05/2013 | Lien permanent
RÊVES EN NOIR
Roman policier
de Jo WITEK
Éd. Actes Sud Junior, coll. Romans Ados Thriller
Janv. 2013, 268 pp. – 14,50 €
Jill a seize ans. C’est une adolescente brillante et volontaire. Aveugle depuis sa petite enfance, déterminée à être comme toutes les filles de son âge, elle n’a que mépris et colère pour ceux qui la jugent à l’aune de son handicap. À la suite d’un accident, elle se met à rêver en images. Elle voit dans ses nuits ce qu'il lui est impossible de distinguer le jour. Puis elle découvre que ces images sont bien réelles : ce sont celles d’événements à venir… Évoluant depuis des années dans un paysage sombre et indistinct, Jill ne peut que partir à la poursuite de ses rêves prémonitoires. Elle plonge alors dans une dangereuse histoire de trafic d’objets volés, sur les traces d’un affreux malfrat mais aussi d’un jeune homme dont la beauté des traits lui a été révélée dans ses rêves.
D’emblée, Jo Witek nous immerge dans le monde de la nuit et nous donne à lire l’immensité des difficultés auxquelles les non-voyants et mal-voyants doivent faire face. S’habiller harmonieusement, effectuer un trajet inconnu, faire des courses… Supporter toutes ces réflexions qui vont de la bêtise au mépris et dans lesquelles il faut savoir pourtant reconnaître, rarement, un peu de compassion. Et puis Jill est une adolescente comme les autres : en révolte contre le monde des adultes, un monde qui est également celui des voyants.
Au-delà de l’intrigue policière, bien menée mais moins envoûtante que dans son roman précédent, Peur Express, Jo Witek nous entraîne dans une passionnante découverte de l’univers des aveugles qui apparaît comme une autre lecture de celui qui nous est accessible, à nous, voyants, mais qui donne à réfléchir sur notre capacité à envisager d’autres manières d’être au monde.
Ariane Tapinos (janvier 2013)
20/05/2013 | Lien permanent
LA TOURNÉE DU FACTEUR SOURIS
album
de Marianne DUBUC
Éd. Casterman, mars 2015 – 13,95€
Être facteur, voilà qui n’est pas de tout repos ! Pour venir à bout de sa tournée, Facteur Souris doit grimper aux arbres, plonger dans la mer, s’envoler dans les cieux… Il doit affronter toutes sortes de dangers pour apporter leur courrier à un serpent, un dragon, un loup et même une famille de putois ! Il lui faut aussi supporter tous les climats des frimas des pingouins au soleil de la marre en passant par les terres humides des crocodiles. Après cette longue tournée pleine de rencontres et d’aventures, il pourra rentrer chez lui, livrer son dernier paquet, à son petit Tommy qui fête aujourd’hui son anniversaire.
Plus que l’histoire, somme toute assez succincte, se sont les images de Marianne Dubuc qui séduisent le lecteur. Elles sont rafraichissantes et fourmillent de menus détails qui rendent la lecture amusante. Parfois même dans une double page se cachent d’autres histoires comme celle de la pie recherchée pour ses larcins ou celle de Monsieur Loup dont le repas de moutons prend la poudre d’escampette avec l’aide d’une bande de trois cochons masqué pendant que veille une petite fille vêtue d’un chaperon rouge…
Un livre à regarder longtemps.
Ariane Tapinos (juin 2015)
29/06/2015 | Lien permanent