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Compte les étoiles | roman de Loïs LOWRY
Traduit de l’américain par Agnès Desarthe.
Éd. L'École des loisirs, coll. Neuf, 1990, 228 pages – 6 €
Annemarie Johansen, dix ans, rentre de l’école en courant avec sa petite sœur Kirsti et sa meilleure amie Ellen Rosen. Elle se heurte à un soldat allemand. Nous sommes à Copenhague en 1943, et l’Occupation se fait sentir partout, dans les restrictions alimentaires et l’omniprésence des soldats. Annemarie s’inquiète, s’interroge : elle voudrait comprendre ce que lui cachent ses parents et, par-dessus tout, elle aimerait être courageuse. Mais qu’est-ce que le courage et que peut-elle faire quand même les adultes semblent avoir peur ? Une nuit, les Allemands perquisitionnent et les Johansen doivent cacher Ellen. Annemarie et sa famille vont dès lors, comme beaucoup d’autres Danois, participer au sauvetage de milliers de juifs en organisant leur fuite, par bateau, vers la Suède.
Loïs Lowry – à qui l’on doit entre autres, la série des Anastasia – raconte cet épisode édifiant de la Seconde Guerre mondiale sans grandiloquence. Elle nous fait partager le courage simple et l’humanité de tout un pays pour lequel résister aux lois anti-juives édictées par l’occupant, c’est d’abord agir en bons voisins.
Nathalie Ventax (février 2005)
04/12/2008 | Lien permanent
Betty Coton | roman de Corinne ALBAUT
Éd. Actes Sud Junior, coll. Les couleurs de l'histoire | mars 2005, 112 pp. – 9 €
L’histoire de Betty, c’est celle de la traite négrière. Celle de ces enfants enlevés à leur famille et à leur terre, transportés dans d’atroces conditions de l’autre côté de l’Atlantique, vendus comme du bétail et exploités dans des plantations du Sud des États-Unis. Devenue le souffre-douleur du fils du propriétaire de la plantation, le "petit maître", Betty décide de prendre son destin en main et si elle est esclave, son fils sera libre.
Un beau roman dense et poignant sur un sujet dont il est toujours aussi urgent de parler. La langue de Corinne Albaut est belle comme un hommage à tous ces esclaves anonymes et à la musique qu’ils ont créée avec leurs larmes et leur sang. Ce court texte est aussi, au-delà même de son sujet, un roman qui réunit quelques-uns des ingrédients classiques du romanesque : violence, amour, espoir… Une belle réussite.
Ariane Tapinos (mai 2005)
14/01/2009 | Lien permanent
Chicago, je reviendrai | roman de Gisèle BIENNE
Éd. L'École des Loisirs, coll. Médium, 2008 | 156 pp. - 9,50 €
1964, Sylvie est choisie, dans le cadre d’un programme d’échange, pour passer un an aux États-Unis, à Chicago. Elle débarque dans une riche famille américaine où chacun est à sa place : la mère ultra occupée par son travail de professeure d’histoire de l’art à l’université, le père par son business, la fille aînée Paula (quinze ans) par le dating (les rendez-vous galants) et Charles, six ans, par ses jeux d’enfants. Seule Alberta, la domestique noire, manifeste de l’affection et de l’intérêt pour Sylvie. Les Griffin ne sont pas méchants et vivent dans un des rares quartiers de la ville où la ségrégation n’a pas cours, mais leur vie bien organisée laisse peu de place à l’improvisation. Pour eux, la présence de la lycéenne française est un peu comme une preuve supplémentaire de leur bon goût et de leur ouverture d’esprit. Un trophée social, un signe extérieur de richesse. Sylvie n’est pas dupe et est bien décidée à découvrir une autre Amérique. Celle de la culture noire, du jazz, de la lutte pour les droits civiques...
Premiers amours (celui laissé en France, ceux qui se nouent aux États-Unis), premiers engagements, première séparation d’avec la famille… Le roman de Gisèle Bienne est tout en finesse. Il sent l’histoire vécue et le souvenir présent. Il porte un témoignage sur une époque révolue et une autre manière d’être adolescente.
Ariane Tapinos (déc. 2007)
14/01/2009 | Lien permanent
Que la vie est belle ! | première lecture de René GOUICHOUX
Illustrations Mylène RIGAUDIE | Éd. Nathan, coll. Nathan poche premières lectures | janv. 2009, 30 pp. | 5,35 €
Kouma la girafe et Toriki le lièvre échangent leur taille, grâce aux pouvoirs magiques de Marabout, l’oiseau sorcier. Kouma est réduite à la taille d’un gros lapin et Toriki atteint maintenant le faîte des arbres. L’expérience est enrichissante, quelques temps, mais pas concluante pour autant. Et chacun souhaite bientôt retourner dans sa dimension.
Comme la vie est belle quand on s’aime comme on est !
Une (vraie) première, toute première lecture, dont le texte, court comme il se doit, est bien écrit, ce qui est plus rare en la matière. Le système des bulles, pour signifier les dialogues des deux bestiaux, permet une amusante lecture à deux voix. Les illustrations sont drôle et anisées.
Ariane Tapinos (février 2009)
24/02/2009 | Lien permanent | Commentaires (1)
La Fin du monde | roman de Fabrice COLIN
Éd. Mango, coll. Autres Mondes | janv. 2009 | 190 pp. – 9 €
Dans un futur proche, quatre jeunes des quatre centres «politiques» du monde (Europe, États-Unis, Chine et Moyen Orient), tentent de survivre à un embrasement nucléaire. En à peine deux cents pages et sept courts chapitres, on assiste, épouvanté, à la destruction de la plupart des grandes métropoles du monde : Los Angeles, San Francisco, Seatle, Pékin, Paris, Le Caire… Pour espérer sauver sa peau, il faut fuir toujours plus au Nord, pour échapper aux radiations toxiques qui se répandent comme une nuit sans fin sur le monde.
L’horreur se mêle à l’absurde. La violence s’épanouit entre les Nations, mais aussi en leur sein, là où des hommes sont depuis trop longtemps, laissés pour compte par leur propre société. La rage gronde et les plus pauvres s’engouffrent dans la brèche laissée par l’anéantissement des États et des moyens de communication. Chacun des personnages entreprend une course effrénée contre la mort, pour rejoindre une base américaine secrète au Groenland, où ils pourront s’abriter quand il ne restera plus rien.
Impossible de dévoiler ce qu’il adviendra de cette quête, mais au terme de ce premier volume, on ignore si deux d’entre eux sont encore vivants. Et le destin des deux autres est tout aussi mystérieux.
Fabrice Colin est un raconteur d’histoires hors pair, il prend son lecteur par la main et l’entraîne dans un tourbillon d’événements qui le tient en haleine et le plonge en même temps dans un bain de questionnements. Construit comme un film catastrophe, avec brève présentation parallèle des personnages avant le cataclysme qui les réunira (on l’imagine), son récit est, une fois de plus, nourri de références cinématographiques et romanesques.
Et s’il se défend, dans sa postface, de faire des livres «sur» tel ou tel sujet – et ici «sur» la guerre nucléaire – c’est bien pour nous faire réfléchir à ses dangers, qu’il a écrit ce terrifiant roman. Mais il est vrai qu’il n’abandonne pas ses personnages et son histoire à l’arrière-plan politique. Et c’est pour ça qu’on le lit avec autant de plaisir. Et qu’on réfléchit sans y prendre garde. N’empêche, sa «fin du monde» a quelque chose de prophétique qui provoque la peur, quand bien même il aurait voulu nous épargner, comme il l’écrit dans sa postface, qu’il conclut par les phrases suivantes : « Conçue comme l’outil de dissuasion ultime, l’arme nucléaire est le produit vicieux de l’intelligence humaine. Son efficacité repose sur un paradoxe redoutable : elle ne produit son effet que si on ne s’en sert pas. Dans le cas contraire, ce n’est pas la terre qui disparaît ; ce sont les hommes. Combien de temps avant qu’une erreur irréparable soit commise ? Combien de temps avant que ce livre ne soit plus de la science-fiction ? »
Ariane Tapinos (février 2009)
15/03/2009 | Lien permanent
Quand la banlieue dort | roman de Benjamin et Julien GUÉRIF
Éd. Syros, coll. Rat Noir | janvier 2009 | 174 pp. - 11 €
Matthieu est adolescent et vit dans un lotissement, un de ceux qui ressemblent aux quartiers résidentiels américains où toutes les maisons sont identiques, où tout est toujours très propre. Tellement nickel que ça en devient effrayant, pensez à Edward aux mains d’argent de Tim Burton. Mais surtout il n’y a rien à faire, pas de magasins, pas de cinéma, rien que des habitations. Alors, comme il faut s’occuper, Matthieu a pris l’habitude d’entrer chez les gens en leur absence, pas pour voler mais pour découvrir qui sont réellement les personnes qui habitent près de chez lui…
Ses petites escapades nocturnes lui permettent aussi d’avoir un avantage précieux sur ses camarades de classe : il connaît des choses secrètes sur chacun d’eux et n’hésite pas à les sortir à ceux qui le taquinent un peu trop. Quand il décide de visiter la plus grande maison du lotissement avec son meilleur copain, Tristan, il n’imagine pas ce qui l’attend. Les choses vont mal tourner et les deux ados seront vite dépassés par les événements.
François Guérif, directeur de la collection Rat Noir et père des auteurs, n’est pas débutant en matière de polar puisqu’il est le créateur des collections Rivages/Noir et Rivages/Thriller. Rat Noir part donc avec de bonnes bases et ce livre, roman noir plus que polar, y a toute sa place. Pas de police ni de privé mais une vraie critique de la société où les riches ont tous les droits et les jeunes, confrontés à cette réalité, perdent leurs illusions.
Aucun doute possible, les auteurs sont bien les fils de leur père.
Claire Dagan (février 2009)
15/03/2009 | Lien permanent | Commentaires (2)
Le Maître du rêve | roman de Barry JOSBERG
Traduit de l’australien par Luc Rigoureau | Éd. Flammarion, coll. Tribal | oct. 2008, 308 pp. | 12 €
Michael est gros. Vraiment trop gros. Pour cette raison, il est le souffre-douleur des élèves de tous les établissements scolaires où il passe. Et des écoles, il en a connu plein, depuis la mort de sa mère. Son père, incapable d’affronter la «différence» de son fils, son mal-être surtout, est toujours enclin à fuir (dans l’alcool aussi), à la recherche d’un improbable monde meilleur.
Mais Michael lui ne veut plus fuir, il veut devenir maître de sa vie et cette détermination s’installe d’abord dans ses rêves où il l’emporte toujours contre ses bourreaux. Peu à peu, il se rend compte que ce qu’il rêve produit des effets dans la réalité et sur ceux qui l’entourent.
Vrai-faux roman fantastique, Le Maître des rêves, parvient habilement à parler de violence et d’intolérance, en se décalant légèrement – mais si peu – de la réalité. Une manière intelligente d’aborder le lecteur adolescent qui, s’il n’a pas toujours envie qu’on lui tende un miroir de ses tourments, trouvera là matière à réflexion sur le monde dans lequel il vit et la difficulté de grandir.
Ariane Tapinos (février 2009)
25/02/2009 | Lien permanent
Le Courage du papillon | roman de Norma FOX MAZER
Traduit de l’américain par Jean Esch | Éd. Albin Michel Jeunesse, coll. Wiz | janv. 2009 | 304 pp. – 13 €
[EO New York 2008, The Missing Girl]
Les cinq filles de la famille Herbert sont comme «une volée d’oiseaux» : voilà ce que pense l’homme en gris qui, tous les jours, les observe à l’arrêt de bus, en chemin pour l’école. Toutes ne sont pas belles (Beauty, l’aînée de presque 18 ans, il la surnomme la vieille ou la laide), ni spirituelles (Fancy, 12 ans, c’est « l’idiote ») mais leur innocence, leur insouciance le fascinent. Une vraie aubaine, pour lui qui n’a même plus le droit d’approcher d’une école… Et aucune d’elles ne voit en lui une menace, d’ailleurs elles ne le voient même pas, toutes à leurs préoccupations familiales, amoureuses, scolaires…
Beauty, Mim, Stevie (Faithful), Fancy et Autumn ont chacune leurs rêves secrets, leurs colères, leurs soucis… et partagent aussi un peu de ceux de leurs parents. La famille Herbert est plutôt démunie depuis que le père, Huddle*, est incapable de travailler à la suite d’une blessure et que Blossom, la mère, étouffe son angoisse dans le tabac et la nourriture. Mais c’est une famille aimante et remuante, vivante en un mot ! Alors, quand il est question de « prêter » Stevie à la tante Bernice qui vit seule dans le New Hampshire, c’est la panique, des pleurs généralisés, un branle-bas de combat au milieu duquel l’absence d’Autumn au brunch dominical passe presque inaperçue…
Sans dévoiler la fin, disons que l’auteur est relativement elliptique sur les agissements de l’homme, une fois son rapt effectué : gifles, séquestration, baisers et caresses douteuses, nous n’en saurons pas plus mais c’est amplement suffisant pour motiver la rage de fuir d’Autumn – et le qualificatif de « monstre » que Fancy accordera finalement au kidnappeur. Fancy à qui reviendra le dernier mot de l’histoire, en forme de conte à faire peur.
La tonalité brillante, l’innocence colorée de la couverture du livre pourraient laisser penser à un roman « léger », une énième histoire pour jeunes filles romantiques, mais ce n’est qu’apparences et, n’est-ce pas, il ne faut pas s’y fier. Cette histoire-là est tendue comme un thriller, faisant découler l’angoisse du quotidien. L’alternance des points de vue participe de cette tension. Alternativement, l’histoire est racontée par trois des filles. Beauty – son « plan » pour quitter Malory et ses 5000 habitants, ses rêves fleur bleue de grande fille laide et ses soucis d’aînée/seconde maman – les chapitre de Beauty sont écrits à la 3° personne « elle » ; Fancy – la petite qui ne grandit pas, se débat avec « la Pulsion », invente des chansons pour éloigner ce qu’elle ne comprend pas – Fancy dit « Je » ; Autumn – la cadette qui a autant de difficultés avec l’orthographe qu’avec la forte personnalité de ses sœurs, Autumn doute de tout… et elle dit « tu ». L’auteure imbrique ces récits anodins et celui de l’homme qui les observe et désire en faire « ses » filles, de sorte que, un peu comme dans De la tendresse de Cormier, on se dit que l’inévitable horreur nous attend toujours à la page suivante. Une manière très efficace de faire monter l’angoisse du lecteur (et son avidité à poursuivre), tout en laissant dans l’ombre nombre de détails et nombre de questions en suspens. Une manière également de nous rendre les victimes potentielles très familières, très attachantes. Brrr…
Corinne Chiaradia (février 2009)
* je ne suis pas angliciste, mais ce roman présente une étonnante collection de noms propres improbables…
15/03/2009 | Lien permanent
Grand-père | album de Gilles RAPAPORT
Éd. Circonflexe, 2002 - 12 €
[première publication : mars 1999]
À partir de 10 ans
L’histoire de grand-père c’est celle de tout un peuple. Celle de ces juifs venus de Pologne pour vivre en France, la patrie des droits de l’Homme. Celle des étrangers qui choisissent de défendre leur nouvelle patrie et s’engagent dans la Légion étrangère. Celle des juifs déportés parce que juifs. Celle d’un homme «battu, tondu, tatoué» («Considérez si c’est un homme…»). Celle d’un corps qui résiste quand la volonté a rendu les armes. Celle d’une question qui le hantera toujours : pourquoi a-t-il survécu quand tant d’autres sont morts ? Gilles Rapaport nous livre là une œuvre ambitieuse. Le récit d’une vie qui traverse le siècle. L’urgence de transmettre le témoignage avant que ne s’éteignent les témoins. La mise en image de la pire expérience de déshumanisation entreprise par l’homme. Les wagons à bestiaux, les coups, les hommes entassés sur des paillasses, la mort partout présente. Un livre indispensable.
Ariane Tapinos (février 2005)
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02/12/2008 | Lien permanent
Cut ! | roman de Hanna Marjut MARTTILA
Traduit du finnois par Johanna Kuningas
Éd. Actes sud junior, coll. romans ado | septembre 2009 – 13,50€
Ce que voudrait Torstai, dans la vie, c'est devenir un grand réalisateur. Ce dont il a besoin pour parvenir à ses fins, c'est d'un camécoscope DCR-DVD 205, l'outil parfait pour débuter. Mais ce qu'il désire plus que tout, là tout de suite, alors que sa sœur Tarina vient de le réveiller à trois heures du matin pour lui annoncer qu'elle est à nouveau enceinte, c'est comprendre comment l'impossible a pu se produire. Après tout, c'est lui qui se charge d'acheter les préservatifs de Tarina. Et qui se charge de la lessive. Et du ménage, et des courses, et des médicaments de son père…
En bon pragmatique, allergique à l'émotivité, Torstai remplit ses nombreuses tâches domestiques avec sérieux, parce que comme le dit Lisa l'assistante sociale attitrée de cette famille déglinguée d'activistes nocturnes: «Putain, on va pas se laisser faire». Alors Torstai prend les choses en main pour faire mentir les statistiques, échaffaude des plans machiavéliques bien dérisoires avec une lucidité et une ironie presque effrayantes pour sauver sa famille du désastre qui la fera éclater pour de bon. Mais les intéressés sont tenaces: le père dans sa dépression, la mère dans son alcoolisme et la sœur dans son désir d'un enfant que la situation ne permet pas de prendre en charge. Torstai doute, se débat avec sa famille impossible, renonçant sans révolte et sans apitoiement aux activités de son âge, le tout avec beaucoup d'humour.
Hanna Marjut Marttila dresse ce portrait haut en couleurs d'une famille «au bord de la crise de nerfs» en quatorze séquences pas si désespérées: plus qu'un naufrage, c'est ici une véritable odyssée familliale que raconte l'auteure dans un dialogue vivant et chaleureux avec son lecteur.
Nathalie Ventax (déc. 2009)
08/12/2009 | Lien permanent