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UN CHANT DE NOËL
album conte
de Charles DICKENS & Roberto INNOCENTI (illustrations)
Traduit de l'anglais par Marcelle Sibon
Éd. Gallimard Jeunesse, (première édition 1996 pour le texte, 1990 pour les illustrations) NE :octobre 2015, 152 pages - 25€
Le Chant de Noël de Dickens, - chant en cinq couplets dans lequel le vieux Scrooge, irascible et avare homme d'affaires, obnubilé par l'argent - est visité par les fantômes des Noëls passés, présents et futurs, et apprend à célébrer Noël, est un classique que l'on ne présente plus.
Les éditions Gallimard rééditent enfin ce grand texte dans un très beau format illustré par Roberto Innocenti.
Extrêmement documentées, les illustrations de Roberto Innocenti reconstituent un Londres en pleine industrialisation, où les fêtes de Noël sont célébrées par des enfants en haillons.
L'éclairage « à la bougie » et la dimension intimiste des scènes et des intérieurs pourtant plus familiers, plus clairs et joyeux, peinent à contrebalancer la présence menaçante de la ville où règne le froid et la misère. La joie qui transparaît sur les visages - même des plus pauvres -, les guirlandes de houx, les châtaignes grillées et les épluchures d'oranges sont autant de petits indices qui évoquent les fêtes de Noël mais ne font pas oublier l'envers moins reluisant de ce décor de fêtes.
« Faisons leur voir une place hypothétique de Londres, une ruelle habitée par des fantômes, des miséreux, une ville parmi les pires du monde, mauvaise, sale et polluée. Je voulais faire respirer au lecteur l'air chargé de fumées et de poussières de charbon (...) ,bref montrer l'enfer d'une industrialisation insoucieuse des désastres provoqués en échange de gains faciles.»¹ Le but visé par Roberto Innocenti en illustrant ce conte était de lui conférer un cadre, un décor particulier et reconnaissable... Mission accomplie avec son sens du détail, sa minutie et son talent coutumiers. Le contraste entre le texte plein d'espoir, célébrant la compassion, l'humanité, le partage - bref , toutes les valeurs associées traditionnellement à Noël - et les aspects les plus sombres de l'illustration donnent un contexte réaliste au conte de Dickens et en font une édition incontournable pour tous ceux, jeunes ou vieux, qui souhaitent découvrir, ou redécouvrir l'un des textes les plus connus de Charles Dickens.
Nathalie Ventax (décembre 2015)
¹ in Le conte de ma vie. Entretiens avec Roberto Innocenti, Rossana Dedola et Roberto Innocenti, éditions Gallimard, novembre 2015.
29/11/2015 | Lien permanent
UN RÊVE DE LIBERTÉ
1965, le droit du travail des femmes
album & documentaire
de Marion LE HIR DE FALLOIS & Solenne LARNICOL (illustrations)
Éd. Kilowatt, coll. Un jour ailleurs, février 2017 - 15,80€
Claire a quitté Paris pour s’installer avec sa mère dans une petite ville. Or dans la France des années 60, à fortiori à l’extérieur de la capitale, la situation de Claire est exceptionnelle : seule enfant de parents divorcés dans sa nouvelle école, où ne vont que des filles, Claire est surtout la fille de la première - et bien sûr unique - femme médecin de la ville. Dans la famille de Sylvie, qui devient très vite la meilleure amie de Claire, tout est très différent et les ambitions professionnelles de sa mère ne sont encore qu’à l’état de rêves.
C’est que, jusqu’à la loi du 13 juillet 1965, les femmes mariées ne peuvent ouvrir un compte en banque, ni exercer une profession sans l’autorisation de leur mari.
Claire et Sylvie ne vivent pas au temps des dinosaures, elles appartiennent à la génération des grands-parents des écoliers et écolières d’aujourd’hui et contrairement à leurs propres mères, elles pourront chacune exercer librement le métier de leur choix.
Il n’est jamais inutile de rappeler aux enfants que ce qu’ils croient acquis depuis la nuit des temps en matière de droits sociaux est en fait le fruit de conquêtes récentes qu’il leur appartiendra de préserver. C’est là le principal mérite de cet album qui permet d’ouvrir une discussion autour de l’égalité des droits entre les femmes et les hommes et qui, à travers les images de ces petites filles en blouses grises occupées à faire les majorettes le jeudi après-midi, raconte, comme le dit la chanson « un temps que les moins de vingt ans… ». L’histoire est du reste complétée par quelques pages documentaires (et une recette de gâteau !) qui mettent en perspective l’évolution des droits des femmes en France et ailleurs.
On regrettera seulement que le sous-titre de l’album « 1965, le droit du travail des femmes » puisse laisser penser aux enfants d’aujourd’hui que les femmes ne travaillaient pas avant cette date (ce qui est d’ailleurs contredit par la mère de Claire), alors qu’elles ont toujours travaillé et formaient déjà 39% de la population active en 1906*. Surtout, si les femmes sont entrées massivement sur le marché du travail au cours du XXe siècle, c’est avant tout du fait de l’évolution de leur accès à l’éducation et de la maitrise de leur fécondité.
Ariane Tapinos (mars 2017)
* Jeanne-Marie Wailly, Les différentes phases du travail des femmes dans l’industrie, Cairn.info
Retrouvez ici toutes nos critiques sur les questions d'égalité des sexes.
06/03/2017 | Lien permanent
UN AMOUR DE BALLON
album
de Komako SAKAÏ
Adapté du japonais par Florence Seyvos
Éd. L'école des loisirs, mars 2005 - 12,70€
Ce jour-là, le marchand a donné un ballon à Akiko. Pour ne pas perdre ce joli ballon jaune sur le chemin du retour, la maman d’Akiko le lui a attaché au doigt. Et comme il s’est envolé à peine arrivé à la maison, elle l’a lesté avec une cuillère. Toute la journée Akiko va jouer avec son ballon, comme avec un ami. Elle lui parle et partage même son goûter avec lui. Mais voilà qu’une bourrasque emporte le beau ballon et qu’il est maintenant coincé entre les branches d’un arbre. Quel désespoir pour la petite Akiko qui avait rêvé de le serrer dans ses bras pour s’endormir.
Elle est triste et son petit visage poupin se couvre de larmes devant cette séparation trop brutale. Mais alors qu’elle est couchée, elle a l’idée de regarder par la fenêtre et y découvre son ballon luisant dans la nuit comme un clair de lune qui ne serait que pour elle. Rassurée par cette présence, à bonne distance, elle va pouvoir s’endormir.
Depuis Le Ballon rouge d’Albert Lamorisse, on sait qu’un ballon peut être un merveilleux compagnon de jeu et combler bien des vides. Alors, même si Pascal est bien plus grand qu’Akiko et qu’il doit affronter tous les voyous de Paris et plein d’adultes imbéciles, cet Amour de ballon, nous fait irrésistiblement penser à ce grand classique du cinéma pour enfants et de la littérature de jeunesse. Deux époques, deux continents, mais dans les histoires, les enfants s’amusent toujours avec un rien et s’inventent des amis qui consolent leurs peines. Après le magnifique Moi, ma maman à moi..., publié aux éditions de La Joie de Lire, Komako Sakaï nous revient avec cette histoire toute simple et pleine de tendresse. Cette auteure japonaise, dont on apprend par le catalogue de l’École des loisirs qu’elle a reçu une importante distinction dans son pays, a un talent inimitable pour restituer les expressions du tout petit et nous faire partager ses tourments affectifs. On a hâte de découvrir d’autres œuvres de cette jeune femme décidément très douée.
02/02/2015 | Lien permanent
UN PRINTEMPS À TCHERNOBYL
bande dessinée
de Emmanuel LEPAGE
Éd. Futuropolis, octobre 2012, 164 pages - 24,50€
Au printemps 2008, soit un peu plus de vingt ans après l’explosion de la centrale de Tchernobyl, Emmanuel Lepage se rend en Ukraine, à l’invitation d’une association les Dessin’acteurs*. De cette expérience de résidence d’artistes pas comme les autres, il tirera deux ouvrages : Les Fleurs de Tchernobyl, écrit et dessiné avec Gildas Chasseboeuf, un reportage sur les lieux même de la catastrophe, publié par les Dessin’acteurs, au profit de l’association « Les enfants de Tchernobyl », puis réédité, en 2012, dans une version enrichie par les éditions La boite à bulles ; et Un printemps à Tchernobyl, récit à la fois documentaire et personnel.
Parti à Tchernobyl pour trouver les traces de la catastrophe, avec en tête des images d’un monde au bord de l’apocalypse, il découvre sur place des hommes, des femmes et des enfants accueillants et solidaires qui luttent avec le peu dont ils disposent pour continuer de vivre aux abords de la zone interdite. Il y trouve également, une nature luxuriante et belle qui a repris ses droits dans les espaces abandonnés par l’homme.
C’est cette contradiction entre la violence de la catastrophe et de ses conséquences immédiates présentes dans les souvenirs de l’auteur, et dans sa lecture du texte de Svetlana Alexievitch, La supplication **, au début de l’album, et le calme apparent qui règne sur le lieu du drame, qui est au cœur du récit d’Emmanuel Lepage.
C’est que la radioactivité ne se laisse pas voir … « Quelle étrangeté que de devoir représenter ce que je ne vois pas, ne ressens pas ! Mes sens me disent le contraire de ce que m’indique le Dosimètre. (…) Cette vibration subtile des couleurs couvre l’effroyable réalité qui se cache à mes yeux. Dessiner c’est soulever la surface du visible et je me sens impuissant. Va pour Pripiat et ses rues vides et grises mais les forêts bleues ? »
Avec ses aquarelles tantôt saturées de gris, tantôt éclairées de verts et de bleus presque surnaturels, Emmanuel Lepage nous interroge sur le visible et l’invisible et par là même sur la nature du témoignage. Le sien est un acte politique d’une honnêteté désarmante qui nous parle de cette « terre d’où les hommes sont exclus. Se sont exclus… se sont chassés eux-mêmes ! »
Ariane Tapinos (avril 2016)
21/04/2016 | Lien permanent
UN GARÇON NOMMÉ NOËL
roman
de Matt HAIG, illustré par Chris MOULD
Traduit de l’anglais par Valérie LE PLOUHINEC
Éd. hélium, octobre 2016, 252 pages - 13,90€
Nicolas vit avec son père dans une région reculée de Finlande, près de la petite ville de Kristiinankaupunki (« prononcez « Christine-âne-ko-punky » »). Tous deux vivent dans un grand dénuement. Les seules possessions de Nicolas sont un traineau en bois et une poupée faite en navet. Alors quand un chasseur vient proposer au père de Nicolas de participer, en échange de 3000 roubles, à une expédition à la recherche de Lutinbourg, le village des lutins, pour le compte du roi Frédéric, celui-ci n’a pas d’autre solution que d’accepter. Même si il va devoir laisser Nicolas pour plusieurs mois et le confier à son horrible sœur, la tante Carolotta.
Les semaines et les mois passent, la tante Carlotta est toujours aussi méchante et maltraitante et le père de Nicolas ne revient pas… Nicolas décide de partir pour le Grand Nord à la recherche de son père, accompagné de Mika, une petite souris qui parle. Commence alors un long et périlleux voyage au cœur de l’immensité blanche et froide. Il faudra à Nicolas beaucoup de courage et de persévérance pour aller au bout de cet incroyable voyage.
Il lui faudra aussi une bonne dose de foi pour se laisser gagner par la magie de Noël.
Au terme de ce voyage, ce n’est pas seulement son père qu’il trouvera mais aussi et surtout, sa propre destinée…
Nicolas est salué par The Guardian, cité en 4e de couverture, comme le « descendant direct de Gerda dans La Reine des Neiges et du Charlie (et la chocolaterie) de Roald Dahl » et ces parentés sont tout à fait justifiées. On trouve dans le roman de Matt Haig, malicieusement (et très) illustré par Chris Mould, la cruauté des grands contes de la culture classique et l’humour qui la rend supportable.
On y trouve aussi tout ce qui fait un conte de Noël : générosité, abnégation et magie…
Ariane Tapinos (novembre 2017)
28/11/2016 | Lien permanent
LES PESTOUILLES ONT UN PLAN
album
de Didier LEVY et Tiziana ROMANIN (illustrations)
Éd. Sarbacane, mai 2019 – 15,90€
Attablées dans la cuisine, deux soeurs Mathilde (la grande) et Zoé (la petite) intriguent et manigancent tout en sirotant leur grenadine :
« Si on leur demande ça comme ça, tu peux être sûre qu'ils vont dire non, déclare Mathilde. Tu sais bien comment ils sont, papa et maman : ils disent toujours non. Il faut qu'on ait un plan. »
Les rouages des cerveaux des deux frangines carburent à plein régime et soudain, Zoé a une idée qu'elle chuchote dans l'oreille de sa grande soeur : phase 1 du plan, c'est parti !
Les voilà qui déboulent dans le salon et annoncent aussitôt à leurs parents ébahis :
« Alors voilà, pour Noël, Zoé et moi, on voudrait un petit frère » Refus catégorique des parents. C'est hors de question, ils sont bien trop épuisés pour vouloir un troisième enfant. Qu'à cela ne tienne, Mathilde et Zoé jouent les tragédiennes, gros sanglots et visages sombres et feignent de partir bouder dans leur chambre avant de mettre en place la phase 2 de leur plan qui consiste à insister. Insister. Et encore insister. Rayer brocoli de la liste des courses et le remplacer par Petit Frère, jouer au jeu des prénoms (Gonzague ou Jean-Tototte?), manifestation devant le magasin des parents avec pancartes et slogans.
Enfin, les parents semblent mûrs pour passer aux choses sérieuses : phase 3, la dernière.
« Alors voilà Zoé et moi on a compris que nous n'aurions jamais de petit frère. Tant pis, Tout cet amour qu'on avait à lui donner, on vous le donnera à vous, chers parents. Mais on a tellement d'amour en nous qu'on pourrait aussi en donner à un chien. Un comme ça, par exemple. Un bouledogue. Il est trop mignon, non ? »
Ouh quel plan digne de Machiavel ! Les deux soeurs fines stratèges seraient-elles parvenues à leurs
fins ? Les illustrations délicates et espiègles de Tiziana Romanin soulignent avec facétie l'humour du texte de Didier Levy. Un album drôle, tendre et toute en légèreté.
Claire Lebreuvaud (juin 2019)
03/06/2019 | Lien permanent
UN NOËL POUR LE LOUP
album
de Thierry DEDIEU
Éd. Seuil jeunesse, octobre 2017 - 18€
Noël approche, tous les habitants de la forêt s’activent : cuisine, préparation des tenues de fêtes, paquets cadeaux… Seul le loup reste « triste et solitaire ». C’est que lui « n’avait jamais goûté aux repas de famille ni aux traditionnels échanges de cadeaux ». Il a alors une idée : il va organiser un grand festin auquel il conviera tous ses voisins. Certes, il n’a pas la cote auprès de ces derniers mais il se montre très attentionné. Il ne cuisinera pas de viande provenant de ses invités et leur prépare à chacun un cadeau bien choisi. Seulement voilà, le loup a mauvaise réputation et il en faudrait plus pour éteindre la méfiance bien naturelle des autres animaux de la forêt.
Le loup pourrait bien passer sa soirée tout seul mais il ne sera pas le seul à le regretter…
Après Les bonhommes de neige sont éternels (Seuil jeunesse, octobre 2016) et A la recherche du Père Noël (Seuil jeunesse, novembre 2015), voici le nouvel album de Noël de Thierry Dedieu. Avec la même palette de couleurs assourdies par les frimas de l’hiver, on y retrouve son incroyable talent graphique qui donne mouvement et expression à ses personnages. Cette histoire pleine d’humour prête aussi à la réflexion. Quel meilleur moment que Noël pour méditer sur nos préjugés et s’interroger sur notre sens de la convivialité.
Ariane Tapinos (novembre 2017)
30/11/2017 | Lien permanent
VA FAIRE UN TOUR !
album
Joukje AKVELD & Philip HOPMAN (illustrations)
Traduit du néerlandais par Maurice Lomré
Éd. La Joie de lire, février 2017 - 17,90€
Tout commence dans un atelier où vélos et vieilles bécanes attendent d'être retapés. C'est là entre rustine, écrous et pompes à vélo qu'une grosse dispute éclate entre Bruno le panda et William le chien. « Va faire un tour ! », s'exclame William. Ni une, ni deux, Bruno enfourche son vélo, et d'un coup de pédale rageur, file droit devant, la tête dans le guidon. Aveuglé par sa colère, Bruno fonce à travers les rues sans but précis, râlant après ce maudit, ce satané, ce méchant William ! Le feu pour continuer tout droit passe au vert, Bruno mouline du braquet :« On verra bien où cela va me mener».
Commence alors une course folle, au cours de laquelle Bruno franchit au hasard les rues, traverse les carrefours, avale le macadam. Filant au hasard, sans rien voir de ce qui se passe autour de lui jusqu'à se retrouver au cœur d'un peloton en pleine campagne. A chaque coup de pédale, le ressentiment de Bruno perdra de sa superbe…plus du tout fâché, Bruno finira par rentrer où quelqu’un l’attend devant la porte, William ! Rien de tel qu'un petit tour à vélo pour se vider la tête !
Chaque double-page fait la part belle aux éclatantes et superbes illustrations de Philip Hopman. C'est un défilé foisonnant d'animaux perchés sur des bicyclettes, triporteurs et bécanes en tout genre (précisons que l'album nous vient des Pays-Bas, le pays de la petite reine !).
Des planches entre aquarelles et pastels où se mêle réalisme et fantaisie et où fourmillent une multitude de détails drôles et charmants. Un album qui ravira les mirettes des jeunes lecteurs qui pourront s'amuser à chercher, retrouver et suivre Bruno au cours de son drôle de périple.
Les planches de Philip Hopman seront exposées tout le mois de juillet à la librairie…
Venez faire un tour !
Claire Lebreuvaud (juin 2018)
30/06/2018 | Lien permanent
UN JOUR IL M'ARRIVERA UN TRUC EXTRAORDINAIRE
roman
de Gilles ABIER
Éd. La joie de lire, coll. Encrage, janvier 2016, 156 pages - 14€
Elias est un adolescent ordinaire que rien ne distingue de ses congénères. Il est intelligent mais si chétif qu’ « à treize ans il en paraît neuf, dix les jours où (il) pète la forme ». Sa vie aussi est banale : il vit avec sa mère et son nouveau compagnon, Franck. Son quotidien se partage entre ses amis, le fidèle Milo et Mathilde sa voisine délurée, et ses parents. Son père qu’il voit peu, sa mère occupée à réussir sa nouvelle vie de couple avec l’irascible Franck. Pourtant, Elias en est convaincu, un jour, il lui arrivera un truc extraordinaire ! Sinon, « comment expliquer la contradiction entre les rêves qui (le) dévorent et le corps dont (il) dispose ». Le jour, c’est sa fragilité et sa banalité qui domine, la nuit… La nuit, il vit des aventures extraordinaires. Il traverse la Manche à la nage, participe à des compétitions sportives, dompte des tigres du Bengale, fait du parachute au dessus des Alpes… Et au matin, il reporte sur ses cahiers de dessins la trace de ses prouesses nocturnes.
Alors que ses nuits - et parfois ses jours - sont peuplés de rêves de vol au dessus de paysages magnifiques et chaque fois différents, il voit son corps se transformer. Comme si l’oiseau qu’il est dans ses rêves prenait peu à peu possession de sa vie diurne.
Hallucination ou transformation « réelle », Elias souffre et seuls ses amis Milo et Mathilde prennent la mesure de son désarroi.
Ce roman inscrit définitivement Gilles Abier parmi les très grands écrivains pour la jeunesse. L’éditeur le recommande sur son site pour les lecteurs à partir de quinze ans, pourtant il nous semble que ce livre-là peut s’adresser à des enfants plus jeunes parce que son auteur a su trouver le ton juste pour provoquer l’empathie avec son héros. Certes, derrière cette histoire où se mêlent le réel et l’imaginaire, il y a une vérité bien ancrée dans la réalité avec toute la dureté que la vie réserve parfois aux enfants mais il y a aussi une grande générosité dans l’écriture et un récit donc la construction est si maîtrisée qu’il ne lâche pas le lecteur jusqu’au dénouement.
S’y ajoute une forme de poésie qui donne à cette histoire une profondeur plus grande encore et rend si attachant ce jeune garçon aux prises avec ses peurs et ses espoirs.
Ariane Tapinos (février 2016)
28/02/2016 | Lien permanent
COLIN FISCHER UN GARÇON EXTRAORDINAIRE
Roman
de Ashley EDWARD MILLER & Zack STENZ
Traduit de l’américain par Nathalie Peronny
Éd. Hélium, octobre 2013
208 pages – 13,50 €
« Mon nom est Colin Fischer. J’ai 14 ans et je pèse 54,9 kg. Aujourd’hui c’est mon premier jour au lycée. Plus que 1365 avant la fin. »
La grande différence pour ce premier jour de lycée, c’est que Colin va devoir se débrouiller tout seul. Jusque là Marie, son aide de vie scolaire, l’avait toujours accompagné et aidé dans ses relations aux autres. Désormais… il devra affronter seul la meute des adolescents pas toujours bienveillants, le bruit incessant des récréations ou de la cantine et même les odeurs de transpiration du gymnase. Heureusement, Colin est très intelligent et s’emploie à noter tout ce qui se passe autour de lui dans son petit carnet. Il met également en pratique les conseils de Marie et utilise des fiches mémoire pour reconnaître et comprendre les expressions de ses interlocuteurs. Cela ne l’empêche pas de dire, sans aucune malice, des choses qu’on évite habituellement de dire, comme quand il énonce à Melissa « tes seins ont grossi » et se lance dans une grande explication sur le développement mammaire et l’augmentation hormonale due à la puberté devant l’adolescente interloquée. Colin est atteint du syndrome d’Asperger et dit de lui-même : « Je suis considéré comme autiste de haut niveau mais j’ai du mal à interagir socialement et je possède en outre des lacunes sur le plan de l’intégration sensorielle provoquant un grave déficit dans certains aspects de la coordination physique ».
Les bizarreries de Colin en font l’un des souffre douleur préféré des caïds du lycée et souvent même de son frère cadet Danny. Pourtant quand à la suite d’une bagarre autour du gâteau d’anniversaire de Melissa, un coup de feu part et que Wayne, le pire ennemi de Colin depuis la maternelle, est accusé d’avoir introduit un revolver dans le lycée, Colin n’écoute que son sens de l’observation et sa logique implacable quitte à disculper Wayne.
Comme souvent dans les romans, le héros atteint du syndrome d’Asperger fait un excellent détective : concentré sur les détails, logique, observateur mais Colin, comme son héros Sherlock Holmes, est incapable de comprendre les interactions sociales et c’est ce qui ajoute une touche d’humour.
En menant sons enquête, Colin repousse ses limites et prend le risque de la relation à autrui. Et alors qu'il apprend à se connaître et à connaître les autres, il nous livre de nombreuses informations sous la forme de notes ou de longs paragraphes qui se distinguent par leur typographie, sur tous ses sujets d’intérêts… et sur le syndrome d’Asperger.
Ariane Tapinos (mars 2014)
30/03/2014 | Lien permanent