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L'ANNIVERSAIRE

rêve,mémoire,enfance,amitiéAlbum
de Pierre MORNET
Éd. Autrement, octobre 2013 – 16,50€

« Je tombe de sommeil. Tombe et retombe en enfance. Je me souviens. »

Une femme ferme les yeux, s’endort et se réveille en enfance. Elle est une petite fille en robe bleue pastel. C’est le jour de son anniversaire. Au cours d’une partie de cache-cache, elle pénètre dans la forêt et, surprise par l’orage, traverse les ténèbres avant de rejoindre la lumière éclatante d’une amitié naissante. Comment retrouver cette petite fille aussi blonde qu’elle est brune et dont elle doit se séparer au sortir de son rêve ? La Reine de la nuit lui accordera-t-elle de la revoir ?

« Je me souviens. C’est à nouveau le printemps. Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. »

Évocation d’un souvenir d’enfance, promenade onirique, réflexion sur le temps qui passe et l’accès possible à l’enfance qu’offre le rêve, L’Anniversaire est un album de toute beauté. Pierre Mornet est un grand artiste et un illustrateur trop rare.

Ici, il est également auteur d’un texte envoûtant et mélancolique comme ses images.  L’Anniversaire est un voyage entre rêve et réalité, passé et présent. Un voyage dans lequel le lecteur est emporté par la puissance évocatrice des tableaux somptueux de Pierre Mornet, magnifiquement mis en valeur par le format et la mise en page de l’album. Un voyage vers des contrées imaginaires – « des paysages obscurs et fantastiques » – qui sont pourtant familières parce qu’elles semblent appartenir à notre propre mémoire. 

Ariane Tapinos (octobre 2013)

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16/10/2013 | Lien permanent

Petits poèmes pour passer le temps | poèmes de Carl NORAC, illustré par Kitty CROWTHER

9782278061839.jpgÉd. Didier jeunesse | janvier 2009 | 15,90 €
Quarante poèmes courts ou très courts sur le temps qui passe ou pas. Le temps qui dure et celui qui file. Le temps d’été, du miel et des cigales et celui de Noël où il fait froid. Le temps d’aimer ou de rêver. Quelques-uns de ces poèmes sont introduits par une consigne, elle-même poétique et souvent drôle, et tous sont illustrés par Kitty Crowther.

Quand je cours le monde est «à lire sur les chemins» : «Quand le temps en courant, / ne s’arrête pas, / je le sème souvent. / Alors, il me suffit / de prendre à l’avenir / une poignée de jours / et de les jeter devant moi / pour me frayer un passage.» Et voilà un homme qui marche à grands pas, dans le sens du vent qui fait courber les cyprès.
Ailleurs, dans Dialogues, c’est un homme penché vers de petits insectes aux mandibules tendues, qui dialogue avec la nature :
«Je parle miel avec les abeilles. / Je parle sève avec les arbres. / Je parle pollen avec les fleurs…»
Et sur la page de droite, un homme qui parle à l’oreille d’une femme dont les grands yeux bleus sont écarquillés. C’est Miel de toi, un poème «à chuchoter quand le vent se tait».
C’est plein d’humour et de gaieté et d’une petite musique qui chante la nature et les bonheurs tout simples. C’est une rencontre incroyablement réussie entre les univers de deux grands artistes. Les mots de Carl Norac et les dessins de Kitty Crowther se parlent et se mélangent, se complètent et se répondent. Dès la couverture – un lapin et une jeune femme qui prennent le thé et qui ne sont pas sans faire penser à Alice et au délirant goûter du chapelier fou où le temps tourne en boucle – on est invité à partager leur complicité, à prendre un peu de temps, pour lire quelques poèmes en dégustant ce petit livre savoureux et beau.

Ariane Tapinos (mars 2009)

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17/03/2009 | Lien permanent

POUSSIN PERDU

grandir,séparation,naturealbum tout carton
de Frantisek HRUBIN & Zdenek MILER (illustrations)
Traduit par Xavier Galmiche
Éd. MeMo, mai 2014 – 9€

« C’est l’histoire d’un petit poussin qui, un jour, sort du jardin »… et le voilà qui arpente la campagne en cherchant le chemin qui le ramènera chez lui. Sur la route, il interroge les blés, l’avoine, l’orge, le froment… jusqu’à ce que le vent lui souffle le « chemin de sa maison ». Et le voilà de retour auprès de sa maman et de ses frères et sœurs. Le livre se referme après que le petit poussin ait remercié les plantes qui l’ont aidé et pris rendez-vous pour le retour du printemps.

Comme dans l’autre petit album cartonné des éditions MeMo qui paraît au même moment, Le voyage de Loti, ce poussin perdu nous propose une ballade, ici sur la terre ferme. S’y ajoute une amusante découverte de la nature et de ce que c’est que de s’éloigner de maman pour mieux la retrouver !

Un album aux tons dorés des blés d’été et à l’image un peu désuète mais plein de charme.

Ariane Tapinos (juillet 2014)

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28/07/2014 | Lien permanent

Entretien avec THOMAS SCOTTO

jérôme par coeur.gif« Cette envie de dire beaucoup en peu de mots… »

En un peu plus de dix ans et une quarantaine de titres publiés, Thomas Scotto a imposé une voix sensible et impertinente dans la littérature jeunesse. Avec une assurance tranquille, sans convoquer la poésie à grand renfort de rimes, il a allié son talent à celui d'Olivier Tallec pour nous donner à lire le cœur de Raphaël, lui-même sacrément accro à Jérôme. Deux enfants qui s'aiment... et qu'on adore.

ENTRETIEN

- Jérôme par cœur paraît un album si abouti qu'on imagine mal qu'il soit une commande. Donc première question, inévitable: d'où est venue l'envie d'écrire cette histoire et de la partager avec Olivier Tallec ?
Ce n'est pas une commande, eff
ectivement. C'est d'ailleurs rarement une commande…! Parce que si l'écriture d'un texte n'est pas anodine, celle d'un album l'est encore moins je crois. Cette envie de dire beaucoup en peu de mots… J'avais des bribes de cette histoire depuis longtemps dans mes carnets. Depuis la première phrase, je voulais que ce soit un album et non un roman. Je savais bien sûr que ce serait l'histoire de deux petits garçons. C'est cela qui m'importait. Le reste n'est pas forcément si «réfléchi». Je le dis aux enfants: j'écris sur ce que j'aime, sur ce qui me met en colère et surtout, j'écris les questions que je me pose. C'est un état d'esprit qui ne me quitte pas (comme beaucoup d'autres auteurs, évidemment). Olivier Tallec est arrivé après l'écriture comme un beau cadeau. Parce que c'est lui que je voulais, la force douce de ses illustrations, et que François Martin chez Actes Sud et Thierry Magnier voulait travailler avec lui également. Cela étonne toujours, mais cette alchimie-là est finalement assez rare…


- L'amour est le fil rouge de nombre de vos livres. Jérôme illustre l'affection de deux garçons; pourtant le texte, par sa simplicité de vocabulaire et la richesse de ses non-dits, peut évoquer toute forme de relation amoureuse: il suffirait de changer là un prénom, ici un pronom («et le soir je fais des provisions d'elle pour la nuit»)… Ainsi ce sont parfois les images d'Olivier Tallec qui nous rappellent que l'on est en présence de deux petits garçons et nous donnent le sexe et «l'échelle» des personnages. Avez-vous d'emblée recherché cette universalité du sentiment et travaillé à une complémentarité texte/image?
Il va peut-être falloir que je me freine un peu sur les histoires d'amour…! En fait, j'aime quand le livre est une fenêtre ouverte. Cette «universalité» permet à chacun de trouver sa place d'émotion. Enfants et adultes. Elle est voulue, oui. Comme le prénom de «Raphaël» qui, à la lecture orale, ne détermine pas nécessairement le sexe du personnage. Ce n'était pas une manière de ne pas assumer mon propos, simplement de ne pas limiter le texte à un seul discours. C'est aussi pour ça qu'il fallait que ce soit un album. Olivier emporte le texte sur son chemin d'images. Il raconte son histoire. Il l'éclaire aussi. Nous n'avons pas élaboré l'album ensemble, c'est le talent de l'illustrateur et du graphiste de le faire croire! En revanche, écrire quand on sait qu'on sera illustré offre une liberté magnifique. Celle de ne pas tout dire, d'écrire les silences. Des silences habités bien sûr…

- Le texte de l'album, concis et dense, suit une construction bien plus sophistiquée qu'il n'y paraît au premier abord. Autrement dit, sa lecture est aisée… mais on peut la reprendre souvent. Un peu comme s'il se situait quelque part entre la comptine et le haïku (voir les trois lignes de conclusion « Raphaël aime Jérôme, / je le dis. / Très facile »). Avez-vous beaucoup retravaillé, éliminé, resserré en cours d'écriture?
Un garçon de 10 ans m'a dit récemment que mes histoires étaient un puzzle de mots (je peux pleurer très facilement si on me dit ça!) Et c'est justement parfois très long de faire un puzzle! À l'inverse, un auteur m'a dit un jour «toi, des albums aussi courts, tu dois en écrire dix par an…» (je peux m'énerver très facilement si on me dit ça!) Le texte d'album est tellement ciselé… Il faut aller à l'essentiel. Je me vois presque comme ça: une petite paire de ciseaux à la main et un bâton de colle. En même temps, l'image est peut-être trop forte car ce format d'écriture est celui qui me vient le plus naturellement. Rien de douloureux! J'y suis plus à l'aise que pour un roman. «Une comptine, un haïku»… sans doute parce que je tiens beaucoup à la voix d'un texte. À sa respiration et son rythme. J'écris toujours à voix haute! C'est tellement plus évident pour entendre la musique de l'histoire.

- Amour ou amitié? Bien sûr le mot «homosexualité» n'est jamais prononcé… Mais peut-on affirmer que Raphaël n'est pas amoureux de Jérôme? Et qu'il ne ressent pas ce qu'il y a d'inhabituel dans son affection? Son «Très facile» est une antiphrase pas un euphémisme, non?
Raphaël croit plus que tout en cette affection immense, en cet amour-là pour Jérôme. Il dit son prénom plusieurs fois le temps de ces quelques pages… «Jérôme, c'est pas un mot de travers». Alors oui, c'est de l'amour. Il ne veut rien adoucir du tout. À deux ils sont capables, en se tenant la main, de faire ralentir la file des voitures, ce n'est pas rien. C'est la première image d'Olivier dans le livre et je la trouve d'une force incroyable!
«Homosexualité» revient bien sûr dans les retours d'adultes sur l'album. Je mentirai si je disais que je m'en étonne…! Jérôme et Raphaël ne le sont pas… pas encore… peut-être un jour… et pourquoi pas…? En tant que père, je ne veux pas l'ignorer. Je voulais avant tout parler de ce désir d'enfant. Du fait que, lorsqu'on est petit on se fiche parfaitement de savoir quel est le sexe de la personne qu'on aime. On aime la personne avant tout.
Jérôme par cœur a été refusé une première fois. L'éditrice m'avait demandé: «Mais il est où le drame?». Il n'y en a pas justement. Raphaël aime simplement. La difficulté d'acceptation de ce sentiment tenace est pour l'adulte. Mais là encore, est-ce que le père clos la discussion parce qu'il n'en peut plus d'entendre le prénom de Jérôme à longueur de journée où qu'il ne veut pas envisager des émotions plus grandes pour son fils… Les non-dits d'une histoire en créent plusieurs autres.

- Sur la page d'accueil du site d'Actes sud junior, on apprend que Jérôme par cœur est «album coup de cœur» du magazine Maman. Dans un autre registre, il a fait partie des sélections de Ricochet (et des choix de Comptines). Êtes-vous sensible aux opinions des médiateurs du livre?
Impossible d'être insensible. D'autant plus quand c'est un texte que l'on a gardé longtemps en soi, quand on a le sentiment d'avoir dit ce que l'on voulait dire. Écrire laisse des traces, construit, interroge. Mais ces textes-là n'existeraient pas, une fois publiés, s'ils n'étaient pas relayés par les «médiateurs» du livre. Libraires, bibliothécaires, enseignants, fous de blogs! Ces textes ne sont pas «vendeurs» à proprement parler. Ils ont surtout besoin d'un engagement à toutes les étapes.

- Vous aimez beaucoup je crois faire partager aux enfants, en classe ou ailleurs, vos bonheurs de lecture et d'écriture. Êtes-vous surpris par la manière dont ils reçoivent vos textes et avez-vous quelque chose à nous dire de leur lecture de Jérôme?
Rencontrer les enfants, je l'ai voulu dès le premier livre. Cela me paraissait indispensable. Peut-être, inconsciemment, pour emporter le livre jusqu'au bout et parce que leurs avis (même travaillés en classe) sont toujours spontanés. Ils aiment, ils n'aiment pas, ils le disent avec la même facilité. Cela ne change pas ma façon d'écrire, mais cela me donne de l'énergie pour continuer, pour savoir que devant eux, je suis «à ma place», qu'il faut leur mettre entre les mains des livres qu'ils ne comprennent pas tout de suite, leur dire qu'on peut devenir adulte et rester toujours curieux. Les enseignants sont indispensables pour ces moments de rencontres. Il y a des jours bouleversants d'émotions quand une classe est entrée au plus profond d'une histoire grâce à eux.
Pour Jérôme, comme pour Sables émouvants d'ailleurs, les enseignants m'ont parfois dit ne pas avoir lu le livre en classe. Difficile à aborder. Moi, je lis toujours! Parce que ce sont des livres en points d'interrogation et j'aime quand on se pose les questions tous ensemble. Le petit déclic dans l'œil qui fait s'exclamer un garçon de CP, cette fois-ci, après ma lecture de Jérôme : «En fait, Thomas, y en a un qui fait sa vie pour l'autre»… Là, ça me donne un sourire pour longtemps.

- Quelques mots sur le double parrainage sous lequel Jérôme est placé : Anne Sylvestre et Jacques Prévert ?
Là, il faudrait des pages et des pages…! Dire Anne Sylvestre et Jacques Prévert…
J'aime cette idée de «marrainage». Les chansons d'Anne m'accompagnent depuis longtemps. Enfant, bien sûr, avec les «Fabulettes» mais avec ses textes adultes encore plus fortement.  Elle a écrit cette chanson magnifique «Xavier». Et la mienne n'est pas éloignée de l'émotion provoquée par la sienne. Il faut écouter Anne Sylvestre! (Les gens qui doutent, Écrire pour ne pas mourir, Les chemins des vents, La faute à Êve, Non tu n'as pas de nom…) Je voulais lui offrir ce livre pour tout cela. La concision d'une chanson et son pouvoir d'essentiel se rapproche de l'écriture d'album. Quant à la phrase de Prévert tirée des «enfants qui s'aiment» c'était comme une clé pour entrer dans le livre. L'affirmation de Raphaël.

- Dans vos albums ou vos romans, on est touché par l'attention respectueuse portée à la jeunesse de vos lecteurs, sans condescendance ni angélisme. Vous ne donnez pas l'impression d'en savoir plus que vos héros, ni de vouloir les «maltraiter»; ce ne sont pas des anges (le garçon de Sans toit ni moi désire très fort que son envahissant et malodorant grand-père quitte sa maison au plus vite), mais pas des monstres non plus. Leurs douleurs sont volontiers un peu hors champs ou détournées par l'humour. Par pudeur ou prudence? Ou est-ce une forme d'étique d'écriture?
De la pudeur, de la prudence… je ne crois pas. Une éducation peut-être! J'étais le genre de garçon de mes histoires: qui pense beaucoup, qui se tait aussi, avec des colères rentrées mais déjà des envies de «révolution de velours » (une expression d'un ami auteur à propos de Jérôme par cœur). Ne pas en savoir plus que mes héros est sans doute une façon de ne pas juger, de pouvoir s'étonner, se tromper aussi et de grandir au même rythme qu'eux. «Mi-ange mi-démon» est le titre d'une nouvelle. Nous sommes comme cela, avec des kilomètres de failles. C'est important de le dire. En revanche, je n'oublie jamais que je suis un adulte qui écrit pour les enfants.

- Vous faites partie des auteurs - de plus en plus rares? - qui accordent toute leur attention aux tout jeunes lecteurs, jusqu'au seuil de l'adolescence. Vous tenez-vous volontairement en retrait de ce seuil et pourquoi?
J'écris pour les plus jeunes des textes que des plus grands lisent aussi! Cela me plait beaucoup évidemment. Je veux avant tout me faire plaisir et ce plaisir-là passe par toute forme d'écriture pour des âges différents. La littérature jeunesse permet cela: dire tellement aux «tout jeunes lecteurs». Maintenant je suis aussi forcé d'avouer ma fainéantise pour ce qui est de l'écriture de textes pour ados. Mais j'y travaille…!

Propos recueillis par Corinne Chiaradia, janvier 2010
publié dans le n° 55 de la revue Citrouille

Et pour lire la critique de Jérôme par cœur [c'est ici]

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09/04/2010 | Lien permanent

Henri Meunier #1

meunierportrait.jpgParce que nous aimons tout simplement son travail, ses textes poétiques, amoureux, engagés ou terriblement drôles, ses illustrations rétro, ses traits caricaturaux, ses collages ou ses peintures grasses (sa palette est large tant dans l’écrit que dans l’image)... Une occasion de redécouvrir l’ensemble de son travail et de partager une rencontre dans son atelier.

Henri Meunier : entretien (jeudi 2 juin 2005)

...où l’on découvre un auteur "plus doué pour se perdre dans le brouillard que pour aller droit vers l’objectif", un adepte des "balades sensibles" ; un auteur qui croit moins en la naïveté des enfants qu’en la profondeur de leurs sentiments... et nous confirme, radieux, la naissance imminente du Petit Poucet.

Repères
Je suis d’abord venu à l’écriture, même si c’est un peu paradoxal puisque mes études en arts plastiques m’auraient plutôt poussé à faire du dessin. L’illustration, ce n’est pas quelque chose que je maîtrise naturellement, c’est quelque chose que je suis en train d’apprendre. Quand la passion du livre pour enfants m’est venue, j’ai commencé par ce qui était le plus naturel pour moi, l’écriture. D’ailleurs, j’écris des textes pour apprendre à illustrer. J’en écris aussi pour d’autres parce que j’adore le travail d’illustrateur de gens comme Régis (Lejonc), Nathalie Choux, Anouk Ricard et d’autres.

Les livres pour enfants
Pour moi, il y a eu clairement un déclic. Je ne les connaissais pas et je ne m’y intéressais pas particulièrement jusqu’à 24 ou 25 ans. En revanche, j’aimais beaucoup la poésie et la littérature en général. Je traînais dans les allées du Salon du Livre de Bordeaux, au Hangar 5 à l’époque, et en cherchant des textes de poésie, je suis tombé par hasard sur les éditions du Rouergue qui éditaient leur premier livre pour enfants : Jojo la Mache. Ça a été une grande claque pour moi. J’ai trouvé que c’était un livre très poétique, très profond, très beau. Il y avait une trentaine de mots seulement, mais bien choisis, comme dans une poésie, avec un rythme superbe, une impression de légèreté et de profondeur à la fois. À partir de là, j’ai commencé à mettre mon nez dans les livres pour enfants. Ça a commencé à me passionner. Ceci dit, la littérature enfantine qui me passionne, reste un peu celle-là. Il y a des livres pour enfants qui ne m’intéressent pas du tout, ceux qui sont un peu pédagogiques ou éducatifs ; ce n’est pas ma tasse de thé. Je préfère ceux qui sont véritablement du côté littéraire. Après cette rencontre avec un livre, j’ai beaucoup fréquenté les librairies et j’en ai trouvé plein d’autres formidables, y compris certains que je lisais quand j’étais petit et que j’ai redécouvert, comme Les Trois Brigands de Tomi Ungerer, que je continue à trouver sublime. Tristement, entre mes 10 ans et mes 25 ans, ces livres, je les avais oubliés.

Les éditions du Rouergue
Très vite, après être tombé sur les premiers livres des éditions du Rouergue et avoir commencé à lire de cette littérature, je me suis dit que j’allais essayer moi aussi d’en faire. J’ai écrit mes premiers textes pour apprendre, me chercher, des textes que je n’ai pas envoyés. Ensuite les parcours de vie, les parcours professionnels ont fait que j’ai travaillé pendant six ans dans une association engagée dans le travail social et dans laquelle j’avais déjà agi auparavant. J’ai donc mis cette idée de faire des livres de côté pendant six ans, tout en restant passionné par les livres pour enfants : je donnais de temps à autre des coups de main à la librairie Oscar Hibou, entre autres pendant le Salon du Livre de Bordeaux. Par ce biais, j’ai rencontré Régis Lejonc. Il se trouvait que Régis était co-auteur d’un des livres qui reste pour moi l’un des plus beaux qui ait été faits, Icare. J’avais donc beaucoup d’admiration pour son travail en général et pour ce livre-là en particulier. On est devenus amis. Je suis allé repêcher dans mon ordinateur de vieilles histoires que j’avais écrites et je les lui ai montrées. Une de ces histoires l’a touché et il a eu envie de l’illustrer. De voir que quelqu’un dont j’aimais le travail appréciait mes mots, ça a relancé mon envie d’écrire. Je m’y suis donc remis et j’ai envoyé ces textes nouveaux à Olivier Douzou, le directeur des éditions du Rouergue et l’auteur de Jojo la Mache. Par chance, il m’a répondu.J’avais envoyé quatre textes et deux ont retenu l’attention d’Olivier Douzou. Un est devenu mon premier livre (Le Paradis). J’avais joint au texte la description des images, absolument nécessaire pour comprendre ce projet, comme souvent dans les albums illustrés : la moitié de l’histoire et de ses éléments de compréhension est dite dans les images seules, l’autre moitié dans le texte lui-même. C’était donc une sorte de storyboard. Et puis il y avait un autre texte, plus dans la veine de La Mer et lui, auquel je n’avais pas joint de description d’image et qui finalement ne s’est pas fait, parce qu’on a pas réussi à trouver la bonne voie pour l’illustrer. J’ai suggéré des pistes qui ne lui ont sans doute pas paru bonnes. Olivier pensait que le livre ne pourrait pas fonctionner.

La collaboration avec un illustrateur
Le travail d’un illustrateur peut m’inspirer des textes, c’est le cas par exemple de La Mer et lui, que j’ai écrit spécifiquement parce que je rêvais de voir des images de Régis sur ce thème-là. C’est aussi le cas de La Môme aux oiseaux, même si je ne l’ai pas écrit pour lui au départ - c’est parti d’un dessin de Béatrice Alemagna, pour laquelle j’ai aussi beaucoup d’admiration. Dans ces cas précis, ce sont des images de ces illustrateurs qui ont déclenché l’écriture du texte et l’envie de mettre des mots sur des images de leurs mains, qui n’existent pas encore, mais que j’imagine. Bien entendu, les images que j’imagine en écrivant ne sont jamais les images que les illustrateurs réalisent finalement... et heureusement !Sur des projets comme ceux que l’on a réalisés avec Régis, je n’associe pas au texte des descriptions d’images. Parce qu’il s’agit de textes qui exigent une interprétation de la part de l’illustrateur, des textes où il n’y a pas de faits, de personnages ou d’éléments narratifs précis à mettre dans l’image, indispensables à la cohérence du propos. Il s’agit plus d’une balade sensible que d’un récit. Dans ce cas, suggérer des images, ce serait appauvrir le livre à venir. Ce serait encadrer la ballade de l’illustrateur et se priver de son talent d’auteur, se priver de notes qui n’appartiennent qu’à lui, que je ne connais évidemment pas à priori, sur cette partition précise que nous tentons d’écrire ensemble, et que l’on découvre en partie au moment où elle se crée. Du coup, on discute beaucoup ensemble, pendant le processus qui aboutira au livre, autant des mots que des images.Pour d’autres livres, la description des images s’impose parce qu’il n’existe pas d’histoire sans elle. Pour donner un exemple, dans Le Paradis, le texte commence par une phrase du type de "ce 22 décembre, Josette a un pressentiment désagréable, elle part sans demander son reste". Si je ne précise pas dans la description de l’image qu’il s’agit d’une dinde, que la fête de Noël se prépare, que les couteaux s’aiguisent, cela n’a aucun sens. Cette description reste sommaire et évidemment, heureusement, Anouk Ricard a pris beaucoup de liberté. Je décris juste les éléments indispensables à l’histoire pour qu’elle puisse entreprendre son travail d’interprétation. De toutes les manières, dès que le projet démarre, tout est discutable, autant les mots que j’emploie que le découpage du texte, et on essaie de vraiment de construire le livre à deux. Au final, le livre ressemble à tout autre chose que ce que j’imaginais au départ. C’est l’intérêt même de ces collaborations. Quand les éditions du Rouergue ont reçu mes premiers textes, il n’y avait pas d’illustrateurs associés aux projets. Olivier Douzou m’a dit : " Ce texte-là, je le vois illustré par telle ou telle personne ". Il se trouve que je connaissais leur catalogue et que dans ces premières propositions, il y avait Anouk Ricard. J’ai pensé qu’elle serait celle qui apporterait le plus à ce projet-ci, Olivier Douzou le lui a soumis, et voilà comment les choses se sont faites. Maintenant, le plus souvent, nous présentons en complicité avec un illustrateur des projets plus aboutis, pensés ensemble. Chez certains gros éditeurs, les auteurs postent leurs textes et s’ils sont retenus, ils reçoivent leur livre finalisé, illustré, maquetté et imprimé, sans qu’ils n’aient rien vu depuis l’acceptation de leur texte. Ils ne peuvent pas œuvrer de la même manière sur le lien texte-images. Cela ne m’intéresserait pas du tout travailler de cette façon-là. De fait, je travaille avec des éditeurs (Le Rouergue, Thierry Magnier, Le Poisson soluble) qui tiennent le plus souvent à ce que le livre soit le travail et le fruit de deux auteurs, qu’il soit lié à la négociation et aux envies des deux.

Les éditions du Rouergue # 2
C’est un peu ma maison-mère. C’est un rapport simplement et bêtement affectif : c’est grâce aux éditions du Rouergue que j’ai eu envie de faire des livres pour enfants, donc c’est important pour moi de travailler avec eux. Au-delà de ça, c’est une maison qui fait les livres qui me plaisent. Ils ont une ligne de conduite que je trouve très respectueuse des enfants. Ils ne cherchent pas à faire "des livres pour enfants" mais de la littérature enfantine. Ce n’est évidemment pas le seul éditeur dans ce cas-là, mais il se trouve que c’est le premier qui m’ait fait rêver.

Livres pour enfants / Littérature enfantine
Le distinguo entre les deux, pour moi c’est avant tout une question d’intentions au départ. C’est comme à la télévision lorsqu’on fait des programmes à l’attention d’un public défini à l’avance, en disant : " Le public est comme ça, comme ça et comme ça ". L’émission doit tenter de répondre à cette attente-là.
On peut essayer de savoir comment est " l’Enfant ", qu’est-ce qu’il attend et essayer de répondre à cette attente. Moi " l’Enfant ", je ne le connais pas et je n’ai pas envie de le connaître. Cela me paraît un peu stupide de se dire qu’il existe un modèle, une sorte de moyenne. Je tente de m’adresser à des individus et ces individus, par force, me sont des inconnus. Je ne me préoccupe donc absolument pas de ce qu’ils peuvent attendre ou pas. J’adopte la démarche inverse, qui est de proposer une histoire qui plaira ou pas. Je tiens à avoir une démarche à mes yeux d’ordre artistique, liés à l’expression de soi. Ensuite, la réalisation, c’est un peu de l’artisanat. Mais pour arriver à cet artisanat, je n’ai pas envie d’adopter une démarche commerciale a priori. Et beaucoup de livres pour enfants ne semblent pas être issus d’une impulsion créative, mais plutôt commerciale ou éducative. Je ne critique pas les livres " éducatifs ", ils existent et c’est bien, mais ce ne sont pas ceux que j’ai envie de faire. Et ce n’est pas non plus ceux que j’ai envie de lire le plus souvent.
Dans la littérature adulte, je peux trouver absolument tout ce que je cherche : des livres pour apprendre, mais aussi des livres pour rigoler bêtement, des livres pour rigoler intelligemment, de l’émotion pure, des témoignages, des polars, etc. En littérature jeunesse, jusqu’à une époque relativement récente, ce n’était pas le cas. Il y avait presque exclusivement des livres pour apprendre, des contes, des récits édifiants. À côté de cela, une espèce de no man’s land rarement emprunté, celui du livre pour le seul et pur plaisir de lecture. Cette étendue infiniment vaste fait encore peur je crois et les excursions n’y sont pas encore aussi courantes et légitimes que je le souhaiterais. Pas seulement en tant qu’auteur, surtout en tant que lecteur.

Toc ! Toc ! Toc !
J’avais envie de faire un livre pour la collection " Têtes de lard ", parce qu’elle accueille des livres que j’aime infiniment. Et elle correspond à l’idée que je me fais de livres intelligents et respectueux pour les tout-petits. C’est probablement une question qui va m’habiter quand je vais avoir terminé le livre que je suis en train de faire actuellement. J’ai envie de m’adresser, plus profondément que je ne l’ai fait jusqu’ici, à l’imaginaire des tout petits. Ce qui me gênerait par exemple, c’est qu’un de mes livres, pensé spécifiquement pour s’adresser à des enfants de deux ans et moins, soit lu par ces mêmes enfants des années après et qu’ils le trouvent nul. Ça, ça m’embêterait. C’est vrai que dans Toc ! Toc ! Toc !, il n’y a qu’un niveau de lecture, mais je me dis que si le principe du livre m’amuse, il amusera aussi peut-être d’autres adultes et des enfants plus grands. Je ne sais pas ce qui amuse les enfants. En revanche j’ai des neveux et nièces, des enfants autour de moi (le grand âge me guettant, ce n’est plus très rare !). Ces enfants-là ne s’amusent pas toujours des mêmes choses. Mes livres font rire certains d’entre eux, mais pas tous. C’est quelque chose de singulier, l’humour. Chez les enfants aussi. Ça se voit d’ailleurs assez vite les différences d’humours chez les enfants : ceux qui essaient de faire rire les adultes, ceux qui n’essaient pas mais qui rigolent aux blagues, et puis ceux qui n’ont pas trop envie de rire et qui préfèrent regarder une coccinelle qui se barre dans les champs. Le seul de mes livres qui parte de quelque chose que j’ai observé chez tous les petits enfants que j’ai rencontrés, c’est Le Cri, le plaisir de reconnaître un animal et de poser un cri dessus.

Le processus de fabrication des livres
En ce qui me concerne, le temps de réalisation est à peu près toujours le même. Ce qui peut être plus long, c’est de faire accepter un texte qui paraît plus difficile qu’un autre. C’est beaucoup plus facile de proposer Toc ! Toc ! Toc ! à un éditeur que La Mer et lui.
Mais, et c’est là où on en vient à l’artisanat, le temps de réalisation est à peu près le même d’un livre à l’autre : une page est une page et je mets toujours à peu près le même temps pour la faire. Par nature, je pense que j’ai plus d’aisance à réfléchir sur des livres comme La Mer et lui ou Ronde de nuit, qui ont une veine plus poétique, que des livres comme Toc ! Toc ! Toc !, où il faut absolument que ce soit efficace, qu’on ne se perde pas, parce que c’est une blague et qu’il ne faut pas traîner quand on raconte une blague. Je crois que je suis naturellement plus doué pour me perdre et pour marcher dans le brouillard que pour aller droit vers l’objectif.

Le travail d’illustrateur
Il y a des choses qu’on peut apprendre de façon claire dans l’illustration, alors que c’est peut-être plus flou dans le domaine de l’écriture. Dans l’illustration, il y a des repères, des codes visuels, etc. Assez vite, j’ai essayé de m’écrire des histoires pour pouvoir entamer ce travail-là sans me mettre trop en danger. Pour Méêêêtro boulot, l’idée n’était pas de le dessiner au départ. Une fois que je l’ai eu écrit, je me suis dit : " c’est graphiquement un bon exercice de style, qui repose essentiellement sur l’exploration d’une idée visuellement simple. Même si je rate complètement l’illustration, la lecture du livre ne sera pas rendue impossible par mes maladresses. " Alors je me suis lancé. J’ai commencé comme ça. Quand j’ai une histoire qui me semble à ma portée graphiquement, je me la garde souvent.

Le style et les techniques graphiques
Chaque fois que je suis amené à illustrer une histoire, je me demande quelle technique pourrait servir au mieux cette histoire et comment elle va, elle aussi, participer à la narration. C’est l’un des principes fondateurs d’un éditeur comme Le Rouergue. Le style du dessin, les choix typographiques, le choix du papier, le format du livre participent à sa réussite narrative. Mes questions sont donc les suivantes : est-ce qu’il faut un dessin tout simple, un dessin dont la lecture doit être rapide et synthétique ? Est-ce qu’au contraire, il faut qu’on se perde un peu dans l’illustration, parce que la lecture du livre doit être plus sensible ? Dans le projet que je suis en train de faire, l’illustration sera plus cérébrale parce que l’histoire fait appel à pas mal de références liées aux contes de Perrault. Ça me semble plus riche si on s’arrête et si on cherche à interpréter des images qui ne livrent pas leur sujet directement. Donc pour moi, la technique vient de ça : quelle est l’histoire à raconter ? C’est comme ça que pour Ernest, j’ai adopté une technique qui rappelle les imprimés des années 1930, avant l’imprimerie Offset. Et c’est une technique que j’ai reprise dans La Famille Ogre, un livre inspiré de vrais jeux de cartes des années 1950. Ce choix ne s’opère pas ou peu par un processus intellectuel. Concrètement, je pars d’une histoire et je procède à des essais. Quand les essais me paraissent concluants, je les adopte. La cohérence ou l’incohérence du choix d’une technique et d’un style d’illustrations avec l’histoire à raconter ne m’apparaît généralement qu’après ces essais préalables. Pour ce qui est de Ronde de nuit, la matière, les coups de pinceaux sont là pour arrêter le regard, pour qu’une lecture rapide des images ne soit pas possible parce qu’elle ne correspond pas au rythme du texte, qui est plutôt lent et contemplatif. Et le travail typographique fait par Célestin participe aussi de cette lecture là.

Le projet en cours : L’Autre Fois
C’est une histoire inspirée des contes de Perrault, que j’aime beaucoup, sinon dans leur forme du moins, toujours par ce qu’ils offrent en pâture à mon imaginaire. Dans L’Autre Fois, il s’agit des frères Poucet qui remontent Park Avenue à New York. À chaque croisement de rues ils sont confrontés à un autre conte de Perrault qui les absorbe et ils disparaissent, les uns après les autres, dans des conditions tantôt dramatiques, tantôt tout à fait agréables. Au final, il ne reste plus que Poucet, à mes yeux le plus beau personnage de Perrault. Je me permets de penser que c’est aussi celui que Perrault préférait, même si c’est un abus de mon pouvoir de lecteur !
Ce qui motive ce livre est lié à ma lecture de ces contes. Pas tellement ce que ces contes m’ont apporté mais plus simplement le fait de les lire. En quelque sorte, que ces contes soient encore lus aujourd’hui induit que Poucet n’a pas trois cents ans mais qu’il vient de naître. À chaque nouvelle lecture, il est là, propre comme sous neuf et aussitôt il commence à se perdre pour la première fois. C’est donc un personnage contemporain. Le projet est en cours, mais pour ce qui est des illustrations, il s’agit de transferts au trychlo sur du papier de soie, avec aussi de la peinture : beaucoup de mélanges, un jeu sur les transparences et les superpositions. Un palimpseste donc, qui correspond à ce que je ressens des contes : trois cents ans de couches culturelles qui se sont apposés les unes sur les autres. On aura donc à la fois un New York réel - les immeubles représentés existent vraiment - cohabitant avec d’autres représentations de la ville qui seront très symboliques, quasi abstraites.

Le travail à l’ordinateur / à la main
J’utilise l’ordinateur pour ce que je ne saurais pas faire à la main. Il y a beaucoup de choses difficiles à faire à la main et simples à exécuter à l’ordinateur : les à-plats par exemple, ou certains collages. Avec l’ordinateur aussi, on peut toujours revenir en arrière, c’est très sécurisant. C’est donc un grand confort pour les gens comme moi qui, pour chaque livre, cherchent quelque chose de différent et qui se cherchent encore également du point de vue de l’illustration. Mais ce confort est aussi un piège. J’aime aussi beaucoup le côté artisanal du dessin et je le ressens plus à la main qu’à l’ordinateur. Donc il y a certains livres que je m’impose de ne faire qu’à la main. C’est le cas sur L’Autre fois.

Les interventions en classe
C’est souvent à l’initiative d’organisateurs de salons ou d’instituteurs. Ça m’apporte beaucoup : quand je dis que je ne tiens pas compte du public et des gens à qui je m’adresse quand j’écris des livres, c’est vrai. Mais une fois que les livres sont publiés, en revanche, comme je les ai fait pour les enfants, ça m’importe vraiment d’aller en discuter avec eux. Et puis il y a d’autres choses qui ne sont pas directement liées aux livres mais qui participent à mon envie d’aller dans les écoles : dans l’ensemble, je n’ai pas été très heureux dans le système scolaire. Je n’y ai pas trouvé cette part de plaisir qui me paraît pourtant essentielle à la transmission, y compris pour ce qui concerne la lecture. J’ai perdu une quinzaine d’années de lecture que j’aurais pu avoir quand j’étais élève, tout simplement parce que j’associais la lecture à du travail. Quand je vais dans des classes, je me dis qu’il y a des enfants qui, comme moi autrefois, ne sont pas forcément heureux sur les bancs de l’école, ou qui n’ont pas du tout entendu jusqu’à présent que la lecture pouvait être un plaisir pur et égoïste, et que ça n’avait rien à voir avec le travail. Souvent d’ailleurs, quand je me rends dans une classe, ce n’est pas seulement pour parler de mes livres, j’y vais avec des livres de poésie, des livres d’auteurs qui me touchent et dont je sais qu’ils peuvent toucher des enfants, comme Tardieu. J’essaie de faire partager mes plaisirs de lecture et de répondre aux questions que se posent les enfants. Pour beaucoup d’enfants, un livre c’est un peu sacré, et les auteurs c’est un peu mort. Moi, j’essaie juste de montrer que les auteurs ne sont pas forcément morts et qu’un livre c’est tout sauf sacré. Les enfants m’aident beaucoup aussi à comprendre les livres que je fais. Quand j’ai terminé un livre, si j’en ai fait le tour, si j’ai compris tout de l’histoire, c’est qu’il s’agit simplement d’un livre pour s’amuser, comme Toc ! Toc ! Toc ! ou Quand arrive l’hiver.
Ce n’est pas forcément le cas de livres comme La Mer et lui ou Ernest, où une grande part est volontairement laissée aux lecteurs, qui en deviennent aussi auteurs en quelque sorte. Et cette part, je ne la connais pas encore avant d’en avoir discuté avec les enfants, mes lecteurs. Ce qu’ils ont lu, ressenti, imaginé, ça me met quelquefois une claque, ça m’impressionne, ça me fait réfléchir. Je ne crois pas que les enfants soient naïfs, je les trouve au contraire extrêmement profonds, y compris dans l’expression de leurs sentiments.

Propos recueillis par Boris Barbiéri et Marie Buraud, mai 2005.

par Comptines & Compagnie

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17/12/2008 | Lien permanent

LETTRE D'INFORMATION #22

 

A Comptines…
EN NOVEMBRE on prend de la hauteur ! 

RENCONTRE 
VANGO2.gifSAMEDI 26 NOVEMBRE - 11h Rencontre avec TIMOTHÉE DE FOMBELLE, à l'occasion de la sortie de la suite de Vango : Un prince sans royaume
On l'attendait depuis plus d'un an, Vango est enfin de retour pour des aventures trépidentes à travers toute l'Europe et jusqu'aux sommets des grattes-ciels de New-York… Une lecture à couper le souffle !

 
EN DÉCEMBRE, Comptines se met en quatre pour vous aider à faire vos achats de Noël et vous propose de découvrir les exquis et malicieux dessins d'Anna Boulanger. 

 EXPOSITION

plic-dessin.jpg


Du jeudi 1er au samedi 31 décembre - exposition de dessins originaux de ANNA BOULANGER, pour son livre : Le Haret québécois et autres histoires, à paraître aux éditions Attila

 









HORAIRES DE FIN D'ANNÉE
Ouvertures exceptionnelles les lundis 5, 12 & 19 de 10h30 à 19h et les dimanches 11 & 18 de 11h à 13h et de 14h à 18h. 
Fermeture les samedis 24 & 31 à 17h30 


 EN JANVIER
HM.gifJeudi 19 janvier - 18h Rencontre - débat : Homosexualité, homophobie, comment parler aux enfants et aux adolescents ? 
Avec Safia Amor, journaliste et auteure (Harvey Milk : "Non à l'homophobie", éd. Actes Sud Junior), Gilles Abier, auteur de plusieurs romans parus aux éditions Actes Sud Junior, et Mathieu Rouveyre, conseiller général et muncipal de Bordeaux, administrateur de la Lesbian & Gay Pride Bordeaux. 
On vous en dit plus d'ici là…

Mongol.gifMardi 31 janvier - 18h Lectures de texte de Karin Serres, suivies d'une rencontre autour de son écriture - Avec Karrin Serres et Pascale Daniel-Lacombe, metteuse en scène du spectacle Mongol, présenté au TnBA entre le 8 et le 10 mars 2012 - En partenariat avec le TnBA



EN Février

Mäko.gifDu jeudi 16 février au samedi 10 mars Exposition autour de l'album Mäko. Premier et beau livre  de Julien Beziat, auteur illustrateur bordelais (éd. Pastel). 

 

 

Roi des bons.gifMardi 21, mercredi 22 et jeudi 23 & Mardi 28, mercredi 29 : Lectures et goûter pour enfants frileux et  lecture du Roi des bons en écho au spectacle de danse proposé par l’Opéra de Bordeaux et inspiré de l’œuvre d’Henriette Bichonnier – en partenariat avec l’Opéra de Bordeaux et le TnBA
De 16h à 16h45 (lectures & goûter), sans inscription. 



FERMETURE EXCEPTIONNELLE, POUR CAUSE D'INVENTAIRE, LE JEUDI 1ER MARS

comptines et cie.png

infos professionnelles

Régulièrement Comptines organise des présentations de l’actualité éditoriale à destination des bibliothécaires. Ces «offices» sont réservés aux bibliothécaires partenaires de la librairie ou adhérentes des réseaux BDP Gironde ou Charente-Maritime.
Prochains «offices» de la librairie à destination des bibliothécaires (inscription indispensable)

À Saintes, pour le réseau BDP 17:
• Lundi 13 février

À la librairie, à Bordeaux:
• Jeudi 15 mars

 

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20/10/2011 | Lien permanent

Felicidad | roman de Jean MOLLA

felicidad.gifÉd. Gallimard | coll. Pôle fiction | juin 2010 (EO 2005) | 320 pages – 6 €

Les éditions Gallimard viennent de rééditer le roman de Jean Molla, dans une nouvelle collection de poche, à petit prix. L’occasion de se jeter dessus pour celles & ceux qui ne le connaissent pas, et pour nous, de rééditer la critique parue à sa sortie il y a cinq ans et toujours d’actualité…

Felicidad nous plonge dans l’une de ces sociétés «parfaites» qu’affectionnent les romans d’anticipation. Parfaite, au sens où elle fournit, à première vue, des solutions à certains grands problèmes: les guerres, la faim, le travail, les inégalités sociales, la violence... Ces solutions consistent souvent à confiner les zones de troubles dans des recoins bien isolés et maîtrisés: dans le cerveau d’une seule personne (lire Le Passeur de Loïs Lowry) ou dans des «enclaves» «légalement hors la loi» et des «guerres délocalisées» comme c’est le cas dans Felicidad.

Dans cette Grande Europe du futur, régentée par un consumérisme sans limites et dirigée par un président à vie, le bonheur est devenu un droit et un devoir pour tous les Citoyens (enfin, ceux qui méritent ce titre...) Les tâches contraignantes ou avilissantes ont été confiées à des «parumains»: «des organismes issus du génie génétique imitant l’apparence, le mode de pensée et le comportement des humains». Société parfaite, donc monstrueuse, congénitalement gangrenée. À la suite du meurtre du ministre du Bonheur, les failles de cette organisation seront révélées, une à une, au lieutenant Alexis Dekcked: enquêteur d’exception, lancé sur les traces de trois parumains hors normes, ce solitaire est néanmoins amoureux d’une belle parumaine.

C’est peu dire que le livre est un hommage à Philip K. Dick et à Ridley Scott, tant l’ombre pluvieuse de Blade Runner [1] imprègne l’atmosphère du roman. Replicants/parumains, Nexus 6 et Delta 5, Dekcked/Deckard mêmes combats. Il ne s’agit pourtant pas d’un pastiche, mais d’une vraie filiation, qui donne une furieuse envie de relire et revoi les originaux, sans douter une seconde de la valeur de ce descendant. D’ailleurs les questions de la filiation et de la nature humaine sont bien au centre du roman, qui prend appui sur les avancées technologiques et médicales de ces vingt dernières années et les interrogations éthiques qu’elles soulèvent. Ici, comme du point de vue politique ou économique, Jean Molla développe en fait des potentialités contenues dans notre monde contemporain: concentration dans l’industrie et le commerce, segmentation accrue entre pauvres et aisés, pensée dominante ultra-médiatisée, formatage à tous les étages...

Felicidad est également un bel essai sur la propagande et la manipulation du langage. Chacun des trente-trois chapitres (chiffre messianique, tout comme les initiales de Julius Choelcher, le créateur des douze Delta 5 ?) est introduit par un petit extrait édifiant de littérature «félicidienne» : discours ministériels, articles de loi, essais, tous publiés aux éditions GMR - Grands Magasins Réunis. À voir imprimé que «l’état est le garant du Bonheur individuel. Il peut avoir recours à tous les moyens, y compris les plus définitifs, pour en faire bénéficier les citoyens» (art. 3 de la Constitution), on hésite entre le sourire - c’est grotesque - et le frisson: l’écrit confère une apparence de légitimité au plus ignoble sophisme... Ajoutons que quatre chapitres sont introduits par des «textes interdits à la publication» dont un extrait du  Discours de la servitude volontaire  de La Boétie et un de l’ Introduction à la lecture de Hegel de A. Kojève : dans une publication en collection ado, cela mérite d’être remarqué...

Corinne Chiaradia

[1] Blade Runner, c’est le titre du film de Ridley Scott, tandis que le texte original de P.K. Dick se demande Les androïdes rêvent-ils à des moutons électriques? (1979).

Sur un thème (le clonage) et des interrogations voisines, lire le magnifique roman de Nancy Farmer, La Maison du scorpion (éd. L’École des loisirs)

(première publication de l'article : juillet 2005)

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20/08/2010 | Lien permanent

PRÉSIDENT-E-S DOCUMENTAIRES

Le Président - NOUVEAUTÉLe président.jpg
Stéphanie LEDU & Pascal BALTZER (illustrations) 
Éd. Milan, coll. Mes p'tits docs,
premier trimestre 2017 - 7,40€
« Le président de la République dirige la France. Avec ses ministres, il prend les décisions importantes pour le pays et ses habitants. Sais-tu qu'il habite à Paris, au palais de l'Elysée ? »
4e de couverture
CRITIQUE À LIRE ICI


Le président de la république.jpgLe président de la République
- NOUVEAUTÉ
Pascal HÉDELIN & Vincent SOREL (illustrations)
Éd. Milan, coll. mes p’tites questions, premier trimestre 2017 - 8,90€
« Des réponses à seize questions d'enfants sur le premier personnage de l'Etat : la République, les notions de droite et de gauche, le vote, les pouvoirs présidentiels, l'après-mandat entre autres. »©Electre
CRITIQUE À LIRE ICI 

Les présidents de la répiublique.jpgLes présidents de la République
Jean-Michel BILLIOUD
Éd. Gallimard Jeunesse, coll. Les Yeux de la découverte, mars 2012 - 14,20€
« Partez à la rencontre des 23 présidents de la République qui ont gouverné la France depuis 1848. Au fil des Constitutions, ce rôle a évolué jusqu'à aujourd'hui où le chef de l'État est devenu le personnage politique central. Découvrez les pouvoirs et les obligations de la fonction présidentielle mais aussi les hommes qui l'ont exercée. Chaque président fait l'objet d'un portrait riche et documenté qui nous fait connaître son action et son époque. 
Les 23 biographies de Présidents sont scandées par des pages thématiques sur les caractéristiques de chacune des quatre Républiques avec un président (IIe, IIIe, IVe et Ve). D'autres pages thématiques parlent des résidences, des loisirs et des voyages présidentiels ainsi que des rapports avec l'armée, des obligations et de la communication des Présidents. 
En fin d'ouvrage, les principaux autres types de chef d'État dans le monde sont présentés ainsi que des infos étonnantes, une chronologie générale et un glossaire. » Site éditeur
A compléter d’urgence dans quelques semaines !

 

Mon premier livre.jpgMon premier livre de président(e) de la République
Bernard CHAMBAZ & ZAÜ (illustrations)
Éd. Rue du Monde, coll. Les premiers livres, mars 2012 - 
15€
« L'élection présidentielle expliquée aux enfants : les candidats, la campagne électorale, les sondages, les dépouillements, la république, l'histoire de la Ve République, la vie à l'Elysée... »
©Electre

Présdeint de la République MDE.jpgPrésident de la République : mode d'emploi ! - NOUVEAUTÉ
Stéphanie GUILLAUME & 
Marie DE MONTI (illustrations)
Éd. Graine 2, coll. Graine de citoyen, avril 2017, 47 pages - 
8,90€
« Une présentation ludique et interactive du système politique français, du rôle du président de la République, du fonctionnement des élections et de la répartition entre les différents pouvoirs. L'enfant peut créer son propre parti politique, imaginer son nom et son logo, concevoir son programme et sa campagne électorale et prendre des décisions. » ©Electre

Les présidenrs de la République Cuvellier.jpgLes présidents de la République
Vincent CUVELLIER & Jean-Christophe MAZURIE
Éd. Actes Sud junior, coll. T'étais qui, toi ?, première édition 2012, mars 2017, 286 pages - 12€ 
« Le premier président ne voulait pas être président. Mais empereur. Comme tonton. Le deuxième a fait massacrer les Parisiens. Le troisième voulait un roi… 
Au début, président, c’était pas top.
Prestigieux mais pas stable. La guerre puis de Gaulle ont changé les règles… » 4e de couverture
Deuxième édition : de Louis Napoléon Bonaparte à François Hollande.
Des textes truffés d'informations passionnantes et dans lesquels l'humour n'est jamais loin !

 Pour les fictions : c'est par ici.
Quelques présidents d'ailleurs :c'est par là.
Aux urnes les enfants ! C'est par ici.

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26/03/2017 | Lien permanent

Lettre d'information #118

En février à la librairie Comptines

samedi 15 février à 16h00
Qui suis-je moi qui suis différent des autres ?
atelier philosophie pour tous, à partir de 8 ans

téléchargement.jpglecture-discussion
autour du texte de Dominique Paquet Prête-moi tes ailes aux éditions théâtrales
sur inscription
suivi d'un goûter

"Danser ne se fait pas ! A-t-on déjà vu un garçon se tortiller ?[...] Danser c'est bon pour les filles! "

Un jeune garçon solitaire joue au bord d'une rivière et, le temps d'un été, se lie d'amitié avec une libellule.[...] Il lui confie ainsi son plus grand secret: il prend des cours de danse en cachette, car danser est mal vu pour un garçon.[...]Cette petite fable philosophique questionne les normes de la société, tout en douceur à hauteur d'enfant. (Ed. Théâtrales jeunesse)

Envie d'en savoir plus ? C'est par ICI

dominique_paquet.jpg
Actrice, dramaturge et philosophe... P
our en savoir plus sur Dominique Paquet c'est ICI !

 

 

 

classeouvriere).jpgComptines y sera !
18 au 23 février en partenariat avec les espaces Marx et le cinéma Utopia
17ème rencontres cinématographiques 
La classe ouvrière c'est pas du cinéma
retrouvez tout le programme ICI

 

 

Pendant les vacances d' hiver

                                                       
exposouris.JPG
Du 22 février au 07 mars

expo famille souris

De la poupée de Petite sœur aux radeaux de la mare aux libellules, une exposition pour dire au revoir et merci à la famille souris !

 

 

atelierchouette.jpgmardi 25 février à 16h00
Fabrique ta chouette !
Atelier créatif à partir de 4 ans
suivi d'un goûter
COMPLET

 

 

 

 

famillesourisna).jpgmercredi 26 février à 16h00
Le nouvel an de la famille souris
dès 3 ans
Dernière lecture animée et pleine de surprises autour de la très grande famille créée par Kazuo Iwamura.
Suivi d'un goûter
sur inscription

 

lecturehibou.jpgmardi 03 mars à 16h00
Chouettes lectures ! Chouettes et Hiboux à l'honneur
lectures à partir de 4 ans
suivies d'un goûter
sur inscription

 

 

ventdanslessaules).jpgmercredi 04 mars à 16h00
Le vent dans les saules 
chapitre 1 : Au fil de l'eau
venez découvrir (ou redécouvrir) le grand classique de Kenneth Grahame
Lectures dès 5 ans
suivies d'un goûter
sur inscription

 

Samedi 07 mars : journée internationale des droits des femmes
plumées).jpgà 11h00 : petit-déjeuner lecture autour de la collection « Les plumées »
aux éditions talents hauts
pour les adultes
sur inscription

 

 

placedanslacour.jpgà 16h00 : lectures : les droits des filles à l'école !
Lectures pour les enfants à partir de 6 ans.
sur inscription
suivi d'un goûter

 

 

pepitesenstockt.pngdu 12 au 21 mars : Pépites en stock
En partenariat avec l' Association des Librairies Indépendantes de Nouvelle Aquitaine

inocentines).jpgSaupoudrez votre vie de poésie !

Concours de dessin pour les enfants de 5 à 11 ans autour des recueils Petits jardins de poésie et Moi j'irai dans la lune et autres innocentines publiés aux éditions Grasset jeunesse.
Venez créer votre oeuvre (ou juste la déposer à la librairie).

 

 

poesie).jpgsamedi 14 mars à 16h
Au hasard des poèmes
Lecture de poésie participative : venez piocher un poème et participer au printemps des poètes !
pour tous ceux qui savent lire à voix haute !
sur inscription
suivi d'un goûter

 

flaconsmagiques.jpgmercredi 18 mars à 16h00
Flacons magiques
atelier dessin à partir de 6 ans
Les libraires de Comptines ont fouillé leur grenier et vous
proposent un atelier dessin autour de l'album (hélas épuisé !) 
Flacons magiques de Goh Gyong-Sook parus aux éditions seuil jeunesse en 2007.


Et en avril ? En avril, adieu les souris et bonjour Billy ! Comptines se mettra au vert, dessinera des arbres et recevra Nina Bruneau pour une rencontre surprise !

horaires
La librairie sera exceptionnellement ouverte le lundi 24 février de 14h00 à 19h00 

La librairie sera exceptionnellement fermée le mardi 03 mars de 10h30 à13h30 pour cause d'inventaire.

 

 

 

 

 

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08/02/2020 | Lien permanent

ADAM ET THOMAS

shoah,juif,guerre,nature,amitiéroman
de Aharon APPELFELD
Traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti. Illustrations de Philippe Dumas
L’école des loisirs, mars 2014, 151 pages – 15€

Adam et Thomas sont deux enfants juifs de neuf ans déposés par leurs mamans respectives dans la forêt. Tout deux ont été exfiltrés du ghetto pour échapper aux rafles. La mère d’Adam, comme celle de Thomas, lui a promis de revenir le chercher. En attendant, il leur faut survivre dans la forêt, affronter la faim, le froid et les nombreuses questions qui les habitent. Pourquoi les juifs sont-ils persécutés ? Pourquoi les enfants juifs sont-ils pourchassés ? D’où vient la haine ? Que signifient les rêves ? Comment parler aux animaux ? Adam et Thomas sont très différents. Leurs échanges, comme leur vie dans la forêt sont riches en questionnement et découvertes.

Les grands écrivains pour adultes ne font pas toujours de grands livres pour enfants. Celui-ci, premier roman pour enfants de l’écrivain israélien Aharon Appelfeld, magnifiquement illustré par Philippe Dumas, est immense.  Bien sûr il est inspiré de la vie de son auteur, lui aussi obligé, à huit ans, de survire dans la forêt après s’être échappé d’un camp nazi mais de cette expérience terrible et vraie, Aharon Appelfeld a  fait un conte qui atteint l’universel. Peut-être parce que comme il le dit lui même, il est des situations qui plongent le réel dans l’imaginaire :

« Je me suis retrouvé seul dans la forêt, responsable de ma propre survie. Une situation sortie droit d’un conte, même si elle était ma réalité ».

Voilà des années que j’écris de petites notices sur les livres qui m’ont plus et celle-là ne vient pas facilement. Chaque fois que je démarre une phrase, je suis submergée par l’émotion. Adam et Thomas me brûle les mains et le cœur. Chaque fois que je le feuillète, que je lis un extrait ou que je contemple une image, mon cœur se retourne dans ma poitrine. Comme si cette plongée dans l’enfance, la nature, le rapport au monde, au fait de grandir… me ramenait à une expérience personnelle moi qui ait connu une enfance banale de gamine privilégiée. 

Peut-être que cette capacité de livrer un récit où se mêle le tragique et l’espoir, l’intime et l’universel, fait la matière des chefs d’œuvres. Adam et Thomas est un livre unique, déjà un classique. Un inestimable cadeau fait par un immense écrivain à ceux dont il dit qu’ils ont « un contact premier avec toute chose (…) un rapport à la fois très direct et spirituel aux objets, aux êtres. »

Ariane Tapinos (article publié, en novembre 2014 dans le numéro 69 de la revue Citrouille).

* Toutes les citations sont extraites de l’entretien réalisé par L’école des loisirs avec Aharon Appelfeld et disponible sur le site de l’éditeur.

 

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28/11/2014 | Lien permanent

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