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C'EST MOI, LE CHAMPION !
Album
de Philip WAECHTER
Adapté de l’allemand par Bernard Friot
Éd. Milan jeunesse, 2° trim. 2006
10,50 €
Une variation pleine de sel sur les rêves de grandeur affichés par une grande majorité d’apprentis footballeurs.
Chaque page détaille les caractères du champion et les situations qu’il doit affronter dans sa carrière. Le texte est à la première personne (« Quand je serai grand je serai footballeur. Un footballeur très célèbre ») et au premier degré... lequel est immédiatement tempéré par l’illustration qui « recadre » en douceur chacune des situations décrites dans l’univers d’un écolier. Autrement dit, quand le texte affirme « Je serai très riche et je pourrai me payer tout ce que je veux », l’image montre un bambin ravi sortant d’une boutique un sac à la main, avec un magnifique poisson dedans ; ou encore, lorsqu’il est question de « répondre à toutes les demandes d’interviews », le même garçon assis à un pupitre répond « Le Réal de Madrid » à la question de son institutrice (« Quelle est la capitale de l’Espagne »).
Le tout est amusant, ironique sans jamais être méprisant envers les rêves de l'enfant. Et l’album se conclut par une pirouette : aux tourments de savoir quel club et quel mirifique contrat choisir, le môme répond que « c’est une décision qu’il faut mûrir longtemps... car qui sait ? je deviendrai peut-être un batteur célèbre » et on le voit, avec la même bande de copain qui l’accompagnait sur le terrain de foot, improvisant un orchestre à base de casseroles, d’aspirateur et de raquette de tennis en guise de guitare. Et les filles dans tout ça ? Sur les quatre compères de l’équipe il semble bien qu’il y ait une équipière, mais ce n’est pas très net...
25/06/2014 | Lien permanent
MOI, IVAN CROCODILE !
Album
de René GOUICHOUX & Julia NEUHAUS
Éd. Atelier du poisson soluble, mai 2011
15 €
« Je m’appelle Ivan. J’ai six ans et je suis un crocodile. J’ai l’air d’un petit garçon mais à l’intérieur je suis un crocodile. Ça ne se voit pas, bien sûr, c’est à l’intérieur ».
Ivan, le petit garçon crocodile va à l’école avec les autres enfants et ce n’est pas facile. Les bruits de la cour, les cris des enfants, leurs moqueries, leur cruauté parfois aussi… Tout est difficile pour Ivan qui s’applique chaque jour à vivre parmi les autres. Heureusement, ses parents savent ce qu’est Ivan et ils l’aiment, tout crocodile qu’il est. Tout comme la maîtresse qui veille sur lui et sait, avec délicatesse le ramener « au milieu des autres ».
René Gouichoux et Julia Neuhaus ont réussi là un magnifique album qui parle aussi bien de la cruauté des enfants face à la différence que de la possibilité que vivent, ensemble, à l’école des enfants différents. Ivan est sans doute autiste. Il fait avec ses peurs, et les autres enfants font avec les leurs, parce que des adultes sont là pour les asseoir, tous ensemble sur un banc et écouter une histoire.
Les images, surprenantes et dérangeantes de Julia Neuhaus, très colorées, faites de collage, avec notamment des visages d’enfants démesurés, tantôt souriants, tantôt effrayants (on pense au travail de Stian Hole) forment un accord parfait avec la finesse du texte. Image apaisée (mais sans personnage humain) quand il s’agit de représenter, à l’intérieur de la maison, un repas pris en famille. Enfin, sur la dernière page, Ivan a pris un visage d’enfant et se distingue à peine de ceux qui l’entourent.
La qualité première de cet album est qu’il peut être lu à tous les enfants pour leur parler d’autisme mais avant tout de l’acceptation de la différence.
Ariane Tapinos (mars 2014)
18/03/2014 | Lien permanent
Le HARET QUÉBÉCOIS ET AUTRES HISTOIRES | album inclassable d'Anna Boulanger
Éd. Attila
novembre 2011 - 15 €
Voici un petit ovni littéraire et graphique à découvrir de toute urgence. Ce Haret québécois – autrement dit ce chat retourné à l’état sauvage c’est-à-dire à sa liberté – rassemble cinq histoires toutes plus délicieusement surprenantes les unes que les autres. Cinq histoires nées, comme nous l’explique le court préambule, de listes de mots dressées par Anna Boulanger. De ces listes («lorsque le bon ordre est trouvé») naissent des images, «qui se transforment en dessins» et qui «engendrent des phrases». Enfin, phrases et images deviennent des histoires…
C’est d’abord un chat, ce fameux «haret québécois» et sa drôle de relation à son maître. En effet, comment avoir un maître si l’on s’est affranchi de la domestication? C’est ensuite Oskar qui fait, sans succès, le siège d’une Belle et dont la vie, comme celle de tant d’êtres humains ramenés à l’état de poisson, «s’écoule, dénuée d’explication». Puis c’est Hippolyte qui décide de voir de quoi le monde est fait, hors de sa «famille rangée, confortablement installée». S’en suivent une «histoire ursidologique»… d’un ours aux prises avec un essaim d’abeilles et l’étrange pique-nique d’Églantine et de sa fidèle Hermione.
Des ces cinq histoires, suivies des cinq listes de mots qui les ont précédées, se dégage un sentiment d’humour teinté d’ironie. Les dessins d’Anna Boulanger sont d’une précision et d’un raffinement exquis. Un mets à savourer en prenant son temps, qui ravira les plus grands et intriguera les plus jeunes. Mais n’est-ce pas le propre de la littérature que d’être là où on ne l’attend pas ?!
!! EXPO À COMPTINES : du jeudi 1er au samedi 31 décembre 2011 - exposition de dessins originaux d'ANNA BOULANGER.
09/11/2011 | Lien permanent
BIBLIOGRAPHIE AUTISME : ALBUMS
Lolo : l’autisme
Brigitte MARLEAU
Éd. Boomerang, coll. Au cœur des différences, 1er trimestre 2013 - 14€
« Moi, je m’assois en arrivant à la garderie. Mais Lolo quand il arrive dans le local, sur la pointe des pieds, il se met à danser. Lolo ne comprend pas les mots… Il faut lui montrer un dessin ou une photo. Mais Lolo, lui aussi, aime les jeux et il me donne la main pour aller jouer avec le train. »
Marco découvre Laurent, Lolo, à la garderie et nous explique en quoi il est différent mais aussi attachant. En apprenant à le comprendre – et à comprendre l’autisme – Marco devient ami avec Lolo ; son « copain autiste ».
L’album s’ouvre sur une double page qui s’adresse aux adultes et explique ce qu’est l’autisme : les signes, les causes… et se conclue sur des propositions pour exploiter l’album en classe et approfondir le sujet traité. Un album qui ne marque pas par ses qualités graphiques ni même d’écriture mais qui a ce côté pratique qu’on trouve souvent dans les publications québécoises.
Le Monde d’Éloi – Une histoire sur l’autisme
Sophie MARTEL & Christine BATTUZ (illustrations)
Éd. Les enfants du Québec, février 2009 – ÉPUISÉ
« Éloi a quatre ans et il est autiste. C'est un enfant différent : il ne sait pas comment jouer avec les autres, il marche sur le bout des pieds, il est fasciné par les couleurs et la lumière. Parfois aussi, il se met à crier en se bouchant les oreilles quand il entend des bruits trop forts. Avec l'aide de l'éducatrice, les camarades d'Éloi parviendront à mieux le comprendre et à l'accepter avec ses différences. Un album qui permet de mieux connaître l'enfant autiste. »
Moi, Ivan crocodile !
René GOUICHOUX & Julia NEUHAUS
Éd. Atelier du poisson soluble, mai 2011 – 15€
« Je m’appelle Ivan. J’ai six ans et je suis un crocodile. J’ai l’air d’un petit garçon mais à l’intérieur je suis un crocodile. Ça ne se voit pas, bien sûr, c’est à l’intérieur ».
À l’école, Ivan doit faire face aux moqueries des autres enfants tout en se gardant d’être trop crocodile. Heureusement que sa maîtresse veille sur lui.
Critique à lire ici
Ted, une patte ici, trois pattes là-bas
Françoise PEZET & Catherine Caugant et Yannick CHARON (illustrations)
Éd. Les P’tits totems, coll. Ta santé m’intéresse, juin 2009 - 18€
Ted est un petit labrador dont le regard ne se fixe sur rien ni personne. Il semble perdu dans ses pensées : une patte dans le monde des chiens, trois pattes dans son monde à lui. Ted (pour Trouble Envahissant du Développement) est autiste.
Pibi, mon étrange ami
Jin-heon SONG
Traduit du coréen par Noëlla Kim
Éd Le Sorbier, février 2008 – 13,20€
« Entièrement illustré au crayon noir, cet album coréen est exceptionnel de délicatesse et de subtilité. Il raconte l'histoire vraie de l'auteur qui, enfant, s'est lié d'amitié avec un enfant autiste. Un témoignage sur la différence, sur les amitiés qui jalonnent le cours de nos vies, se font et se défont, se perdent et se renient. »
Critique à lire ici
Une ombre qui glisse
Marco BERRETTONI CARRARA & Chiara CARRER (illustrations)
Éd. Atelier du poisson soluble, mars 2012 – 15€
Un texte plein de poésie et des images d’une grande subtilité pour un portrait tout en finesse d’une petite fille autiste qui glisse comme une ombre dans un un univers tantôt fleuri, tantôt vide. Sara est silence et bruit à la fois. Ombre et lumière.
Critique à lire ici
16/03/2014 | Lien permanent
FLORA ET ULYSSE Les lumineuses aventures
roman graphique
de Kate DiCAMILLO & K.G CAMPBELL
Traduit de l'américain par Mickey Gaboriaud, éd. Les Grandes Personnes, septembre 2014, 240 pages - 16,50€
Tout commence avec un aspirateur. Un aspirateur Ulysse Supersuccion tout-terrain 2000X pour être précis, cadeau de monsieur Tickham à Mme Tickham (qui aurait préféré elle lire tranquillement de la poésie...).
C'est la fin de l’après-midi et le jardin est l'endroit idéal pour tester cette nouvelle petite merveille. En effet, qui n'a pas rêvé de pouvoir aspirer l'extérieur de sa maison ?...Mais l'expérience tourne au désastre quand l'aspirateur avale un innocent écureuil qui n'aspire lui qu' à se remplir la panse. Heureusement pour le rongeur, Flora Belle Buckman la jeune voisine des Tickham, grande passionnée de super-héros et cynique de naissance assiste à la scène et ne va hésiter à porter les premiers soins au rongeur en danger. Et c'est ainsi que va naître une amitié improbable entre Flora et la victime de l'aspirateur qu'elle nommera Ulysse, un nom parfait pour un super-héros...
Car l'écureuil que Flora a héroïquement ramené à la vie n'est plus un rongeur ordinaire mais le détenteur quelque peu surpris de nouveaux supers pouvoirs . Ulysse comprend ce qu'on lui dit, il sait écrire et il est extraordinairement fort (pour un écureuil), mais surtout il a encore quelques talents bien cachés...Un nouveau super-héros est né, et il est prêt à défendre la veuve et l'orphelin, à lutter contre les éléments criminels et à rétablir la justice, bref à vivre de lumineuses aventures.
Un roman graphique au charme contagieux : difficile de rester indifférent à cet adorable duo qui va bien vite se trouver un ennemi en la personne de la mère de Flora, romancière à l'eau de rose assez caricaturale qui se révèle un "méchant" tout à fait acceptable ! De nombreuse épreuves seront nécessaires pour amener nos deux héros à en apprendre beaucoup sur eux-mêmes et à choisir de lutter pour ce en quoi ils croient : la poésie, l'amour, l'amitié et bien sûr les donuts géants...!
Nathalie Ventax (septembre 2014)
04/09/2014 | Lien permanent
Le Petit Homme et Dieu | album GENIAL de Kitty CROWTHER
Un jour que Petit Homme se promène, il avise une chose qui lui déclare être «Dieu». À la question de Petit Homme intrigué, il répond qu’il n’est pas «Le Dieu» mais un dieu parmi les très nombreux qui peuplent le ciel et les étoiles. Et les voilà partis ensemble pour une promenade en forêt et une discussion pleine de surprises où l’on découvre que Dieu ne sait pas faire les omelettes mais qu’il apprend très vite. Qu’il ne sait pas nager mais peut marcher sur l’eau et qu’il veut bien faire la vaisselle. Qu’il ne ressemble pas à un vieillard à longue barbe blanche, mais qu’il peut se transformer en plein de créatures et même ressembler au père de Petit Homme.
Après avoir partagé un repas et une baignade dans le lac, Dieu et Petit Homme se séparent, transformés l’un et l’autre par cette rencontre. Dieu retourne dans son monde où l’attend sa femme, Femme, auprès de qui il devient Homme (et à qui il cuisine une omelette).
Comment parler de cet extraordinaire album sans employer les grands mots, sans gâcher par le commentaire, la finesse, la subtilité, l’intelligence et la poésie de ce livre merveilleux?
Qu’il suffise de dire que Kitty Crowther réussit à parler d’un sentiment intime et universel à la fois qui s’incarne dans ce drôle de personnage chaleureux, curieux et bienveillant accompagnant son Petit Homme. Ce Dieu, c’est un peu le Rien de la petite Lila dans le merveilleux Moi et Rien (éd. Pastel, 2002). C’est celui de chacun et non celui de tous. C’est une présence, un sentiment, une question. C’est un dieu qui ne réclame pas de fidèles ni d’églises mais qui fait émerger des désirs, des attentes.
Il promène sa bonhommie dans l’univers si particulier et si poétique de Kitty Crowther, auréolé d’une lueur orange (comme d’ailleurs certains animaux et le Petit Homme à la fin de l’album) qui illumine les pages du livre avec une très humaine et très tendre impression de feutre fluorescent.
Kitty Crowther a reçu le Prix Baobab 2009 et le Prix Astrid Lindgren en 2010. S’il ne tenait qu’à nous… on lui redonnerait les deux (et d’autres encore) en 2011!
Ariane Tapinos
(novembre 2010)
21/11/2010 | Lien permanent
Quand nous aurons mangé la planète | album d'Alain SERRES & Silvia BONANNI
Éd. Rue du Monde | juin 2009 - 14€
Quand nous aurons mangé la planète est une variation sur l'adresse des Indiens Cree aux colons nord-américains: «Quand le dernier arbre aura été abattu et le dernier poisson pêché, alors vous vous rendrez compte que l'argent ne se mange pas». Les richesses environnementales que nous sommes désormais en mesure de détruire sont illustrées une par une (banquise, forêts, animaux) dans la première partie de l'ouvrage. Viennent ensuite les conséquences de cet usage inconsidéré: les êtres humains sont devenus des Midas, incapables de manger l'argent et l'or qui sont tout ce qui leur reste. La situation – traitée graphiquement de manière moins catastrophiste que dans le texte – est dépassée par la présence possible d'un enfant «aux poches remplies de graines de vie».
Silvia Bonanni tire parti de l'organisation thématique du propos pour construire des doubles pages dont chacune a sa couleur et son ambiance visuelle. Elle travaille avec le collage, qui lui permet de faire entrer dans l'album des objets bruts, éléments tantôt naturels, tantôt artificiels, sans logique apparente. Le feuillage d'un arbre peut être figuré avec un tissu ou la carte routière d'une campagne, tandis que les billes de bois sont faites de bois. Le résultat consiste en de grands tableaux sans relief et d'apparence naïve, qui donnent une impression d'étrangeté.
Le propos d'Alain Serres répond-il à l'ambition affichée en quatrième de couverture, à savoir écrire «une histoire qui donne envie aux enfants de faire tourner la planète un peu plus rond»? On a du mal à comprendre comment cet objet très beau, bâti autour d'un paradoxe exprimé avec une grande force, peut être aussi œuvre didactique. Ou bien il faudra l'accompagner, pour expliquer aux plus petits comment l'être humain peut menacer d'engloutir les dernières glaces de cette banquise où il ne figure pas. Et qui est ce «nous» mystérieux et culpabilisant qui mange ainsi la planète…
Aude Vidal (juillet 2009)
30/08/2009 | Lien permanent
Le Plus Gentil Loup du monde | album
Agnès de LESTRADE (texte) & Constanza BRAVO (ill.)
Éd. La Joie de Lire, novembre 2005
30 pages - 13,50 €
C’est un loup qui en a marre de manger des lapins et des taupes. Aujourd’hui, c’est décidé, il veut manger un enfant. Il se rend donc en ville et se jette sur une charmante petite fille bien dodue. Mais cette petite fille-là avait sans doute les oreilles bien grandes ouvertes le jour de l’exposé sur «la santé dans l’assiette»: voilà qu’elle se met à parler de protéines animales, de taux de cholestérol… Notre loup n’y comprend plus rien. Et c’est vrai qu’il se sent un peu patraque depuis quelques temps… Cette petite fille aurait-elle raison quand elle lui conseille de manger des légumes? Attiré par la perspective de manger la grand-mère en plus de l’enfant, notre loup se rend chez la fillette et découvre les artichauts à la crème et les champignons farcis au fromage. Un loup végétarien: c’est impossible! mais attention, ce loup-là n’est pas n’importe quel loup, c’est le plus gentil loup du monde!
Agnès de Lestrade signe ici un conte vitaminé et plein d’humour, une intrigue mitonnée aux petits oignons, pleine de bonne humeur et de légumes qui mettent l’eau à la bouche. Les illustrations de Constanza Bravo ajoutent ce qu’il faut de noirceur au texte. Sans vraiment faire peur, elle instillent de l’ambiguïté au récit: avant même que l’histoire ne commence, on se méfie un peu de ce loup qui enfile un masque souriant et des lunettes noires… Voilà une histoire agréable à lire, à regarder, bref, à savourer sans conditions!
Marie Buraud
(première publication de l'article: 13 février 2006)
28/01/2011 | Lien permanent
QU’EST-CE QU’ON DIT ? / QU’EST-CE QU’ON FAIT ?
deux albums
de Sesyle JOSLIN & Maurice SENDAK (illustrations)
Traduit de l’américain par Françoise Morvan
Éd. MeMo, novembre 2017 - 14€
Que dire, que faire, dans des circonstances aussi habituelles et délicates que de rencontrer un cow-boy très énervé, de dîner (de spaghettis) chez la reine, de heurter un crocodile dans la rue, de devoir aller sauver une princesse par une pluie battante ou suivre le shérif de Nottingham alors qu’on est plongé dans un bon bouquin ?
Rester poli et serviable en toutes circonstances et ne pas oublier d’enfiler ses bottes avant d’aller secourir la princesse qui prend l’eau.
Voici deux albums indispensables à tous les enfants bien élevés et forts utiles aux autres.
Rien à voir avec ces horribles livres qui veulent, sérieusement, apprendre aux enfants à bien se tenir (et qui rivalisent dans l’horreur avec ceux qui leur enjoignent de sauver la planète… à notre place), ici tout n’est que fantaisie, humour et poésie.
Depuis un peu plus d’un an, les éditions MeMo ont entrepris la publication d’albums de Maurice Sendak (il est l’auteur et l’illustrateur de certains d’entre eux et « seulement » l’illustrateur des autres) encore inédits en France et c’est chaque fois un régal ! Ces deux derniers albums sont parmi les meilleurs (s’il est possible d’en distinguer tant il est vrai que Maurice Sendak est toujours génial). Leur intelligence et leur ironie dénuée de méchanceté en font de véritable petits manuels de savoir-vivre à l’attention des enfants mais aussi de leurs parents qui ont, parfois, oublié, et c’est regrettable, les vraies règles de la vie en société.
Comme toujours, MeMo apporte à ses livres un soin extraordinaire qui en fait des objets uniques et précieux. On se prend à rêver de revoir nos classiques préférés de Maurice Sendak, édité avec tant de délicatesse.
Ariane Tapinos (décembre 2017)
A lire sur notre blog, la critique de l'inégalé et inégalable Max et les Maximonstres de Maurice Sendak
29/12/2017 | Lien permanent
Comptines de miel et de pistache | livre-CD collectage de Nathalie SOUSSANA, réalisation musicale Jean-Christophe HOARAU
29 comptines arméniennes, grecques, kurdes et turques
Éd. Didier Jeunesse, coll. Comptines du monde | sept. 2009 - 23,50€
Dixième volume de cette extraordinaire collection qui donne à entendre – et à comprendre – des musiques, berceuses, comptines et chants populaires du monde, ces Comptines de miel et de pistache sont une savoureuse réussite. Nathalie Soussana a recueilli (on dit «collecté») 29 chansons des traditions d’Asie Mineure et de Grèce. Selon le principes maintenant connu de la collection, chacune des berceuses ou comptines est chantée dans sa langue d’origine – arménien, grec, kurde ou turc – par des adultes ou des enfants. Leur texte est proposé dans sa langue (et son alphabet) mais aussi dans une traduction française et une transposition phonétique. Enfin, chaque chanson fait l’objet d’un passionnant commentaire à la fin de l’ouvrage. Commentaire qui, comme l’introduction de Nathalie Soussana, replace ces musiques dans leurs contextes historique et culturel et fait, parfois, le lien avec nos comptines et chansons pour enfants.
Si ces Comptines de miel et de pistache sont si belles c’est, bien sur, parce que cette musique orientale aux accents balkaniques est un délicieux plaisir pour l’auditeur, enfant ou adulte, mais aussi parce que le fait même d’avoir rassemblé ici ces quatre langues et cultures est une audacieuse réussite. Ceux qui connaissent cette région du monde savent que l’histoire des Arméniens, Kurdes, Grecs et Turcs a longtemps été liée, pour le meilleur et pour le pire, au sein de l’immense Empire Ottoman. De cette proximité sont nées des pratiques culturelles proches: musique, cuisine… et ce n’est pas un hasard si le titre même de ce livre met l’eau à la bouche.
Et puis, il faut dire un mot des illustrations de Delphine Jacquot. On avait déjà remarqué son travail dans ses précédents albums (Le Cavalier bleu, éd. Thierry Magnier 2007, La Ceinture de feu, éd. Gautier-Languereau 2007, Pompom ou celui qui voulait sécher la mer avec une éponge, éd. Mango 2008, Les Tortues de Bolilanga, éd. Thierry Magnier 2009…) et son goût pour les imprimés, les rouges profonds, les camaïeux de bleus… Son talent trouve ici matière à s’exprimer mieux encore et ses illustrations donnent corps à ce mélange de cultures. Delphine Jacquot saisit ce qui rassemble les peuples d’Asie Mineure, au travers des costumes, des visages de femmes au regard profond, des paysages où se distinguent minarets et coupoles d’églises. Son dessin est d’un raffinement extrême. Il s’en dégage ce goût qui mêle la douceur du miel au piquant de la cannelle et qui fait la saveur des cuisines du Levant.
Ariane Tapinos (décembre 2009)
10/12/2009 | Lien permanent