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20/03/2011

Notes de Hiroshima | essai de Kenzaburô Ôé

Notes de Hiroshima.gifTraduit du japonais par Dominique Palmé
Éd. Gallimard, coll. Arcades
[1965] septembre 1996, 230 pp. 13,72 €

Prix Nobel de littérature en 1994, Kenzaburô Oé n’est encore qu’un jeune romancier de vingt-huit ans quand il entreprend en 1963 ces Notes de Hiroshima. Promis à une belle carrière (ses premiers écrits, notamment Gibier d’élevage, ont rencontré le succès), il n’imagine pas alors à quel point ses voyages à Hiroshima seront déterminants pour son avenir et sa façon de concevoir l’écriture, le rôle de l’écrivain, la dignité humaine et la vie tout simplement. Alors qu’aujourd’hui les malheurs, les guerres et les morts se succèdent dans les médias de manière presque «anodine» (sans conséquences sur notre intimité), ce livre fait d’humilité, de compassion et d’immersion de l’écrivain dans le vécu et la parole des victimes est bouleversant.


Écrits à l’origine pour un journal japonais, ces reportages sont un précieux témoignage sur la perception des bombardements atomiques et de leurs survivants (les hibakusha) vingt ans après. Sans écrire un documentaire (Ôé assume pleinement sa subjectivité), l’auteur délivre des informations essentielles sur les souffrances physiques et psychologiques endurées par les rescapés. Souffrances qui débutèrent dans le silence: le Code de la presse instauré en 1945 par MacArthur imposait un embargo sur la parole des victimes et jusqu’en 1952 la censure interdit toute évocation des bombardements par l’écrit, l’image ou la parole. Ceci n’étant que l’un des aspects les plus frappants d’une ségrégation (renvoi dans les marges misérables de la société) vécue et assumée dans la honte. L’ironie (?) de cette époque étant que ces mêmes victimes furent très rapidement instrumentalisées par les différents mouvements pour la paix et l’abolition des bombes A et H. Face à l’enlisement des mouvement pacifistes «officiels» et à l’indifférence feinte du gouvernement japonais, Ôé dresse un parallèle cinglant avec les batailles menées au jour le jour, à Hiroshima même, par quelques hommes et femmes d’exception, engagés aux côtés des hibakusha et souvent eux-mêmes irradiés.

Cet essai, achevé en 1965, a été réédité en 1995 à l’occasion du cinquantenaire des événements. À cette occasion, Ôé y adjoignit une magnifique préface qui est toujours d’une brûlante actualité. Ce n’est évidemment pas un texte «jeunesse». Il peut néanmoins concerner (interpeller) les adolescents contemporains qui grandissent dans une société où la terreur nucléaire a été étonnamment euphémisée…

Corinne Chiaradia

(première publication de l'article: juillet 2005)

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