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20/03/2011

L’Enfant d’Hiroshima | roman de Isoko et Ichirô HATANO

Enfant d'Hiroshima.gifIllustrations de Joan Schatzberg (int.) et Keleck (couv.)
Traduit du japonais par Seiichi Motono
Préface d’Odette Georges Brunschwig
Éd. Gallimard jeunesse, coll. Folio junior
[1959] janvier 2010, 189 pages – 6,10 €

 L’Enfant d’Hiroshima est un magnifique dialogue entre un enfant (adolescent) et sa mère, un dialogue par lettres et journal interposés, qui s’étend sur une période de près de cinq ans. Cet échange a réellement eu lieu, de 1944 à 1948, entre le jeune Ichirô, étudiant à Tokyo et sa mère, Isoko, réfugiée à la campagne avec son mari et ses plus jeunes enfants. Ichirô n’est pas «né» à Hiroshima (contrairement à ce que le titre pourrait laisser entendre, il est plutôt un gosse de Tokyo, d’une famille d’intellectuels), mais ses interrogations, ses désirs, ses joies et ses peines sont sans doute représentatives d’une génération de Japonais qui a grandi avec la guerre et la Bombe, entrant dans l’âge adulte à l’ère «post-nucléaire» (il a dix-huit ans en 1948).
Composé au trois quarts par les lettres d’Ichirô à sa mère et pour le reste par les réponses de cette dernière à son fils si pressant, L’Enfant d’Hiroshima est ainsi un poignant témoignage du quotidien d’un adolescent japonais pendant les deux dernières années de la guerre, années de disette, d’humiliations, d’incertitudes, de craintes perpétuelles des bombardements.


Projeté dans la tourmente des événements, Ichirô n’en reste pas moins un enfant et s’il interroge sa mère sur l’issue possible de la guerre, sur la propagande, l’attitude par rapport à l’armée ou à l’empereur, ses préoccupations principales sont centrées sur son univers intime: travailler à l’école, avoir des patins à glace ou un nouveau manteau, nourrir en cachette un poussin, se faire des amis et s’inventer un «après»… Très profondément attaché à sa mère («Faites rage, lame et vent du monde impur, moi j’avance dans la vie aux côtés de ma mère»), Ichirô nous surprend par sa manière à la fois respectueuse et très directe de s’adresser à elle: il n’hésite pas à l’apostropher, la réprimander, la critiquer… Bref c’est un enfant très exigeant!

Les réponses d’Isoko sont concises, précises et elles aussi portées par un amour et une confiance inébranlables en son remuant rejeton. Car cette mère n’est pas ordinaire. Diplômée d’université avant la guerre, elle a dû tout abandonner de ses ambitions pour protéger et nourrir ses quatre enfants et son mari, lui-même intellectuel non-conformiste, contraint au silence jusqu’à la chute de l’empire. Patiemment, Isoko tente d’expliquer ses choix à son fils. Avec beaucoup de tact (jamais elle ne le rabaisse, le laissant toujours libre de choisir lui aussi), elle lui livre petit à petit les clés de son comportement et tout le prix de la liberté de pensée. Elle accepte aussi la critique et n’aura plus de complexe à «profiter» de la vie après la guerre: sur les conseils de son fils, Isoko s’autorisera à aller au cinéma et à exprimer publiquement ses opinions…

Corinne Chiaradia
(première publication: juillet 2005)

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