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Le Taureau bleu | album conte de Coline PROMEYRAT, illustré par Martine BOURRE

taureau bleu.gifÉd. Didier jeunesse, coll. Escampette | mai 2009 | 12,50€

Dans cet album dédié à Jean Markale, Coline Promeyrat perpétue la tradition en nous transmettant un récit du patrimoine du Morbihan avec ses propres mots de conteuse.

La petite Yzole, maltraitée par sa marâtre, est sous la protection de son animal nourricier, le taureau bleu. Celui-ci doit être conduit à la boucherie. Yzole s'enfuit avec lui. Au cours de leur périple, véritable parcours initiatique, ils franchiront ensemble différentes épreuves…

Le récit, jalonné d’éléments appartenant à l’universalité des contes, se termine par une magnifique page de clôture, d’une grande sobriété, qui invite à la méditation. Les illustrations déroulent l’histoire et lui donnent sa pleine dimension. Le cadre quotidien, calme et champêtre des premières pages laisse place à une profusion de couleurs, de mouvements, de richesses graphiques qui, harmonieusement combinées, explosent de vitalité.

Un grand bonheur de lecture: plaisir des mots, des images.
Un bel album à partager par tous.

Josuan (juillet 2009)

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10/07/2009 | Lien permanent

Yancuic le valeureux | album de Fabrice NICOLINO (texte) & Florent SILLORAY (ill.)

yancuic.gifÉd. Sarbacane, 2e trimestre 2007
66 pages - 15,90 €

Fabrice Nicolino, dont on connaît les ouvrages les plus récents sur les pesticides ou les agro-carburants (1), investit le domaine de la fiction pour faire passer ses préoccupations écologistes. Son héros, Yancuic, est un jeune garçon qui vit dans la forêt amazonienne au moment où les premiers hommes blancs pénètrent le continent sud-américain. L’histoire ne se joue pas autour de cette rencontre, mais autour d’un défi, dont l’enjeu est Sarilou, un petit singe dont Yancuic a su gagner l’amitié. Le défi perdu, Sarilou devient la propriété d’un autre enfant, cruel et violent, qui le laisse mourir, jusqu’à ce que…

Le récit des malheurs du petit singe est touchant, et peut nous engager à nous demander si nous éprouvons de l’empathie pour l’animal, ou pour l’enfant qui l’aime; quels devoirs nous avons envers les animaux. L’interrogation de notre rapport à la nature est subtile, étroitement mêlée à la fiction et jamais prise en charge explicitement par l’auteur. Plutôt qu’à un formatage des futurs éco-citoyens, ce genre d’ouvrage participe à la formation culturelle et sensible d’une génération ouverte sur les questions d’écologie.

Aude Vidal
(première
publication de l'article: 20 octobre 2008)

(1) Pesticides: Révélations sur un scandale français, avec François Veillerette, éd. Fayard, 2007; La Faim, la bagnole, le blé et nous: une dénonciation des biocarburants, éd. Fayard, 2007.


PS À consulter également: le point de vue de Mireille Penaud sur Yancuic le valeureux, publié dans la Vitrine de l’été 2007 de Comptines & compagnie et reproduit ici.

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30/08/2009 | Lien permanent

Yancuic le valeureux | album de Fabrice NICOLINO (texte) & Florent SILLORAY (ill.)

yancuic.gifÉd. Sarbacane, 2e trimestre 2007
66 pages - 15,90€

Yancuic, petit indien d’Amazonie, vient d’avoir dix ans, l’âge d’apprendre à pêcher le «poisson des trous». Il est orphelin: c’est son grand-père qui va l’initier, avec sagesse et une grande tendresse qui n’exclut pas une certaine dureté… Les enfants indiens doivent apprendre par eux-mêmes à survivre dans une nature splendide mais hostile. L’enjeu de cette expérience est dramatique pour Yancuic: s’il réussit il sera enfin considéré comme un grand, mais s’il échoue il perdra aussi son ami Sarilou, le petit singe apprivoisé qui est comme un frère pour lui. Car il a eu la bêtise de faire un pari avec Patzcu, un garçon brutal et jaloux: s’il ne capture pas un poisson des trous dès son premier jour de pêche, il devra donner son singe à Patzcu! Yancuic est courageux et intelligent, il connaît les dangers et les secrets de la rivière: quoique chétif et un peu rêveur, il peut gagner. Mais au cours de la pêche, un poisson-serpent le mord et l’empoisonne… Patzcu s’empare alors du singe. Yancuic, entre la vie et la mort, souffre de sa blessure, et encore plus de voir Sarilou maltraité par son nouveau maître. Pour sauver son ami singe, il tente un exploit: à peine guéri, il va pêcher tout seul à la Grande- Rivière. Et là, miracle, il aperçoit une troupe de dieux magnifiques, armés et casqués d’argent, peau blanche et cheveux jaunes…

L’aventure est prenante, imprégnée des antiques contes et croyances de ce monde indien encore isolé, préservé des certitudes de l’homme blanc. Les images peignent un éden verdoyant, plein de fraîcheur et d’une grande beauté. L’histoire a une issue heureuse pour le petit indien, mais le lecteur d’aujourd’hui contemple avec mélancolie ce monde qui avance, sans le savoir, vers une fin toute proche.

Mireille Penaud
(première publication de l'article: juillet 2007)

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30/08/2009 | Lien permanent

Les Esclavages, du XVIe siècle à nos jours | documentaire de Christophe WARGNY

2-7467-1180-8.jpgÉd. Autrement, coll. Junior Histoire n° 27 | novembre 2008, 64 pp. | 11 €

Ce documentaire retrace quatre siècle d’une histoire criminelle, celle du développement de la traite négrière et de l’esclavage consécutif à la « découverte » du Nouveau Monde par les Occidentaux. Il détaille les fondements économiques de l’asservissement, qui permit à quelques Nations de prospérer en déniant à leur main d’œuvre la qualité d’êtres humains. Il s’attache aussi à l’histoire des abolitions - notamment à travers un portrait de Toussaint Louverture – et se conclut sur les luttes contemporaines contre les servitudes et l’esclavage moderne.

Si un chapitre seulement est centré sur les spécificités nord-américaines (« Le sud des États-Unis, une société esclavagiste »), alors que plusieurs s’attachent – avec beaucoup de pertinence – au cas des Antilles françaises, la lecture de l’ouvrage dans son entier dresse une perspective historique indispensable à la compréhension du phénomène.

Clair et argumenté, ce livre a toutes les qualités de la collection dirigée par Philippe Godard. Un regret toutefois, pourquoi désigner l'Afrique comme la «mère de l'esclavage» (c'est le titre du deuxième chapitre) ? Une dénomination malheureuse que vient pourtant contredire la première phrase de l'ouvrage : «Aussi loin que remonte l’Histoire, il y eut des esclavages»…

Corinne Chiaradia (janv. 2009)

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14/01/2009 | Lien permanent

collection «Le Journal de l'Histoire» | documentaire

9782745930811.jpgCollection dirigée par Dimitri CASALI | éd. Milan jeunesse, sept. 2008 | 13,50€
Les Romains : Antoine AUGER, ill. Nathalie DESFORGES | Le Moyen-Âge : Céline BATHIAS, ill. Emilie HAREL

Une nouvelle collection de documentaires historiques qui ose... l’anachronisme ! Dans une réjouissante concordance des temps, leurs auteurs racontent les romains et le Moyen-Âge, à la manière des journaux d’informations quotidiens (rapportés à une année) : reportages, interviewes, mais aussi encarts publicitaires, tout est prétexte à donner des informations sur le sujet traité.

Dans l’édition de l’an 753 AVJ.-C. de La Louve libérée (au prix modique de 0,5 sesterces), on trouve une petite annonce «Romains cherchent jeunes femmes» qui fait référence à l’enlèvement des Sabines et, en Une, l’événement marquant de cette année-là : «Romulus tue son frère Remus». Dans celle de L’Empire de 285 après J.-C. (2,5 sesterces), une publicité vante les mérites de l’agence Cave Canem : «Peur des barbares ? Faites-vous construire un domaine fortifié à la campagne. Hauts murs, milices de protection et chiens de garde pour une sécurité optimale. Devis gratuit.» L’anachronisme est surtout présent dans le rapport textes-images, mais c’est ce qui rend la lecture encore plus savoureuse, comme celle de la Une de La Nouvelle République, en l’an 30 AV J.C. qui titre : «LES DEUX AMANTS SE SONT SUICIDÉS. Après Marc-Antoine, Cléopâtre se suicide d9782745930842.jpgans son palais d’Alexandrie, en Egypte. Retour sur une grande passion...» au-dessus d’une photo de Richard Burton et Elisabeth Taylor, dans le film de Manckiewicz...

La même fantaisie pédagogique est présente dans le volume sur le Moyen-âge où l'on regrettera cependant l’absence totale de l’année 1453 (et de la chute de Constantinople), évanouie entre Jeanne D’Arc (1429) et la découverte de l’Amérique (1492) par Christophe Colomb.

Entièrement écrits au présent, ces drôles de documentaires rendent l’Histoire très accessible et très actuelle. Ils mêlent avec succès événements majeurs et histoire culturelle. Le tout avec une bonne dose d’humour !

Ariane Tapinos (janv. 2009)

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12/01/2009 | Lien permanent

Mary Jolie fille du Mississipi | album de Muriel BLOCH & Tom SCHAMP

arton440.pngÉd. Seuil jeunesse, sept. 2004 - 13 €

Mary Jolie vit en Louisiane. C’est une belle jeune femme et une forte tête. Aucun homme – et les prétendants sont nombreux – ne trouve grâce à ses yeux. Jusqu’au jour où arrive un bel inconnu qui a «la beauté du diable». Justement, Mary va vite découvrir que c’est du diable qu’il s’agit. Mais Mary est trop indépendante pour se laisser enfermer par un mari, aussi diabolique soit-il. Aidée de sa belle mère – avoir le diable pour fils n’est pas plus heureux que de l’avoir pour mari – elle va briser ses chaînes et retourner à La Nouvelle-Orléans. De sa fuite naîtra le fleuve Mississippi et le diable ira chanter sa peine du côté de Bourbon Street...

Récit des origines et conte traditionnel, cet album est un petit bijou ! Le texte de Muriel Bloch a la saveur gourmande de la cuisine cajun et le rythme chaloupé du blues de La Nouvelle-Orléans. Les illustrations de Tom Schamp évoquent les œuvres des peintres mexicains Diego Rivera et Frida Kahlo (pour les couleurs et l’utilisation des symboles dans l’image).

Ariane Tapinos (octobre 2004)

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20/01/2009 | Lien permanent

Lalita | album de Jocelyne SAUVARD, illustré par Anne-Laure WITSCHGER

9782732039299.jpgÉd. Le Sorbier | février 2009 - 13,50 €

Aujourd’hui est un grand jour : c’est la rentrée des classes, mais pour Lalita c’est surtout le jour où elle va avoir un petit frère ! Enfin un garçon dans cette famille de trois filles… C’est grand-mère qui va être contente, elle qui fait la tête depuis la naissance de Lalita, la cadette de la famille. Et puis papa aussi, qui pourra jouer au foot avec le petit Raja, qui sera un «fameux gardien de but» c’est sûr. Alors cette première journée d’école a le goût de l’attente et du secret, vite éventé. Ce n’est pas rien l’arrivée d’un garçon dans une famille indienne…

Après l’école, Lalita prend le bus et, sous une pluie de mousson qui persiste depuis le début de la journée, elle se rend à l’hôpital, impatiente de rencontrer ce petit frère tant attendu. Dans la chambre ses parents sont là et un bébé aussi, avec ses petites mains «posées sagement des deux côtés de la tête». Grand-mère n’est pas là… Et le bébé s’appelle Asharya… ce qui veut dire «surprise». C’est une jolie petite fille. Une petite princesse qui fait déjà la fierté de ses parents.

Dans ce texte subtil, on comprend que c’est la grand-mère, gardienne des traditions et des conformismes aussi, qui supporte mal cette fratrie de filles, et c’est vis-à-vis d’elle et de ce qu’elle représente que les parents de Lalita sont ennuyés. Mais la pluie s’est arrêtée d’un coup ce qui «est toujours signe de bonheur» et Lalita s’imagine déjà former une équipe avec ses sœurs, une équipe qui, c’est sûr, «marquera des buts».
Une jolie manière d’évoquer le poids des traditions mais aussi l’évolution des mentalités dans une Inde moderne, superbement représentée par les illustrations très colorées d’Anne-Laure Witschger.

Ariane Tapinos (avril 2009)

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06/04/2009 | Lien permanent

Brooklyn Baby | album de Marylin SINGER, illustré par Carll CNEUT

brooklyn baby.jpgTraduit de l’anglais par les éditions La Joie de lire
Éd. La Joie de lire | nov. 2008 - 15 €

Un bébé dort dans une poussette. Mais comment fait-il ce bébé pour dormir au milieu des bruits de la ville ? 10 klaxons tonitruant, 9 portables «agaçant», 8 chiens aboyant… et aussi des poubelles qui s’entrechoquent, des taxis dont les portes claquent, des basketteurs qui font rebondir leur ballon, des bus, des motos et… «soudain 1 oiseau qui commence à chanter… et voilà bébé qui se réveille !»

Ce superbe album à compter, ou à décompter, est une réjouissante immersion dans la ville, ses bruits nombreux et variés. Ses couleurs aussi, ici à dominante de tons orangés comme les briques des brownstones de New York et de Brooklyn surtout. C’est aussi un livre-jeu dans les pages duquel on peut retrouver, au milieu de l’enchevêtrement des objets et des gens, 8 chiens, 9 téléphones, 4 basketteurs…
C’est Carll Cneut dans son mode de plus souriant qui réalise ces très belles images de la ville trépidante et accueillante. La couverture est particulièrement réussie : une vue de New York stylisée et dominée par la silhouette du Chrysler Building qui brille, vêtu de gris, au milieu des couleurs de la ville.

Ariane Tapinos (avril 2009)

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06/04/2009 | Lien permanent

Les machos expliqués à mon frère - Interview de Clémentine Autain

Autain.C©Ph. Matsas-Opale3_1.jpgOn n'a pas tous les jours l'occasion de se féliciter de la parution d'un livre féministe, et encore moins d'un livre qui explique le féminisme aux plus jeunes. Alors quand le livre de Clémentine Autain est arrivé à la librairie, en ce début d'année scolaire, il a trouvé une place de choix à Comptines et il a été évident, tout de suite, qu'il serait l'objet de cette chronique.  Personnalité atypique du monde politique français (femme, féministe, jeune... Enfin, je ne sais pas jusqu'à quand on est "jeune", mais en France et en politique, c'est sans doute au moins jusqu'à la cinquantaine), Clémentine Autain a toujours déployé son engagement féministe entre l'action politique et le travail de réflexion. Son livre, Les machos expliqués à mon frère est au cœur de ces deux méthodes : une réflexion sur le féminisme, son histoire et son actualité, et une action en direction des plus jeunes, parce qu'il n'y a pas de pente naturelle vers l'égalité, mais un combat quotidien qui passe aussi par l'éducation.

Ariane Tapinos : - Pourquoi ce titre ? Est-ce que le livre ne devrait pas plutôt s'appeler "le sexisme expliqué à ...", voire "le féminisme" ... ? J'imagine que c'est un choix de l'éditeur ? Est-ce que c'est parce que "sexisme" et "féminisme" sont un peu des gros mots dans le langage courant médiatique ? Je me rappelle d'interminables réunions au MFPF pour savoir ce qu'il fallait faire de l'emploi du mot "féminisme"... Et il y a toutes ces femmes qui disent "je ne suis pas féministe, mais...". Je sais par ailleurs que Geneviève Fraisse a eu le plus grand mal à garder son titre Le mélange des sexes, pour son ouvrage chez Gallimard Jeunesse, parce que "sexe"...

Clémentine Autain : - En effet, j'avais proposé "le féminisme expliqué à..." Le titre final fut induit par l'éditrice. Pas parce que "féminisme" ou "sexisme" sont des gros mots mais parce qu'ils ne sont pas très populaires - et donc peu vendeurs. Les livres sur les femmes ne font généralement pas recettes, les éditeurs le savent... "Les machos" présentait l'avantage de s'adresser à tout le monde, plus largement. C'était aussi sans doute plus drôle et peut-être moins moralisateur. Mais les questions d'Alban, mon frère, ont globalement trait aux sexisme et à l'histoire de l'émancipation des femmes. Et tout au long du livre, je revendique haut et fort le terme de féminisme.

couv machos_1.jpg- Dans l'échange avec Alban, vous vous étonnez (faussement, j'imagine !?), de sa méconnaissance de l'Histoire des femmes (ou plutôt de la part des femmes dans l'Histoire). Est-ce que cette transmission-là n'est pas l'un des enjeux les plus importants, et les plus malmenés, du féminisme contemporain ? Je dis "malmené" , parce qu'il me semble que les femmes (et les féministes) participent souvent de cette réécriture de l'Histoire qui les nie et les ridiculise. Au lieu de faire l'éloge de l'humour qui a caractérisé les actions du féminisme dans les années 70, on ne retient que les sous-tifs brûlés... Comment faire cet effort de transmission auprès des jeunes générations ? 

- L'enjeu de la transmission est fondamental. C'est compliqué parce que ça touche à l'intime, à l'identité, à la sexualité, au quotidien. Mais c'est l'une des raisons de ce livre. L'Histoire des femmes est récente en France. Elle manque de reconnaissance et de moyens. Les manuels scolaires racontent l'histoire des grands Hommes. Quant au féminisme, il est plus qu'absent : invisible. J'étais très étonnée  qu'Alban n'ait jamais entendu parler d'Olympe de Gouges. Il ne connaissait comme féministe que Simone de Beauvoir. C'est inquiétant...

- Parfois, et parce qu'on a notre réputation à Comptines (!), un client entre (enfin, plus souvent une cliente) et nous dit "je cherche des livres non sexistes"... Comme s'ils l'étaient tous (sexistes) et qu'il fallait donc débusquer les quelques-uns acceptables ! Faut-il en retour traquer les clichés sexistes ?
- La chasse aux jouets et livres les plus sexistes est une bonne méthode si elle ne confine pas à des règles trop strictes potentiellement contre-productives. L'explication dès le plus jeune âge des enjeux liés à l'identité sexuée et sexuelle et le décryptage des objets et histoires sexistes valent sans doute mieux que l'interdiction et la moralisation à tout bout de champ. Mais si nous ne prenons pas garde à construire des univers de jeux et de livres mixtes, les catégories imposées vont vite s'inviter partout. Et je ne dis pas que c'est simple !

- Pour en venir au cœur de votre livre :  Vous y dressez une sorte d'état de la condition des femmes dans le monde et en France.  Pouvez-vous revenir un peu sur cet aspect des choses... Et sur "l'ethnicisation" rampante d'un certain féminisme français, qui tend à populariser l'idée que la discrimination ne concerne plus que les banlieues et les populations d'origine maghrébines. 

- Je tiens énormément à l'idée que le sexisme se développe dans tous les milieux sociaux. Et ce, pour deux raisons.  D'abord, dans mon propre espace politique, certains continuent de penser que tous les combats sont solubles dans l'anticapitalisme. Autrement dit, quand la lutte des classes aura porté ses fruits, tout le reste viendra. L'intellectuel slovène Salvoj Zizek, très en vogue chez les jeunes intellos de la gauche radicale, estime que le féminisme détourne des combats importants et qu'il est même dangereux car l'égalité hommes/femmes peut être récupérée par le capitalisme. Dire que le féminisme transcende les problématiques de classes est dès lors assez fondamental ! Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas d'articulation à rechercher entre les combats émancipateurs (féminisme et marxisme) mais que le féminisme n'est pas soluble dans la lutte des classes. Dit autrement, si les inégalités sociales disparaissaient, le patriarcat pourrait continuer à vivre.  Ensuite, la dernière période a vu l'émergence d'un nouvel ennemi principal : le garçon arabo-musulman, devenu responsable du sexisme en France. Comme s'il n'y en avait plus ailleurs qu'en banlieue. Comme si les cadres blancs bien de chez nous ne comptaient plus de machistes. Des mouvements, comme Ni Putes Ni Soumises, ont contribué à ériger cette figure, avec le soutien et la bienveillance de nombreux médias, intellectuels ou politiques, qui ont trouvé là une manière de dédouanner d'autres espaces de discriminations sexistes. Il y a évidemment un complexe de supériorité culturel qui se cache dans le stéréotype du jeune garçon arabo-musulman des quartiers. Ceci dit, de nombreux sociologues ont montré combien le sentiment d'humiliation et de relégation de ces jeunes garçons pouvaient conduire à des comportements virils, qui permettent une réassurance narcissique.

- Vous abordez la question des violences faites aux femmes. Cette question, outre qu'elle fonde, en partie, votre engagement féministe, est sans doute l'une des plus importante qui soit, et ce dès l'adolescence (pour ne pas parler d'avant...). Comment percevez-vous les violences sexistes à cet âge et aujourd'hui ? Augmentation ? Banalisation ?

- Je ne crois pas à la banalisation des violences sexistes. Y a-t-il chez les adolescents une recrudescence ? Je préfère laisser le diagnostic aux spécialistes. Mais, depuis les années 1970, la prise en compte du viol, de la prostitution, des violences conjugales, du harcèlement, etc. est de plus en forte, on ne saurait le nier. Cela doit porter ses fruits. La hausse des plaintes est sans doute un indicateur que les langues peuvent se délier. Mais nous sommes très très loin du compte. Le tabou reste extrêmement fort, la honte continue de peser sur les femmes. Par ailleurs, les moyens et la volonté politique manquent cruellement pour informer, sensibiliser, prévenir ces violences. Au fond, ces violences commencent à peine à sortir de la sphère privée...


Pour poursuivre la discussion, il faut vous précipiter sur Les machos expliqués à mon frère, une lecture pleine d'humour et d'intelligence, qui s'adresse autant aux adolescents qu'à leurs parents. Et, un bonheur n'arrivant pas toujours seul, on ne peut manquer de signaler, ici, la parution, aux éditions Actes Sud Junior, dans l'excellente collection Ceux qui ont dit non, d'un livre sur le combat de Simone Veil contre les avortements clandestins (Simone Veil,  "Non aux avortements clandestins", de Maria Poblete, à paraître en mars 2009). Une manière à peine détournée de parler de son combat POUR le droit à l'interruption volontaire de grossesse. Finalement, outre Il n'y a pas si longtemps, publié aux éditions Sarbacane, et Le droit de choisir : l'IVG en France et dans le monde, aux éditions Syros Jeunesse, on n'a pas vu ce sujet souvent abordé en littérature jeunesse sous l'angle de la conquête d'une liberté.


Propos recueillis par Ariane Tapinos


Les machos expliqués à mon frère aux éditions du Seuil, dans la collection Explique-moi, octobre 2008, 112 pages, 7€
Photo : Clémentine Autain ©Ph. Matsas



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08/03/2009 | Lien permanent

Voyage à Birmingham 1963 | roman de Christopher Paul CURTIS

31787.gifTraduit de l’américain par Frédérique Pressmann | éd. L'École des Loisirs, coll. Médium, 1997 | 224 pp. - 8,80 €

Dans la famille Watson, il y a la mère Wilona, originaire d’Alabama et qui a tout le temps froid (il faut préciser que les Watson vivent à Flint, dans le Michigan, tout au nord des États-Unis), le père Daniel à l’humour bien trempé, le fils aîné, Byron «officiellement (...) jeune délinquant» depuis qu’il a atteint l’âge de treize ans, Kenny, le cadet, dont le cerveau fonctionne à toute vitesse et Joetta, la petite dernière.À eux tous, ils forment «la famille bizarre», drôle et fantasque. Et vu par les yeux (qui louchent) de Kenny, le monde des Watson est plein d’aventures et de fantaisie. La vie est rude (et parfois très, très froide) mais avec un peu d’humour, elle est surtout faite de tendresse partagée. Et puis, au Nord, les Noirs ne subissent ni la ségrégation, ni les violences du Ku Kux Klan. Alors ce voyage vers Birmingham et sa moiteur étouffante des derniers jours d’été, sera aussi celui de la découverte d’une autre réalité. Celle qui explosera dans une église baptise de Birmingham, le 15 septembre 1963, faisant quatre victimes - des adolescents - et de nombreux blessés.

Rien de macabre dans ce merveilleux roman. Au contraire, la vie qui déborde et qui avance dans le chaos du monde. Une famille traversée par l’histoire de la lutte pour les droits civiques, comme elle traverse elle-même les États-Unis du Nord au Sud. Avec une très grande finesse, Christopher Paul Curtis raconte aux plus jeunes la vie d’une famille noire-américaine au cœur des années 60 et, à travers le quotidien, leur parle de l’histoire de son pays.

Ariane Tapinos (janv. 2009)

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14/01/2009 | Lien permanent

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