Rechercher : Comme un poisson dans l'eau
L'INVENTION DES PARENTS
Roman pour les plus jeunes d’Agnès de LESTRADE
Illustré par Lucie ALBON
Éd. Du Rouergue, coll. Zig-Zag
Mai 2012, 63 pp. – 6,30€
Aimée vit dans un foyer. Elle n’a pas de parents. Elle a été trouvée, âgée de quatre jours, abandonnée dans le hall d’un immeuble, avec un mot indiquant son nom : Aimée. Certes, comme elle le dit « j’aurai préféré qu’ils m’appellent Georgette et qu’ils me gardent avec eux » mais, pour autant, sa vie au foyer se passe plutôt bien. Elle partage sa chambre avec deux filles, Amina et Shirley, qui sont comme ses sœurs (de celles qu’on se choisit et non que la vie vous impose) et les « éducs » sont un peu comme des parents. Mais Aimée a un secret : dans sa poche, elle cache une petite figurine de papier qu’elle s’est fabriquée et qui est… sa maman. Une maman qui la suit et la protège partout. Même à l’école où les autres mamans ne vont pas. Et pour ne pas dévoiler son secret, Aimée va devoir s’inventer un amoureux. Seulement lui, n’est pas fait de papier…
On a tout dit ou presque sur le talent d’Agnès de Lestrade. Elle écrit à foison et continue de nous surprendre, de nous émouvoir, avec ses histoires mi drôles mi tristes. Sa manière bien à elle de raconter la vie comme elle est, pas marrante pour tous, plus dure pour certains, mais ouverte sur plein de possibles. Aimée est tout ça à la fois : un peu triste, souvent heureuse et surtout, pleine de ressources ! Aimée est un peu comme Agnès de Lestrade, elle nous fait aimer la vie et c’est une belle affaire que de dire aux enfants que la vie est chienne et belle à la fois.
Ariane Tapinos (juin 2012)
02/07/2012 | Lien permanent
AU COCHON D’ÉMILE
Album de Stéphane HENRICH
Éd. Kaléidoscope, mars 2012
13,50 €
Émile est boucher charcutier. «Il aime son métier» et a une clientèle fidèle qui se presse dans sa boutique pour acheter «viande fondante» et spécialités charcutières. Un jour qu’Émile revient du marché, un cochon de lait, caché entre les carcasses de viande, s’échappe de sa camionnette et lui saute dans les bras. Mais un boucher digne de sa profession ne sympathise pas avec un cochon, il en fait des filets et autres saucissons. Alors, Émile essaie de tuer le cochon. Seulement, préparer la viande et tuer la bête sont deux choses bien différentes et Émile, n’arrivant pas à abattre l’animal, décide de l’abandonner loin du village. C’est sans compter sur le flair et la fidélité du porcelet qui retrouve, tout seul, le chemin de la boucherie et oblige Émile à l’adopter.
Voilà donc le joli petit cochon rose qui trône à côté de la caisse jusqu'à ce qu'un jour, la pauvre bête découvre ses congénères dans la pièce froide, telles les victimes de Barbe Bleue. L'animal s’enfuit à toutes pattes. Émile est très malheureux et les habitants du village se rassemblent pour organiser une battue. Retrouvé (dans un endroit incongru), le petit cochon reprend sa place auprès d’Émile qui abandonne la boucherie et ouvre un restaurant. L’histoire ne dit pas si on y sert de la cochonnaille mais le lecteur (végétarien ou non) qui aura apprécié cet album très rose et un brin rétro, se réjouira de cette issue heureuse!
Ariane Tapinos (mars 2012)
15/04/2012 | Lien permanent
LE FACTEUR DU PÈRE NOËL | album épistolaire de Janet et Allan Ahlberg
Adapté de l'anglais par Marie Farré
Éd. Gallimard Jeunesse
octobre 2011 - 14,90 €
En cette veille de Noël, le facteur a une longue tournée à accomplir. Affrontant les intempéries sur son vélo chargé d’un courrier volumineux, il distribue messages et cartes à des personnages bien connus des enfants. Les trois ours reçoivent une carte de Boucle d’or, le Petit Chaperon rouge reçoit un petit cadeau du loup (un autre loup) qui lui-même a une missive de la petite fille et de sa grand-mère, Humpty Dumpty a droit un portrait… en puzzle, puisqu’il s’éparpille sans cesse en mille morceaux… et même le facteur a droit a son courrier : un diaporama de sa tournée !
Une folle tournée – du facteur - aux pays des contes pas vraiment classiques, avec Père Noël en guest star !
Avec la même recette que dans Le Gentil Facteur ou Lettres à des gens célèbres (éd. Albin Michel, 2005), Janet et Allan Ahlberg, réussissent un livre de Noël original et ludique. Cartes, jeux, pop-up… chaque enveloppe, destinée à un personnage célèbre, renferme une jolie surprise, qui elle-même recèle de nombreux détails amusants. Un livre à lire, à jouer…
Ariane Tapinos (déc. 2011)
07/12/2011 | Lien permanent
LES OISEAUX DE L'ESPOIR
Album de Judith LOSKE
Traduit par Julie DUTEIL
Éd. Minedition, oct. 2011 - 14 €
C’est l’histoire vraie de Sadako, une petite fille Japonaise. Chose étrange son histoire nous est contée par sa chatte.
Août 1945, bombardement d’Hiroshima, Sadako a deux ans et demi.
Dix ans plus tard, elle tombe malade. Hospitalisée, la petite fille réalise en pliage des grues de papier espérant ainsi recouvrer la santé, car au Japon les grues sont un symbole de longévité. Elles sont ensuite devenues aussi un symbole de paix.
Dans cet album priorité est donnée à l’illustration pleine page, d’un extrême raffinement dans les détails. Les couleurs sourdes et nuancées évoquent les estampes traditionnelles. Cependant, ne vous méprenez pas, le texte épuré traduit avec force au travers de la destinée de Sadako un fait historique avec toutes ses conséquences humaines et morales.
Les deux dernières doubles pages de l’album précisent le contexte temporel et culturel du récit.
Un livre d’une grande élégance et d’une grande pudeur qui permettra aux plus grands de réfléchir aux réalités du monde. Une valeur sûre à conserver précieusement dans sa bibliothèque.
Josuan (décembre 2011)
PS : L'histoire de Sadako a également donné un très beau roman, Les Mille Oiseaux de Sadako, d'Eleanor Coerr (réédité chez Milan en septembre 2011) et un albume d'Alain Serres et Claire Franek, Je fais un oiseau pour la paix (éd. Rue du monde, 2005).
20/01/2012 | Lien permanent
Idées reçues sur les filles et les garçons | documentaire d'Agnès AZIZA & Manu BOISTEAU
Éd. Oskar jeunesse | coll. Des mots pour réfléchir | mars 2010 - 12,95€
Il y a des périodes comme ça où des thèmes font fureur et ces derniers temps, des livres sur les filles et les garçons, il en pleut. Beaucoup sont seulement inutiles et certains tellement mauvais qu’il vaut mieux les oublier au plus vite. Celui-là est différent parce qu’à bien des endroits, il ne se contente pas d’énoncer une idée reçue pour la dénoncer (ça on connaît et ça sert souvent à rabacher les mêmes âneries en se cachant derrière son pseudo objectif démystificateur) mais explique les fondements erronés d'une telle idée.
Exemple: «En classe les garçons sont turbulents alors que les fille sont calmes». Bien sûr on connaît tous des contre-exemples et le documentaire classique (tout comme les personnages de certains livres) nous dirait «mais non, il y a des filles turbulentes et des garçons calmes». Ici les auteurs expliquent: «Incroyable mais vrai: les adultes sont plus tolérants avec un garçon turbulent qu’avec une fille! […] Au cours des siècles, on leur a imposé (aux filles) d’être dociles, calmes et obéissantes. De nos jours, on le demande aussi à un garçon, mais avec beaucoup moins d’insistance!» Et de conclure: «Être calme ou turbulent, ça n’a rien à voir avec le fait d’être un garçon ou une fille. C’est une question d’éducation et de tolérance. Il serait bon que les adultes en demandent aux uns comme aux autres!»
Toutes les idées reçues sont traitées à la même enseigne: à la racine! Et ça donne un petit livre décoiffant aux illustrations parfois très drôles comme celle de la page «le bleu est une couleur de garçon» où une fille demande à un garçon habillé de bleu avec un bonnet blanc: «Tu as des antécédents de Schtroumpf?»
Ce qui est sûr c’est que toutes ces choses idiotes que l’on raconte sur les filles et les garçons ont des antécédents de croyances et de pratiques sociales et culturelles qu’il fait bon bousculer un peu!
Ariane Tapinos
14/08/2010 | Lien permanent
L’Enfant du fantôme | roman de Sonya HARTNETT
Traduit de l’australien par Fanny Ladd et Patricia Duez
Éd. Les Grandes Personnes | août 2010 | 156 pp. - 13€
REEDITION - Première édition au Serpent à Plume
Une vieille dame rentre chez elle et trouve, installé dans son salon, un jeune garçon qui a tout l’air de l’avoir attendu depuis longtemps. Elle lui offre du thé et des gâteaux et, comme une évidence, se met à lui raconter sa vie. Comment, un soir, alors qu’elle venait de terminer sa scolarité, son père lui demanda quelle était la plus belle chose au monde et comment devant la pauvreté de sa réponse, il l’emmena faire un grand voyage autour du monde pendant une année entière. Comment à son retour, elle avait compris que la plus belle chose était la connaissance de toutes les beautés du monde. Enfin, elle lui raconte comment elle a rencontré un homme étrange, Plume, à qui elle a décidé de lier sa vie pendant quelques temps. Le temps d’un amour, un temps que Plume a concédé sur sa liberté jusqu’à ne plus pouvoir y renoncer. Comment elle a mené sa vie depuis de le départ de son amour, comment elle a vieilli jusqu’à être aujourd’hui, cette vieille femme qui se raconte à cet enfant surgi de nulle part.
L’Enfant du fantôme est un surprenant et mystérieux roman qui semble flotter entre rêve et réalité. Sonya Hartnett mêle à son récit des créatures fantastiques, issues des mythologies australiennes et qui peuplent la nature de ce territoire-monde. Maddy, cette femme au soir de son existence, revient sur sa vie, les rencontres et les choix qui l’ont menés là, dans ce salon, avec l’enfant. Et peu à peu, le lien qui les unit se dévoile, jusqu’au terme, à la fois évident et empreint de tristesse.
Cette lecture est un voyage poétique, aux Antipodes bien sûr, mais aussi cœur des questions qui fondent notre rapport au monde.
Ariane Tapinos (octobre 2010)
11/10/2010 | Lien permanent | Commentaires (1)
Odd et les Géants de Glace | roman de Neil GAIMAN
Illustré par Brett Helquist
Traduit de l’anglais par Valérie Le Plouhinec
Éd. Albin Michel | coll. Wiz | novembre 2010
141 pages – 10 €
Odd, douze ans, est un garçon plutôt malchanceux: son père est mort deux ans plus tôt, sa seule tentative d’abattage d’arbre s’est soldée par un accident qui l’a rendu à moitié infirme. Il affiche en prime un sourire exaspérant quelles que soient les circonstances, ne laissant aucune prise aux commérages qui font tout le sel de la vie de son petit village norvégien (entre deux raids vikings, s'entend).
Pour couronner le tout, sa mère s’est remariée avec le gros Elfred qui fait un beau-père plutôt passable quand il n’a pas bu. Enfin, l’hiver s’éternise alors que le mois de mars est déjà arrivé, confinant Odd et tous les habitants du village dans la salle communale où cette cohabitation forcée commence à échauffer les esprits.
Pour échapper aux bagarres, aux querelles… et aux odeurs, Odd quitte donc la grande salle pour se réfugier dans l’ancienne hutte paternelle, raflant au passage un demi saumon qui devrait lui permettre de manger pendant quelques temps… C’est sans compter la visite surprise d’un renard qui va entraîner le jeune garçon dans une aventure digne de celles des beaux seigneurs chevauchant de fiers destriers dont sont remplies les chansons maternelles. Un très beau conte inspiré d’un épisode de la mythologie nordique, dans lequel on retrouve l'humour du grand conteur qu'est Neil Gailman. Nathalie Ventax
(novembre 2010)
10/12/2010 | Lien permanent | Commentaires (1)
Ce qui arriva à monsieur et madame Kintaro | Livre-CD raconté par Muriel Bloch & illustré par Aurélia Fronty
Éd. Gallimard jeunesse musique / Ocora Radio France, coll. Contes du bout du monde
avril 2005 - 16 €
Monsieur et madame Kintaro exercent avec bonheur, imagine-t-on, le métier de pickpockets dans la ville d’Osaka, mais l’astucieux commissaire Ooka les contraints à abandonner leurs activités. Plongés un temps dans une délicieuse oisiveté, les époux Kintaro ont bientôt besoin d’améliorer leurs finances. Ils entendent parler d’un village perdu dans les montagnes et peuplé d’habitants n’ayant qu’un œil au milieu du front. Ils entament alors un long voyage pour trouver et capturer l’un de ces cyclopes afin de l’exhiber dans toutes les villes du Japon et de gagner beaucoup d’argent. Mais tel est pris qui croyait prendre… Et c’est le cyclope qui les expose aux yeux (uniques) des siens, enfermés dans une grande cage.
Ce malicieux conte japonais est narré avec grand talent par Muriel Bloch. Son récit, comme les très belles images d’Aurélia Fronty, nous emmène dans un long voyage à travers un Japon réel et imaginaire. Les plages musicales sont étonnantes (la quatrième de couverture qualifie avec justesse la musique japonaise de fine et élégante) et captent l’attention de l’auditeur aussi sûrement que la voix souriante de la conteuse.
(1ère publication: juillet 2005)
15/03/2011 | Lien permanent
Les 12 Royaumes | série de Fuyumi ONO & Akihiro Yamada (ill.)
Traduit du japonais par Fumihiko Suzuki et Patrick Honnoré
Éd. Milan, coll. Manga littérature
avril 2007 – 8,50 € (le tome)
Yôko Nakajima, lycéenne dans un établissement privé pour jeunes filles, est une adolescente sans histoires. Soucieuse de plaire à tous et de ne pas sortir du rang, elle mène une vie calme, policée et finalement assez artificielle. Tout va basculer un matin, quand un inconnu nommé Keiki débarque au lycée et l’entraîne de force (après lui avoir juré obéissance et fidélité!) dans une course effrénée pour la soustraire à l’attaque d’un rapace monstrueux. Yôko découvre alors l’existence d’un monde parallèle, les Douze Royaumes. Séparée de son guide, elle va devoir se débrouiller seule dans un monde hostile et totalement inconnu, un monde dans lequel elle est la cible d’attaques aussi violentes qu’incompréhensibles. Victime d’accusations injustes et de traîtrises, elle va devoir se battre quotidiennement pour retrouver Keiki et comprendre quelles sont ses origines et son destin dans les douze Royaumes.
Deux tomes qui se dévorent d’une traite pour cette première partie d’un ouvrage de référence de la fantasy japonaise. La quête de Yôko constitue le premier volet d’une série dont la suite paraîtra cet été. Dans le genre très stéréotypé qu’est la fantasy, c’est une bonne initiative que cette parution qui dépaysera les habitués du genre : comme Yôko, attendez-vous à être quelque peu déroutés par cet univers complexe mais tout à fait original et surtout, bien éloigné des poncifs de la fantasy occidentale.
Nathalie Ventax
(première publication de l'article: 12 mai 2007)
16/03/2011 | Lien permanent
Shalom salam maintenant | roman de Rachel CORENBLIT
Éd. du Rouergue, coll. DoAdo monde | avril 2007 |178 pages - 9€
En France, aujourd'hui: deux jeunes filles se rencontrent dans un hôpital où elles assistent chacune aux derniers instants d'un proche. Pour arriver à cette rencontre si facile - deux adolescentes fuyant les adultes et la mort dans les couloirs d'un hôpital toulousain - et pourtant totalement improbable, il faut remonter le temps et quatre histoires: celles de David, Léah, Oumaïma et Yashin.
Quatre histoires qui passent par le maquis du Vercors, Jérusalem à la veille de la partition de la Palestine et la Cisjordanie. Quatre personnages, quatre histoires qui retracent l'histoire de la naissance de l'État d'Israël et du départ des palestiniens chassés de leurs terres. Naissance d'un immense espoir pour les juifs, ceux de Palestine, ceux poussés hors d'Europe par la folie nazie; naissance d'une haine nourrie de la pauvreté et de la dureté de l'exil, pour les réfugiés palestiniens, réfugiés sur leur propre terre, réfugiés parqués dans des camps aux frontières d'un État qui n'est plus le leur. De ces quatre histoires entremêlées naîtront Camille, la Française, un peu juive, un peu goy et Chaïma, la palestinienne française de coeur et d'espoir. De cette rencontre naît l'émotion et l'espoir d'une paix, enfin. Shalom salam maintenant…
Une écriture heurtée, parfois brutale et dans un langage cru, des récits entrecroisés dans l'espace et le temps. Une vraie maîtrise littéraire qui ne nuit pas à l'émotion du récit, bien au contraire.
Ariane Tapinos
(première publication de l'article: 13 juin 2007)
31/05/2009 | Lien permanent