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Sur la tête de la chèvre & La Grâce au désert | deux romans d'Aranka SIEGAL
Traduction de l'anglais par Tessa Brisac
Sur la tête de la chèvre
Éd. Gallimard jeunesse, coll. Folio junior, [EO 1981] 2003, 336 pages - 7,50€
La Grâce au désert
Éd. Gallimard jeunesse, coll. Folio junior, [E0 1987] 2003, 332 pages [ÉPUISÉ en mai 09]
À partir de 12 ans
Ces deux romans autobiographiques d'Aranka Siegal sont déjà des classiques de la littérature jeunesse, plusieurs fois réédités depuis leur première parution en 1981 aux États-Unis et en 1987 en France.
L'auteure - née en Hongrie en 1929, déportée à Auschwitz à quatorze ans - a puisé dans sa mémoire pour faire revivre la communauté juive hongroise, sa propre famille et la petite fille qu'elle était alors. Cependant, par pudeur, parce qu'elle est devenue une «autre personne» ou parce que les souvenirs sont lointains et ce monde détruit, la narratrice de l'histoire ne se prénomme pas Aranka mais Piri. Et Piri Davidowitz a dix ans lorsque les troupes hongroises envahissent le village ukrainien de Komjaty où elle est en vacances chez Babi, sa grand-mère. Le lecteur sait dès la première page que la famille Davidowitz est celle de l'auteure, et que la plupart de ses membres (père, mère, enfants…) ne survivront pas à la fin du volume. Cependant Aranka Siegal ne «profite» jamais de cet avantage (connaître la fin de l'histoire) et excelle au contraire à transcrire les événements au travers du regard de la petite Piri, ne nous livrant que ce que l'enfant perçoit et ressent alors. Ce qui rend son récit extrêmement vivant, haletant presque, et tout simplement bouleversant.
Ces deux volumes forment une «trilogie en creux» avec un troisième, jamais écrit. Ainsi Sur la tête de la chèvre décrit les années de guerre, l'antisémitisme, les humiliations, mais aussi la chaleur familiale et le combat quotidien pour éloigner l'étau qui se resserre sur les juifs hongrois. Il décrit en détails la vie dans le ghetto de Beregszasz, et le «parcage» des juifs dans une briquetterie peu avant leur déportation. Il s'arrête aux portes du train qui les mènera à Auschwitz. La Grâce au désert s'ouvre sur les dernières heures de captivité de Piri et de sa grande sœur Iboya et s'attache aux trois années d'incertitude et d'errances qui les conduiront en Suède et enfin aux États-Unis en 1948. Les camps et leur cortège d'horreur sont très peu évoqués de manière directe, mais pourtant présents dans les séquelles physiques et morales contre lesquelles se débat Piri. L'adolescente, bientôt jeune femme, en parle peu, mais «cela» vit en elle et peut la saisir à tout moment, quand une chanson, un objet, un mot ou seulement une lumière la projettent instantanément dans un autre lieu et un autre temps, bien loin de son exil suédois… L'auteure ne nous dit pas toujours ce que Piri «voit» alors, sa parole est toute en retenue. Au final, Aranka Siegal parvient à transcrire le mélange incroyable d'innocence, de naïveté, puis de lucidité, d'angoisse, de douleurs, d'irrationnel espoir et de désir de vie et d'amour qui la porta au long de ces années terribles.
Corinne Chiaradia
(première publication de l'article: 1er février 2005)
06/12/2008 | Lien permanent | Commentaires (2)
Les Filles du samouraï | roman de Maya SNOW
Tome 1 - La Trahison
Traduit de l’anglais par Alice Marchand
Éd. Flammarion | mars 2009 | 328 pp. - 13€
XIIIe siècle au Japon. Kimi et Hana vivent dans une famille aimante, auprès de leurs parents et de leurs trois frères. Leur père est le gouverneur de la Province, le représentant du Shogun. C’est un homme bon, un sage et un érudit, qui n’a pas exclu ses filles de l’apprentissage des arts martiaux, même si c’est à ses fils aînés que revient le privilège de fréquenter une école d’arts martiaux et de l’accompagner dans sa tournée sur ses terres. Ses qualités d’âme et de combattant l’ont fait préférer à son frère aîné, Hidehira, par leur père pour lui succéder à la tête de la Province. Alors que rien ne le laissait présager, Hidehira, décide de reprendre ce qu’il considère comme lui appartenant. Accueilli en ami par sa famille, il massacre le père et les frères aînés de Kimi et Hana. Cachées derrière un paravent, elles assistent à l’horrible scène et réussissent à s’échapper, tout comme leur mère et leur plus jeune frère, Moriyasu. Elles gagnent l’école d’arts martiaux de Maître Goku, où, déguisées en garçons, elles se font embaucher comme serviteurs avec le privilège de pouvoir, une fois leurs corvées accomplies, bénéficier de l’enseignement du Maître. Là, elles perfectionnent leur connaissance des arts martiaux, l’une privilégiant l’épée, l’autre l’arc, et attendent patiemment l’occasion de venger leur famille et de retrouver leur mère et leur frère.
L’argument des jeunes filles qui, déguisées en garçon, s’introduisent dans un univers masculin qui leur est habituellement interdit – et y réussissent aussi bien que les hommes – n’est pas nouveau. C’est une ficelle, pas désagréable mais un peu usée, du roman pour ados ou jeune lecteur soucieux d’élargir les possibilités d’identification des lectrices à des héroïnes qui ne craignent pas la bagarre. Mais outre que ce premier volume des Filles du samouraï est rondement mené et se lit avec beaucoup de plaisir, il présente l’originalité de plonger les deux héroïnes dans un univers sportif et guerrier où la force physique n’est que secondaire, derrière la maîtrise de l’art. Si bien qu’assez vite on oublie que ce sont des filles qui nous guident dans le quotidien d’une école d’arts martiaux au Japon, en 1216. Certes, on retrouve ici les habituels problèmes de travestissements et les situations de quiproquo qui en découlent, mais le plus intéressant est ailleurs, dans l’aventure, l’intrigue, la découverte des arts martiaux… où Kimi et Hana jouent et combattent à égalité avec les garçons qui les entourent.
On attend avec impatience la suite qui, on l’espère, tiendra ses promesses et gardera nos héroïnes des minauderies habituelles. Mais on regrette déjà la couverture, de ce volume comme des suivants, au charme désuet certes, mais qui tire le roman vers un lectorat exclusivement féminin (on le regrette car on le constate tous les jours à la librairie: une fille sur la couverture, c’est un livre perdu pour les garçons!) Quand donc un éditeur comprendra t-il qu’il ne suffit plus de proposer aux lectrices des héroïnes courageuses et combatives, mais qu’il faut aussi laisser leur chance à ces livres-là auprès des lecteurs masculins?
Ariane Tapinos (juin 2009)
26/06/2009 | Lien permanent
LES PIERRES DE FOUDRE
Les Pierres de foudre
Roman d'Alain GROUSSET
Éd. Gallimard jeunesse, coll. Hors-piste, avril 2007
144 pages - 8,15 €
À la mort de son père, tué dans un éboulement de la mine, Marien décide de quitter l’école et s’inscrit comme mineur. Il n’a rien trouvé d’autre pour éviter la misère à sa mère, Cathline – qui s’épuise comme lavandière pour un salaire de misère – et à son frère et sa sœur jumeaux, encore si petits. Désormais il sera « galibot » et travaillera au complexe minier du Puits du Diable. Crainte et fierté mêlées, il ne doute pas de son choix et de sa responsabilité d’aîné.
Le travail souterrain est pénible mais Marien s’en acquitte, découvrant la solidarité des mineurs, il est vite « dans son élément ». Un peu trop même, quand il devient évident qu’il possède le don étrange de communiquer avec la roche, un don de voyance jusqu’ici réservé à une secte de femmes. En effet, les « Devineuses » monnayent très cher leur capacité à lire dans les parois de la mine l’emplacement des précieuses Pierres de foudre, des éclats de roches qui ont le pouvoir de retarder le vieillissement de qui en porte un fragment sur son corps. Marien est une menace pour les Devineuses, tandis que le directeur de la mine y voit une occasion d’augmenter considérablement ses bénéfices. Mais quelle est donc la nature de cette Chose qui parle ainsi à l’adolescent ?
On croit ouvrir un roman social (pauvreté, rudesse desconditions de travail, solidarité ouvrière, langage imagé, précis et désuet pour désigner leshommes, les tâches, les outils...) et l’on glisse doucement vers le fantastique, sans que pour autant le réalisme sociologique disparaisse complètement. Ainsi le fantastique se déploit pleinement au moment même où les mineurs se mettent en grève à la suite d’un énorme coup de grisou qui a tué cinquante d’entre eux. Le voisinage des deux genres est assez réussi, et l’action pas moins improbable que dans n’importe quel roman de science-fiction. Le lecteur « marche » et la lecture est agréable. Une réserve toutefois : ceci est une histoire d’hommes, tous les héros sont masculins, et si les méchants sont du côté du capital (le directeur), les très-méchants et meurtriers sont des tueuses – hormis le pauvre Perrin, qui agit sous la pression des Devineuses pour soigner sa... petite fille malade. Les autres personnages féminins (la mère, l’amie, les « trieuses ») apparaissent comme beaucoup plus démunies et faibles que leurs homologues masculins, qui n’ont de cesse de les protéger. Mais il s’agit sûrement d’une concession faite au versant réalisme social du roman ?
(Première publication de l'article : 16 juillet 2007)
20/12/2009 | Lien permanent
A TABLE, PRÉSIDENT !
Roman
de Yann MENS
Éd. Thierry Magnier, coll. Petite poche, première édition 2002, mars 2017, pages - 3,90€
Dans la famille Toucouleur, le père est dentiste, la mère institutrice et les enfants… de toutes origines : Fatoumata, l’aînée est née au Mali, Rajiv en Inde, Arsène en Belgique et Elisa, la petite dernière est née Colombie. Le narrateur c’est Arsène et il a joué un drôle de tour à ses parents en s’inscrivant à un jeu TV dont le premier prix est un repas (chez eux) avec le président de la République etMadame.
Il y a presque trente ans, un président, un vrai, s’invitait à dîner chez ceux qu’on appelait alors « Français moyens ». Nul doute que Yann Mens a gardé en mémoire les ingrédients de cette soupe démago-médiatique pour brosser le portrait de ce personnage qui aime tout et tout le monde (paysans, étudiants,épiciers, policiers, Africains, dentistes, ouvriers, footballeurs, spaghettis et tutti quanti). C’est parfois drôle,mais on grince quand même un peu des dents quand le faux apôtre de l’amour universel réussit à s’attirer la sympathie de la famille en lançant un juron (« les salsifis c’est de la merde ! ») et acceptant pour sa peine de faire la vaisselle, sous l’œil goguenard de Madame.
Et hop ! un peu de mousse sur les mains, et voilà l’homme devenu proche, quant à l’homme politique…
La politique est un sujet trop rare dans la fiction jeunesse. Mais les enfants ont-ils vraiment besoin des livres pour apprendre à chanter la comptine du « tous menteurs » ? Dommage.
NB : dans le code typographique français, aucun métier,aucune fonction – d’ouvrier à poète, pape ou président – n’appelle de capitale en début de mot.Il ne suffit pas d’une majuscule pour imposer le respect… de la politique.
PS : Du même auteur et dans la même collection, nous préférons Ce soir, y a match (éd. Thierry Magnier, coll. Petite poche, 2003) : Un tournoi international de foot à la télé est l’occasion pour les quatre enfants Toucouleur de tester, pour de rire (… ou presque), leur attachement à leurs patries d’origines. L’affaire se complique au fur et à mesure des éliminations, des paris et des alliances entre frères et sœurs, on passe du« on » aux « ils » selon que l’équipes supportée a gagné ou non. C’est toujours très politiquement correct, mais bien plus drôle et imaginatif que le précédent. On sourit au portrait de la famille,mère comprise, qui se rassemble et s’écharpe devant la télé, tandis que le père s’endort contre le frigo.La caricature – des supporters et de la famille multicolore– est affectueuse.
01/03/2017 | Lien permanent
À 18 ANS DEMANDONS L’IMPOSSIBLE ! Mon journal de mai 68
roman
de Adeline REGNAULT
Dossier documentaire de Elsa Neuvile
Éd. Casterman, avril 2018, 208 pages - 12€
Septembre 1967, Madeleine quitte la maison familiale de Courbevoie et s’installe dans une « chambre de bonne » à Paris, dans le quartier de Montmartre. Alors que commence sa nouvelle vie de sorbonnarde (elle est inscrite en Lettres à la Sorbonne), elle décide de raconter son quotidien et de confier ses états d’âmes à un tout nouveau journal intime.
Et elle en a des choses à raconter ! Cette toute nouvelle liberté d’abord, sa découverte de la vie parisienne (et estudiantine), ses lectures, sa quête de l’amour… mais aussi, les premières revendications des étudiants qui étouffent dans un monde encore très corseté et des amphis qui explosent sous l’effet de l’arrivée des enfants du baby boom.
Avec sa bande d’amis, Martine, Mimile, Phil, Jean, Pierrot… entre Nanterre et Sorbonne, elle participe activement aux « évènements de mai » et exprime sur les murs de la ville et dans les manifestations son désir de liberté et son espoir d’une vie différente de celle de ses parents et notamment de sa mère.
C’est d’ailleurs dans les allers et retours qu’elle fait entre Courbevoie et Paris, entre famille et ami.e.s, que se lit le grand bouleversement de Mai 68. Dans cet écart entre la vie des parents et les aspirations des enfants. Et notamment dans les échanges qu’elle a avec sa mère, Solange, qui se révèle bien plus ouverte d’esprit que ne l’imaginait Madeleine.
Avec ce roman, Adeline Regnault nous plonge au plus cœur des événements et plus encore de l’esprit de Mai 68. Son écriture est subtile, toute en retenue pudique, jusqu’à donner parfois à son héroïne un ton un peu naïf qui la rend encore plus réelle. Le lecteur et la lectrice s’émerveillent avec elle, découvrent et ressentent cet immense espoir propre à l’époque mais aussi à cet âge de tous les possibles.
Elle instille aussi, tout aussi subtilement, les questions propres à la place des femmes dans la société de l’époque mais aussi au cœur de ce mouvement qui certes prépare le terrain aux revendications féministes qui suivront mais est parfois bien masculin.
Le roman, très centré sur les événements parisiens et estudiantins, est judicieusement complété par un intéressant dossier documentaire qui comprend une bibliographie, une filmographie (documentaire), la reproduction d’affiches et de slogans.
On peut peut-être regretter la présence de nombreuses notes au fil du roman. Certaines sont inutiles et la plupart auraient pu être transformées en informations à adjoindre au dossier documentaire.
Ariane Tapinos (avril 2018)
17/04/2018 | Lien permanent
PETIT SOMME
album
de Anne Brouillard
Éd. Seuil Jeunesse, mai 2014-13,50 euros.
Comme il fait bon, Grand-Maman place le berceau de bébé dehors pour qu’il fasse un petit somme. Mais bébé ne l’entend pas de cette oreille et se met à crier. « Chut ! Chut ! » siffle le merle qui s’est doucement approché en compagnie du renard, de l’écureuil, du hérisson, du lièvre et de bien d’autres animaux curieux de la forêt ; « il ne faut pas déranger Grand-Maman, elle fait quelque chose d’intéressant ! » Quelque chose de bon peut-être ? Mais y en aura-t-il pour tout le monde ?
Une forêt moins calme qu’il n’y paraît, une grand-mère attentionnée, des animaux curieux et gourmands, un bébé qui n’a pas envie de dormir ; Anne Brouillard a rassemblé tous ces ingrédients pour offrir à ses lecteurs une histoire malicieuse et pleine de douceur.
La quiétude de cette fin d’après-midi est restituée, dans ses couleurs, sa luminosité de main de maître. Le paysage qui offre aux personnages (et à l’imagination du lecteur !) recoins et cachettes, regorge de détails minutieux (on peut y reconnaître chênes, fougères…) et rappelle celui d’un précédent album (De l’autre côté du lac, publié aux éditions Le Sorbier en janvier 2011.
Une vraie réussite à lire et relire à l’heure du goûter…avant ou après un petit somme !
Nathalie Ventax (juin 2014)
06/06/2014 | Lien permanent
LE PROGRAMME, CIBLE N°1
roman
de Allen ZADOFF
Éd Albin Michel, col Wiz, 15€, mai 2014, 373 pages
Traduit de ? par Hélène BORRAZ
« On l’appelle Benjamin, il est toujours le nouveau, celui qu’on ne remarque pas ». Benjamin fait partie d’une société gouvernementale appelée « Le Programme » qui a pour objectif d’entraîner, d’éduquer et de superviser des enfants dans le but d’en faire des agents spéciaux. Benjamin a toujours suivi les ordres depuis ses douze ans, en particulier lors de son rite de passage, sans jamais remettre en question les motivations de « Mère » et « Père » ses deux mentors. Mais, quand sa nouvelle mission est de tuer le maire de New-York en moins de cinq jours, il commence à avoir des doutes sur le bien-fondé du programme.
Du résultat de sa mission dépend la stabilité politique de plusieurs Etats. Il commence alors à se poser des questions sur son passé, la mort de ses parents et l’implication que Le Programme a dans chacune des deux affaires.
Le programme est un roman d’action à suspense qui remet l’espionnage au goût du jour et intègre la situation géopolitique mondiale dans la littérature jeunesse d’une façon divertissante.
Entre James Bond et Alex Rider, Benjamin est un personnage pour le moins original, avec du caractère et qui réfléchit tant sur sa vie que sur ses actions. Ce tome 1 annonce une saga d’espionnage haletante et divertissante.
Marlène Demen (juin 2014)
14/07/2014 | Lien permanent
LE ROYAUME DES REINES
Roman
de Marie-Sabine ROGER
Éd. Thierry Magnier, coll. Petite poche
Sept. 2004, 43 pages - 5 €
Céline est une adolescente comme les autres, mais voilà, son père - misogyne de la pire espèce - ne cesse de lui rappeler qu’elle n’a que le droit de se taire. Sa petite sœur assiste aux disputes sans comprendre pourquoi les femmes ne pourraient pas avoir leur part de pouvoir et d’autorité. Sa mère, lâche, participe de cette éducation qui donne toujours raison aux seuls hommes de la famille : le père de Céline et son frère, Yoan. Voilà le tableau et autant vous prévenir tout de suite : ça ne s’améliore pas au fil du récit !
Sexisme, racisme et bêtise crasse sont conviés par Marie-Sabine Roger pour asseoir sa démonstration : aujourd’hui encore, dans notre beau pays des droits de l’Homme, il existe des familles où les femmes ne sont bonnes qu’à faire la vaisselle pendant que les hommes « regarde(nt) le foot en buvant des cannettes ». La charge est violente. La situation sans doute caricaturale (mais bien réelle aussi). Marie-Sabine Roger devait être bien en colère lorsqu’elle a écrit ce texte. Une colère contagieuse pour le lecteur. Une saine colère sans doute... Mais maintenant, on fait quoi ?
29/06/2014 | Lien permanent
PIBI MON ÉTRANGE AMI
album
de Jin-heon SONG
Traduit du coréen par Noëlla Kim
Éd Le Sorbier, février 2008 – 13,20€
Un homme aujourd’hui adulte parle de son « étrange ami » qui, alors qu’ils étaient enfant, était toujours seul et attiré par la forêt. Un jour qu’il jouait dans la forêt, il a rencontré Pibi et, tout au long d’une année, Pibi a été son ami. Puis, il a dû aller à l’école tandis que Pibi ne pouvait pas y aller. Les autres enfants avaient peur de Pibi et peu à peu notre narrateur s’est éloigné de son ami si différent. Pibi est retourné dans la forêt, toujours plus profond, toujours plus seul. Dans la journée, on l’entendait se taper la tête avec de petites branches comme il l’avait toujours fait. Le soir, on entendait sa mère l’appeler, toujours plus loin dans la forêt.
« Quand j’étais petit, dans la forêt, il y avait un garçon qui s’appelait Pibi. Tu vois, la forêt est toujours là. Et Pibi est toujours dans mon cœur. »
Cet album est à la fois très beau et très triste. Ses images – entièrement réalisées au crayon noir – sont belles mais pleines de mélancolie. Comme l’est cette histoire d’une amitié d’enfance qui n’a pas pu, pas su, surmonter la différence. Comme celui qui la raconte, nous ignorons ce qu’est devenu Pibi, mais tout laisse à penser qu’il est resté aussi seul que nous l’avons laissé dans cette forêt où il trouvait refuge chaque jour, comme une métaphore de son monde intérieur.
Ariane Tapinos (mars 2014)
16/03/2014 | Lien permanent
LES VINGT-CINQ VIES DE SANDRA BULLOT
Roman (très drôle) de Colas GUTMAN
Éd. L’École des loisirs, coll. Médium
Septembre 2012, 160 pp. - 8,50 €
Sandra Bullot a seize ans, un petit frère de cinq ans qui porte le nom étrange de Ao (a pour la première lettre de l’alphabet et o pour son groupe sanguin…), une mère actrice (qui répète son unique réplique de la série z, Le flic est un juge : « C’est la police. Sortez tout maintenant ! ») et un père dépressif. Depuis qu’il a été renvoyé de son travail dans une agence de voyage, il passe ses journées affalé dans sa chambre à manger des chips et communique par monosyllabes quand ce n’est pas par courriel entre sa chambre et le salon.
La recherche d’un mystérieux correspondant qui signe ses mails : « Endive au jambon », va entrainer des évènements en chaine qui vont mettre à mal ses relations amicales. Tout comme les messages échangés par son père avec une certaine « Natacha 883 » que Sandra imagine immédiatement « prostipute » (et le lecteur aussi) jusqu’à ce que Natacha devienne la baby-sitter d’Ao…
Colas Gutman aime les familles un rien déjantées et sait à merveille nous faire rire des petits travers de ses personnages. Aussi drôle que le très réussi Journal d’un garçon (L’École des loisirs, 2008).
Ariane Tapinos (novembre 2012)
29/12/2012 | Lien permanent