20/12/2008
LA GRÈVE
La Grève
Roman de Murielle SZAC
Éd. Seuil jeunesse, coll. Karactère(s), janvier 2008
144 pages – 8,50 €
Mélodie, treize ans, partage avec sa mère et ses trois frères et sœur une petite maison dans le « quartier Bosch », rebaptisé cité Beau-jardin depuis la fermeture de la fonderie. C’est d’ailleurs à peu près tout ce que mère et fille ont en commun.
Mélodie ricane quand sa mère Catherine – qui « porte sa ponctualité en étendard » –lui parle de son honneur d’ouvrière. Une vie étriquée entre le temps et l’argent qui manquent toujours et un travail de piqueuse d’ourlet à l’usine Parker, très peu pour elle. Sa mère lui paraît faible, sans relief : le seul jour où elle a fait preuve de volonté ce fut pour mettre son mari à la porte et Mélodie n’a pas apprécié.
L’adolescente caresse de vagues rêves de réussite – chanteuse, journaliste – mais pas au point d’être appliquée au collège. Le brouillard est son élément préféré, qu’elle savoure dans une espèce de décharge sauvage où elle et son copain Mous ont aménagé un promontoire pour regarder passer les péniches sur le canal du Garet. Pourtant, lorsqu’elle découvre que l’usine est menacée de fermeture et les ouvrières au bord du licenciement, Mélodie n’hésite pas à se joindre au mouvement de grève en préparation : il se passe enfin quelque chose dans son quartier. Voir la main de sa mère se joindre à celles des autres ouvrières pour voter l’occupation de l’usine sera une vraie surprise… D’autres suivront en quelques semaines d’occupation, où l’excitation, l’abattement, l’admiration, la confusion se succèdent. Le plus étonnant pour Mélodie sera peut-être de se surprendre à éprouver de l’attachement, voire de l’admiration pour ces femmes qu’elle tenait pour médiocres…
Prendre le milieu ouvrier – et en particulier une grève –pour sujet de roman jeunesse, c’est une gageure que bien peu relèvent. N’est pas Zola qui veut. Si Murielle Szac réussit son pari – nous intéresser avec des personnages très ordinaires et une situation bien peu excitante : l’incontournable « plan social » qui fait éclater l’illusoire « paix sociale » – c’est qu’elle n’a pas cherché à bercer son lecteur d’illusions et a fait de son héroïne une adolescente résolument contemporaine.
La Grève est moins l’histoire d’un conflit social – ouvrières contre patron – que celle d’une prise de conscience, progressive et finalement rassurante, d’une jeune fille face à un milieu qui a son histoire, ses drames, ses « héros » qui en valent bien d’autres, plus exotiques. Il est moins question ici de conscience politique que sociale – le parti communiste est relégué dans les marges où il s’est depuis longtemps noyé – et chaque personnage est finement cerné avec ses qualités, ses handicaps, ses aspérités. L’auteur affirme dans une courte préface avoir voulu transmettre un héritage de valeurs, « celles du partage, de la solidarité, la fierté du travail bien fait, lar évolte aussi contre les injustices ». Elle y parvient en évitant l’apitoiement ou l’ouvriérisme factice, et si la grève du livre trouve une triste conclusion, le roman, lui, se conclut sur une jolie phrase « J’étais fière d’être une fille du quartier Bosch. Et ça, je savais que c’était pour toujours. » C’est l’originalité de ce roman « jeunesse » qui ne décrit pas la révolte d’un adolescent mais qui, au travers d’une révolte d’adultes – de femmes surtout ! – permet à une adolescente de se réconcilier avec ses origines. Pas si mal !
(Première publication de l'article : 20 février 2008)
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