03/07/2009
En cage | roman de Kalisha BUCKHANON
Traduit de l’américain par Élodie Leplat
Éd. Rouergue, coll. doAdo monde | mars 2009 | 252 pp. - 13,50€
Natasha et Antonio s’aiment. Mais Antonio est en prison, accusé du meurtre de son père. Alors Natasha et Antonio s’écrivent. Elle depuis leur quartier de Harlem, lui depuis une prison, sur une île au sud du Bronx. Ils s’écrivent et au fil de leurs lettres se découvrent au lecteur. La vie du ghetto. Les rêves qui se cognent à la réalité. La violence du père d’Antonio, les études de Natsaha, ses ambitions, la promiscuité de la prison. Le procès qui approche et la vérité qui se fait jour peu à peu et qu’on ne connaîtra vraiment qu’à la fin du livre, quand les chemins des deux adolescents qui ont grandi se seront séparés, parce que leurs aspirations, bien plus que les murs de la prison, les éloignent. Natasha veut sortir du ghetto, faire des études, être indépendante, connaître le monde qui existe au-delà des limites de Harlem. Antonio veut fonder une famille, construire ce qu’il n’a pas eu, rattraper le temps perdu.
Durant dix ans, de janvier 1990 à mai 2000, Natasha et Antonio s’écrivent et c’est comme d’assister à la fin de deux adolescences qui prennent, peu à peu, parfois même insidieusement, des chemins différents. Ils entrent dans l’âge adulte et s’arrangent différemment du poids de leur histoire et de là d’où ils viennent: un quartier pauvre de New York peuplé quasi-exclusivement de Noirs et où se mêlent l’extrême violence des plus désespérés et la chaleur des sentiments humains.
Leurs lettres, entrelacées au début dans un même élan d’amour et de rage, se font peu à peu plus distantes et prennent des routes parallèles, un peu comme s'ils s’écrivaient sans se lire. Leur langage évolue, avec les études pour Natasha, avec l’immersion dans un monde d’adultes pour Antonio. Leurs rêves se heurtent à une double réalité: celle des adultes et celle de la société. Pour autant, le roman de Kalisha Buckhanon n’est pas désespéré: chacun fait de sa vie une chose qui est juste autre chose que ce qu’il imaginait au début du récit. À cet égard, le titre américain, Upstate (en haut, au Nord de l’État, ici: le haut de la ville de New York, mais peut-être aussi l’ailleurs?) est bien moins enfermant dans le tragique que celui retenu en français, En cage. Or s’il y est question d’enfermement, il y est aussi et surtout question de comment ouvrir les portes du ghetto et de la prison.
Le roman de Kalisha Buckhanon est poignant, autant dans sa manière d'aborder les sentiments que de la dureté de la vie. Elle fait parler chacun des deux protagonistes avec une voix différente, un regard différent aussi. À la toute fin du livre, elle remercie ceux qui l’ont soutenue dans son travail d’écriture, parmi eux, sa professeure, Sapphire écrivaine et poétesse noire américaine. Et on pense effectivement au roman de Sapphire, Push, en lisant En Cage. Notamment pour ce travail sur le langage qui évolue avec l’entrée dans le savoir du personnage qui écrit. Mais là où Sapphire frappe sans retenir ses coups, Kalisha Buckhanon ménage un peu plus son lecteur…
Ariane Tapinos (mai 2009)
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