31/03/2009
Le Temps des miracles | roman d’Anne-Laure BONDOUX
Éd. Bayard jeunesse, coll. Millezime | janvier 2009 | 256 pp. – 11,90 €
« Je m’appelle Blaise Fortune et je suis citoyen de la République de France. C’est la pure vérité » : la phrase qui ouvre le dernier roman d’Anne-Laure Bondoux est une vraie-fausse piste, une énigme à tiroirs que le héros-narrateur (Blaise/Koumaïl) mettra des années à élucider, pour en extraire la vérité profonde. Roman de l’exil (de la Georgie à Paris, selon un itinéraire long, périlleux, chargé de larmes, de drames et de belles rencontres), Le Temps des miracles joue à cache-cache avec son héros, ses origines, son histoire, mais c’est aussi et avant tout un roman sur le mensonge et l’amour, l’amour sans bornes d’une femme pour un enfant, son enfant, autour duquel elle a constitué un rempart de mots, de rêves, d’espoirs.
Tout le roman est écrit du point de vue de Blaise, arrivé en France caché dans un camion puant, muni d’un passeport français indiquant qu’il a douze ans et qu’il est né… au Mont-Saint-Michel. Mais Blaise répond aussi au prénom de Koumaïl et ne parle que le russe. En un long flash-back il va nous raconter son incroyable périple depuis le Caucase, en compagnie de Gloria, la femme qui, du plus loin qu’il s’en souvienne, l’a toujours protégé, choyé et nourri ses rêves d’avenir meilleur. Tous deux ont fui devant la guerre, les destructions, la pauvreté. Koumaïl a suivi sans broncher, même quand il fallait quitter des amis et que le voyage ressemblait à une fuite sans fin. Surtout, il n’a jamais mis en doute la parole de Gloria, ses récits idylliques d’avant la guerre et celui, rocambolesque, du sauvetage d’un bébé français lors d’un accident de train et de son adoption par Gloria. Bien sûr le lecteur se doute assez vite que la fable recèle quelque double sens, mais elle sauvera la vie de l’enfant, fusse au prix d’un abandon.
Anne-Laure Bondoux excelle à décrire le monde à hauteur d’enfant, alternant émerveillements et incompréhensions, précision du détail et énormes zones d’ombre (Koumaïl se souvient de tous les cours improvisés dans son « immeuble », du nom de tous ses amis et des promesses échangées, mais il est incapable de situer cet immeuble dans une ville et la ville sur une carte du mythique « Caucase » dont lui parle Gloria). Ses personnages font preuve de ténacité et d’un appétit de vivre qui nous les rend infiniment attachants. Nul doute que sa foi en la littérature est immense, elle croit au pouvoir des mots, à la force des histoires qui nous aident à poser un pied devant l’autre, et qu’importe si la vérité est ailleurs : savoir rêver est une force semble nous dire l’auteure, qui en dépose une parcelle entre les mains de ses lecteurs.
Corinne Chiaradia (mars 2009)
PS : Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur l’itinéraire de Koumaïl, les pays et les villes traversés, le partage du réel et de l’imaginaire dans ses aventures, Anne-Laure Bondoux a consacré un site à son livre, où elle revient sur son inspiration et reproduit une part de sa documentation, photos et articles de presse, ou encore le fameux « atlas vert » qui accompagne Koumaïl… : http://letempsdesmiracles.bondoux.net/
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Commentaires
Je viens de le terminer et...bouleversant ! Oui !
Écrit par : BelleSahi | 03/04/2009
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