01/02/2012
LA GUERRE AU BOUT DU COULOIR
Roman de Christophe LÉON
Éd. Thierry Magnier, coll. Romans
Octobre 2008, 172 pages – 8,50 €
Oran, juin 1962, Maurice (Momo) et son petit frère Alain, encore bébé, errent dans les rues de la ville à la recherche de leurs parents disparus. Un vieil Algérien, qui vend des légumes sur le marché, les reconnaît et les conduit au bled, sur sa charrette remplie de choux. Là-bas, Momo découvre une vie bien différente de la sienne mais aussi de ce que son père lui a raconté de la vie de ces «indigènes qui ne mangent pas de porc». C’est que ces derniers sont à la fois présents dans la vie de Momo et en même temps semblent mener une vie totalement différente de la sienne, dans des espaces et des temps séparés. Au bled, Momo découvre le quotidien d’une famille de paysans algériens mais aussi des odeurs, des saveurs que son père juge indignes d’une famille française. Il y fait également l’expérience d’un éveil à la sensualité en contemplant médusé et un peu envieux, son frère se partager avec le bébé de la famille, les seins nourriciers de la belle-fille du vieil homme qui les a recueilli.
Dans une langue truculente et avec parfois beaucoup d’humour, Christophe Léon raconte l’errance de ces deux enfants aux prises avec l’Histoire.
Au fil des quelques jours que Momo et Alain passent au bled – et des souvenirs que convoque Maurice de sa vie avec ses parents, français d’Algérie, englués dans leurs préjugés racistes – Christophe Léon, nous fait vivre de l’intérieur cette période si particulière entre l’arrêt officiel des combats et la déclaration d’indépendance de l’Algérie. Une période de violences durant laquelle les espoirs des uns sont le désespoir des autres. À hauteur d’un jeune enfant – mais ce n’en n’est que plus terrible – il donne à voir à son lecteur à peine plus âgé que Momo, cet inévitable déchirement entre deux peuples et deux cultures. Une séparation qui ouvrira une blessure béante entre les deux rives de la Méditerranée et laissera un goût à la fois amer et sucré dans la mémoire de ceux qui l’auront vécue.
Ariane Tapinos (janvier 2012)
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