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Rechercher : prises de vue

Felicidad | roman de Jean MOLLA

felicidad.gifÉd. Gallimard | coll. Pôle fiction | juin 2010 (EO 2005) | 320 pages – 6 €

Les éditions Gallimard viennent de rééditer le roman de Jean Molla, dans une nouvelle collection de poche, à petit prix. L’occasion de se jeter dessus pour celles & ceux qui ne le connaissent pas, et pour nous, de rééditer la critique parue à sa sortie il y a cinq ans et toujours d’actualité…

Felicidad nous plonge dans l’une de ces sociétés «parfaites» qu’affectionnent les romans d’anticipation. Parfaite, au sens où elle fournit, à première vue, des solutions à certains grands problèmes: les guerres, la faim, le travail, les inégalités sociales, la violence... Ces solutions consistent souvent à confiner les zones de troubles dans des recoins bien isolés et maîtrisés: dans le cerveau d’une seule personne (lire Le Passeur de Loïs Lowry) ou dans des «enclaves» «légalement hors la loi» et des «guerres délocalisées» comme c’est le cas dans Felicidad.

Dans cette Grande Europe du futur, régentée par un consumérisme sans limites et dirigée par un président à vie, le bonheur est devenu un droit et un devoir pour tous les Citoyens (enfin, ceux qui méritent ce titre...) Les tâches contraignantes ou avilissantes ont été confiées à des «parumains»: «des organismes issus du génie génétique imitant l’apparence, le mode de pensée et le comportement des humains». Société parfaite, donc monstrueuse, congénitalement gangrenée. À la suite du meurtre du ministre du Bonheur, les failles de cette organisation seront révélées, une à une, au lieutenant Alexis Dekcked: enquêteur d’exception, lancé sur les traces de trois parumains hors normes, ce solitaire est néanmoins amoureux d’une belle parumaine.

C’est peu dire que le livre est un hommage à Philip K. Dick et à Ridley Scott, tant l’ombre pluvieuse de Blade Runner [1] imprègne l’atmosphère du roman. Replicants/parumains, Nexus 6 et Delta 5, Dekcked/Deckard mêmes combats. Il ne s’agit pourtant pas d’un pastiche, mais d’une vraie filiation, qui donne une furieuse envie de relire et revoi les originaux, sans douter une seconde de la valeur de ce descendant. D’ailleurs les questions de la filiation et de la nature humaine sont bien au centre du roman, qui prend appui sur les avancées technologiques et médicales de ces vingt dernières années et les interrogations éthiques qu’elles soulèvent. Ici, comme du point de vue politique ou économique, Jean Molla développe en fait des potentialités contenues dans notre monde contemporain: concentration dans l’industrie et le commerce, segmentation accrue entre pauvres et aisés, pensée dominante ultra-médiatisée, formatage à tous les étages...

Felicidad est également un bel essai sur la propagande et la manipulation du langage. Chacun des trente-trois chapitres (chiffre messianique, tout comme les initiales de Julius Choelcher, le créateur des douze Delta 5 ?) est introduit par un petit extrait édifiant de littérature «félicidienne» : discours ministériels, articles de loi, essais, tous publiés aux éditions GMR - Grands Magasins Réunis. À voir imprimé que «l’état est le garant du Bonheur individuel. Il peut avoir recours à tous les moyens, y compris les plus définitifs, pour en faire bénéficier les citoyens» (art. 3 de la Constitution), on hésite entre le sourire - c’est grotesque - et le frisson: l’écrit confère une apparence de légitimité au plus ignoble sophisme... Ajoutons que quatre chapitres sont introduits par des «textes interdits à la publication» dont un extrait du  Discours de la servitude volontaire  de La Boétie et un de l’ Introduction à la lecture de Hegel de A. Kojève : dans une publication en collection ado, cela mérite d’être remarqué...

Corinne Chiaradia

[1] Blade Runner, c’est le titre du film de Ridley Scott, tandis que le texte original de P.K. Dick se demande Les androïdes rêvent-ils à des moutons électriques? (1979).

Sur un thème (le clonage) et des interrogations voisines, lire le magnifique roman de Nancy Farmer, La Maison du scorpion (éd. L’École des loisirs)

(première publication de l'article : juillet 2005)

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20/08/2010 | Lien permanent

Le Mur | album de Peter SIS

mur SIS.gifMon enfance derrière le rideau de fer
éd. Grasset jeunesse | oct. 2007 | 16,90€

Avec Le Mur, Peter Sís conclut une (provisoire?) trilogie du souvenir, entamée avec Les Trois Clés d'or de Prague en 1994 et poursuivie avec Tibet. Les Secrets d'une boîte rouge en 1998. Trois livres qui cernent le rapport de l'auteur à son pays natal, la Tchécoslovaquie, et à la ville où il a grandi, Prague. Trois livres qui s'inscrivent, en même temps qu'ils lui échappent, dans l'histoire récente du pays - le communisme, la Guerre froide, le Bloc de l'Est... Trois livres qui explorent les espaces de liberté que l'auteur a su se ménager avant son exil américain dans les années 80.
Dès les pages de garde, on repère immédiatement l'emplacement du Bloc de l'Est sur le planisphère. Par un premier effet de loupe, on discerne la place de la Tchécoslovaquie. Loupe qui obéit strictement aux lois de la cartographie, ce qui n'est pas le cas d'une seconde loupe, qui  nous montre Prague cette fois. Un rond au milieu indique simplement: «Chez moi».

Dès l'ouverture, certains des motifs visuels et des codes graphiques de l'album sont  posés: le type de dessin, la couleur rouge. Significativement, le cercle formé par Prague apparaît en blanc, comme si la ville formait un îlot de résistance. D'autre part, les loupes sont placées en dehors du continent européen et surtout loin du bloc communiste, au beau milieu de la mer. Ceci, bien entendu, pour des raisons liées à l'organisation spatiale de la double-page. Mais l'effet produit est clairement celui d'une extraction au Bloc communiste. Par ailleurs, sur le planisphère, Prague forme un œil, situé à la fois au milieu de la Tchécoslovaquie mais aussi de la page. Le programme du livre est ainsi affirmé visuellement: puissance du regard, œil ouvert qui traduit la vigilance face à l'uniformité de la masse rouge, écrasante, qui cerne le pays.

STRUCTURE DE L'ALBUM
Des doubles-pages dépeignent le quotidien, et notamment ce qui est OBLIGATOIRE (écrit ainsi, en gras et en capitales). La structure très composée de ces pages, formées de rectangles superposés qui viennent à leur tour former un rectangle plus grand, positionné bien au milieu de la page et cerné d'un blanc tournant – cette structure va évoluer et en quelque sorte se libérer au fur et à mesure de l'aspiration de la Tchécoslovaquie à la liberté et de la conscience peu à peu en éveil de Peter. Des double-pages à la composition plus libre, au nombre de six, prennent le pas vers la fin du livre sur les autres pages. Elles affirment l'aspiration, puis l'accession, à la liberté. Des double-pages extraites des carnets de l'auteur, sont au nombre de trois. Ici le texte est prédominant. Il est placé dans un cadre qui occupe l'essentiel de la double-page. Ce cadre est lui-même entouré par de multiples cadres plus petits, collages de dessins, d'affiches et de photos – essentiellement des portraits.

LA COULEUR
Le rouge est disséminé partout et investit sous forme de motifs (drapeaux, étoiles, faucilles et marteaux, foulards, fusées, etc) les dessins en noirs et blanc. Par extension, le rouge (le Parti) domine tous les aspects de la vie du pays, les paysages, l'espace urbain, mais aussi l'intérieur des maisons. Le rouge codifie, à l'aide de motifs qui reviennent rituellement, la vie de tous les jours. Même l'espace privé tend à disparaître, colonisé par les motifs rouges témoignant de l'emprise du Parti jusque dans l'intimité des gens. Dans Le Mur, le rouge «clignote»: de constants rappels de couleur sont disséminés dans les images et sollicitent l'œil par flashes multiples. Le bleu et le jaune des dessins d'enfants de Peter s'opposent au rouge. Liberté qui ne réside pas seulement dans les couleurs employées, mais aussi dans la forme, qui privilégie les courbes aux lignes droites. Le jaune vif du dessin d'enfant, sur un trottoir, attire le regard en premier. On sent bien qu'il s'agit là d'une forme naturelle de résistance dont l'enfant témoigne dès sa naissance. Tendance qui est pourtant très vite encadrée, au sens strict: les couleurs demeurent, mais le dessin se conforme à l'art officiel.

Vient enfin le triomphe du polychrome sur le monochrome. La couleur unique sert à l'auteur à cerner un monde uniforme, où le dogme s'impose à la pensée individuelle. Peter Sis oppose à cet univers un monde coloré où la multiplication des formes et des couleurs témoigne de la liberté nouvelle qui saisit le pays jusqu'aux événements d'août 1968: des formes douces et colorées, des couleurs aux harmonies contrastée, qui tranchent les unes sur les autres. Expression même de l'insouciance, de l'hédonisme, du rêve. Figuration d'un paysage mental dans lequel Peter vagabonde librement. Il en va de même dans les deux pages où les jeunes peignent une fresque colorée sur un mur que les autorités repeignent obstinément en blanc. À nouveau, la liberté est «encadrée», enfermée dans une série de rectangles qui composent une architecture très rigide, dont seules la forme et la couleur se posent en contrepoint. Toute la séquence peut d'ailleurs être lue comme une conquête de l'abstraction. Le dernier dessin nous présente une fresque peinte à la volée et se réduisant à une forme colorée zébrant le mur. «Tout ce qui vient de l'Ouest paraît coloré et désirable». Cette page est essentielle dans la formulation d'une prise de conscience qui se fait jour chez l'enfant. Les activités clandestines sont reléguées au sous-sol, dans un réseau de galeries qui métaphorisent les méandres de la pensée. Cette prise de conscience est alimentée par le halo qui coiffe l'immeuble et se présente comme une sorte de petite cosmogonie où le rock tient une place cruciale. Par sa forme, le halo s'oppose à la forme dure et rectangulaire de l'immeuble. La sphère des centres d'intérêt interdits, organisée en harmonie circulaire et colorée, défie la rectitude et la monotonie de la construction. Le spirituel triomphe du matériel, l'évanescence de la pesanteur.

d'après Boris Barbiéri, mai 2008
Pour lire l'analyse intégrale, avec images à l'appui C'EST ICI

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06/11/2009 | Lien permanent

Les Terres englouties | roman de Marcus SEDGWICK

terres englouties.gifTraduit de l’anglais par Laurence Kiéfé
Éd. Casterman, coll. Feeling, mars 2005 , 154 pages – 8€

Réchauffement climatique aidant, les mers ont fini par envahir les terres les plus basses de la planète.
Cela commence par une poursuite: Zoé s’enfuit devant une foule hostile qui cherche à la rejoindre pour savoir où elle a caché ce bien précieux entre tous: un bateau. À vrai dire il s’agit plutôt d’une barque, mais dans ce monde où l’eau a recouvert la plupart des terres, c’est un vrai trésor pour une population qui n’était pas préparée à la catastrophe. Zoé, elle, n’est pas prise au dépourvu: dès son plus jeune âge son père lui a appris à nager, à ramer, à s’orienter sur ce vaste océan qu’est devenue la Terre, à survivre, tout simplement. Une éducation qui va s’avérer judicieuse, car Zoé a été séparée de ses parents: ceux-ci ont réussi à embarquer sur le dernier bateau qui a quitté l’île de Norwich pour rejoindre le continent alors que leur fille n’a pu les suivre. Mais Zoé ne renonce pas et c’est sur cette barque qu’elle décide de partir à leur recherche. Si elle les retrouve, elle commencera par leur demander comment ils ont pu abandonner leur fille…

Avec ses personnages durs et ses situations désespérées, l’ambiance de ce roman n’est pas sans évoquer Sa Majesté des Mouches. On y trouve la violence d’une société désemparée et désorganisée, où les enfants se montrent plus doués que les adultes pour s’adapter aux nouvelles nécessités de la survie.

Nathalie Ventax

(première publication de l'article : 1er juin 2005)

 

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17/01/2010 | Lien permanent

LA MESSAGÈRE DE L'AU-DELÀ

messagère de l'au-delà.gifRoman ado de Mary HOOPER
Traduit de l’anglais par Fanny Ladd et Patricia Duez
(première édition : éd. Panama, 2008)
Éd. Les Grandes Personnes, 240 pages
août 2010 - 15 €

Angleterre 1650. Donnée pour morte après avoir été pendue, Annie Green se réveille sur la table d’un apothicaire, entourée de médecins et d’étudiants soudain compatissants. L’histoire de cette incroyable résurrection – inspirée d’un fait réel, nous dit-on – nous est contée de deux points de vue qui s’entrecroisent, chapitres après chapitres. Celui, à la première personne, d’Annie qui, se croyant dans l’antichambre de la mort ou dans quelque purgatoire, se remémore les événements qui l’ont conduite à l’échafaud à peine sortie de l’enfance, et celui de Robert Mathews, un étudiant en médecine, affublé d’un terrible bégaiement, qui l’isole des siens presqu’aussi sûrement que le coma d’Annie. Ces deux récits sont ceux de l’archaïsme et de la modernité en marche. Et s’il n’est pas possible de dévoiler ici ce qui a mené à la condamnation à mort d’Annie pour infanticide, qu’on sache seulement qu’il y est question du pouvoir des hommes sur les femmes, des nobles sur leurs domestiques, d’une justice au service d’une classe et d’un sexe plus qu’au service du droit. Au fur et à mesure qu’Annie avance vers son destin tragique, Robert s’interroge sur la science, sur la nature humaine et sur les relations entre le corps et l’âme.

Passionnant roman historique et moral, cette Messagère de l’au-delà est aussi une messagère du passé qui nous informe sur le sort réservé aux femmes, et aux plus pauvres d’entre elles, au XVIIe siècle. Le double récit tient le lecteur en haleine tout en lui ménageant quelques moments de répit où il apparaît assez vite que la fréquentation d’un supposé cadavre est bien moins éprouvante que celle d’une servante malmenée.
Par la période à laquelle il se situe et son formidable personnage féminin, entre naïveté et intelligence, ce roman fait penser à l’envoûtant Journal d’une Sorcière(éd. Seuil Jeunesse) de Celia Rees, ou, dans le registre adulte, au terrible roman de Margaret Atwood (par ailleurs citée par Celia Rees comme étant l’un de ses auteurs fétiches) Captive (éd. Robert Laffont). On pense aussi aux très beaux romans de Karen Cushman : Mathilda Bone et L’Apprentie Sage-femme (éd. L’École des Loisirs) qui, s’ils se situent dans une période plus lointaine, proposent eux aussi un éclairage sur la médecine comme reflet de la compréhension de la nature humaine au fil du temps.

Ariane Tapinos
(première publication de l'article : www.comptines.fr, mars 2008)

 

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01/08/2010 | Lien permanent

PUISQUE DES POLITIQUES SE MÊLENT DE LITTÉRATURE JEUNESSE, QU'IL SOIT PERMIS À UNE LIBRAIRE DE SE MÊLER DE POLITIQUE !

 

Graçon ou fille.gifQue la droite extrême dans toutes ses obédiences, fasse la chasse aux livres qui présentent et défendent une vision du monde différente de la sienne, rien de nouveau sous le soleil. Que des dirigeants de la droite classique lui emboitent le pas voilà qui est bien plus préoccupant. Que la gauche de gouvernement se couche devant l’agitation d’une minorité réactionnaire, voilà qui est affligeant.

Cette alliance de circonstance entre conservateurs et réactionnaires, scellée dans les cortèges des manifestations anti mariage pour tous, c’est à dire anti mariage homosexuel, habillement rebaptisées « manif pour tous », est d’une autre nature que les éructations récurrentes de quelques groupuscules fachisants.

Laissons de côté le calcul politicien périlleux et à courte vue, de ces barrons du conservatisme qui courent derrière les chefs de file de ces mouvements relookés jeunes et branchés, façon Bob Roberts, et intéressons nous plutôt au sens de cet affolement idéologique.

Pourquoi tant de polémiques (et beaucoup d’âneries) autour d’un concept, à l’heure où le genre, qui est utilisé en sciences sociales depuis des décennies, s’invite dans notre quotidien ? C’est que le genre, qui rappelons-le encore et encore n’est en rien une théorie, interroge les rôles des femmes et des hommes dans le monde et se faisant contribue à rendre visible la domination masculine.
Oui nous vivons dans un monde – même en Europe occidentale où les femmes ont les mêmes droits que les hommes – dominé par les hommes. Un monde dans lequel on no
Grand livre filles & garçons.gifus fait croire depuis des siècles que les rôles sociaux seraient déterminés par le sexe. Cette mise en lumière bouleverse les assises des tenants d’un ordre social dans lequel à chaque sexe correspondrait, immuablement, une manière d’être au monde. Or si ce n’est pas le cas, si nous sommes capables de voir la distance entre le sexe et le genre, entre le sexe anatomique et le sexe social, alors nous faisons un grand pas vers l’égalité. Une égalité qui n’a rien à voir avec l’indifférenciation mais s’appuie sur la possibilité de faire des choix. Et c’est contre cette égalité que se dressent les contempteurs du genre. Il y a ceux qui assument souhaiter une société inégalitaire et ceux  qui trouvent là l’occasion de défendre leur place forte sans afficher la couleur qui ferait… mauvais genre.

Heure des parents.gifIl suffit de regarder autour de soi pour voir combien les familles et les individus d’aujourd’hui démentent l’existence d’un modèle unique : familles monoparentales, recomposées, de parents de même sexe, femmes qui travaillent, hommes au chômage…

Alors que l’école se préoccupe d’égalité des sexes et que la littérature jeunesse se fasse le reflet de la société qui la produit, voilà qui est heureux.

Et que Monsieur Copé se rassure, la littérature jeunesse est dans sa grande majorité (surtout si on tient compte des chiffres de ventes) largement conservatrice en matière de mœurs comme en tout autre. Dans les livres d’images, nombreuses sont encore les mamans qui cuisinent, avec leur petit tablier à volant, pendant que les papas lisent le journal. Plus nombreux encore sont les petits garçons autorisés à conduire toutes sortes de véhicules, à faire des cabanes, à se prendre pour des pirates et à patauger dans la boue pendant que les petites filles sont incitées à se préoccuper de leur apparence, de leurs copines, des travaux d’intérieur (cuisine et autre do-it-yourself).

Zazie la robe.gifHeureusement qu’il existe cependant des livres à l’image de la diversité du monde. Ces livres nous, libraires indépendants spécialisées jeunesse, les lisons, nous les choisissons, nous les défendons, tout comme les auteurs, les illustrateurs, les éditeurs, qui au fil de leurs créations, construisent une véritable littérature. Une littérature qui mériterait d’être considérée pour ses qualités comme mérite d’être respectée l’intelligence des enfants à qui elle est destinée.


Ariane Tapinos 

Bob Roberts est un film de Tim Robbins (1992) qui met en scène un candidat au Sénat américain ultra réactionnaire mais qui utilise les moyens de la chanson protestataire (donc de gauche) pour faire campagne.

 

 

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Le Courage du papillon | roman de Norma FOX MAZER

9782226189523-X.jpgTraduit de l’américain par Jean Esch | Éd. Albin Michel Jeunesse, coll. Wiz | janv. 2009 | 304 pp. – 13 €
[EO New York 2008, The Missing Girl]

Les cinq filles de la famille Herbert sont comme «une volée d’oiseaux» : voilà ce que pense l’homme en gris qui, tous les jours, les observe à l’arrêt de bus, en chemin pour l’école. Toutes ne sont pas belles (Beauty, l’aînée de presque 18 ans, il la surnomme la vieille ou la laide), ni spirituelles (Fancy, 12 ans, c’est « l’idiote ») mais leur innocence, leur insouciance le fascinent. Une vraie aubaine, pour lui qui n’a même plus le droit d’approcher d’une école… Et aucune d’elles ne voit en lui une menace, d’ailleurs elles ne le voient même pas, toutes à leurs préoccupations familiales, amoureuses, scolaires…

Beauty, Mim, Stevie (Faithful), Fancy et Autumn ont chacune leurs rêves secrets, leurs colères, leurs soucis… et partagent aussi un peu de ceux de leurs parents. La famille Herbert est plutôt démunie depuis que le père, Huddle*, est incapable de travailler à la suite d’une blessure et que Blossom, la mère, étouffe son angoisse dans le tabac et la nourriture. Mais c’est une famille aimante et remuante, vivante en un mot ! Alors, quand il est question de « prêter » Stevie à la tante Bernice qui vit seule dans le New Hampshire, c’est la panique, des pleurs généralisés, un branle-bas de combat au milieu duquel l’absence d’Autumn au brunch dominical passe presque inaperçue…

Sans dévoiler la fin, disons que l’auteur est relativement elliptique sur les agissements de l’homme, une fois son rapt effectué : gifles, séquestration, baisers et caresses douteuses, nous n’en saurons pas plus mais c’est amplement suffisant pour motiver la rage de fuir d’Autumn – et le qualificatif de « monstre » que Fancy accordera finalement au kidnappeur. Fancy à qui reviendra le dernier mot de l’histoire, en forme de conte à faire peur.

La tonalité brillante, l’innocence colorée de la couverture du livre pourraient laisser penser à un roman « léger », une énième histoire pour jeunes filles romantiques, mais ce n’est qu’apparences et, n’est-ce pas, il ne faut pas s’y fier. Cette histoire-là est tendue comme un thriller, faisant découler l’angoisse du quotidien. L’alternance des points de vue participe de cette tension. Alternativement, l’histoire est racontée par trois des filles. Beauty – son « plan » pour quitter Malory et ses 5000 habitants, ses rêves fleur bleue de grande fille laide et ses soucis d’aînée/seconde maman – les chapitre de Beauty sont écrits à la 3° personne « elle » ; Fancy – la petite qui ne grandit pas, se débat avec « la Pulsion », invente des chansons pour éloigner ce qu’elle ne comprend pas – Fancy dit « Je » ; Autumn – la cadette qui a autant de difficultés avec l’orthographe qu’avec la forte personnalité de ses sœurs, Autumn doute de tout… et elle dit « tu ». L’auteure imbrique ces récits anodins et celui de l’homme qui les observe et désire en faire « ses » filles, de sorte que, un peu comme dans De la tendresse de Cormier, on se dit que l’inévitable horreur nous attend toujours à la page suivante. Une manière très efficace de faire monter l’angoisse du lecteur (et son avidité à poursuivre), tout en laissant dans l’ombre nombre de détails et nombre de questions en suspens. Une manière également de nous rendre les victimes potentielles très familières, très attachantes. Brrr…

Corinne Chiaradia (février 2009)

* je ne suis pas angliciste, mais ce roman présente une étonnante collection de noms propres improbables…

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15/03/2009 | Lien permanent

Brooklyn Baby | album de Marylin SINGER, illustré par Carll CNEUT

brooklyn baby.jpgTraduit de l’anglais par les éditions La Joie de lire
Éd. La Joie de lire | nov. 2008 - 15 €

Un bébé dort dans une poussette. Mais comment fait-il ce bébé pour dormir au milieu des bruits de la ville ? 10 klaxons tonitruant, 9 portables «agaçant», 8 chiens aboyant… et aussi des poubelles qui s’entrechoquent, des taxis dont les portes claquent, des basketteurs qui font rebondir leur ballon, des bus, des motos et… «soudain 1 oiseau qui commence à chanter… et voilà bébé qui se réveille !»

Ce superbe album à compter, ou à décompter, est une réjouissante immersion dans la ville, ses bruits nombreux et variés. Ses couleurs aussi, ici à dominante de tons orangés comme les briques des brownstones de New York et de Brooklyn surtout. C’est aussi un livre-jeu dans les pages duquel on peut retrouver, au milieu de l’enchevêtrement des objets et des gens, 8 chiens, 9 téléphones, 4 basketteurs…
C’est Carll Cneut dans son mode de plus souriant qui réalise ces très belles images de la ville trépidante et accueillante. La couverture est particulièrement réussie : une vue de New York stylisée et dominée par la silhouette du Chrysler Building qui brille, vêtu de gris, au milieu des couleurs de la ville.

Ariane Tapinos (avril 2009)

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06/04/2009 | Lien permanent

BIBLIO ALGERIE 2 • Depuis 1962, sur les deux rives de la Méditerranée

Cahier de Leila.gifCahier de Leïla. De l’Algérie à Billancourt
Documentaire et fiction
Valentine GOBY et Ronan BADEL
Éd. Autrement Jeunesse, coll. Français d’ailleurs
Avril 2007 – 14,50€ 
«1963: la famille de Leïla vient de rejoindre le père, ouvrier des usines Renault à Billancourt.
Dans ses montagnes de Kabylie, Leïla attendait cet instant depuis toujours. Dans son journal intime, elle nous raconte la découverte de ce nouveau pays, ses joies, ses peines, avec toujours, dans le cœur, le souvenir de son pays natal.»

ça t'apprendra à vivre.gifÇa t’apprendra à vivre
Roman
Jeanne BENAMEUR
Éd. Actes Sud, coll. Babel J (première édition, Denoël 2003)
Janvier 2007, 112 pp. – 6,50€ Nouvelle édition annoncée pour avril 2012
La douloureuse expérience de l’exil d’une enfant qui a quitté l’Algérie en 1958 et doit apprendre à vivre dans cet autre pays: la France. Un récit d’abord publié pour les adultes et proposé ici dans une collection pour grands adolescents.
«C’est un cri de révolte. Il dit les peurs, la douleur, le déracinement, les colères, l’incompréhension et le vide ressentis par une petite fille que la libération de l’Algérie a conduite à l’exil avec sa famille. Il dit ce qui n’a jamais pu être avoué jusque-là, la comédie tragique et forcée d’une enfance vouée à une docilité étouffante qui trouve peut-être à travers ce récit, enfin, un espace de liberté.» (Comptines mars 2003)

Dakia2.gifDakia, fille d’Alger
Roman
DAKIA
Préface de Simone Veil
Éd. Flammarion jeunesse, (EO 1996) mai 2011 , 96 pp. – 5,50€
Témoignage, sous forme de journal, d’une jeune adolescente vivant à Alger pendant les grandes violences de 1994.
«Comment peut-on mener une vie normale alors que des attentats aveugles tuent, que vos parents vivent dans la clandestinité et qu'il faut changer tous les soirs de maison? Musulmane et collégienne à Alger, Dakia est prise dans la tourmente d'une histoire qui la dépasse. Elle raconte son pays en guerre. "Je participe moi aussi aux préparatifs de la grande manifestation. Jeunes et moins jeunes veulent tout mettre en œuvre pour que l'Algérie retrouve la paix et la sécurité…" »

Essuie main.gifL'Essuie-main des pieds
Roman
Gil BEN AYCH
Éd. L’École des loisirs, coll. Médium
Février 2011, 206 pages – 10€ Nouvelle édition
«Il a fallu faire le tour, dire au revoir à Grand-mère Hanna, aux oncles et aux tantes, à Rosette et son mari Edmond, à la cousine Josette et sa sœur Yvonne, sans oublier tous les autres. Alors, seulement, Simon et sa famille ont pu quitter l’Algérie et venir s’installer à Paris en 1956. Simon découvre un nouveau monde. Le métro aérien et la fête foraine, les premiers yaourts et l’odeur écœurante de la cuisine au beurre, les colonies de vacances et, surtout, la télévision… Six belles années plus tard, il faut songer à repartir, déménager en banlieue, à Champigny "chez les communistes". Simon a 14 ans, une autre vie l’attend.
Gil Ben Aych a très bien connu Mémé l’Étoile, puisqu’il s’agit de sa propre grand-mère, une vieille dame juive pied-noir aux idées bien arrêtées et à la langue ensoleillée. Il en a fait l’héroïne de son roman Le voyage de Mémé, et l’un des personnages de L’Essuie-mains des pieds. »

livre d'étoile.gifLe Livre d’Étoile
Roman  
Gil BEN AYCH
Première édition Seuil, coll. Point Virgule, 1986.
Éd. L’École des loisirs, coll. Médium, janvier 2012, 234 pp. – 11,50€  Nouvelle édition 
« – Mais comment on va là-bas?
– En bateau ou en avion, on peut pas autrement, c’est la mer qu’elle nous sépare de la France, on peut autrement tu crois, on peut pas!
– Non ma fille, moi dans le bateau ou l’avion, jamais de la vie! Mon cœur fendu en deux si je fais ça, impossible, je prends pas, ça suffit tout ça…
– C’est pas possible maman, il faut qu’on trouve une solution!
Quelle solution a-t-on imaginée pour que Mémé l’Étoile quitte l’Algérie et rejoigne le reste de la famille déjà "rapatriée" de Tlemcen en France?
Mémé accepte de retracer pour eux le long chemin de l’exil, mais à condition qu’on ne lui coupe pas la parole à tout bout de champ, sinon c’est plus le charme de raconter, d’accord?»

maboul a zero.jpgMaboul à zéro
Roman
Jean-Paul NOZIÈRE
Éd. Gallimard Jeunesse, coll. Scripto
Mars 2003, 158 pp. – 8€
Aïcha a quatorze ans. Épileptique, elle ne peut suivre les cours du collège où sa mère est concierge. Elle prépare son bac en candidate libre, mais doit aussi s’occuper de Mouloud, son frère aîné, qui souffre de troubles obsessionnels difficiles à supporter pour tout le monde; et à ces difficultés s’ajoute le regard porté sur leur origine algérienne, eux qui habitent une petite ville française…
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Mon miel ma douceur.gifMon miel ma douceur
Album
Michel PIQUEMAL & Élodie NOUHEN (ill.)
Éd. Didier Jeunesse
Septembre 2004 - 12,90€
Khadija vit en France avec ses parents, mais tous les étés ils partent en Algérie dans ce pays qui est un peu le sien aussi et où elle retrouve sa grand-mère. Quand celle-ci décède, Khadija doit apprendre à garder présente cette partie d’elle-même. Dans ses rêves, elle entend encore sa grand-mère lui chuchoter «mon miel, ma douceur, ma perle, mon cœur». Un magnifique album sur le deuil mais surtout sur la transmission et la mémoire.

murs bleus.gifLes Murs bleus
Roman
Cathy YTAK
Éd. Syros, coll. Les uns les autres
Juin 2006, 138 pp. - 7,90€
«Un homme marche dans les rues de Paris, serrant fort dans sa main celle d'un petit garçon de cinq ans. Cet homme, Antoine, a quitté la France sept ans et demi plus tôt, avec le dernier contingent de réservistes appelés pour l'Algérie. Déserteur, condamné à mort pour s'être soustrait à l'autorité militaire, il retrouve enfin son pays après plusieurs années passées au Brésil, en plein cœur du Sertao.
Il est temps pour lui d'affronter son passé et de faire, en toute conscience, des choix qui seront cette fois les siens.»

Racines de sable.jpgRacines de Sable
Roman
Isabelle GUIGOU
Éd. Le Verger des Hespérides, coll. Humanistes en verve!
Mars 2010, 162 pp. – 16€
«Slimane sait qu’il a été recueilli pendant la guerre qui a opposé la France et l’Algérie.
À l’adolescence, il refait le trajet qui l’a mené de son village d’origine à Bou-Saâda.
En chemin, il multiplie les rencontres et partage des petits boulots avec des personnages très différents…»

terre de l'impiété.gifLa Terre de l’impiété
Roman
Jean-François CHABAS
Éd. L’École des loisirs, coll. Médium
Février 2012, X pp. – 9,50€ NOUVEAUTÉ
«Rachel est en route, sac au dos. Elle est petite, seule, mais elle a confiance, marchant vers le sommet de la montagne, là où l’ont appelée les signes et les apparitions qu’elle nomme ses "Magies", rares mais inoubliables: des fleurs en lévitation, des myriades d’oiseaux silencieux, un chevalier surgi du passé. Aujourd’hui, elle veut redoubler d’efforts, par gratitude, par curiosité. Jusqu’à présent, Rachel n’a croisé sur sa route que des adultes obtus, un monde malade, obsédé par l’argent et les fausses valeurs.
Il y a pourtant quelqu’un qui pourrait la comprendre, mais elle ne le connaît pas. C’est Abdelhamid, un vieil Algérien, un ancien harki. Il a tout perdu: sa famille, massacrée, ses illusions, piétinées. Toute foi l’a quitté, il y a cinquante ans. Il lui semble depuis vivre sur la Terre de l’Impiété. Abdelhamid passe des journées mutiques en compagnie de son seul ami, son ancien lieutenant. Il observe la montagne à la jumelle.
L’homme et l’enfant, sans le savoir, ont rendez-vous.»

un été outremer2.gifUn été outremer
Roman
Anne VANTAL
Éd. Actes Sud Junior, coll. Romans ados
Sept. 2010 (première édition 2006) 115 pp. – 10€
«"Ça y est, un gros gémissement venu des entrailles du ferry signale l'imminence du départ.
Très lentement, le bateau s'ébranle. Je ne peux plus reculer. Je quitte la France et je m'émerveille de ma propre témérité. Demain, je serai à Alger." Quand Félicien, enfant de la DDASS, apprend la vérité sur ses origines – il est né de mère algérienne –, le voilà plongé dans la tourmente. Il est le même et cependant totalement différent. Le jeune homme décide alors de traverser la Méditerranée en quête de son identité.»

Voyage de Mémé.gifLe Voyage de Mémé
Roman
Gil BEN AYCH
Première édition Bordas, 1982
Éd. L’École des loisirs, coll. Neuf, février 2011, 96 pp. – 8€ Nouvelle édition
Au milieu des années 50, la famille de l’auteur quitte l’Algérie en guerre pour s’installer à Paris. Quelques années plus tard, Mémé, sa grand-mère les rejoint alors que la famille déménage à Champigny. Simon son petit fils (dans le livre) est chargé de la conduire de Paris à Champigny, ce qui est loin d’être une sinécure quand on sait que Mémé refuse de prendre bus, métro ou voiture et qu’à chaque coin de rue elle s’étonne ou s’offusque des différences entre Paris et son village d’Algérie.
C’est à la fois drôle et touchant et Gil Ben Aych excelle à rendre le parler «pied noir» dans un roman dialogué de bout en bout.

Wahid.gifWahid
Album
Thierry LENAIN & Olivier BALEZ (ill.)
Éd. Albin Michel, mars 2003 – 14€
Entre l’Algérie et la France se raconte tout du long une histoire de guerre et d’amour. Aujourd’hui naissent des enfants qui, comme Wahid, ont un grand-père français et un grand-père algérien: l’amour peut donc gagner! Les mots et les images évoquent avec force, émotion et authenticité le passé et le présent; l’album tient la gageure, sur un sujet si complexe, d’être accessible à de très jeunes enfants: c’est un tour de force dont il faut féliciter l’auteur et l’illustrateur. (Comptines mars 2003

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02/02/2012 | Lien permanent

Ce type est un vautour | album de SARA et Bruno HEITZ

ce type est vautour.gifÉd. Casterman, coll. Les Albums Casterman | février 2009 | 13,95 €

Cet album nous a dérangées à la première lecture par la force des images et le réalisme du texte, parfois cru. Le sujet douloureux et délicat de la recherche affective d’une mère qui élève seule sa petite fille évolue peu à peu vers une situation violente.
Des relectures nous permettent d’apprécier le texte et les images qui nous plongent dans un quotidien tellement fréquent que l’on oublie d’y réfléchir; c’est le grand mérite de cet album.
Le choix du chien comme narrateur permet une vision distanciée mais objective de la situation. Il est à la fois témoin et acteur puisqu’il remplit son rôle de gardien et protège la famille. Il assiste au déchirement de la femme, «Elle», tiraillée entre son rôle de mère et son désir de femme pour «le type» à l’harmonica.
Le récit, organisé en différentes scènes, ponctuées tour à tour par deux phrases – «Ce type est un vautour», «Ce bar est un enfer» – qui participent à la montée en puissance de l’action, trouve un apaisement final.
Les gravures, très colorées, cernées de noir vibrent à l’unisson du texte et présentent le décor du point de vue du chien.

Nous avons apprécié la qualité éditoriale de cet album qui mérite d’être partagé.
Il nous semble plutôt destiné à de jeunes adolescents

Josuan (8 avril 2009)

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07/05/2009 | Lien permanent

Yin la jalouse | album de Shen QIFENG, illustrations BOBI + BOBI

yin la jalouse.jpgÉd. HongFei, coll. Caractères chinois, avril 2009 - 16€

Yin et Pan vivent un amour sans limite, ou plutôt dont la seule limite est l’immense jalousie de Yin. Quand Pan, malade, vient à mourir, Yin sombre dans la mélancolie. Son cousin, le peintre Huisheng, entend parler de la maladie de Yin et décide de la guérir. Il peint un beau jeune homme, qui ressemble étrangement à Pan, entouré de six jeunes femmes splendides et de magnifiques fleurs comme celle du jardin de Yin et Pan. Huisheng présente ses peintures à Yin en lui expliquant que Pan les avait beaucoup appréciées mais qu’il lui avait demandé de les conserver craignant que Yin ne les trouve pas à son goût. À la vue des peintures Yin entre dans une rage folle attisée par les explications de Huisheng sur le caractère «ordinaire» de Pan, et elle détruit toutes les fleurs de la maison. Mais ce faisant elle a quitté son lit et repris pied dans la vie.

Traduction et adaptation d’un texte chinois du XVIIIe siècle «Une peinture astucieuse fait office de bon médecin», comme nous l’expliquent judicieusement les éditeurs, Yin la jalouse s’inspire des traditions de la médecine chinoise qui considère qu’un remède est efficace s’il tient compte de la nature particulière du patient. Ici, pour guérir la belle et lui permettre de survivre à la disparition de celui qu’elle aimait, le «médecin», utilise sa jalousie pour ternir son amour et par là affaiblir la souffrance provoquée par la mort de Pan. L’idée est audacieuse et l’histoire de Yin un peu acide. Les images – des peintures où dominent des teintes de bleu – sont quant à elles d’une étrange beauté qui confère à l’album un caractère énigmatique.

Ariane Tapinos (juin 2009)

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