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ON EST TOUS FAIT DE MOLÉCULES

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de Susin NIELSEN
Traduit du canadien par Valérie LE PLOUHINEC
Éd. Hélium, avril 2015, 211 pages, 14,90€

Stewart a perdu sa mère un an et demi plus tôt. Le père d'Ashley a quitté sa mère car il a découvert son homosexualité. Le père de Stewart et la mère d'Ashley, collègues de travail, vont tomber amoureux et décider d'emménager ensemble dans la grande maison des parents d'Ashley. Cela ne va pas se faire sans heurts.

Stewart, 13 ans et Ashley, 14, ne pourraient être plus différents l'un de l'autre. Stewart est ce que l'on appelle communément un « geek » ou un « nerd », principalement intéressé par les sciences et Doctor Who, tandis que Ashley ne se préoccupe que des apparences, son physique bien sûr mais aussi l'image que renvoie sa famille etc.

Ces deux-là ne sont vraiment pas faits pour s'entendre... 

Et pourtant, comme le dit le titre du livre, on est tous fait de molécules. C'est-à-dire que si différents que nous pouvons être parfois, il ne faut pas oublier que nous sommes tous constitués de la même « matière première ».

Et c'est cela que va s'attacher à démontrer Susin Nielsen. La différence ici n'est pas gommée, l'autrice ne dit pas que tout le monde est semblable. Au contraire, la différence est célébrée !

Ashley, tout comme Stewart, ont tous deux des éléments à apporter à l'autre et c'est la rencontre avec un authentique méchant qui va leur en faire prendre conscience.

Ce roman, le quatrième de Susin Nielsen publié aux éditions Hélium, est l'un de ses plus aboutis. Il regorge d'ailleurs d'allusions à ses autres romans, ce qui est particulièrement réjouissant pour un lecteur de la première heure. Mais les plus nouveaux y trouveront également leur compte, ce livre étant une excellente introduction à l'oeuvre de l'autrice, dans laquelle la différence est toujours un moyen de rapprochement entre les êtres.

Agnès Renié (février 2018)

A lire sur notre blog, la critique de Moi, Ambrose, roi du scrabble, de la même autrice.

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23/02/2018 | Lien permanent

LE SAPIN DE NOËL DE LULU

noël,sapin,écologiealbum-cd 
de Daniel PICOULY & Frédéric PILLOT (illustrations)
Raconté par Daniel Picouly
Éd. Magnard jeunesse, novembre 2014 – 14,90€

Lulu Vroumette est réveillée en sursaut par un vilain bruit, un « Grreum-Zeu ! Grreum-Zeu ! » qui revient tous les ans. Mais cette année Lulu décide de mener l'enquête pour découvrir qui est à l'origine de tout ce grabuge... Et ce qu'elle voit ne lui plaît pas du tout ! Lulu est très en colère. C'est un grand bûcheron qui coupe les sapins avec une terrible scie. Et oui, dans quelques jours c'est Noël et il va rapporter tous ces sapins aux enfants qui n'en ont pas encore. Mais Lulu le supplie de laisser sain et sauf son dernier ami encore sur pied. Le bûcheron accepte. C'est alors qu'elle entend son sapin pleurer à gros sanglots... Il voulait être un sapin de Noël lui, il voulait être décoré, côtoyer des montagnes de cadeaux et voir les enfants s'émerveiller ! Lulu se sent stupide, il lui faut vite une solution.

Tous les animaux de la forêt s'y mettent et ils décident de décorer le dernier des sapins coûte que coûte et d'écrire au Père Noël pour qu'il vienne déposer quelques cadeaux sous ses branches. Mais il bien trop tard pour prévenir le Père Noël... Alors c'est Lulu qui va le remplacer, pour cette année ! Car « Qu'on se le dise, l'année prochaine, le Père noël viendra lui-même, pourvu qu'à temps on le prévienne, pourvu, pourvu (...) Foi de Lulu

On retrouve ici notre célèbre Lulu Vroumette dans un de ses nombreux combats pour défendre la nature. Ce récit soulève une question « épineuse » : nous détruisons une part importante des forêts chaque année pour Noël en coupant de nombreux sapins mais la majorité d'entre eux sont cultivés pour ceci précisément... Que faire ?

Une jolie histoire de noël qui se termine dans la joie. Même si l'homme au manteau rouge ne pointe pas le bout de son nez, la fête est réussie pour tous nos petits amis. La prose en rime de Daniel Picouly, toujours amusante et riche, accompagnée des belles illustrations de Fédéric Pillot, sont un plaisir pour les yeux et pour les oreilles. Ce livre est vendu avec un cd sur lequel Daniel Picouly nous lit l'histoire sur fond musical et entrecoupée d'un petit bruit de baguette magique pour savoir quand tourner la page.

Entre les « Grreum-Zeu ! » et les noms des animaux tous aussi farfelus les uns que les autres, un bon moment de lecture ou d'écoute, « Foi de Lulu ! ».

Chloé Boulanger (novembre 2015)

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29/11/2015 | Lien permanent

Mon premier livre de contes et de comptines | album de Franciszka THEMERSON

9782352890423.jpgTraduit de l’anglais par Françoise Morvan
Éd. MéMo, coll. Les Trois Ourses | janvier 2009 – 28 €

Ce très bel album regroupe quatre contes (Qui a tué Robin Rouge-Gorge ?, Le Bonhomme de pain d’épice, Les Trois Petits Cochons et Les Trois Ours) illustrés par Franciszka Themerson, une dessinatrice d’origine polonaise émigrée en Angleterre dans les années 40. À la fois audacieuses et délicieusement rétro, ses illustrations sont pleines de vie, tendres et impertinentes, jouant sur les contrastes de couleurs (un orange très vif, très lumineux voisine avec un bleu gris profond) et de formes (de grands aplats unis complétés par des détails au pinceau fin, légers, rapides). Le loup des Trois Petits cochons, en gilet rose à fleurs blanches, chapeau melon et col cassé amidonné, harcelant un petit cochon dodu à souhait dont le linge sèche nonchalamment sur un bord de page, est tout à fait savoureux. Les textes – dans l’excellente traduction de Françoise Morvan – sont à l’avenant : ce sont des versions non édulcorées (Boucle d’or y est certes jolie mais surtout très mal élevée !), jouant sur l’accumulation (la course effrénée du Bonhomme de pain d’épice), la poésie énigmatique (Qui a tué rouge-gorge), les répétitions et allitérations (le loup, encore : « Il souffla à bouffées, il souffla à bouffées, il souffla et souffla à bouffées et bouffées : jamais il ne put souffler la maison »).

Également éditrice, avec son mari écrivain Stefan, Franciszka Themerson avait fondé à Londres Gaberbocchus Press, une maison indépendante qui avait pour idéal de publier des best-lookers, des livres d’artistes plutôt que des best-sellers. Rien d’étonnant à ce que MéMo, qui excelle à faire revivre les plus belles créations en ce domaine, nous donne aujourd’hui à apprécier une part de son travail à destination des enfants. Ce Premier livre de contes et de comptines offre un plaisir à ne pas bouder, mélange de classissisme, de fantaisie et d’avant garde… indémodable, qui devrait ravir les petits et leurs parents pour sa première publication en français, soixante ans après sa création en Angleterre.

Corinne Chiaradia (mars 2009)

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10/04/2009 | Lien permanent

LE CADEAU DE NOËL DE GASTON GRIPPEMINE

cadeau de Noël de Gaston.gifAlbum
de John BURNINGHAM
Traduit de l’anglais par Rose-Marie Vassalo
Éd. Flammarion, coll. Père Castor
Décembre 1998 – 13,50 €

Après avoir livré leurs cadeaux à tous les enfants du monde, le Père Noël et ses rennes rentrent chez eux fourbus. Le vieil homme borde ses rennes et se glisse, tout heureux, dans son lit quand… il aperçoit, au fond de son sac un cadeau oublié : le cadeau de Gaston Grippemine, le seul que ce petit garçon, dont les parents sont très pauvres,  reçoit de toute l’année. Pas question pour le Père Noël de priver Gaston de son cadeau. Courageux, il enfile son manteau par dessus son pyjama et se met en route – sans ses rennes déjà endormis – vers le Mont Briochon où vit Gaston Grippemine. Heureusement, le Père Noël va pouvoir compter sur l’aide et la générosité de ceux que son chemin va croiser. Avion, voiture, moto, skis à l’aller… cheval, trottinette, vélo, hélicoptère, patins à glace et à roulettes… au retour. Le Père Noël aura vraiment mérité de se coucher enfin et le petit Gaston s’éveillera heureux de trouver son cadeau glissé dans sa chaussette !

Comme toujours avec John Burningham, les images mélangent dessins des personnages au crayon et décors peints saturés de couleurs et de matières. Comme souvent, c’est la nuit qui l’inspire le plus et celle de Noël est magnifique avec son crépuscule orangé et son aube parée d’or avant, qu’au petit matin, le ciel et la page se couvrent d’un bleu glacé troublé de nuages floconneux.

Gaston Grippemine est à la fois une histoire accessible aux plus petits, avec ses répétitions et un conte de Noël dans la plus pure tradition, celle qui veut que la nuit de Noël, chacun donne un peu aux autres. Ce Père Noël là n’est pas un super héros mais un humain généreux et tenace qui fait passer le bonheur d’un petit garçon avant son confort.

Ariane Tapinos (novembre 2013)

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30/11/2013 | Lien permanent

Le Chemin de Sarasvati | roman de Claire UBAC

chemin sarasvati.gifÉd. L’École des loisirs | coll. Médium | mars 2010 | 290 pp. – 11€

Dès sa naissance, Isaï doit affronter la cruauté et l’intolérance. Alors que son père est parti chercher du travail à Bombay, elle vit avec sa mère chez sa famille paternelle. Sa tante, l’épouse du frère de son père, est un monstre de méchanceté et de cruauté. Persuadée qu’une fille ne vaut rien et jalouse du peu de place qu’Isaï et sa mère occupent au sein de la famille, elle n’a de cesse d’enjoindre sa belle sœur à se débarrasser d’Isaï. La mère d’Isaï tient bon jusqu’au moment où, emportée par la maladie, elle laisse sa Isaï aux mains de cette méchante femme. Les humiliations pleuvent sur la petite fille. son horrible tante lui rase même les cheveux…

Isaï décide de s'enfuir et de partir à la recherche de son père dont elle ne peut concevoir qu'il l'ait abandonnée. Déguisée en garçon (sa tête rasée lui sert finalement à quelque chose) et accompagnée de Murugan, un jeune intouchable désireux de fuir sa condition, elle entreprend ce grand voyage...

Road movie dans l'Inde moderne entre misère et splendeur, entre cruauté des uns et compassion de autres, Le Chemin de Sarasvati est un roman émouvant et sensible sur le destin de deux enfants qui se battent pour connaître une vie meilleure. Claire Ubac dresse un portrait tantôt effrayant, tantôt plein d'espoirs, qui résume bien les facettes contrastées de l'Inde des possibles.

Ariane Tapinos (mai 2010)

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30/05/2010 | Lien permanent

Le Noël de Max | album de Rosemary WELLS

noel de max.gifTraduit de l’américain par Isabelle Reinharez
Éd. L'École des Loisirs, 2000 [1987]
11 €

«Devine Max! Demain c’est Noël!» Marie la raisonnable explique à son petit frère Max que le Père Noël va descendre ce soir par la cheminé et qu’il faut vite aller se coucher car PERSONNE ne peut voir le Père Noël. Personne? Max n’y croit pas et descend en catimini pour se poster dans le salon… et alors Zoom! Devinez qui vient d’arriver?

L’autorité de Marie et la facétie de Max donnent un dialogue absolument irrésistible où Max questionne sans jamais obtenir de réponse satisfaisante, et où Marie joue les grandes personnes. À la fin bien sûr les rôles s’inversent et Max finira par reprendre à son compte le «parce que» définitif des grands pour répondre aux questions de sa grande sœur… parce qu’à certaines occasions, se sont les plus petits qui ont raison et les grands qui n’y comprennent rien!

Nathalie Ventax
(décembre 2010)

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09/12/2010 | Lien permanent

Fleurs de dragon | roman de Jérôme NOIREZ

Fleurs de dragon.gifÉd. Gulf Stream, coll. Courants noirs
mars 2008, 285 pages - 13,50 €

Au Japon, au milieu du XVe siècle, Ryôsaku, officier de police du Shogunat, est chargé de mener l’enquête sur une série d’assassinats mystérieux, dont toutes les victimes ont été retrouvées avec dans la bouche un extrait du chapitre 25 du Sûtra du Lotus. Flanqué de trois adolescents – dont la peine de prison pour faits de délinquance a été commuée en mission de renfort et protection auprès de Ryôsaku en vertu de leur extraction noble – l’enquêteur non armé (il ne porte qu’un petit maillet avec lequel il se frappe le crâne pour activer sa réflexion et… celle de ses apprentis samouraïs) se lance sur les routes à la poursuite du coupable. Quittant Kyoto pour l’est et le nord du Honshu, Ryôsaku le samouraï désarmé, Kaoru l’infatigable coureur de jupons, Keiji l’as du sabre et Sôzô le joueur de luth forment une curieuse et sympathique compagnie.

Bien que la traque soit émaillée de nombreux dangers et péripéties, Jérôme Noirez conduit ses personnages au rythme un peu lent des chevaux des quatre protagonistes et c’est ce qui donne tout son charme – oriental – à cette aventure nippone. La malice y domine dans le ton de l’auteur, comme dans les relations entre les personnages. Le mystère est, en partie, éclairci à la fin du roman, mais ce sont surtout les trois adolescents qui ont gagné en épaisseur au fil des pages. On quitte à regret les chemins du Japon du Moyen Âge avec, cependant, l’espoir, comme le laisse entrevoir la solution partielle de l’énigme, de retrouver Ryôsaku et ses acolytes dans de nouvelles aventures.
Ariane Tapinos
(première publication: août 2008)

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17/03/2011 | Lien permanent

Notes de Hiroshima | essai de Kenzaburô Ôé

Notes de Hiroshima.gifTraduit du japonais par Dominique Palmé
Éd. Gallimard, coll. Arcades
[1965] septembre 1996, 230 pp. 13,72 €

Prix Nobel de littérature en 1994, Kenzaburô Oé n’est encore qu’un jeune romancier de vingt-huit ans quand il entreprend en 1963 ces Notes de Hiroshima. Promis à une belle carrière (ses premiers écrits, notamment Gibier d’élevage, ont rencontré le succès), il n’imagine pas alors à quel point ses voyages à Hiroshima seront déterminants pour son avenir et sa façon de concevoir l’écriture, le rôle de l’écrivain, la dignité humaine et la vie tout simplement. Alors qu’aujourd’hui les malheurs, les guerres et les morts se succèdent dans les médias de manière presque «anodine» (sans conséquences sur notre intimité), ce livre fait d’humilité, de compassion et d’immersion de l’écrivain dans le vécu et la parole des victimes est bouleversant.

Écrits à l’origine pour un journal japonais, ces reportages sont un précieux témoignage sur la perception des bombardements atomiques et de leurs survivants (les hibakusha) vingt ans après. Sans écrire un documentaire (Ôé assume pleinement sa subjectivité), l’auteur délivre des informations essentielles sur les souffrances physiques et psychologiques endurées par les rescapés. Souffrances qui débutèrent dans le silence: le Code de la presse instauré en 1945 par MacArthur imposait un embargo sur la parole des victimes et jusqu’en 1952 la censure interdit toute évocation des bombardements par l’écrit, l’image ou la parole. Ceci n’étant que l’un des aspects les plus frappants d’une ségrégation (renvoi dans les marges misérables de la société) vécue et assumée dans la honte. L’ironie (?) de cette époque étant que ces mêmes victimes furent très rapidement instrumentalisées par les différents mouvements pour la paix et l’abolition des bombes A et H. Face à l’enlisement des mouvement pacifistes «officiels» et à l’indifférence feinte du gouvernement japonais, Ôé dresse un parallèle cinglant avec les batailles menées au jour le jour, à Hiroshima même, par quelques hommes et femmes d’exception, engagés aux côtés des hibakusha et souvent eux-mêmes irradiés.

Cet essai, achevé en 1965, a été réédité en 1995 à l’occasion du cinquantenaire des événements. À cette occasion, Ôé y adjoignit une magnifique préface qui est toujours d’une brûlante actualité. Ce n’est évidemment pas un texte «jeunesse». Il peut néanmoins concerner (interpeller) les adolescents contemporains qui grandissent dans une société où la terreur nucléaire a été étonnamment euphémisée…

Corinne Chiaradia

(première publication de l'article: juillet 2005)

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20/03/2011 | Lien permanent

Les Orphelines | pièce de théâtre de Marion AUBERT

Orphelines.jpgÉd. Actes Sud Papiers, coll. Heyoka Jeunesse | nov. 2009 - 10€

«MONSIEUR
(au public)
Il y a des pays, lorsqu’une petite fille vient au monde, les mamans sont tout étonnées. Il y a des pays, lorsqu’un petit garçon vient au monde, les papas courent dans la rue. Ils achètent du champagne rosé. Ils font cuire une dinde. Il y a des pays, lorsqu’un petit garçon vient au monde, on tue le veau gras. On pend partout des lampions. Des guirlandes. Les parents sont tellement heureux. Ils dansent. Ils font les fous. Ils remercient Dieu. Les mamans sont fières de leurs petits garçon. C’est une grâce d’avoir un garçon dans certains pays. Les garçons sont tellement précieux. Il y a des pays, lorsqu’une petite fille naît, c’est un malheur. La ville devient toute grise. Le cœur de la maman tombe. Le papa est très en colère contre la maman parce qu’elle ne sait faire que des filles. Vous imaginez, vous? C’est un peu comme si c’était un monstre, une petite fille, dans ces pays-là. Il y a des pays, lorsqu’une petite fille vient au monde, on la tue. On ne veut pas d’elle. Le village ne veut pas d’une petit fille pareille.
(À Violaine:)
“Moi, je suis là pour mener une enquête sur les petites filles disparues”, je dis comme ça.
»

«Il y a des pays, lorsqu’une petite fille vient au monde, on la tue»… Un grand écrivain, Monsieur, mène une enquête sur ces petites filles disparues, celles qui sont tuées à la naissance. Il est fait prisonnier dans un monde imaginaire, par des fillettes menées par Violaine. Auprès d’elles, il va apprendre la dure vie de ces enfants et des femmes qui sont leurs mères.
Avec trois personnages et quelques marionnettes, Marion Aubert nous entraîne dans un univers entre réalité et cauchemar, dans des limbes où vivent ces enfants non-nées ou tuées à la naissance. Avec ce procédé, elle réussit à parler de ce – de celles –  qui n’existe(nt) pas. En creux, elle dit la violence et la haine qui mènent à ces crimes répétés, renouvelés dans l’indifférence quasi-générale. Ne serait cet écrivain, ce Monsieur, qui s’est donné la tâche d’enquêter sur ce crime silencieux, personne ne parlerait de ces absentes. En rendant une voix à ces petites filles, incarnées par des marionnettes, elle trouve le moyen de s’adresser à de jeunes enfants et de leur dire des choses graves, des choses d’adultes qui les concernent pourtant. Elle leur parle d’amour et de haine, de désespoir et peut-être un peu d’espoir aussi.

L’écriture de Marion Aubert a un ton particulier, une musique fine et délicate où se mêlent humour et gravité dans une langue ciselée, précise, riche. C’est un régal d’intelligence et un bonheur de lecture. Il faut se plonger dans cet univers un peu baroque et décalé qui dit mieux le monde tel qu’il est que beaucoup de textes plus collés au réel. Il faut lire à voix haute (ou, encore mieux, aller au théâtre*) ce texte splendide qui parle aux enfants en empruntant leurs mots, avec cet mélange de naïveté et de lucidité qui les caractérise. Il faut écouter le Diablon et la Diablonne présenter l’histoire de Violaine et de ses petites amies et savourer leur dernier dialogue, en forme d’épilogue:

«La Diablonne
Est-ce que la pâte à petite fille est moins bonne?
Le Diablon
Moi, je me demande s’il y a un défaut dans le moule à petites filles.
La Diablonne
Moi, je me demande si le moule à petite fille c’est un moule à petit garçon cassé.
Le Diablon
Moi, je dis: “Non, non. Il y a deux moules différents
”»

Ariane Tapinos (février 2010)

* À Alès, les 7 & 8 avril 2010 et à Rouen les 20, 21 & 22 avril 2010, mise en scène Johanny Bert
Spectacle coproduit par La Grande Ourse - Scène Conventionnée Jeunes Publics (Villeneuve-Les-Maguelone)

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08/03/2010 | Lien permanent

Passeuse de rêves | roman de Lois LOWRY

Passeuse de rêves.jpgTraduit de l’américain par Frédérique Pressmann
Éd. L’École des loisirs, coll. Médium | mars 2010 | 165 pp. - 10€

Et si nos rêves nous étaient offerts par de minuscules créatures, des «passeurs de rêves» qui, tels des araignées, tisseraient les fils de nos souvenirs, récoltés autour de nous, pour en faire des songes doux et apaisants? Et si nos cauchemars nous étaient imposés par ceux qui, parmi ces créatures auraient, à trop fréquenter nos souvenirs douloureux, basculés du côté obscur (on les appelle alors les «saboteurs»)? Petite est une passeuse de rêves en apprentissage. Elle visite, chaque nuit, une vieille femme qui vit seule, avec son vieux chien, entourée du souvenir de celui qu’elle a aimé dans sa jeunesse et qui est mort à la guerre. Un jour, les services sociaux lui confient un petit garçon, John, et Petite doit redoubler d’ardeur pour lui offrir des rêves apaisants et opposer toute sa douceur à la malveillance des saboteurs.

Avec cette histoire, tissée dans une écriture poétique aux frontières du fantastique, Lois Lowry nous raconte la difficile reconstruction d’un petit garçon délaissé par sa mère et maltraité par son père. Elle nous fait entrevoir un monde, aux côtés du nôtre, où luttent nos souvenirs heureux et douloureux, pour nous aider à grandir et à vivre tout simplement.

Ariane Tapinos (février 2010)

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22/02/2010 | Lien permanent

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