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Notes de Hiroshima | essai de Kenzaburô Ôé

Notes de Hiroshima.gifTraduit du japonais par Dominique Palmé
Éd. Gallimard, coll. Arcades
[1965] septembre 1996, 230 pp. 13,72 €

Prix Nobel de littérature en 1994, Kenzaburô Oé n’est encore qu’un jeune romancier de vingt-huit ans quand il entreprend en 1963 ces Notes de Hiroshima. Promis à une belle carrière (ses premiers écrits, notamment Gibier d’élevage, ont rencontré le succès), il n’imagine pas alors à quel point ses voyages à Hiroshima seront déterminants pour son avenir et sa façon de concevoir l’écriture, le rôle de l’écrivain, la dignité humaine et la vie tout simplement. Alors qu’aujourd’hui les malheurs, les guerres et les morts se succèdent dans les médias de manière presque «anodine» (sans conséquences sur notre intimité), ce livre fait d’humilité, de compassion et d’immersion de l’écrivain dans le vécu et la parole des victimes est bouleversant.

Écrits à l’origine pour un journal japonais, ces reportages sont un précieux témoignage sur la perception des bombardements atomiques et de leurs survivants (les hibakusha) vingt ans après. Sans écrire un documentaire (Ôé assume pleinement sa subjectivité), l’auteur délivre des informations essentielles sur les souffrances physiques et psychologiques endurées par les rescapés. Souffrances qui débutèrent dans le silence: le Code de la presse instauré en 1945 par MacArthur imposait un embargo sur la parole des victimes et jusqu’en 1952 la censure interdit toute évocation des bombardements par l’écrit, l’image ou la parole. Ceci n’étant que l’un des aspects les plus frappants d’une ségrégation (renvoi dans les marges misérables de la société) vécue et assumée dans la honte. L’ironie (?) de cette époque étant que ces mêmes victimes furent très rapidement instrumentalisées par les différents mouvements pour la paix et l’abolition des bombes A et H. Face à l’enlisement des mouvement pacifistes «officiels» et à l’indifférence feinte du gouvernement japonais, Ôé dresse un parallèle cinglant avec les batailles menées au jour le jour, à Hiroshima même, par quelques hommes et femmes d’exception, engagés aux côtés des hibakusha et souvent eux-mêmes irradiés.

Cet essai, achevé en 1965, a été réédité en 1995 à l’occasion du cinquantenaire des événements. À cette occasion, Ôé y adjoignit une magnifique préface qui est toujours d’une brûlante actualité. Ce n’est évidemment pas un texte «jeunesse». Il peut néanmoins concerner (interpeller) les adolescents contemporains qui grandissent dans une société où la terreur nucléaire a été étonnamment euphémisée…

Corinne Chiaradia

(première publication de l'article: juillet 2005)

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20/03/2011 | Lien permanent

Les Orphelines | pièce de théâtre de Marion AUBERT

Orphelines.jpgÉd. Actes Sud Papiers, coll. Heyoka Jeunesse | nov. 2009 - 10€

«MONSIEUR
(au public)
Il y a des pays, lorsqu’une petite fille vient au monde, les mamans sont tout étonnées. Il y a des pays, lorsqu’un petit garçon vient au monde, les papas courent dans la rue. Ils achètent du champagne rosé. Ils font cuire une dinde. Il y a des pays, lorsqu’un petit garçon vient au monde, on tue le veau gras. On pend partout des lampions. Des guirlandes. Les parents sont tellement heureux. Ils dansent. Ils font les fous. Ils remercient Dieu. Les mamans sont fières de leurs petits garçon. C’est une grâce d’avoir un garçon dans certains pays. Les garçons sont tellement précieux. Il y a des pays, lorsqu’une petite fille naît, c’est un malheur. La ville devient toute grise. Le cœur de la maman tombe. Le papa est très en colère contre la maman parce qu’elle ne sait faire que des filles. Vous imaginez, vous? C’est un peu comme si c’était un monstre, une petite fille, dans ces pays-là. Il y a des pays, lorsqu’une petite fille vient au monde, on la tue. On ne veut pas d’elle. Le village ne veut pas d’une petit fille pareille.
(À Violaine:)
“Moi, je suis là pour mener une enquête sur les petites filles disparues”, je dis comme ça.
»

«Il y a des pays, lorsqu’une petite fille vient au monde, on la tue»… Un grand écrivain, Monsieur, mène une enquête sur ces petites filles disparues, celles qui sont tuées à la naissance. Il est fait prisonnier dans un monde imaginaire, par des fillettes menées par Violaine. Auprès d’elles, il va apprendre la dure vie de ces enfants et des femmes qui sont leurs mères.
Avec trois personnages et quelques marionnettes, Marion Aubert nous entraîne dans un univers entre réalité et cauchemar, dans des limbes où vivent ces enfants non-nées ou tuées à la naissance. Avec ce procédé, elle réussit à parler de ce – de celles –  qui n’existe(nt) pas. En creux, elle dit la violence et la haine qui mènent à ces crimes répétés, renouvelés dans l’indifférence quasi-générale. Ne serait cet écrivain, ce Monsieur, qui s’est donné la tâche d’enquêter sur ce crime silencieux, personne ne parlerait de ces absentes. En rendant une voix à ces petites filles, incarnées par des marionnettes, elle trouve le moyen de s’adresser à de jeunes enfants et de leur dire des choses graves, des choses d’adultes qui les concernent pourtant. Elle leur parle d’amour et de haine, de désespoir et peut-être un peu d’espoir aussi.

L’écriture de Marion Aubert a un ton particulier, une musique fine et délicate où se mêlent humour et gravité dans une langue ciselée, précise, riche. C’est un régal d’intelligence et un bonheur de lecture. Il faut se plonger dans cet univers un peu baroque et décalé qui dit mieux le monde tel qu’il est que beaucoup de textes plus collés au réel. Il faut lire à voix haute (ou, encore mieux, aller au théâtre*) ce texte splendide qui parle aux enfants en empruntant leurs mots, avec cet mélange de naïveté et de lucidité qui les caractérise. Il faut écouter le Diablon et la Diablonne présenter l’histoire de Violaine et de ses petites amies et savourer leur dernier dialogue, en forme d’épilogue:

«La Diablonne
Est-ce que la pâte à petite fille est moins bonne?
Le Diablon
Moi, je me demande s’il y a un défaut dans le moule à petites filles.
La Diablonne
Moi, je me demande si le moule à petite fille c’est un moule à petit garçon cassé.
Le Diablon
Moi, je dis: “Non, non. Il y a deux moules différents
”»

Ariane Tapinos (février 2010)

* À Alès, les 7 & 8 avril 2010 et à Rouen les 20, 21 & 22 avril 2010, mise en scène Johanny Bert
Spectacle coproduit par La Grande Ourse - Scène Conventionnée Jeunes Publics (Villeneuve-Les-Maguelone)

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08/03/2010 | Lien permanent

Passeuse de rêves | roman de Lois LOWRY

Passeuse de rêves.jpgTraduit de l’américain par Frédérique Pressmann
Éd. L’École des loisirs, coll. Médium | mars 2010 | 165 pp. - 10€

Et si nos rêves nous étaient offerts par de minuscules créatures, des «passeurs de rêves» qui, tels des araignées, tisseraient les fils de nos souvenirs, récoltés autour de nous, pour en faire des songes doux et apaisants? Et si nos cauchemars nous étaient imposés par ceux qui, parmi ces créatures auraient, à trop fréquenter nos souvenirs douloureux, basculés du côté obscur (on les appelle alors les «saboteurs»)? Petite est une passeuse de rêves en apprentissage. Elle visite, chaque nuit, une vieille femme qui vit seule, avec son vieux chien, entourée du souvenir de celui qu’elle a aimé dans sa jeunesse et qui est mort à la guerre. Un jour, les services sociaux lui confient un petit garçon, John, et Petite doit redoubler d’ardeur pour lui offrir des rêves apaisants et opposer toute sa douceur à la malveillance des saboteurs.

Avec cette histoire, tissée dans une écriture poétique aux frontières du fantastique, Lois Lowry nous raconte la difficile reconstruction d’un petit garçon délaissé par sa mère et maltraité par son père. Elle nous fait entrevoir un monde, aux côtés du nôtre, où luttent nos souvenirs heureux et douloureux, pour nous aider à grandir et à vivre tout simplement.

Ariane Tapinos (février 2010)

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22/02/2010 | Lien permanent

Les Enfant sauvages | pièce de Timothée de FOMBELLE

Affiche 2.jpg«La rencontre avec Timothée de Fombelle est apparue comme une évidence puisqu’il s’agissait d’écrire une histoire sur le thème des enfants sauvages, mettant en confrontation le mythe et la réalité. Ce point de vue dramaturgique n’avait pas trouvé d’existence dans la littérature jeunesse contemporaine. La commande d’écriture devenait essentielle.
Mais plutôt qu’une simple commande d’un texte, l’idée même de compagnonnage annonçait une étroite complicité tout le long de la création suscitant des allers-retours entre l’auteur, la metteur en scène et l’équipe artistique. Cette dimension nouvelle a permis d’engager l’écriture dans un processus de travail partagé laissant du temps et de l’espace. Elle facilite la réalisation d’un projet singulier en parfaite adéquation avec les univers de chacun. La création Les Enfants sauvages s’invente entre mythe et réalité.
»
Betty Heurtebise, metteur en scène, compagnie La petite fabrique.

Les enfants sauvages
A voir Aux Colonnes les 17 et 18 février à 19h à Blanquefort.
et au TnBA du 4 au 7 mai à Bordeaux
En savoir plus [ici]

Et aussi : lecture par Timothée de Fombelle, de son texte, Le phare, à la médiathèque Assia Djebar, mardi 16 février à 20h30, Blanquefort.

… et enfin à Comptines, mercredi 17 février, rencontre avec Timothée de Fombelle et la compagnie La petite fabrique.

Entretien
avec Timothée de Fombelle

Quel a été ton rapport à la commande dans ce travail d'écriture?
Timothée de Fombelle: Le plaisir de la commande, c'est d'entrer dans le désir des autres. Un  thème, des talents différents, des envies différentes… On se retrouve à jeter des ponts, à rendre les contraintes les plus fécondes possible. Ici, la commande était dans un titre qui m'était donné. Le collectif avait finalement de l'avance sur moi, puisqu'ils y pensaient depuis un certain temps, mais j'arrivais avec peut-être une fraîcheur nécessaire. Mon but était surtout de laisser beaucoup d'espace autour de mes mots pour que chacun (mise en scène, image, son, scénographie, musique, jeu des acteurs) puisse y glisser une liberté au moins égale à la mienne. Le deuxième temps est celui de la discussion, du débat, de l'expérimentation autour de mon texte. On le met à l'épreuve, on le met en pièces. C'est passionnant. On réoriente mes mots comme on le ferait d'un comédien ou d'un projecteur. «Plus à gauche! Moins fort!» Il faut alors trouver l'équilibre entre l'écoute et une vigilance sur la fidélité à ce qui fait mon écriture. Mais le plus important repose sur la confiance.

– Quelle a été ton entrée concernant cet «acte civilisateur», incarné notamment par Cazard?
Bien sûr, il y a une grande richesse des écrits, des films ou des pièces sur le sujet. Ce sont autant d'entrées que j'aurais pu emprunter. Notre pièce Les Enfants sauvages est comme une «variation sur un thème». Elle ne se veut ni la synthèse, ni même notre réponse à cette question d'une «rééducation» des enfants qui ont grandi à l'état sauvage. Comme d'habitude quand je travaille sur un sujet qui a une réalité historique ou clinique, ma démarche a donc été de me documenter, puis de tout oublier. Très vite, je dois mettre en premier l'imaginaire. En fait, il suffit de mettre en présence l'enfant sauvage et l'homme civilisé, puis de regarder ce qu'il se passe.

– Comment as tu abordé la question du langage dans le dessin de ces deux enfants sauvages?
L'idée était que le langage des enfants sauvages serait forcément une création. Je voulais franchir le mur de leur silence. Il fallait se mettre dans la peau d'une sorte de traducteur. Traduire en mots ce que les personnages ne devraient pas pouvoir formuler. On en arrive à une espèce de sous-titrage poétique de leurs envies, de leurs peurs. Leur langage se distingue forcément des codes de la civilisation dans laquelle ils sont plongés. Ce que je remarque, c'est que ce travail du langage est finalement toujours présent dans l'écriture d'une pièce. La parole théâtrale est toujours une succession de traductions.
Propos recueillis par Ingrid Bertol.

L’écriture collective - Le travail à la table
Dans la construction d'une création théâtrale, il y a une étape et que l'on nomme «le travail à la table» et qui correspond à un travail de réflexion dramaturgique, dans lequel en général est envisagé le rapport du texte au jeu d'acteur.
Pour Les Enfants sauvages, les lectures «à la table» ont permis de réaliser une écriture collective autour du texte.
Il s'agit d'adapter, en lien avec l'auteur, l'écriture au fur et à mesure des rencontres avec l'ensemble de l'équipe, pour aboutir à une histoire qui s'appuie sur tous les éléments de la mise en scène (projection vidéo, scénographie, jeu des acteurs…).
Dans cette écriture progressive les mots sont repris, malaxés; le texte devient une matière qui se déploie au fil des discussions, des lectures et des mises en espace.
Les personnages ont ainsi suivi une évolution certaine qui leur permet, par leur complexité et ambivalences, de ne pas être réduits à leur archétype.
Entre réaliste et onirisme, cette histoire est celle d'un mystère, qui se dévoile ici par le lien entre un frère et une sœur; ce lien est brisé par un personnage, celui de l'instituteur Cazard qui incarne la figure « civilisatrice ».

Les Enfants sauvages, extraits.
Deux enfants vivaient dans la forêt blanche. Ils avaient grandi là, frère et sœur. Ils ne connaissaient pas le reste du monde et le monde ne les connaissait pas. Deux enfants sauvages vivaient seuls dans la forêt blanche. Ils parlaient un langage que seuls ils comprenaient…

La sœur
Chant incantatoire après la capture de son frère
ELLE: […] Attends-moi. Ils auront peur. Ils verront les arbres plier sur eux. Ils seront enfermés dans dix saisons de neige. Le vent, les ouragans d’insectes. Ils verront ce monde se jeter sur eux. Ils se cacheront. Je suis là. Ils seront dans la boue de leurs larmes. Ici leur cri de peur fera bouger les arbres. Il n’y aura plus de carrés de lumières. Ils se seront couverts de nuit, de feuilles mortes, de branches. Je veux être leur piège. Je viendrai avec la pluie. Je viendrai avec les bêtes, les oiseaux, la neige. Je me jetterai sur eux avec les tempêtes. Attends-moi. Enlève tes larmes pour que je te reconnaisse quand je viendrai.

Solitude
ELLE: Tu m'oublies. Je t'ai vu debout, à côté de lui faire des traces blanches sur le mur noir avec tes doigts. Moi aussi je veux être là, faire des traces blanches avec mes doigts. Ici rien ne change. Je reste la même. Mais toi… Toi, tu as changé. Je ne te reconnais pas toujours. Tu tiens les choses de leur monde dans tes mains. Tu fais bouger les lumières. J'ai envie de de cela. Faire comme toi…

CAZARD: […] La chasse! Je propose la chasse. Pour que cette errance s’arrête, pour que cesse la violence de la clandestinité, pour que cette enfant puisse rejoindre les vôtres sur les bancs de l’école, il faut la trouver et la capturer. Il faut repêcher cette petite créature pour la rendre à l’enfance et à la civilisation. Demain, avant le coucher du soleil, nous serons quarante à l’attendre dans les bouleaux de la lisière. Je compte sur vous.

Plus tard…
CAZARD: L’hiver est venu. Il fait un froid de loup. J'en avais oublié le petit sauvage dans son coin. Les gens s’enferment pour boire du thé et raconter des histoires entre eux. On ne me parle plus. On parle de moi. Je perds tout espoir. L’enfant demeure plus sauvage et plus menaçant qu’un sanglier blessé. J'ai commis des erreurs.

Le frère
LUI: Je veux partir de là. Viens me chercher. Ils m’ont attrapé. Où es-tu? Viens. Viens. Je t'avais prévenue. je veux tenir tes mains. Je veux tenir tes mains. Quand je me cache les yeux, je suis un peu tranquille, j’ai moins peur. Celui-là, je ne sais pas ce qu’il veut de moi. Je voudrais que tu sois avec moi. Quelque chose me fait mal dans moi. Quelque chose me fait si mal. Tu ne viendras plus?


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19/01/2010 | Lien permanent

De chaque côté des cimes | roman de Claire MAZARD

9782020987783-1.jpgéd. Seuil jeunesse, coll. Karactère(s), mars 2009, 184 pp. - 9€

Dahoé et Namkha vivent au Zanskar «le Petit Tibet», niché en plein cœur de l’Himalaya, à plus de 3500 mètres d’altitude. Dans l’immensité himalayenne, leur univers est clos, entouré de hautes montagnes, isolé du reste de l’Inde plusieurs mois par an. Dahoé et Namkha ont le même âge, 14 ans au début du récit, et sont les meilleures amies du monde. Leur vie est simple et rude. «Notre vie, dit Dahoé, c’est notre éternelle goncha (manteau de laine) élimée… Ce sont nos lèvres gercées, nos mains gelées, notre corps frigorifié… C’est l’hiver rigoureux qui dure neuf longs mois et nous oblige à rester enfermés pendant des semaines. C’est l’été, aride et court, le soleil brûlant qui nous abîme les yeux…» Leur vie est identique, mais leurs aspirations, peu à peu divergent. Quand Mamkha est mariée, sans avoir jamais rencontré son futur époux, ni avoir eu son mot à dire sur ce mariage, Dahoé continue de regarder au-delà des cimes et de s’interroger sur le monde qu’elles cachent.

Depuis toujours Dahoé se demande ce qu’il y a de l’autre côté des montagnes qui sont son horizon. À quoi ressemblent les paysages, comment on y vit. Le mariage –et l’enlèvement qui s’en suit– de Mamkha, va achever de la convaincre qu’elle veut une autre vie, un horizon plus vaste. Et surtout, surtout, pas de mari connu ou inconnu. Elle veut apprendre et découvrir le monde. C’est grâce à sa tante et à son oncle, tous deux religieux bouddhistes, qu’elle va quitter sa vallée et rejoindre, après un éprouvant voyage –le tchadar–, un couvent de Dharamsala, où s’achève le récit et commence sa nouvelle vie.

Claire Mazard a su trouver le ton, le rythme, pour écrire cette histoire des hauts sommets, d’une amitié d’enfance qui fait face à la vie qui passe et aux trajectoires qui s’éloignent. Elle nous fait partager la tendresse qu’elle a pour ses personnages et le respect que lui inspire leur courage dans un monde où l’affection des siens ne parvient pas toujours à compenser la dureté de la nature et de l’environnement. Elle raconte, tout en délicatesse, cet univers comme figé dans le temps et, sans porter de jugements, elle en dessine les limites, comme les montagnes qui entourent le Zanskar. Elle réussit aussi à faire de cette histoire qui se déroule dans un endroit si reculé, si lointain, si différent du nôtre, une histoire universelle de deux jeunes filles qui apprennent et grandissent. Une histoire qui touche juste.

Ariane Tapinos (mai 2009)

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Chant de mines | théâtre de Philippe GAUTHIER

chant de mines.gifÉd. L'École des loisirs, coll. Théâtre | mai 2009 | 94 pages - 7€
(pièce à 5 personnages)

Dans un orphelinat loin d'ici, trois gamins trompent l'ennui en attendant Noël. Leurs cadeaux rêvés: Léo et Mathieu ont chacun demandé une nouvelle prothèse de jambe (et oui, ils ont grandi), et pour leur copain ce sera un nouveau fauteuil car, la faute à pas-de-chance, ce copain (Pad'bol est son nom) a perdu ses deux jambes sur des mines antipersonnel. Pad'bol va encore se casser le nez, se cramer les sourcils, il est vraiment très maladroit... et ses copains l'aident un peu (à se cogner dans les portes). L'important, c'est que jambes, nez, fauteuil arrivent à temps pour le grand match de foot de Noël: l'orphelinat contre l'hôpital de la Croix-Rouge - toujours mieux équipé. Mais très au Nord le Père Noël est débordé, distrait, grincheux, irrité par la Mère Noël. Alors l'orphelinat et ses terrains minés, ce sera pour la toute fin de tournée...

La pièce se déroule «quelque part dans le monde où les mines anti-personnel font entendre leur douce voix», et aussi un peu en Laponie, dans le QG du barbu au sale caractère. L'accompagnement sonore est fait d'explosions (le chant des mines), dialogues et monologues sont écrits dans une langue verte, crue, au vocabulaire minimal et percutant, le tout balance entre le rêve éveillé et l'autodérision, aux confins de l'humour noir. Car la pièce est drôle! Mais cet humour ne s'exerce jamais aux dépens des enfants, mais plutôt de nous, adultes, qui les imaginerions plus volontiers larmoyants que sarcastiques; et l'on ne peut que rendre les armes quand ils qualifient finalement le Père Noël de «sale con». Entre l'innocence de l'enfance et une lucidité tragique (Léo se rêve en Zidane, il sait bien qu'il lui manque une jambe... «mais bon») l'auteur parvient par l'humour - grinçant certes, mais salvateur - à rendre l'absurdité et l'injustice totale de la situation de ses personnages.

Corinne Chiaradia (juin 2009)

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08/07/2009 | Lien permanent

Céleste, ma planète | roman de Thimothée de FOMBELLE

9782070623242.jpgIllustré par Julie RICOSSÉ
Éd. Gallimard jeunesse, coll. Folio junior | février 2009 | 96 pp. - 4 €

A peine arrivée, Céleste a disparu... Le narrateur, un garçon de quatorze ans qui vit seul au cœur du monde déshumanisé de !ndustry, l’entreprise pour laquelle travaille sa mère, se met à sa recherche. Il retrouve Céleste, tout en haut de la tour parking, au milieu des effluves des gaz d’échappement. Cachée par ses parents, elle est malade. Son visage et son corps sont couverts de taches. Et ces taches, il les reconnaît, lui qui passe le plus clair de ses heures de solitude à dessiner des cartes du monde : elles représentent les endroits de la terre qui sont en danger. Amazonie, Antarctique, océans asséchés…

Céleste porte sur elle les stigmates de la terre maltraitée par les hommes qui l’habitent et l’exploitent. Alors Céleste disparaît de nouveau. C’est que les dirigeants d’!ndustry n’ont pas intérêt à ce que soient connus les ravages que leur compagnie fait subir à l’environnement. Mais par amour, et aussi par lucidité, le jeune garçon entreprend de sauver Céleste et dévoiler aux hommes la menace de la fin de leurs univers.

Dans cette courte fable philosophique et écologiste, on retrouve le talent de raconteur d’histoires de Timothée de Fombelle, découvert dans le merveilleux Tobie Lolness et ses préoccupations pour l’environnement. Contée ici à la manière d’un récit d’anticipation, l’histoire de Céleste qui est l’histoire de la terre, laisse, comme dans les aventures de Tobie, une large place à la poésie. Entre rêve et cauchemar, Timotée de Fombelle nous invite à réfléchir au mal que nous faisons à la nature qui nous entoure, aux risques que nous prenons pour l’avenir, mais ce faisant, il nous entraîne dans une lecture délicate et lumineuse. Une lecture respectueuse des enfants auxquels elle se destine, ces «jeunes lecteurs» un peu délaissés par l’édition jeunesse ces derniers temps…

Ariane Tapinos (mars 2009)

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12/03/2009 | Lien permanent

Coups de cœur | album de Séverin MILLET

9782020989978.jpgÉd. Seuil jeunesse | janvier 2009 | 12 €

Une abeille volette de cœur en cœur et nous invite page à page à suivre son vagabondage Elle nous présente à sa façon chaque double page.
Un album d’images très vives, très colorées où chacun s’amusera à suivre la piste de l’abeille et des cœurs.
Nous avons aimé ce véritable ballet qui invite à poursuivre le jeu graphique de l’auteur.

Josuan (mars 2009)

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22/03/2009 | Lien permanent

La Route de Chlifa | roman de Michèle MARINEAU

9782266158220.gifÉd. Pocket jeunesse, coll. Roman | janvier 2009 | 190 pp. - 6,40 €

En dix ans, de Beyrouth à Montréal, de la guerre à l'exil, le trajet d'un adolescent entre violence et espoir.
Première partie : janvier 1999, Karim arrive en cours d’année dans un lycée francophone de Montréal, au Canada. Il doit affronter la curiosité – bien ou mal intentionnée – de ses nouveaux compagnons de classe, le racisme, le froid, l’absence de ses amis, l’indifférence («le plus dur c’est l’indifférence, l’impression d’être transparent. Et quand on a enfin le sentiment d’exister, c’est parce qu’on dérange»), les souffrances de l’exil…

Son adaptation à son nouveau pays n’est pas chose facile et à peine un mois et demi après son arrivée, il se retrouve à l’hôpital pour avoir voulu défendre une jeune fille asiatique à laquelle s’en prenait une bande d’imbéciles racistes et misogynes.

Deuxième partie : Beyrouth 1989, Karim est seul dans la ville bombardée tous les jours. Ses parents et ses deux petits frères sont partis au Canada rendre visite à son grand-père et ils ne peuvent plus rentrer depuis que les combats de sont intensifiés. Karim est resté pour passer son bac, mais le lycée a fermé, il n’est plus question que de survivre. Quand, dans le bombardement de leur immeuble, Nada, la jeune fille qu’il aime, et presque toute sa famille sont tués, Karim s’embarque dans un drôle de voyage avec Maha 10 ans, la sœur de Nada, et Jad son petit frère encore bébé. De ce périple dans un pays en guerre, naît une belle amitié, brisée encore une fois par la mort.

Troisième partie : un peu apaisé, Karim envisage avec plus d’optimisme et de souplesse sa nouvelle vie au Canada. Et même s’il déteste toujours le froid, il a appris à aimer les tempêtes de neige.
Un beau roman difficile, qui jette des passerelles entre l’Orient et l’Occident. Entre la guerre là-bas et l’exil ici. Entre la mémoire douloureuse du passé et les espoirs pour l’avenir. Seule la mort de Nada semble un peu artificielle, comme s’il avait fallu que Karim souffre encore. Ou peut-être que cette mort-là, parce qu’elle est le fait de la perversité des hommes, est comme un symbole de la perversité de la guerre qui tue des enfants et détruit l’avenir ?

Ariane Tapinos (mars 2009)

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31/03/2009 | Lien permanent

Les Enfants de Noé | roman de Jean JOUBERT

enfants de noé.gifÉd. L'École des Loisirs, coll. Médium | 1987 | 207 pages – 6€

Février 2006: Simon, sa sœur Noémie et leurs parents sont coincés par la neige dans leur maison-chalet des Alpes. Mais une neige comme celle-ci, personne n’en n’a jamais vu. Très vite, il apparaît que le temps n’est pas près de se dégager et que les secours n’arriveront probablement pas. Dès lors, coupée du reste du monde, la famille prend des mesures pour sa survie.

Paru en 1988, ce roman de science-fiction évoque la possibilité d’un dérèglement du climat. Dans ce scénario, l’hémisphère nord tout entier est plongé dans le chaos par la tempête. La survie de Simon et sa famille passe par un retour aux gestes ancestraux: entretenir un feu, faire son pain, veiller sur les animaux qui assurent la nourriture. Nostalgique d’un mode de vie aujourd’hui presque disparu, ce très beau roman est encore d’actualité.

Nathalie Ventax (janvier 2010)

 

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30/01/2010 | Lien permanent

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